C’est le récit de l’offensive américaine à Mogadiscio, Somalie, du 3 octobre 1993, organisée pour capturer deux chefs de guerre et mettre fin aux affrontements tribaux. Mais la mission éclair va se transformer en long calvaire pour les soldats piégés dans le labyrinthe de la ville, sous le feu nourri de la population. Film sur une déconfiture historique de l’armée américaine, il n’est pourtant ni défaitiste ni antimilitariste. Il exalte au contraire l’héroïsme des recrues, pour la plupart jeunes, novices et idéalistes, plongées dans une situation explosive. Même l’officier en charge des opérations est pardonné lorsqu’il prend conscience de l’étendue des dégâts et décide d’en assumer les responsabilités. La Chute du faucon noir est très proche de Il faut sauver le soldat Ryan et Pearl Harbor. Il emprunte l’esthétisme du premier…La guerre comme si vous y étiez…La morale du second…l’Amérique est grande même dans ses défaites. Les deux tiers du casting qui rempilent pour une troisième aventure belliciste sous les ordres du colonel Scott et du général Bruckenheimer. Malgré l’audace de son sujet de traiter d’un revers cuisant de la politique extérieure du gouvernement US, à peine sorti du conflit afghan est donc une production de série, un film de propagande. Le réalisme des combats est impressionnant, mais le discours du film ne fait qu’appuyer la nécessité de l’interventionnisme des USA devant les déficiences de l’ONU et les provocations des ennemis du tiers-monde, misérables et faméliques, mais dont il serait fatal de sous-estimer la force de frappe. Un message pour le moins opportuniste, reçu cinq sur cinq par le public américain.
HISTOIRES DE PRODUCTION…
Inspiré du livre écrit par Mark Bowden sur le 3 octobre 1993…La Somalie est depuis 78 en guerre civile. Le président est renversé en 1991 par le général Aïdid, seigneur de guerre, qui s’empare de la capitale, Mogadiscio. L’ONU intervient en 1992 pour sécuriser l’aide alimentaire à la population, sans y parvenir car les milices d’Aïdid s’emparent des vivres afin d’affamer leurs ennemis. Les USA envoient des troupes pour soutenir les casques bleus. C’est l’opération « Restaurer l’espoir ». Aïdid contrôle le centre de Mogadiscio, et les américains sont sur l’aéroport près de la ville. Octobre 1993, les yankees lancent un raid afin de capturer les lieutenants d’Aïdid. Ils y arrivent mais le repli se passe mal, les somaliens attaquent les américains et déclenchent une sanglante bataille.
Le script écrit par Ken Nolan, sur la base du premier draft effectué par Bowden lui-même et d’autres réécritures furent effectuées par Steven Gaghan (Traffic et Syriana), Ezna Sands (Chloe and Theo), Steven Zaillian (Mission Impossible), Eric Roth (Munich) et même Sam Shepard…Relatant avec exactitude les évènements du 3 au 4 Octobre 1993 à Mogadiscio, Black Hawk Down se permet donc de montrer le « God of War » soit l’appareil militaire US mis à genou par le SNA (Somali National Alliance) dirigé par Mohamed Farrah Aidid. Ce qui ne devait être qu’une opération visant à arrêter deux des Lieutenants d’Aidid (Omar Salad et Abdi Hassan Awale), se termina en deux jours d’affrontements musclés. En effet, alors que les soldats du Task Ranger Force descendaient en rappel de l’hélicoptère de combat MH-60 (nom de code Black Hawk), le pilote de celui-ci dû éviter un tir de roquette, ce qui déséquilibra le soldat Todd Blackburn. Il chuta de 10 mètres de hauteurs et tandis que ses collègues lui portaient secours, les miliciens du SNA lancèrent une autre roquette sur le Black Hawk. Ce fut alors l’escalade dans la violence…
Afin de s’assurer de la crédibilité de leurs scènes, Ridley Scott et son producteur Jerry Bruckheimer se sont entourés de collaborateurs avisés avec des anciens Navy Seals et les conseils du Département américain de la défense. Pas de film de guerre sans entraînement intensif…Les acteurs ont participé aux exercices des vrais soldats sur différentes bases militaires des Rangers, des forces spéciales et de la très secrète Delta Force…Technique de combat rapproché, cours sur l’histoire des Rangers, maniement de radios, d’armes automatiques et des fusils M16-A2.
Dans un souci de réalisme, la production a mobilisé d’importants moyens pour reproduire les combats de rue de Mogadiscio avec une quinzaine d’hélicoptères, des dizaines de blindés et de transports de troupe, un véritable arsenal militaire, ainsi que le plus grand système de prises de vue sur grue au monde. L’équipe des cascadeurs était composée de Tchèques, Croates, Canadiens, Français et Allemands. Les guerriers somaliens ont été choisis parmi les étudiants de Rabat, où se déroulait le tournage. Ils étaient originaires de différents pays Africains.
le tournage s’est avéré impossible en Somalie, aucun visa n’étant plus délivré pour ce pays. C’est au Maroc que le film est tourné pendant 92 jours, principalement à Rabat et dans la ville de Sale, située sur la côte atlantique du pays. C’est ainsi que Sidi Moussa, le quartier ouvrier de Sale, s’est transformé en centre ville de Mogadiscio. L’Avenue Nasser de la même ville a abrité le bâtiment cible de l’attaque américaine, construit à neuf. Enfin, un terrain d’aviation de l’armée de l’air marocaine près de Rabat a fait office de base militaire américaine.
Ridley Scott tourne un film de guerre d’un réalisme saisissant avec des scènes ultra-violentes dignes du débarquement dans Il faut sauver le soldat Ryan, mais sur plus de deux heures et quasiment non-stop. Le gars Ridley nous envoie direct en immersion au cœur de combats sauvages décrits sans fard. Sa maîtrise est parfaite et il réussit à rendre claire une situation de départ très confuse, ce qu’on doit principalement à l’excellent scénario de Ken Nolan, et la situation sur le terrain, qui n’est pas moins embrouillée. Il joue à merveille de la grammaire cinématographique, alternant plans aériens et plans au sol dans les rues de la ville, dans les bâtiments, sur les toits, dans les hélicos, dans les Humvees, passant des plans larges aux plans serrés, de la caméra fixe à la caméra portée, et il couvre tous les angles. Le sentiment d’urgence et de vérité est total, avec un son d’enfer fort bien utilisé. Les pales des hélicos vrombissent et soulèvent des tonnes de poussière, les détonations assourdissantes surgissent de partout, les balles et les roquettes sifflent et détruisent hommes, bâtiments et véhicules, la fumée des pneus qui brûlent aveugle les combattants, les hélicos se crashent dans un fracas épouvantable. La photo très travaillée de Slawomir Idziak sublime tout ça en variant des teintes qui vont, selon la localisation et la lumière des scènes, de la clarté maximum jusqu’à la désaturation proche du sépia, tandis que la musique tonitruante d’Hans Zimmer, additionnée de morceaux très bien choisis, électrise l’ensemble. Les effets spéciaux ne sont pas en reste et Scott ne nous épargne aucun effet gore, décrivant par le menu blessures atroces et mutilations sanguinolentes.
J’ai vu des choses incroyables. Des vaisseaux en flammes sur le bouclier d’Orion. J’ai vu des rayons cosmiques briller dans le noir près de la porte de Tannhäuser. Et tous ces moments vont se perdre dans le temps, comme des larmes sous la pluie. Il est temps de mourir… Avant la mort du réplicant dans Blade Runner.
La guerre c’est pas un pique-nique, c’est fait de massacres horribles au milieu desquels on ne peut que tuer ou être tué. Et puis il y a du fond, comme toujours chez Scott. Surprenant de voir un film anglo-saxon narrant un épisode peu glorieux de l’histoire de l’armée américaine lors duquel les boys, nettement mieux armés et équipés que leurs ennemis, se sont fait botter le cul par une bande d’africains pouilleux. On comprend d’ailleurs pourquoi lors du déroulé des évènements. L’Etat-Major US a manifestement sous-estimé les capacités de réaction des somaliens et s’est retrouvé empêtré dans un piège face à des techniques de guérilla qu’il appréhendait mal. Nombreux, mobiles, rapides, déterminés et quand même munis de lance-roquettes dont ils savaient très bien se servir, les miliciens ont mis en déroute des amerlos pris au dépourvu. On voit par exemple la différence de comportement entre les adversaires. Les ricains ont déclenché l’opération sans informer les forces de l’ONU, ce qui a retardé le soutien de celles-ci quand on a eu besoin de leurs renforts. De plus, leur cohésion est minée par la rivalité interne entre les Rangers et la Delta Force, deux services devant collaborer. La façon « civilisée » de concevoir les combats du côté occidental joue son rôle également. Ainsi, les troupes US vont perdre un temps précieux en ramassant systématiquement tous leurs morts et blessés et en les ramenant au camp, Ce qui ne fera qu’occasionner d’autres pertes en mettant en danger les sauveteurs, tandis que leurs antagonistes ne s’en préoccupaient nullement et continuaient de se déplacer rapidement pour harceler leurs ennemis. Finalement, les derniers combattants américains devront s’enfuir en courant sous les huées et les quolibets de la population locale, laissant derrière eux un champ de ruines et un véritable carnage. 19 yankees au tapis, deux hélicos écrasés, les « Black Hawk » du titre, et en face un millier de somaliens tués, dont pas mal de victimes collatérales, femmes et enfants compris. Sans parler des nombreux blessés, souvent gravement atteints, certains jusqu’à la mutilation.
Les USA quitteront le pays en 1994, et les casques bleus en 1995. Et la guerre civile perdure aujourd’hui en Somalie. Naturellement, c’était fait au nom du fameux droit d’ingérence humanitaire si cher à l’Amérique et aux Nations-Unies, qui adorent se mêler de tout, surtout de ce qui ne les concerne pas, et s’apparente à du néo-colonialisme. Car comme il y a de bons et de mauvais chasseurs, il y a un bon et un mauvais colonialisme. Le colonialisme d’autrefois, c’était très mal. On envahissait un pays, on asservissait son peuple, on exploitait ses ressources. En contrepartie, on construisait des routes, des écoles, des hôpitaux, et le niveau de vie des autochtones s’élevait, même s’il restait bien inférieur à celui des colons. C’était du mauvais colonialisme. Le néo-colonialisme, c’est bien. On « intervient » dans un pays en principe souverain, on y patauge, on finit par massacrer ceux qui s’opposent à « l’intervention », et on se barre en abandonnant la contrée dans un état pire que celui découvert en arrivant, les destructions opérées étant destinées à remplir les poches de quelques multinationales, sans doute pas étrangères aux évènements, qui se pointeront ensuite pour reconstruire. Mais c’est un bon colonialisme, car il est justifié par de nobles sentiments. Le film n’élude pas en outre la haine que vouent aux américains en particulier, aux occidentaux par extension et aux blancs plus généralement des africains écœurés par la manière dont ils sont traités et par leurs conditions de vie dramatiques. C’est ce qui a permis à Aïdid de fédérer contre les ricains les diverses factions somaliennes et de remporter cette bataille. Puis les gars ont tranquillement recommencé à se battre entre eux, le général finissant par mourir en 1996 lors de combats fratricides. Ironiquement, ce que l’Amérique n’est pas parvenue à faire, les somaliens l’ont eux-mêmes réalisé.
Le film n’est toutefois pas parfait, car il est parfois ralenti par des scènes de pathos typiquement hollywoodiennes. On fait dans l’émotion, on prononce des paroles sentencieuses, on sort les photos de famille, les mourants demandent aux copains de rapporter à leurs proches leurs dernières paroles, et autres dont raffole le cinéma US. La distribution est très diversifiée et dense. Tous font le boulot efficacement, qu’il s’agisse de Josh Hartnett, Ewan McGregor, Tom Sizemore, Hugh Dancy, Ioan Gruffudd, Jason Isaacs, Sam Shepard, Nikolaj Coster-Waldau ou les jeunes acteurs peu connus à l’époque que sont Tom Hardy, dont c’était le premier film, et Orlando Bloom. Mais ceux qui sortent du lot sont Eric Bana et William Fichtner, époustouflants en bêtes de guerre.
60 ANS DE CARRIERE / 29 LONG METRAGES
AUCUN PRIX…SIMPLEMENT DU SUCCES…
J’ai vu tous ses films…les plus forts ici…