60 ans de transgressions !

Le cinéma représente la frontière sous ses formes multiples, à savoir visibles et invisibles, physiques et mentales, géographiques, politiques, sociales, linguistiques, culturelles et religieuses. La frontière, cet idéal du conflit, est une ligne de démarcation mais aussi un lieu de passage. Comment le cinéma aborde-t-il l’idée de la transgression des frontières dans un monde globalisé ?

 

 

 

Transgression et interdits dans le cinéma.

 

L’affiche du film de Pedro Almodóvar, Madres paralelas, a été censurée par Instagram. Selon ce réseau social, cette affiche est porteuse…Un contenu à caractère sexuel ou pornographique. La censure imposée à cette affiche métaphorique et intertextuelle, qui a été substituée tout de suite à une autre plus classique par son affichiste espagnol, et relance aujourd’hui la question de la pudeur, de l’exhibition indécente, des interdits, du désir de transgression. À la suite de cette polémique, l’affichiste espagnol a déclaré…La controverse est tellement absurde que j’ai du mal à croire qu’en 2021 quelqu’un puisse être offensé par cela. L’affiche du téton, qui constitue, entre autres, une métaphore de la maternité, fait partie aujourd’hui de la censure cinématographique. Le désir de transgression d’Almodóvar n’est pas un sujet nouveau.

 

 

Depuis ses débuts, le cinéma est, sans conteste, le lieu, par excellence, d’une mise en crise des rapports entre le visible et l’invisible. Cette goutte de lait, que le graphiste espagnol a voulu représenter, dé/voile, par déplacement iconique, ce qui est invisible aux yeux des spectateurs…La larme d’un œil qui pleure, métaphore oculaire qui n’est pas sans rappeler celle du Chien andalou. La monstration de ce sein en gros plan décèle tout en cachant, et « c’est là que ça manque le plus […], [car] ce n’est jamais assez. L’image cinématographique est hantée par ce qui ne s’y trouve pas » (P. Bonitzer, Le regard et la voix, 1976).

 

Dans À propos de Nice (1930) de Jean Vigo, les images qui se juxtaposent exercent une fascination indéfinissable sur le spectateur, comme celle d’une jeune aristocrate assise dont les tenues changent au point de se révéler nue. Volonté de troubler ou désir de révéler la vérité nue, le film habille et déshabille, déconstruit pour mieux reconstruire. Comment approcher aujourd’hui la question de l’interdit, de la pudeur, cet objet de pensée, cet instinct impénétrable à l’autre qu’on a du mal à dévoiler ? On peut y voir d’emblée une connotation mythologique, et cette notion d’interdit qui est le propre des mythes grecs et romains. Le regard d’Eurydice lancé en arrière est un acte de transgression, tout comme le regard d’Actéon sur Artémis prenant son bain. La punition pour celui ou celle qui a fixé l’interdit est immédiat et possède un arrière-goût de péché originel. Eurydice disparaît pour toujours dans les ténèbres, Orphée inconsolable périt, déchiré entre les mains des Bacchantes, et Actéon est transformé en cerf avant d’être dévoré par ses chiens. On retrouve d’ailleurs cette métaphore du regard foudroyant et foudroyé tel celui de la Gorgone dans Les Yeux sans visage de Georges Franju, un film qui a beaucoup influencé Almodóvar dans La piel que habito (2011), mais également celle de la déchirure. L’œil représenté par Buñuel et Dali qui est tranché par le rasoir transforme le spectateur en voyeur et le plonge dans l’introspectif et le spirituel où le réel reste à être reconstruit.

 

 

 

 

 

 

Parcours initiatique dans l’univers de la transgression au cinéma*.

*Les cinémas Indien & Russe & Asiatique ne seront pas évoqués par manque de maîtrise de ces univers qui ont toutes leurs places dans l’histoire du cinéma.

 

Après presque 30 années passées sous le joug du CODE HAYES entre 1934 et 1962 le monde du cinéma occidental va se réveiller aux lumières de toute une jeunesse désireuse de voir d’autres choses, d’autres pensées, de vivre une vie plus libre, plus créatrice sans barrières ni tabous et sous tous les genres…

 

Sélection de films majeurs dans l’expression de la  transgression depuis les années 70  à  2021.

 

 

L’ANGE NOIR  Symbole du mouvement UNDERGROUND au cinéma.

Incarnation idéale des aventures de la modernité des années 60 et 70, Pierre Clémenti avait préféré rester un artiste libre plutôt que d’épouser la carrière qui s’offrait à lui. Pierre Clémenti est mort le lundi 27 décembre 1999 à 57 ans. Entre deux tempêtes, comme il avait toujours vécu. Il est l’incarnations du grand chambardement des années 60 et 70, ces années où, d’A bout de souffle et Adieu Philippine à La Maman et la Putain, le cinéma a vacillé sur ses bases tout en atteignant sa plus grande ouverture et une intensité de renaissance. De Visconti (Le Guépard) à Garrel (Le Lit de la vierge et La Cicatrice intérieure), de Buñuel (Belle de jour) à Pasolini (Porcherie), de Glauber Rocha (Têtes coupées) à Bertolucci (Partner), Clémenti a été de tous les coups, de toutes les aventures, fascinant les maîtres anciens comme les meilleurs représentants de ce cinéma qui se rêvait « nouveau ». Beau comme Delon, capable de faire vibrer chaque plan par sa seule présence, il était devenu un pôle magnétique, un héros. Et puis il a disparu, des écrans sinon des mémoires, à la suite d’une affaire de drogue qui l’a expédié dans une prison italienne. Avant de renaître une dernière fois sous la caméra de Monteiro (Le Bassin de J. W.). Clémenti n’était pas un acteur maudit, ni oiseau abattu en plein vol ni raté volontaire, juste un artiste, un comédien et un cinéaste (Visa de censure, New old, Soleil, A l’ombre de la canaille bleue).

 

 

 

EXTRÊME…Derrière la porte verte

 

Film pornographique & psychédélique américain sorti en 1972. Un des classiques du genre. Avec l’actrice Marilyn Chambers qui deviendra une célébrité, un des premiers films hardcore distribué aux États-Unis et premier long métrage réalisé par les frères Mitchell et premier porno américain avec une scène interraciale. Avec les films Gorge profonde et L’enfer pour miss Jones, Derrière la porte verte mène à une explosion du genre porno chic et au commencement de l’âge d’or du film pornographique. Le film fut diffusé lors du festival de Cannes. Film important pour le genre pornographique parce qu’il dit déjà tout sur le X dès les années 70. Le charme de Miss Chambers et une patine années 70 avec la musique et un certain discours hédoniste New Age typiquement californien, où « l’énergie du bien-être monte des pieds » délicieuse tirent le film, distancié et excitant, vers le haut et vers un mystère autrement plus trouble que l’obsession contemporaine de transparence sexuelle.

 

 

 

 

 

SEXUALITÉ…Inceste / Passion / Morale / Charnel / Viol / Siffredi / Sida…

 

 

Sept films sur le sexe et la frontière entre la beauté de l’amour, la passion et la violence dans les actes qui peuvent conduire jusqu’à la mort. A noter que le film Romance qui ose le plus dans l’exposition de l’acte sexuel est réalisé par une femme.

 

 

 

 

SANS LIMITE…Huit parcours de vie sans règles ni limites…

 

 

ces 8 films réalisé par des hommes ont en commun l’histoire du parcours d’hommes en lutte pour trouver une place ou pas dans une société moderne occidentale impitoyable et violente…

 

 

 

 

 

DÉSORDRES…Prier ! Travailler ! Bouffer ! Profiter ! S’évader ! Oser !

 

 

Tous parlent de liberté ! 5 sont réalisés par des européens / Dans les années 70, ils avaient le désir de provoquer, bousculer sans voir que les histoires racontées pouvaient  blessées  les actrices impliquées. Il y a 30 ans c’était encore les hommes qui filmaient des parcours de femmes…Aujourd’hui les réalisateurs filment des histoires d’hommes…

 

 

 

VIOLENCES…A voir dans l’obscurité d’une salle de cinéma…

 

 

Depuis 50 ans les films explorent toutes les folies, les excès, attisent les peurs par le rouge du sang, par la tension et l’absence d’images. Kubrick lui avant tous les autres a compris que c’est dans la normalité de nos vies que peut se révéler le pire…Aujourd’hui ce sont des femmes qui explorent cet univers trouble et dangereux.

 

 

 

 

INSOUTENABLES…Par les idées, les images…Difficile d’accepter, de rester…

 

 

Lorsque les réalisateurs parlent de « Salo les 120 jours de Sodome »  de Pasolini, ils disent l’avoir vus mais ne veulent plus jamais le revoir…Ce sont des films qui peuvent vider une salle avant la fin de la projection…Alors pourquoi ? Pour qui ? créer ses films…