Le début de l’année 2018 a été une probante période en propositions fortes du cinéma américain. Guillermo Del Toro triomphe aux Oscars avec une histoire d’amour entre une femme muette et une créature aquatique durant la Guerre Froide. Frances McDormand part en guerre avec des panneaux comme armes, le monde entier flâne dans l’Italie des années 80 grâce à Luca Guadagnino, Jordan Peele fait un carton plein avec son premier film, Daniel Day Lewis se montre dans son dernier rôle au cinéma, Meryl Streep se bat en femme libre contre tous les hommes, Gary Oldman réveille un vieux lion et la patineuse Tonya Harding revient sous le feu des projecteurs. Des œuvres impressionnantes, des monuments du cinéma d’auteur américain, qui n’ont pas empêché une production plus modeste de trouver un écho auprès du public et de la critique avec Lady Bird. Récompensé à deux reprises aux Golden Globes cette année-là, Lady Bird marque la première réalisation solo de la comédienne Greta Gerwig dix années séparent la sortie française de Lady Bird et Nights and Weekends, co-réalisation signée avec l’une des figures du mumblecore*, Joe Swanberg. Après être apparu chez Noah Baumbach, Mike Mills, Ivan Reitman ou Pablo Larrain, Lady Bird marque le nouvel essai pour cette figure du cinéma indépendant américain en tant que réalisatrice.
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Inspiré par la jeunesse de la réalisatrice, Lady Bird commencerait comme n’importe quel teen-movie indé que l’on a déjà vu. Christine, lycéenne auto-proclamée “outsider” par le pseudonyme de Lady Bird, a comme ambition de partir étudier l’art à New-York et quitter sa ville natale, Sacramento. Une ambition chamboulée par l’arrivée des premiers amours, d’une relation maternelle conflictuelle et de nombreuses désillusions. Plusieurs noms pourraient nous revenir avec ce postulat…Terry Zwigoff, Diablo Cody et Noah Baumbach. Mais un seul nous reste au final, celui de Greta GERWIG. Son passage à la réalisation réinjecte un souffle nécessaire à la comédie américaine. Quand ce registre paraît dorénavant comme plus violent, plus hybride avec des genres tels que l’horreur ou le film d’action, il retrouve une bienveillance chaleureuse avec Lady Bird. Hommage à la ville de Sacramento, elle signe un film-monde où plus l’on explore cette part plus modeste des États-Unis, plus l’on rencontre des personnages qui bénéficient d’un amour inconsidérable de la part de la réalisatrice et du public. Tout le monde a le droit à son heure de gloire dans cette histoire d’apprentissage. L’héroïne éponyme, ses parents, sa meilleure amie, ses petits amis et même ses professeurs. Elle le confirmera avec son adaptation, deux années plus tard, des Filles du Docteur March mais l’empathie est définitivement ce qui compose l’essence de son cinéma. La comédienne-réalisatrice déploie son arsenal de bons sentiments, de comédies et de références nostalgiques pour explorer une part plus modeste de l’Amérique en revisitant Sacramento. Le casting donne vie aux personnages incarnés, par l’humanité qu’il ressort de chacun d’entre elles/eux. Saiorse Ronan y trouve l’un de ses meilleurs rôles mais une pensée aussi pour Laurie Metcalfe, Tracy Letts, Beanie Feldstein, Timothée Chalamet et Lucas Hedges s’impose. Lady Bird redonne à la comédie américaine une empathie qu’elle avait besoin de retrouver. Un récit attachant et drôle sur ce que ça signifie de grandir en tant qu’individu.





*Mumblecore est une mouvance du cinéma indépendant américain née au tournant du XXIe siècle. Ces films sont caractérisés principalement par une production « fauchée » souvent tournés en numérique, des sujets tournant autour des relations entre personnes de vingt à trente ans, des dialogues en partie improvisés et des acteurs non professionnels. Lynn Shelton, Andrew Bujalski, Mark Duplass, Jay Duplass, Aaron Katz, Greta Gerwig, Joe Swanberg ou Barry Jenkins en sont les principales figures. Le mot mumblecore a été forgé en 2005 lors du festival du film de South by Southwest par Eric Masunaga, un ingénieur du son travaillant avec Bujalski (to mumble signifie « marmonner » en anglais). Ce fut Bujalski qui employa le premier le terme lors d’une interview. Les metteurs en scène de ce genre de films sont aussi parfois regroupés sous le terme « mumblecorps, » à l’instar de press corps concernant les journalistes. Les critiques ont aussi employé les termes « bedhead cinema » (« cinéma de chevet ») et « Slackavetes », un mot-valise venant de Slacker, film des années 1990, bavard et au son sale, et du nom du metteur en scène John Cassavetes.


Son premier film est le mieux noté de tous les temps. Greta GERWIG, actrice, scénariste et réalisatrice américaine de 34 ans est sous le feu des projecteurs depuis la sortie aux États-Unis de Lady Bird, sa chronique adolescente incarnée par l’actrice irlando-américaine Saoirse Ronan The Lovely Bones, The Grand Budapest Hotel. Ce premier long-métrage qu’elle a écrit et dirigé seule a reçu la note record de 100% de satisfaction des critiques sur le site Rotten Tomatoes, une référence en matière de cinéma. Du jamais vu dans cette industrie, d’autant plus que le film n’est disponible que dans une poignée de salles de cinéma outre-Atlantique. Nommée aux Golden Globes dans quatre catégories… »meilleur film comique ou musical », « meilleur scénario », « meilleure actrice dans une comédie ou un film musical », « meilleure actrice dans un second rôle » et récompensée en tant que meilleur film comique et meilleure actrice. Les éloges sont telles que lorsque les nominations de la prestigieuse cérémonie sont tombées, les spécialistes du cinéma se sont offusquées à propos de la sélection pour le Prix de la meilleure réalisation. Cinq hommes contre zéro femme. Greta GERWIG avait, selon ces personnes, toute sa place auprès d’un Guillermo del Toro ou d’un Steven Spielberg.
Je suis passée devant un cinéma, il y avait mon visage sur l’affiche, et moi, je ne savais pas où dormir ce soir-là…Voici l’histoire de Greta Gerwig…Née à Sacramento, en Californie, elle a tout d’une surdouée du cinéma. Pourtant, personne dans sa famille n’est issu de ce milieu. Avec une mère infirmière et un père dans le crédit d’entreprise, rien ne semblait vraiment pousser la jeune Greta vers le monde du spectacle. D’autant plus que le parcours de la jeune réalisatrice est jalonné de petits échecs. Alors qu’elle souhaite étudier la comédie musicale à New York, elle atterrit finalement sur les bancs de l’université Columbia avec comme objectif de décrocher un diplôme en anglais et en philosophie. C’est cependant dans cette prestigieuse université que l’étudiante se produit lors d’un spectacle durant l’année 2006, aux côtés de la comédienne Kate McKinnon Saturday Night Live, Ghostbusters. Côté carrière, elle envisage d’abord le métier de dramaturge. Mais là encore, c’est un échec. Sa candidature au diplôme adéquate n’est pas retenue et Greta se tourne alors, par défaut, vers la comédie. Toujours en 2006, encore étudiante, l’apprentie comédienne décroche ses premiers rôles dans deux films LOL de Joe Swanberg et Baghead de Jay et Mark Duplass et débute son envol vers le monde du cinéma indépendant avec, dans une grande majorité des cas, un pied à la fois devant et derrière la caméra. Hannah Take the Stairs en 2007, Nights and Weekends l’année suivante, lui permette de faire valoir ses talents d’actrice, de scénariste et de réalisatrice en collaboration avec Joe Swanberg. Elle apprend sur le terrain tous ces différents métiers qu’elle n’a jamais étudiés dans une école. Trois ans plus tard, elle joue dans Greenberg de Noah Baumbach et devient la chouchoute des critiques du cinéma indépendant. C’est le début d’une nouvelle collaboration marquante dans la carrière de l’artiste. Greta et Noah écrivent ensemble Mistress America (2015) et Frances Ha (2013), portrait d’une danseuse en quête d’identité et d’émancipation entre New York, Paris ou la Californie. Pour ce rôle, elle est nommée aux Golden Globes en tant que « meilleure actrice dans une comédie ou un film musical ». Après avoir joué dans To Rome With Love de Woody Allen et Jackie de Pablo Larraín ou 20th Century Women de Mike Mills, Greta GERWIG n’a déjà plus rien à prouver de son talent à la presse et au grand public.
Avec Lady Bird, la réalisatrice s’émancipe enfin des figures masculines qui l’ont accompagnée au début de sa carrière. Pas étonnant alors que ce long-métrage raconte l’histoire d’une adolescente, ayant grandi à Sacramento elle aussi, en pleine quête d’indépendance. Greta GERWIG semble l’avoir trouvée avec la sortie du film Greenberg en 2010, signé Noah Baumbach, dans lequel elle tient le rôle principal et qui est considéré comme le film qui l’a révélée au grand public. Trois ans plus tard, Greta Gerwig et Noah Baumbach, devenus plus que collègues de boulot, réalisent ensemble Frances Ha. Greta Gerwig incarne l’héroïne, Frances, une chorégraphe en mal de reconnaissance qui peine à trouver sa voie. Symbole de toute une génération en proie au doute et quelque peu désenchantée, comme dirait Mylène, le film remporte un succès unanime et vaut à Greta le Golden Globes de la meilleure actrice dans un film musical en 2014. Avec elle, les personnages féminins ne sont ni des stéréotypes ni des sortes d’idéaux sur lesquels on pourrait projeter des fantasmes. Au contraire, ils sont complexes et perfectibles. On se rappellera notamment de l’incroyable palette d’émotions portée à l’écran par Saoirse Ronan, Florence Pugh et Emma Watson dans son film Les Filles du Docteurs March (2020). Greta prenait alors la liberté de s’écarter du roman original de Louisa May Alcott en donnant, entre autres, une dimension beaucoup plus “vraie” et humaine au personnage d’Amy March, joué par Florence Pugh. Barbie, pourtant un blockbuster, s’annonce sous les mêmes auspices, avec en trame de fond une critique du patriarcat. Margot Robbie, rôle titre du film, a d’ailleurs déclaré qu’elle ne serait jamais rentrée dans la peau du jouet Mattel si ce n’avait pas été Greta Gerwig derrière la caméra.
Le portrait d’une adolescente rebelle est un thème usé jusqu’à la corde au cinéma. Greta GERWIG réussit la prouesse de le renouveler avec un talent fou. Plus que de développer une intrigue, le film est une collection de moments, d’instantanés sur une jeune fille à la croisée des chemins. Avec un sens aigu de l’ellipse, elle enchaîne des scènes brèves qui, toutes, se révèlent signifiantes et essentielles pour construire un portrait riche et nuancé de ce personnage et de son monde. La réalisatrice a réussi avec des êtres de fiction si touchants qu’ils accompagnent longtemps le spectateur, bien après le générique de fin…
Quand on jette un œil à votre biographie, on peut voir des liens entre votre parcours et celui du personnage de « Ladybird », qu’avez-vous pris dans votre vie personnelle pour construire cette histoire ? Je viens de Sacramento, en Californie, et j’ai été dans un collège catholique pour filles, donc cette situation, c’est le lien avec ma vie. Et je savais que je voulais placer cette histoire à Sacramento, parce que j’aime cette ville, et qu’il n’y a pas assez de films qui en parlent. En ce qui concerne le personnage de « Ladybird », d’une certaine manière, elle est à l’opposé de ce que j’étais, je suivais plutôt les règles, en essayant de faire plaisir à tout le monde, je n’ai jamais teint mes cheveux en rouge, je restais plutôt dans les lignes. Mais quand j’ai pensé au personnage, je l’ai créée comme une personnalité qui me plaisait, et quand Saoirse a commencé à jouer le rôle, j’allais enfin rencontrer cette personnalité que j’admirais tellement, que j’aimais et que je venais d’imaginer..
J’ai vu ce film comme une collection de moments, plus qu’une histoire traditionnelle, à l’écriture, quand avez-vous pu ressentir qu’un moment était intéressant plutôt qu’un autre, dans l’histoire ? C’est un long processus d’écriture pour moi, je n’aime pas une intrigue qui se présente elle-même comme une intrigue, j’aime les moments qui se dévoilent devant vous, et dont on réalise a posteriori qu’ils faisaient partie de l’intrigue, j’aime les détails qui deviennent des histoires à part entière, et des choses qui ne sont pas trop balisées…Pour expliquer ce que je veux dire, il y a une maison que Ladybird et ses amis aiment, la maison bleue où ils rêveraient d’habiter, et puis ce moment passe…Et quelques scènes plus tard, vous vous rendez compte que ce type qu’elle aime, c’est la maison de sa grand-mère, et plus tard, elle ment en prétendant qu’elle vit dans cette maison et donc, vous regardez ces scènes, et cela devient un fil qui se déroule durant tout le film. Et donc, cela prend beaucoup de temps, parce que je construis cette histoire à partir des détails de la vie, et pas à partir d’une sorte de grande structure en 3 actes, d’une certaine manière.
Vous avez une carrière d’actrice très intéressante, quelle était l’urgence d’écrite une telle histoire et de devenir réalisatrice ? Ça fait très longtemps que je veux faire de la réalisation, et le temps que j’ai passé à travailler comme actrice m’a permis d’absorber autant que possible des informations sur la construction des films et ce qui permet de faire un film à partir de la page écrite jusqu’à sa sortie dans le monde. Et j’écrivais aussi beaucoup, j’ai écrit deux films avec Noah Baumbach qu’il a réalisés, « Frances Ha » et « Mistress America », et quand nous avons terminé, j’ai commencé à écrire ce scénario. Et dès que j’ai senti que j’avais un scénario bien écrit, je me suis dit, tu as toujours eu envie de faire ça, je pense que maintenant c’est le bon moment…Tu as travaillé pendant 10 ans sur des films, et tu n’apprendras rien de plus sans le faire toi-même. Tu dois le faire, et tu apprendras plus.
Avec votre nomination aux Oscars, vous avez principalement travaillé dans le domaine du cinéma indépendant, avec la liberté artistique que ça implique, est-ce que vous pensez que le succès du film va changer quelque chose pour vous ? avez-vous aussi envie de travailler à Hollywood ? J’aimerais travailler à Hollywood ! pour moi en tant qu’actrice et aussi en tant qu’auteur et réalisatrice, ça a toujours été : est-ce que je suis capable de raconter une histoire qui m’intéresse avec les gens avec lesquels j’ai envie de travailler ? donc c’est une question de liberté, d’avoir la possibilité de faire ce que je veux faire dans le contexte du système d’un studio.






En tournant son premier film avec Joe Swanberg en 2006, Greta Gerwig rejoignait le mouvement new-yorkais indépendant mumblecore [films à petit budget privilégiant un jeu naturaliste], avant de devenir l’actrice fétiche et l’inspiratrice du réalisateur Noah Baumbach, parfois même sa coscénariste comme pour Frances Ha (2013). Mais ce statut de muse semble désormais trop étriqué pour la définir, tant il semble évident que la native de Sacramento n’a besoin de personne, pas même de son compagnon cinéaste, pour exister artistiquement. Avançant à pas feutrés et délicats, Lady Bird, son premier film en solo en tant que réalisatrice, le démontre avec éclat.
Une histoire d’émancipation…Celle d’une adolescente qui vit à Sacramento, un lieu plutôt morne que la jeune rebelle qualifie de “midwest” local, où les journées s’éternisent entre aventures compliquées au lycée et relations houleuses avec celle qui lui a donné la vie. Le film commence par une scène où Lady Bird le prénom qu’elle s’est choisi saute en marche de la voiture conduite par sa mère, excédée par ses remarques et son manque d’empathie. Le film emprunte les rails de la fiction teenage classique, allant même jusqu’à faire de l’éternelle problématique de la perte de virginité l’enjeu du récit. L’adolescence de Gerwig elle-même se devine en toile de fond, jusqu’au choix du meilleur single de Justin Timberlake en bande-son, Cry Me a River. Le passage obligé par le bal du lycée n’est pas éludé. Sauf que ce “déjà-vu” et ce “déjà-filmé”, Greta Gerwig leur donne une autre couleur, un goût différent, une personnalité de tous les instants. Ce glissement vers l’ailleurs se fait de manière subtile, presque imperceptible. Une question de rythme et de regard avant tout. L’héroïne, interprétée par la brillante Saoirse Ronan, n’est jamais regardée comme une bête curieuse, elle est accompagnée pas à pas dans son désir. Une évidence et une fluidité permanentes se dégagent de son parcours et de ses choix, permettant au film de s’extraire des clichés et à un point de vue féminin de se construire. Lady Bird se donne le droit de rêver dans sa propre langue au point de s’inventer un prénom, et cette langue se trouve être celle d’une femme. Quand elle retourne auprès de sa meilleure amie, une fille simple et boulotte qui l’aime tendrement, le film s’éclaire. Sans aucune haine et avec une volonté inclusive permanente, Gerwig dessine un monde envisagé, à présent, depuis un nouveau point de vue. La trajectoire souple et ample qu’elle met en scène se clôt par une forme de retour aux sources apaisé avec la jeune femme, qui a quitté le cocon de l’enfance, décide de reprendre son prénom d’origine. Lady Bird (re)devient Christine, et l’émotion nous saisit. Cette fable fragile et douce sur l’identité se double d’une réflexion politique sur une certaine Amérique middle class laissée à l’abandon, évoquée à travers le personnage du père qui traverse une longue période de chômage. Cette alchimie a plu au-delà des espérances aux États-Unis, au point de recueillir plusieurs nominations aux Oscars.
Cette année a été incroyable pour les femmes au cinéma, pour les actrices, les autrices, les réalisatrices et les productrices. Elles arrivent sur le devant de la scène pour raconter le monde comme elles le voient de là où elles se trouvent. Elle est la réalisatrice du film Barbie avec un budget de 145 millions de dollars, c’est son plus gros film. Greta Gerwig naît en 1983 en Californie. Sa mère est infirmière et son père est consultant financier. À l’université, elle écrit plusieurs pièces et crée une troupe d’improvisation. À 23 ans, elle obtient son diplôme de philosophie, mais elle est recalée par une école d’art dramatique. “J’aime quand c’est ludique et drôle, même si le fond est sérieux. Pour moi, la vie est plutôt comme ça.”. La même année, elle fait ses débuts au cinéma avec un second rôle dans LOL, réalisé par Joe Swanberg, et devient le nouveau visage du cinéma indépendant américain. Pour vivre, elle donne des cours à domicile “Je vivais à Los Angeles pour passer des auditions, mais je n’avais pas d’argent. Mon compte en banque était dans le rouge et j’avais utilisé mes dernières économies pour louer une voiture. Je me rappelle la fois où je suis passée devant la façade d’un cinéma à Los Feliz. Il y avait mon visage sur l’affiche, et moi, je ne savais pas où dormir ce soir-là.”
À 27 ans, sa carrière décolle lorsqu’elle joue dans la comédie Greenberg aux côtés de Ben Stiller. En 2012, elle est nommée aux Golden Globes pour son rôle dans la comédie dramatique Frances Ha, qu’elle co-écrit avec le réalisateur Noah Baumbach. À 34 ans, elle réalise Lady Bird, son premier film, pour lequel elle remporte un Golden Globe « Je voulais faire un film sur ce qu’est un foyer, et sur le fait qu’on comprend que c’en est un seulement après l’avoir quitté. Je voulais raconter une histoire d’amour entre une mère et sa fille. Je savais qu’il n’y avait pas beaucoup de films sur les relations mère-fille, qui sont tellement riches, belles et compliquées à la fois. Je me disais…Tout le monde a une mère ! Alors, pourquoi on n’en parle pas plus ? ». En 2018, elle est la cinquième femme de l’histoire à être nommée aux Oscars dans la catégorie Meilleure réalisation. À 35 ans, elle donne naissance à son premier enfant, né de sa relation avec Noah Baumbach. La même année, elle réalise Les Filles du docteur March, avec Emma Watson, Timothée Chalamet et Meryl Streep…Alors qu’on déjeunait, Meryl Streep m’a dit ‘C’est ça qu’il faut transmettre au public, la place qu’occupaient les femmes…Leurs propres enfants ne leur appartenaient même pas. Elles n’avaient pas le droit de vote, elles ne travaillaient pas, mais en plus, elles ne possédaient rien. Si tu voulais quitter ton mari, tu pouvais, mais tu partais sans rien, même pas tes enfants.



À 39 ans, elle fait son retour devant la caméra d’Adam Driver dans le film White Noise de Noah Baumbach. “C’est assez éprouvant, de redevenir actrice. J’adore ça, mais c’est dur. Je n’avais pas oublié ce que c’était, mais en tant que réalisatrice, c’est bien de se rappeler ce qu’on demande aux acteurs.” L’année suivante, elle réalise l’adaptation de Barbie, qui récolte 337 millions de dollars de recettes dans le monde dès son premier week-end en salle.
Passer d’un film indépendant comme Lady Bird à l’un des plus grands succès de tous les temps au box-office avec Barbie, c’est étrange ? D’une certaine manière, même si j’ai alterné films très indépendants et films avec des studios, de mon point de vue, c’est toujours la même chose. Dans le sens où je réalise le film que je veux faire. C’est juste à une échelle différente. L’expérience de la réalisation d’un film est donc, à la base, très similaire. Il y a plus de personnes dans un grand film de studio, beaucoup plus de personnes, par exemple, dans le département artistique, mais vous avez toujours votre décorateur, votre costumier, votre directeur de la photographie, votre monteur, votre mixeur de son. La réalisation répond aux mêmes exigences. Par ailleurs, j’ai toujours travaillé avec le même monteur, Nick Huy, sur tous mes films. Au bout du compte, il n’y aura que lui et moi dans une pièce, pour se débrouiller avec des images. C’est un sentiment de continuité. Vous faites simplement des films, et vous pouvez les faire d’une manière très discrète ou plus spectaculaire, mais le processus de réalisation ne diffère pas.
Quel genre de films aimez-vous réaliser ? J’espère faire des films comme George Miller jusqu’à mes 80 ans. C’est difficile à dire aujourd’hui, mais quand je me penche sur mon travail, je constate que je suis toujours attirée par la difficulté. Quand j’ai vraiment l’impression de n’avoir aucune idée de comment faire le film, cela devient passionnant car il s’agit d’inventer une nouvelle façon de l’aborder. C’est comme pour certains acteurs lorsqu’ils décrochent un nouveau rôle et qu’ils incarnent une nouvelle personne et une âme totalement différente. De la même manière, chaque film a son propre univers et j’établis les règles et l’étrangeté de cet univers.
Dans Frances Ha, la fameuse scène de danse est un hommage au film Mauvais Sang de Leos Carax, à quel réalisateur souhaitez-vous rendre hommage aujourd’hui ? Il y a tellement de réalisateurs auxquels j’aimerais rendre hommage. Mais je dirais qu’aujourd’hui, ce serait une combinaison de David Lean et de Robert Altman. Ce sont ceux qui m’intéressent en ce moment, mais cela peut varier. Il y a une quantité impressionnante de films merveilleux et j’aime être confrontée, en les regardant, à une nouvelle façon de faire du cinéma. Cela m’enflamme à nouveau et je retrouve l’envie de faire des films.






LADY BIRD. Un « autre » avis…
Lady bird fait clairement partie des bons films de ce début d’année mais il se pourrait bien que le premier long-métrage de Greta Gerwig soit légèrement dépassée par sa hype venue des Etats-Unis. Tout ce que son film réussit et raconte, solidement, a déjà été fait et vu dans d’autres films tournant autour d’adolescent(s) ayant le sentiment d’être coincés dans une existence dont ils ne savent que faire, dans un monde trop petit pour eux. Dans la veine typique des productions indépendantes à petit budget, cette coming-of-age story amusante et attachante se regarde sans déplaisir. Au coeur de Lady Bird, titre éponyme en référence au surnom que se donne la jeune Christine McPherson, il y a un personnage haut en couleurs qui a le mérite de ne rien faire pour se rendre particulièrement appréciable au premier abord. Rien de problématique là-dedans, soit dit au passage. Saoirse Ronan, qui interprète la jeune et indomptable Lady Bird, est absolument parfaite, conférant à son personnage un caractère singulier et toute l’épaisseur nécessaire à ce qui aurait pu être une ado ronchonne passe-partout, transmettant autant sa détermination que ses doutes avec beaucoup de justesse. Mais si Ronan est le moteur du film, elle entraine dans son sillage une distribution globalement excellente, notamment Laurie Metcalf parfaite et Tracy Letts, ainsi que sa jeune amie Julie campée par la découverte Beanie Feldstein, son petit-ami insécure (Lucas Hedges) ou le nonchalant et bientôt incontournables Timothée Chalamet la révélation de Call me by your name. Si Lady bird n’est pas spécialement original ou créatif, il s’agit en revanche d’une comédie douce-amère particulièrement sympathique et généreuse, de la catégorie de celles qui aiment leurs personnages. Pour ses débuts à la réalisation, Greta Gerwig évite le piège du sentimentalisme et insuffle ce qu’il faut d’honnêteté et de charme pour susciter l’intérêt, l’attachement et un petit brin d’émotion.
Un avis très contraire…
Teen movie gentil pour spectateurs gentils…
Pour son premier film en tant que réalisatrice, Greta Gerwig livre un film poli et inconséquent, transformé en objet hype au succès critique disproportionné. On a l’impression que pour Greta Gerwig, le plus important avant de faire son film était de cocher toutes les cases de la « comédie douce-amère indé cool pour Oscars et Golden Globes avec de jolies chansons dedans et des personnages un peu à la marge mais en réalité hyper-attachants ». De fait, toutes les cases sont bien cochées, méthodiquement, scrupuleusement, avec la volonté tenace de ne pas en oublier une seule : celle de la comédie douce-amère, celle de la patine indé cool, celle des deux Golden Globes remportés et des cinq nominations aux Oscars, de la b.o. inoffensive et sucrée et de son lot de protagonistes gentiment foufous avec des acteurs que l’on voit trop rarement et en particulier Laurie Metcalf, géniale en maman agaçante et touchante à la fois. Le récit et ses enjeux restent extrêmement balisés et sans surprise, avec tout l’attirail qui va avec…Jeunes misfits qui s’ennuient dans une ville ennuyeuse et une vie à l’avenir…Ennuyeux. Poli et inconséquent, transformé en objet hype au succès critique disproportionné, Lady bird ne dépasse jamais les limites de l’hyper-conventionnel qu’il semble lui-même s’imposer. Et si les rôles sont bien interprétés, ils manquent en revanche de pas mal de relief, chacun dans une espèce d’attribution clé en main et de caractérisation irrévocable comme la copine obèse, le gentil papa, le petit copain qui se la joue mystérieux…achevant de confirmer l’extrême banalité de la chose.





Vous avez été révélée comme actrice dans les films de votre compagnon, Noah Baumbach, mais avez toujours refusé le terme de muse…C’est le sujet central de votre adaptation des “Filles du docteur March” sur l’émancipation artistique d’une femme qui désire se faire son propre nom dans un monde d’hommes…C’est un projet plus personnel qu’on ne pourrait le croire. J’ai voulu m’y consacrer bien avant de réaliser mon premier film, et le succès de “Lady Bird” m’a donné le pouvoir d’imposer ma vision. Il y a plusieurs couches et niveaux de lecture. Je m’identifie évidemment à Jo, l’apprentie écrivaine qui désire être sa propre muse. Ça me semble si limpide qu’à travers elle je parle de mon rapport au cinéma…Comment, jeune femme, trouver le courage de réaliser un film, comment transformer la vie en fiction, comment négocier la collision entre ses aspirations artistiques personnelles et la dimension commerciale de l’industrie…
Tout en étant un film hollywoodien, “Les filles du docteur March” interpellent de façon très maligne sur les compromissions inévitables lorsqu’on désire toucher le plus grand nombre. Ça n’a pas été dur pour vous qui venez du cinéma indépendant ? A moi aussi, un type a un jour demandé, comme à Jo dans le film “Les mères et leurs filles parlent vraiment comme ça entre elles ?” Pour mon premier film, j’ai même eu le droit à “Je ne comprends pas, il y a deux garçons et l’héroïne ne finit avec aucun des deux ?” Je suis étonnée que si peu de gens aient remarqué cet aspect du film, tout en ayant intégré le système, je parle en effet de ce que cela implique d’en faire partie. Pourquoi on rêve tous d’assister au baiser sous la pluie à la fin ? Pourquoi ça nous fait du bien ? Je ne m’extrais pas de cette critique. J’en ai aussi besoin.
Pourquoi être passée du côté obscur de l’industrie ? J’avais besoin d’un plus gros budget et de la structure d’un grand studio. Et j’ai eu la chance assez rare qu’on me laisse la liberté de faire les choses, tout en les réalisant selon mes propres termes. Je réalise des films pour les gens, pour toucher le plus grand nombre, et, même si les studios font partie de la machine capitaliste qui transforme l’art en commerce, ils sont aussi la source de nombre de mes fantasmes de cinéma, notamment les films américains des années 1930, 1940, 1950. Hitchcock, Howard Hawks…Tous ces cinéastes et stars qui m’ont fait rêver bossaient pour la MGM, la Paramount, la Columbia ou la Warner. D’une certaine façon, ça représente un Graal de pouvoir en être à mon tour aujourd’hui, d’autant plus à une époque où l’industrie du cinéma change tant…J’ai conscience que ça relève du miracle d’avoir pu réaliser un film sur quatre sœurs, en costumes, tiré d’un livre paru il y a cent cinquante ans.
Sous ses atours inoffensifs de conte de Noël, c’est une histoire qui résonne très fort avec l’époque actuelle. Vous vouliez vous adresser aux très jeunes filles ? Oui. Je voulais donner au spectateur la satisfaction émotionnelle qu’il retire habituellement de voir l’héroïne choisie par un homme ou embrassée en montrant cette fois son livre publié. C’est un des premiers textes parlant de jeunes filles qui veulent devenir écrivaines, artistes affranchies. Il a beaucoup compté pour toutes sortes de femmes, de Patti Smith à Elena Ferrante, Simone de Beauvoir ou J.K. Rowling. Et est à l’origine de leur vocation. J’ai voulu en faire un film épique, et j’explique pourquoi dans une scène où Jo, l’apprentie écrivaine en plein doute, dit à sa sœur Amy “Qui cela va bien pouvoir intéresser, nos petits problèmes domestiques ? C’est juste nos petites vies !”, et Amy lui répond “Ecrire dessus les rendra importants !” Je partage cet avis. Le médium est le message. Et c’est pour cela que j’ai voulu tourner en décors naturels, en pellicule, avec un casting étincelant…Il fallait donner à ces histoires de femmes de l’importance. Dire aux jeunes filles que leurs voix comptent.
Votre influence actuelle vous permet d’être mieux entendue ? Disons que si j’arrive à glisser mon message dans un film qui a l’air d’un bonbon et leur faire avaler l’air de rien quelques cuillères d’épinards, alors c’est encore mieux. Au moins, je suis sûre qu’ils les mangeront !
Les Golden Globes ne semblent pas vraiment de votre avis. Aucune femme n’a cette année encore été nommée dans la catégorie meilleur réalisateur… Ça vous agace ? Ecoutez, ce film, c’est mon bébé, je l’aime, alors évidemment je suis déçue. Pour mes actrices d’abord, que j’aurais voulu voir distinguées dans leur ensemble parce que je trouve qu’elles ont fait un travail formidable. Et pas seulement Saoirse Ronan, qui est, elle, nommée, tout comme la musique d’Alexandre Desplat. Plus largement, je trouve qu’il y avait cette année de fabuleux films réalisés par des femmes, et j’aurais aimé voir ces réalisatrices couronnées de lauriers parce qu’elles le méritent. Mais je préfère me concentrer sur le fait que ces œuvres existent et me réjouir qu’on parvienne tout de même à se faire une place.
Vous avez été l’année dernière nommée à l’Oscar après notamment Sofia Coppola, Jane Campion et Kathryn Bigelow, la seule à l’avoir remporté. Il y a eu un avant et un après pour vous ? C’était un rêve ! Le truc le plus cool du monde ! D’un côté, ça paraît dérisoire et idiot de donner de l’importance aux récompenses, voire même de classer des œuvres d’art entre elles. Mais, de l’autre, j’aime autant la compétition que Jo, alors, s’il y a des prix, j’en veux un, je ne peux pas m’en empêcher ! Je suis faite comme ça, et je mesure leur importance et leur valeur. D’autant que je vis à New York non loin de facs de cinéma, où je suis régulièrement arrêtée par de jeunes étudiantes qui me disent à quel point ce que j’ai pu écrire que ce soit “Frances Ha” ou “Mistress America” ou réaliser comme “Lady Bird” a compté pour elles. Elles me disent..“Vous m’avez donné envie de faire ce métier.” Je ne peux pas vous dire à quel point ça me rend fière et heureuse, parce que la visibilité est ce qui nous a le plus manqué depuis des décennies. D’une certaine façon, je sais que ma position les autorise aujourd’hui à être ambitieuses.
Vous n’avez jamais eu peur de l’être, en racontant dès vos premières interviews vouloir passer à la réalisation et en regrettant que ce soit si mal perçu quand c’est l’œuvre d’une femme. D’ailleurs, tous vos films parlent de quête du succès, de rivalités, de luttes d’ego. Oh, ça m’a tout de même pris du temps d’assumer publiquement que je voulais réaliser. J’ai gardé ce rêve secret pendant sept ans ! En partie parce que j’aime tellement le cinéma que je ne voulais pas le faire à la légère ou mal si je ne me sentais pas à la hauteur. Comme Amy, qui dit dans le film “Je veux être géniale ou rien du tout !” Quand j’ai lu ces lignes, elles ont résonné en moi en lettres de néon ! [Elle rit.] Je me suis dit “Voilà une fille ambitieuse ! J’adore !”
Vous avez toujours le projet de faire un film sur Barbie avec Noah Baumbach ? Pour la réhabiliter ? Oui. On écrit un scénario, mais, tout ce que je peux dire, c’est que j’adore Margot Robbie et qu’elle est la raison de mon excitation ! Pour le reste, il faudra le voir…C’est difficile d’en parler alors qu’on n’est même pas sûrs qu’il sera fait. C’est le problème des projets dont la presse parle avant même qu’ils existent. Peut-être que ça prendra dix ans. Mais j’espère qu’on y arrivera !



Je ne sais faire que ce que j’aime !
Déjà icône d’un cinéma américain ultra indé, au titre de rôles, scénarios et d’un film coréalisé avec rien Nights and Weekends en 2008, Greta Gerwig renaissait en 2017 en cinéaste applaudie avec le délicat récit d’apprentissage Lady Bird, dont le succès et les nominations aux oscars lui ouvrirent les portes de Hollywood. Associée au projet d’une adaptation des Filles du docteur March, d’abord en tant que scénariste, avant d’être invitée à la réaliser, elle s’attache de nouveau au récit de jeunes femmes convaincues d’être vouées à la grandeur et revendiquant leur place dans le monde. En flottaison sur la houle d’un circuit promo marathon, l’air fourbu mais toujours teinté d’une grâce un peu fantasque, elle évoque sa relecture cérébrale et très attendue du roman de Louisa May Alcott. Lorsque Greta Gerwig a parlé de son projet de remake des Quatre filles du Dr. March, Meryl Streep lui a répondu…« Je jouerai qui vous voulez. » La star la plus vénérée de Hollywood est ainsi devenue la délicieusement acariâtre Tante March dans le deuxième film de Greta Gerwig. Et ce n’est pas le moindre des faits d’armes de l’actrice-scénariste-réalisatrice de 36 ans, la seule de sa génération à endosser ces trois casquettes avec autant de naturel que de succès.
Depuis sa première réalisation solo, l’autobiographique Lady Bird, en 2018, Greta Gerwig fait partie du « Club des 5 » femmes nominées pour l’Oscar de la mise en scène. En quatre-vingt-dix ans ! Une place au soleil chèrement décrochée pour cette grande fille, au sage carré blond et aux yeux vert profond, dont la silhouette musclée de danseuse se balade au sein de la nébuleuse mumblecore, un cinéma indé épris de naturalisme radical ! depuis 2007 et le film Hannah Takes the Stairs. Mais c’est avec Frances Ha (2012), co-écrit avec son compagnon, Noah Baumbach, que Greta Gerwig est devenue une icône. On l’a même comparée à Carole Lombard ou à Diane Keaton. La tête toujours froide, la california girl cérébrale de Sacramento, diplômée de philosophie et de littérature, affirme avoir fait une école de cinéma empirique, « en jouant sous la direction de réalisateurs très différents, de Pablo Larrain Jackie à Woody Allen To Rome with Love, et s’improvisant productrice, perchiste, accessoiriste ou assistante lumière sur les plateaux des films fauchés. » Militante d’un cinéma nuancé et riche en émotions, à la manière de John Cassavetes et loin des standards hollywoodiens du moment, Greta Gerwig, la nouvelle star forme avec Baumbach, le « it couple » pavé d’or du nouveau cinéma indépendant new-yorkais. Discrets, ils sont les parents d’un petit garçon depuis mars dernier. D’une spontanéité rafraîchissante, Greta Gerwig, en interview, ponctue de holy shit ! sa pensée érudite et ses références, qui s’étendent des films de Howard Hawks Rio Bravo aux Dialogues de Socrate, en passant par Le Petit Prince ou Working Girl, avec Melanie Griffith.
De Sacramento, en Californie, au cinéma indé américain de la Côte Est, comment avez-vous tracé votre sillon ? Ma première idole, adolescente, était Gene Kelly dans Chantons sous la pluie. Pour sa grâce virile, sa personnalité rayonnante, sa petite cicatrice au visage, symbole touchant, pour moi, de son imperfection assumée…Comme Jo, des Quatre Filles du Dr. March, j’écrivais des pièces de théâtre que je montais avec des copines. Mais on allait au cinéma pour voir une star, un film « avec » Leonardo DiCaprio, pas « de » Woody Allen, par exemple. C’est pendant mes études, à New York, que j’ai découvert les cinéastes pour leurs œuvres avec mon vidéoclub qui classait les films par auteur. Tout à coup, c’était la révélation d’Agnès Varda ou de Claire Denis, je ne voyais pas d’équivalents dans le cinéma mainstream américain.
Peu d’actrices sont également scénaristes et réalisatrices à Hollywood. À 36 ans, vous avez été nominée pour l’Oscar de la meilleure réalisatrice en 2018, cinquième femme de l’histoire du cinéma à avoir eu cet honneur. Comment envisagez-vous l’avenir ? En tant qu’actrice, je reçois les rôles comme des cadeaux. Le désir des autres est toujours une agréable surprise, car je ne suis pas en quête de la performance d’une vie, comme incarner Lady MacBeth par exemple. Mais en tant que réalisatrice, j’ai l’impression que mon temps est compté. J’entends le tic-tac d’une sorte d’horloge biologique professionnelle, la peur de ne pas pouvoir raconter toutes les histoires que j’ai en tête, car l’écriture et la réalisation d’un film prennent 2 à 3 ans en moyenne. C’est comme construire un château pierre après pierre. Et je veux en bâtir un maximum.
Tous vos films comme réalisatrice sont estampillés féminin. Militantisme ? Je répondrais que je n’écris que sur les sujets qui me passionnent viscéralement. Il se trouve que ce sont les femmes. En revanche, j’adore, comme dans Les Filles du Dr. March, inverser les codes attendus. Comme transformer en « fiancé de » les personnages masculins joués par Timothée Chalamet et Louis Garrel. Et j’ai un faible pour les beaux bruns d’origine française, visiblement…
Barbie, votre prochain scénario avec Margot Robbie dans le rôle-titre, est le troisième écrit en duo avec votre compagnon, Noah Baumbach. Comment se passe votre collaboration ? Noah est mon coscénariste préféré. Et écrire à quatre mains est tellement plus facile que seul. On rit aux blagues de l’autre…L’une de mes plus grandes joies dans ce métier est de pouvoir échanger avec lui sur nos textes respectifs. Il a la dent dure, mais reste bienveillant. Vivre ma créativité au quotidien avec un autre artiste me rend meilleure.
Fan de Cassavetes, de Coppola, de Scorsese et de leurs « bandes » d’acteurs, Greta Gerwig, qui forme avec son compagnon, le réalisateur Noah Baumbach, un véritable power couple, est, à leur image, en train de se créer une famille de cinéma, composée d’acteurs issus du néo Nouvel Hollywood. Son double et sa muse ? Saoirse Ronan, 25 ans, petit prodige, Irlandaise de New York, nommée quasiment systématiquement aux Oscars, film après film : « C’est un génie, dit d’elle sa réalisatrice. Elle ne vise que l’excellence et l’authenticité. » Gerwig lui a offert le premier rôle de son film précédent, Lady Bird, et, dans Les Filles du Dr. March, lui fait jouer Jo, le personnage le plus libre du roman culte de Louisa May Alcott, précédemment interprété au cinéma par Katharine Hepburn, June Allyson et Winona Ryder. Gerwig a également engagé de nouveau Timothée Chalamet vu dans Lady Bird et révélé le talent de Florence Pugh, l’Anglaise qui monte, Trophée Chopard à Cannes, en 2019.
Souffrez-vous toujours du sexisme à Hollywood ? Tout est résolu ! Evidemment, c’est une blague. Je suis reconnaissante envers les femmes qui m’ont précédée et ouvert la voie. Qui ont rendu possible ma carrière et le fait que les studios m’emploient pour des blockbusters. J’espère à mon tour faciliter les choses pour celles qui m’emboîteront le pas. Cela reste un business, toutes les décisions sont prises en fonction de ce paramètre, pour faire du profit. Barbie ne ressemble à rien d’autre, c’est sauvage et fou. Je sors du cadre alors je trouve merveilleux qu’on me laisse m’exprimer librement.
Quels sont vos projets ? J’ai signé pour réaliser deux films de l’univers de la saga littéraire Le Monde de Narnia pour Netflix. Je ne sais pas encore comment je vais m’y prendre, j’ai encore le temps d’y réfléchir.




