1979 – Roulette Russe…

Avant 1978 et Voyage au bout de l’enfer personne n’avait abordé frontalement le sujet et personne n’était parti tourner en Asie sur les traces des soldats…Un mariage longuement filmé au cœur d’une Amérique profonde, industrielle, religieuse et patriotique. Le sédiment de cette nation puissante. Au petit matin nous les retrouvons pour une dernière chasse avant de partir au Vietnam. Tout bascule en un plan, en une scène apocalyptique de tension, de violence. Bienvenue pour un Voyage au bout de l’Enfer ! Inoubliable ! Mythique ! Film culte sur la guerre du Vietnam et bien plus encore ! Un marqueur puissant pour les amoureux du cinéma.La guerre du Vietnam était un sujet taboue aux USA. JP

 

 

 

 

Début des années 70, Cimino à Hollywood aide un ami à écrire le scénario de Silent Running et contracte le virus du cinéma. Il écrit seul un scénario Le Canardeur et le propose à la plus grosse star de l’époque Clint Dirty Harry Eastwood qui reconnaît la qualité du script et souhaite le réaliser lui-même. Cimino insiste pour réaliser lui-même, Clint accepte et lui concède les trois premiers jours de tournage…Sinon tu dégages, tu seras payé et je reprendrai les rênes. Eastwood apprécie son travail, le produit et joue. Quatre ans après en 1978, Cimino réalise son deuxième film Voyage au bout de l’enfer qui rencontre un immense succès, confirme l’acteur Robert de Niro, fait connaître Meryl Streep et Christopher Walken. Voyage au bout de l’enfer Oscars 1979 – Meilleur réalisateur & film / Meilleur Montage et Son / Meilleur acteur dans un second rôle pour Ch. Walken.

 

 

 

 

 

 

Michael Cimino obtient d’United Artists le contrôle total pour son western La Porte du paradis (Heaven’s Gate) basé sur une histoire réelle arrivée à la fin du XIXe siècle, sur la lutte entre un groupe de fermiers immigrants et de riches éleveurs. Le tournage est beaucoup plus long que prévu et plus beaucoup plus coûteux. A New York en novembre 1980 La première est désastreuse. Les américains ne supportent pas la vision réaliste d’une Amérique raciste et violente envers l’autre.  Le film est un fiasco financier qui conduit United Artists à la banqueroute. Le 30 août 2012 une nouvelle version remontée par Cimino, restaurée et remasterisée de 216 minutes, présentée à la Mostra de Venise reconnaîtra le chef-d’œuvre.

 

 

 

 

 

 

1985 – Cimino réalise Year of the Dragon, le scénario est écrit par Cimino et Oliver Stone. Polar crépusculaire et ultra-violent avec Mickey Rourke en policier sur le retour, colérique, buté en lutte contre la pègre chinoise. Le film reçoit un accueil mitigé aux États-Unis, Il réalisera ensuite trois autres films sans intérêt, le ressort est cassé.

 

The Deer Hunter et Heaven’s Gate…Grands films du cinéma américain.

 

 

 

 

 

Michael CIMINO   03/02/1939 – 02/07/ 2016.

 

Réalisateur, scénariste, producteur.

Vous êtes la dernière merveille, puis on vous écrase, puis on vous remonte à nouveau. Ce rituel américain est tellement archétypal qu’on en fait même des films…Montée, chute, remontée, on pourrait citer mille titres ! Ce schéma exige que vous soyez traîné dans la boue puis que vous renaissiez couvert de sang, moi, on m’a collé toutes les étiquettes. J’ai été traité d’homophobe pour Le Canardeur, de fasciste pour Voyage au bout de l’enfer, de raciste pour L’Année du dragon, de marxiste pour La Porte du paradis et de violent pour La Maison des otages.

                 

                                        

 

 

Robert DE NIRO

 

54 ans de carrière et 135 films à son actif. Sur les 20 premières années d’acteur il va jouer dans 15 grands films dont 7 de Martin Scorcese. Cette période illustre l’explosion des codes dans le cinéma américain avec l’émergence d’une jeune et brillante génération d’acteurs, actrices et de réalisateurs. Depuis cette incroyable période il tourne encore beaucoup sans retrouver cette flamme.

 

 

 

 

15 films sur 20 ans…

1973 – Mean Streets / M.Scorcese
1974 – Le Parrain 2 / F.F.Coppola
1976 – Taxi Driver / M.Scorsese
1976 – 1900 / B.Bertolucci
1977 – New York, New York / M.Scorsese
1978 – Voyage au bout de l’enfer / M.Cimino

1980 – Raging Bull / M.Scorsese
1984 – Il était une fois en Amérique / S.Leone
1985 – Brazil / T.Gilliam
1986 – Mission / R.Joffé
1987 – Les Incorruptibles / B.De Palma
1990 – Les Affranchis / M.Scorsese
1991 – Les Nerfs à vif / M.Scorsese
1995 – Casino / M.Scorsese
1995 – Heat / M.Mann

 

 

 

PRÉPARATION ET TOURNAGE DU FILM…Durant la scène de la roulette russe, d’une rare violence, Robert De Niro recevra pour de vrai les coups portés par ses tortionnaires. Il sera frappé plusieurs fois au visage. L’acteur avouera que cette séquence a été l’une des plus difficiles à tourner de sa carrière. Michael Cimino et lui parcoururent le pays pendant cinq semaines pour rassembler les idées et les personnages qui allaient donner corps au film. Ils se rendirent dans une région sidérurgique pour se mettre en contact avec des ouvriers. Robert De Niro vécut intimement dans la petite ville de Clairton six semaines avant le début du tournage. Il fréquenta les ouvriers, but au bar du coin, joua au billard et étudia les accents. Il alla même jusqu’à changer son permis de conduire de New York contre un permis de Pennsylvanie. Il prit de nombreuses notes concernant la chasse au cerf et le travail à la sidérurgie. Robert De Niro et John Savage refusèrent d’être doublés pour la fameuse scène de fuite en hélicoptère où ils tentent d’y grimper et finissent par lâcher prise pour retomber dans le fleuve. Cette périlleuse cascade nécessita quinze prises et deux jours complets de tournage.

 

 

 

 

Une carrière brisée…

 

John Cazale atteint d’un cancer des os, rejoint le film à la demande de Robert de Niro. Les producteurs découvrent qu’il est malade et désirent le remplacer. Sa compagne Meryl Streep, menace de quitter le tournage. John Cazale meurt sans voir la version finale.

 

5 films tous sélectionnés sur les grands festivals du Monde avec de nombreux prix.

 

1972 – Le Parrain – Francis Ford Coppola

1974 – Conversation secrète – Francis Ford Coppola

1974 – Le Parrain 2 – Francis Ford Coppola

1975 – Un après-midi de chien  – Sidney Lumet

1978 – Voyage au bout de l’enfer – Michael Cimino

 

 

 

 

 

LA FIN DE L’INNOCENCE…

 

 

 

Le cinéma de Cimino est avant tout de l’identité, de l’humain de ses origines est dans son tout ses films. Etre d’origine russe et être américain est à la fois un fait et un statut qu’il faut sans cesse réaffirmer, comme le prouvent les portraits géants des protagonistes suspendus dans la salle des fêtes et encadrés par des drapeaux stars and stripes et des slogans patriotiques. Le groupe renforce sa cohésion identitaire par la cérémonie orthodoxe respectée scrupuleusement.

 

 

 

Vous ne pouvez pas faire pleurer les gens si vous ne les avez pas fait rire avant. La tensions sur la scène de la Pagode et sa roulette russe est la conséquence de l’heure à suivre le groupe pendant le mariage et la chasse.

 

Ce n’est pas un film de guerre, ni un film politique sur la guerre du Vietnam. Juste la vie des gens et l’impact des événements sur leur rapport au groupe et à eux-mêmes. Des personnes qui endurent cette guerre pour pouvoir préserver leur patrimoine identitaire ou le reconstruire a posteriori et découvrir quels tourments ils devront endurer pour y parvenir.

 

Michael CIMINO

 

 

 

AUX ORIGINES…

 

1968, EMI célèbre label musical grèe sa filiale EMI Films, En possession d’un script intitulé The Man Who Came To Play sur des séances clandestines de roulette russe à Las Vegas. Impressionné par la première réalisation de Michael Cimino âgé de 34 ans basée sur son script sanctifié par Clint Eastwood en personne pour lequel il avait déjà co-écrit Magnum Force, avec John Milius, EMI contacte Cimino.

La roulette russe, métaphore parfaite de ce que l’Amérique faisait endurer à sa jeunesse en envoyant tous ces jeunes au Vietnam vers un rendez-vous hasardeux et brutal avec la mort. Ayant toujours nourri l’espoir de réaliser un film avec ce conflit pour toile de fond, Cimino propose de fusionner le script avec son propre projet de film de guerre. Le script de The Deer Hunter arrive à son ossature définitive en trois actes.

Robert De Niro s’impose pour le rôle principal dans l’esprit de Cimino et le premier acteur choisi. La star montante de Taxi Driver, auréolée d’un Oscar du Meilleur Second Rôle pour Le Parrain 2 sort d’un échec commercial New York New York. Captivé par le script et les travaux préparatoires du metteur en scène il propose de recruter les autres rôles principaux par son intermédiaire. Il contacte John Cazale Christopher Walken et John Savage. Meryl Streep repérée par Cimino lui-même à Broadway, est engagée le soir même.

Les scènes à Clairton sont tournées dans huit endroits différents à travers quatre états. La scène du mariage, tournée dans une église russe orthodoxe de Cleveland, malgré le retard accumulé sur cette seule scène Cimino s’attarde sur chaque plan de danse et de fête, préfigurant les excès de La Porte du paradis. Le directeur de la photographie se rappelle…Cimino ne savait pas lui-même ce qu’il cherchait dans cette scène, mais il savait qu’il cherchait quelque chose de spécial sur la façon dont il tournerait le mariage, mais avec raison. Cette scène est le cœur du film. La Thaïlande fit office de Vietnam.

 

 

 

 

PREMIER ACTE…

 

 

Cimino s’attarde longuement sur ses personnages principaux, des sidérurgistes aux origines russes vivant à Clairton, petite ville ouvrière de Pennsylvanie. Leur identité profonde nous est révélée par le biais du mariage de Steven, l’un des futurs GI’s appelés à combattre l’ogre communiste au Vietnam, inscrivant d’emblée les personnages dans leur singularité culturelle. Une demi-heure durant, la caméra de Cimino glisse d’un personnage à l’autre et nous apprenons à les connaître tous dans leur individualité, à partager leurs joies, leurs peines, leurs espérances et leurs pensées les plus troubles. Pour les représenter à l’écran, le réalisateur se sert essentiellement des plans larges afin de les inscrire dans la multitude et, ce faisant, fait référence directement au cinéma de Visconti qui reste l’un de ses maîtres à penser avec John Ford et Sam Peckinpah. En zoomant sur un personnage particulier pour s’attarder sur lui, Cimino évite ainsi le sentiment d’isolement que provoquerait un mouvement de caméra plus « moderne » comme le travelling. Tous les personnages sont unis dans une même énergie, une même mouvance stimulée par leur identité collective. Après une nuit bien arrosée s’ensuit une dernière partie de chasse au cerf, à l’aube, par laquelle Cimino plonge ses personnages dans une brume poétique qui symbolise sans doute l’inconnu dans lequel Michael, Nick et Steven s’apprêtent à être engloutis en Asie. La chasse contraste ici de manière éclatante avec les tueries qui vont suivre. « Le chasseur est ici une figure mythologique renvoyant de manière métaphorique aux origines primitives du territoire. Le meurtre de l’animal revêt un sens profond, résolument sacré, et il se déroule selon des règles précises et avec le respect qui s’impose pour la proie avec le « one shot » de Michael, qui consiste à abattre le cerf d’une seule balle.

 

 

 

 

DEUXIÈME ACTE…

 

 

Passage brutal de l’intérieur d’un bar américain gonflé de chaleur humaine à la boue froide et ensanglantée du Vietnam, dans laquelle les hommes tombent pour rien, dans le chaos et la fureur la plus totale, et avec une barbarie indescriptible. Cimino met clairement les deux premiers actes de son film en opposition, entre le quotidien de la vie civile et le contraste les horreurs de la guerre et le traumatisme sur la chair et les esprits. Toute la construction du premier acte vole en éclat. La cohésion du groupe est brisée, les personnages inséparables sont séparés. Ils ont perdu leur identité et ne finissent par se retrouver réellement uni que dans la souffrance, aux mains de leurs tortionnaires. Les plans larges du début laissent place à des gros plans isolant les personnages, désormais seuls face à eux-mêmes et leurs angoisses, dans une mise ne scène qui stigmatise la désintégration du collectif. Contraints à jouer au jeu inhumain de la roulette russe, leur patriotisme a disparu « On a rien à faire ici, je veux rentrer à la maison ». Michael revient seul et refuse les honneurs d’un retour triomphal. Steve refuse à sortir de l’hôpital militaire pour rejoindre sa femme. Nick représente la quintessence de la perte d’identité du groupe dans l’ultime scène de roulette russe qui oppose Michael à Nick est l’exact contraire de celle qui prit place dans la geôle vietnamienne.

 

 

 

 

 

TROISIÈME ACTE…

 

Retour à Clairton, pour un dernier regard plein de mélancolie sur ses personnages. Là où Michael a échoué dans sa tentative de reconstruction forcée, la communauté parvient finalement à se reformer d’elle-même autour d’une même souffrance.

 

Ayant retrouvé et accepté leur identité originelle ils se rassemblent pour honorer Nick en entonnant l’air du God Bless America, chant traditionnel pour affirmer leur appartenance à cette unité fantasmée de l’Amérique qui révèle un patchwork de communautés soudées dans la différence par un lien indéfectible à l’identité primitive américaine.

 

 

 

 

 

 

FATALISME ET JEUX DE MIROIRS…

 

 

 

 

Les trois actes s’inscrivent donc dans une progression consciemment étudiée et inéluctable, « celle qui conduit le spectateur d’un mariage à un enterrement, avec l’église orthodoxe comme point d’ancrage de la fatalité ». A l’image du jeu des oppositions entre la célébration de la vie maritale et la célébration de l’éternité dans la mort, les deux parties de chasse sont présentées comme d’exacts contraires. Dans la première, Michael y trouve la sérénité, un sens à son existence. Dans la seconde, il pourchasse ce cerf incarnation de sa perte d’identité pour finir par le laisser s’en aller. Il épargne la bête, renonce à son refus obstiné d’admettre que les choses ne seront plus jamais comme avant. Il cède face au déterminisme et la fatalité. La chasse a ici perdu son caractère sacré et ne représente plus que la mise à mort pure et simple de l’innocence. Lui qui ne jurait que par le « one shot » ne doit sa survie au Vietnam qu’au fait d’avoir pu jouer sa peau au trois balles dans le barillet. Tout est affaire d’oppositions, de jeux de miroirs.

 

 

 

Au Vietnam, le chasseur de cerf se mue en tueur d’hommes, la proie devient humaine et elle perd la vie de manière brutale et aléatoire, comme l’exprime métaphoriquement le jeu de la roulette russe.

 

 

 

 

Si Michael, Nick et Steve parviennent à échapper quotidiennement aux flammes de l’enfer des hauts fourneaux de Clairton c’est parce qu’ils escaladent régulièrement les montagnes environnantes pour accomplir un acte qu’ils considèrent sacré (la chasse). Michael, tel Orphée, redescendra aux Enfer (le Vietnam) pour aller chercher son ami Nick, qu’il retrouve après avoir donné l’obole au « promoteur » Français, sorte de Charron qui l’aidera à traverser ce Styx qu’est devenu le fleuve qui lézarde les entrailles d’un Saïgon en proie aux flammes et à la désolation. Tout comme Eurydice est transformée en pierre lorsqu’Orphée se retourne vers sa bienaimée sur le chemin de la sortie du Royaume d’Hadès, Nick trouve la mort au moment même où il semble pouvoir émerger de sa folie, lorsqu’il reconnaît son ami tandis qu’il arpente métaphoriquement le chemin menant à la sortie de l’enfer vietnamien. Cimino prend un malin plaisir à souligner dès le début du film le rôle capital de la fatalité. Michael croit d’abord détecter un bon présage indien pour les chasseurs dans les « faux soleils » qu’il distingue dans le ciel, mais l’annonce du malheur est quant à elle garantie par les gouttes de vin tachant la robe de la mariée. D’autres signes annonciateurs de la tragédie à venir semblent être volontairement disséminés dans le film, tel ce soldat béret vert qui apparaît durant les festivités du mariage de Steven et Angela, traversant la salle comme un mort-vivant, sorte de spectre macabre annonçant la fin des réjouissances. Son attitude glaciale et méprisante (« Fuck it ») renforce le sentiment d’aliénation de Michael et ses amis, et leur sensation d’appartenance à une communauté étrangère alors qu’ils s’apprêtent à servir un pays qui semble soudain les rejeter. Quand le monde extérieur fait irruption au cœur du mariage par l’intermédiaire du béret vert, les premières tensions surviennent. Michael en vient presque aux mains avec le soldat qui a perdu toute identité, ne reconnaît personne et à l’image de Michael plus tard, se marginalise complètement, Stan frappe une petite amie, se bagarre avec Nick. Cimino tient à montrer que ce n’est pas la guerre qui est une aberration dans ce monde violent, mais la paix.

 

 

 

 

 

 

UNE QUÊTE IDENTITAIRE…

 

Chez Cimino, l’Américain est donc cet être déchiré entre sa propre culture, ses origines et son désir d’appartenir à une Amérique qui relève de la dimension mythologique. Cette manière de réaffirmer sans cesse l’identité américaine sans en nier les disparités et les dissensions, de faire de cette identité une valeur jamais acquise pour de bon mais au contraire l’objet de constantes et nécessaires reconquêtes, est une caractéristique qu’on retrouve au cœur du cinéma de John Ford, héros absolu de Michael Cimino. Comme chez Ford, il accentue l’importance des rituels dont la danse tient une place capitale, tout comme dans La porte du paradis, ou encore les cortèges de L’Année du dragon comme facteur identitaire déterminant. Il dispose ses personnages sur une toile de fond gigantesque pour rappeler leur place dans la mécanique du monde et souligner le déterminisme de la nature et la prépondérance des grandes étendues magnifiques, ces espaces sauvages vierges de toute intervention humaine rappelant…Les origines d’un terre primitive agissant comme socle identitaire de la nation américaine. Le chasseur de cerf est donc, par son lien évident avec le chasseur indien, cette figure mythologique du territoire originel. La guerre est venue rompre ce lien sacré, annihilant cette harmonie qui régnait entre le chasseur et son territoire, provoquant dès lors sa détresse identitaire. Très critiqué, suscitant de nombreux malentendus sur la manière avec laquelle il montre la tradition et ses rituels, aisément assimilables à une forme de vision réactionnaire. Pour Cimino, ils ne sont là que pour synthétiser les dimensions sociales, culturelles et communautaires. Une vision de l’Amérique non comme un historien mais comme un cinéaste, ce qui n’empêcha pas la scène du « God Bless America » d’être jugée antipatriotique et réactionnaire à l’heure du cinéma libéré et contestataire du Nouvel Hollywood.

 

 

 

 

 

 

Chronique de l’Amérique des années 60  par Léo Moser

 

1968. Dans la ville ouvrière de Clairton, en Pennsylvanie, le mariage entre Steven et Angela bat son plein. On danse, on boit, on crie de joie, la fête semble parfaite. Ne serait-ce cette infime goutte de vin que seul le spectateur distingue qui s’échoue sur la robe immaculée de la mariée. Elle présage de l’enfer que vivront Steven (John Savage) et deux de ses amis sidérurgistes (Robert De Niro et Christopher Walken) deux ans plus tard Vietnam. Loin d’être gratuite, cette image symbolique est le point névralgique de la somme d’histoires que raconte ce chef-d’œuvre. A la fois chronique d’une Amérique, prolétaire et déclassée, issue de l’immigration russe, et méditation vertigineuse sur le point de bascule vers la folie, le film passe de la liesse d’un mariage d’une démesure slave au chaos vietnamien. Une chasse au cerf, qui donne au film son titre original The Deer Hunter, dresse le pont entre ces deux séquences. De l’euphorie du mariage, où se jouent amourettes, petites trahisons entre amis et déclarations alcoolisées, à celles, insoutenables, de roulette russe imposée aux trois hommes par leurs geôliers vietnamiens, difficile d’identifier lesquelles sont les plus mémorables tant elles rivalisent de virtuosité et entretiennent un dialogue glaçant. Grand film sur la perte de l’innocence, convoquant le motif biblique du déclassement du paradis à l’enfer, Voyage au Bout de l’Enfer trouve son point d’orgue dans une scène sublime dans laquelle Mike, revenu du Vietnam, n’étant guère plus que l’ombre de lui-même, retourne seul chasser le cerf. Alors qu’il pointe son fusil sur l’animal, ce dernier lui adresse le regard apitoyé de l’innocent sur l’homme ayant fait la guerre. Mike baisse son arme. Cet instant où le crime n’a pas lieu est celui du refus de la folie et l’interruption du cycle de la violence qui avait jusqu’ici contaminé le film….Imensément beau.

 



 

 

 

 

VIETNAM ET HOLLYWOOD…JE T’AIME, MOI NON PLUS…

 

La blessure occasionnée par cette guerre qui ne disait pas son nom était si profonde qu’Hollywood ne se risquait pour ainsi dire pas à en parler à l’époque. La plaie était encore trop fraîche et purulente. En 1968, Les Bérets verts fut le premier film à aborder le Vietnam en plein milieu du conflit, mais il fut ouvertement critiqué pour son traitement superficiel des évènements et du vécu des soldats. Il faudra que les USA se remette quelque peu du choc pour accueillir en 1976 Taxi Driver de Martin Scorsese, le premier long-métrage de fiction à s’attarder sur le trauma causé par cette guerre sur toute une génération. 1978 Le Retour de Hal Ashby, Oscar du Meilleur Acteur et de la Meilleure Actrice à Jon Voight et Jane Fonda. La même année Voyage au bout de l’enfer l’un des des plus mythiques, rouvrait la plaie béante que représente ce conflit armé sale et vicieux dans la conscience collective américaine par son tranchant, son énergie désespérée et son cynisme désabusé. Un an plus tard Apocalypse Now de Francis Ford Coppola en montrait toute la démesure. Il faudra attendre 1982 avec Rambo de Ted Kotcheff et Né un 4 juillet d’Oliver Stone en 1989 sans oublier deux autres grands films sur le conflits 1986 Platoon d’Oliver Stone et 1987 avec Full Metal Jacket de Stanley Kubrick.

 

 

 

 

Affiches des films principaux sur la guerre du Vietnam.

Les 4 dernières pour les 4 plus grands.