G/ On the road again

 

Je veux faire des films qui durent, avec des sensations intemporelles, qui ne soient pas qu’un feu de paille avec n’importe quel sujet tendance…Je ne suis pas intéressé par ce genre de choses…Le monde essaie de nous diviser…Au cours des derniers mois, nous avons tous vécu une version de ce que Fern a ressenti ce sentiment de grande perte pour une vie que vous aviez auparavant. C’est juste ce vide que vous ressentez, le besoin de revenir à la normale, qui conduit à l’acceptation et à la façon dont vous pouvez grandir pour finalement vous sentir bien avec votre place dans le monde. C’est ce dont beaucoup de gens ont besoin en ce moment…

 

C’est le pouvoir de la fiction qui m’a poussée à faire des films. J’ai naturellement besoin de passer par elle pour apporter de la poésie à un récit et parce qu’elle permet naturellement de créer différentes portes d’entrée à ce récit. Mon but n’est pas de délivrer un commentaire social sur l’état de l’Amérique mais d’entrer dans le monde des nomades et de partager cela le mieux possible avec les spectateurs.  Chloé Zhao

 

 

 

UN PROJET EN COMMUN

 

 

 

REALISATRICE  Chloé Zhao

 

Chinoise née le 31 mars 1982 à Pékin,

Réalisatrice, scénariste, productrice de cinéma

 

Un parcours de feu !

Après avoir vécu toute son enfance à Pékin, elle part pour Londres puis étudie les sciences politiques et la production cinématographique à l’université de New York. Son premier long métrage, Songs My Brothers Taught Me est présenté en 2015 au Festival du film de Sundance puis à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes. En 2017, son second long métrage, The Rider remporte le Prix Art Cinéma à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes et le Grand prix au festival du cinéma américain de Deauville. Elle est choisie pour réaliser le long-métrage Les Éternels pour Marvel Studios avec Angelina Jolie et Salma Hayek en actrices principales.

 

 

NOMADLAND

Lion d’or à la Mostra de Venise 2020.

Oscars 2021 Meilleur film & Meilleur réalisatrice.

2ème femme après Kathryn Bigelow avec Démineurs  en 2010.

 

 

 

 

 

ACTRICE & PRODUCTRICE Frances Louise McDormand

                                      40 ANS DE CARRIERE – 60 FILMS

 

Née le 23 juin 1957 à Gibson City (Illinois), est une actrice et productrice américaine.

Trois Oscars comme Meilleure actrice / 1997 Fargo / 2018 Three Billboards / 2021 Nomadland.

 

FILMOGRAPHIE TRES SELECTIVE

 

1984 : Sang pour sang de Joel et Ethan Coen

1987 : Arizona Junior de Joel et Ethan Coen

1988 : Mississippi Burning d’Alan Parker

1990 : Miller’s Crossing de Joel et Ethan Coen

1993 : Short Cuts de Robert Altman

1995 : Rangoon de John Boorman

 

1996 : Fargo de Joel et Ethan Coen

 

2008 : Burn After Reading de Joel et Ethan Coen

 

2017 : Three Billboards…de Martin McDonagh

2020 : Nomadland de Chloé Zhao

 

 

 

Dans la quarantaine, j’ai dit à mon mari qu’à 65 ans, j’allais changer mon nom en Fern, fumer des Lucky Strike, boire du Wild Turkey et prendre la route en camping-car…

 

À 63 ans, Frances McDormand a transformé cette vision en réalité sauf que dans cette version, elle roule sa propre fumée et boit de la tequila au lieu du whisky. A y regarder de plus près, vous trouverez des traces de son identité…Élevée dans une famille ouvrière américaine, McDormand a grandi en voyageant fréquemment à travers le Midwest et le Sud de manière nomade pour le travail de son père. Après avoir vu The Rider elle avait trouvé la réalisatrice de son nouveau film.

 

 

 

PAROLES DE FEMMES

 

CHLOE ZHAO

 

Nous avons mis nos têtes ensemble dans cette petite bulle et n’avons pas vraiment pensé au monde extérieur. Je ne suis pas le genre de cinéaste qui se contente de faire des films. Je dois être amoureuse de mon sujet et vouloir en savoir plus à ce sujet. Quelqu’un m’a dit un jour que la passion ne se maintient pas, mais la curiosité oui. Je dois être excité par les petites choses que je découvre en cours de route. Nous n’avions aucune idée de qui nous serions en contact quotidiennement…Tout s’est passé très rapidement en raison de ce que nous voulions capturer, des saisons et de l’échelle des paysages que nous essayions d’obtenir dans l’ouest américain alors que c’était réellement faisable…Nous sommes passés du haut désert au bas désert aux plaines à l’océan…

 

Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, c’est comme ça qu’un acteur aime fonctionner. Certains acteurs ne vont rien vous donner d’eux-mêmes. Personnellement, je suis plus attiré par ceux qui seront suffisamment vulnérables pour me donner qui ils sont. J’aime créer des personnages de cette façon. Quand ils sont sur le plateau, parfois les acteurs non professionnels donnent exactement les répliques que je veux, même si c’est une version de ce qu’ils ont déjà dit. D’autres fois, ils le disent simplement comme ils le veulent. Vous devez vous faire confiance dans l’instant. D’autres fois, eh bien, vous connaissez la situation dans son ensemble mieux que quiconque, alors vous vous dites…Je sais que c’est génial, mais ça ne fonctionnera pas pour le film…C’est à ce moment-là qu’intervient le processus de montage.

 

Avec Joshua James Richards qui a signé la lumière de mes 3 films, notre but était de retranscrire la manière dont ces nomades voient ces paysages à perte de vue qu’ils traversent. Et donc de les détacher précisément des représentations de carte postale. Il s’agissait vraiment de mettre en place un écosystème, de travailler avec les nomades, car ils ne sont pas toujours stationnaires et de faire en sorte que Fran se fonde. C’est la troisième fois que je vais dans une communauté qui n’est pas la mienne, essayant de convaincre les gens de partager leur vie avec moi. Parler de politique n’est pas un moyen d’entrer. Il s’agit plus de parler des choses qui nous relient plutôt que des choses qui nous divisent potentiellement. Quand vous êtes sur la route, les gens qui entrent dans votre vie seront de toutes les religions et de toutes les préférences politiques, et quand une tornade arrive ou que votre voiture tombe en panne, vous devez être amis. J’ai essayé de me concentrer sur l’expérience humaine et les choses qui, selon moi, vont au-delà des déclarations politiques pour être plus universelles la perte d’un être cher, la recherche d’un foyer. Je n’arrête pas de penser à ma famille en Chine que penseraient-ils d’un cow-boy du Dakota du Sud ou d’une femme dans la soixantaine vivant en Amérique. Si je le rends trop spécifique à des problèmes, je sais que cela va créer une barrière. Ils disaient…C’est leur problème.’

 

Je n’ai rencontré aucune sorte de racisme ou de préjugé pendant le temps que j’ai passé sur la route…Maintenant, pendant la pandémie et venant de Chine j’ai l’impression pour la première fois depuis que j’ai commencé à vivre en Amérique que je ne suis pas sûr de vouloir prendre la route pendant un certain temps.”

 

 

 

FRANCES MCDORMAND

 

J’ai été profondément émue par The Rider et je me suis demandé à haute voix Qui est Chloé Zhao ? C’était l’une des meilleures choses que j’ai vues depuis bien des jours, en tant que productrice, j’ai été attirée par une réalisatrice qui raconte une histoire universelle de triomphe sur l’adversité et la volonté de survivre et d’ajuster ses rêves. Il y a donc eu un éclair fortuit. Zhao a passé beaucoup de temps avec nous dans nos maisons, avec nous et nos familles, a façonné nos personnages et notre amitié cinématographique à partir de la vérité de nos vies.

 

La chose la plus importante au cours de ce processus était juste d’essayer de rester assis, de garder ma bouche fermée et d’écouter…Je pense que d’écouter fait partie de la vie de chaque acteur professionnel et j’ai beaucoup appris à utiliser cette compétence sur ce film parce qu’il s’agissait d’entendre les histoires des habitants de la camionnette, mes collègues, pas d’essayer de raconter la mienne. Je viens d’un milieu ouvrier et, vous savez, raconter des histoires est un merveilleux jeu de ‘Et si ?’ Et si je n’avais pas eu l’opportunité d’aller à l’université et à l’université ? Et si je n’avais pas eu l’opportunité de m’associer à un conjoint qui croyait en mon potentiel et m’a aidé à réaliser mes rêves ? Et si je n’avais pas rencontré mon fils et que j’avais eu l’opportunité de devenir un être humain plus complet ? Et si je n’avais jamais vu The Rider et rencontré Chloé Zhao ? Et si je m’étais regardé dans le miroir et que je n’avais pas pu me reconnaître comme les femmes représentées dans les magazines de mode et dans les films ? Et si cela m’avait empêché de continuer à jouer le rôle d’actrice

 

Il s’agissait bien plus d’honorer le processus de la vie d’une personne que de faire un film. Cela a été un succès parce que dans une ville, au Nebraska, je suis allé au Target local et on m’a proposé un emploi. On m’a proposé un formulaire à remplir ! Je suis retournée voir Chloé et j’ai dit…”Ça marche !” Ils ont créé une situation socialiste…Un pour Tous et Tous pour Un. Il y a tellement de monde sur la route maintenant, à cause de la situation économique, mais aussi parce qu’ils répondent à leur envie de voyager et à leur sentiment d’enfermement. Il y a quelque chose dans l’esprit humain qui est lié au mouvement.

 

Les paysages sont importants pour Chloé, ils font partie de l’histoire américaine. Ils sont si grands. Mais l’une des choses que j’ai appris à apprécier sur moi-même au cours de ces 10 dernières années, c’est quelque chose qu’un journaliste a dit à propos de mon visage dans les film que c’est comme visiter un parc national.

 

Le scénario s’adaptait aux personnalités et aux histoires issues de ces conversations. Vous pouviez la voir écouter ces personnes raconter leurs histoires, puis collaborer avec elles pour intégrer leurs propres récits dans le script. Chloé permet vraiment aux gens de choisir comment ils veulent se représenter. La sécurité du cinéma de fiction, à mon avis, procure en fait un niveau d’honnêteté et d’authenticité qui, je pense, serait impossible s’il s’agissait d’un documentaire prétendant à la vérité. Parfois, les gens ont l’impression qu’ils ne sont pas assez importants pour être dans un film. Une fois qu’ils ont rencontré Chloé, ils s’ouvrent. Elle fait que les gens se sentent spéciaux. Chloé veut vraiment entendre leur histoire et elle veut qu’ils la racontent. Les non-acteurs étaient payés pour leur travail.

 

 

 

Exploration d’une Amérique sans adresse

par Théo Ribeton

 

On avait laissé Chloé Zhao en 2017 sur une œuvre unique et déchirante, The Rider, travail entre fiction et documentaire centré sur un cow-boy amérindien, espoir blessé et déchu du rodéo. Mais même si le triomphe critique et festivalier ouvrait alors un avenir plein de promesses pour la jeune réalisatrice sino-américaine, un film comme Nomadland n’en faisait pas vraiment partie. The Rider n’avait pas l’air d’un marchepied vers des projets plus ambitieux  car trop hybride, trop à nu, il appelait plutôt à la continuité, à la prolifération d’une œuvre à la marge façon Kelly Reichardt, qu’à l’ascension vers les Oscars. La voilà pourtant soudain auréolée de ce qui est peut-être le plus grand tableau de chasse d’une saison de récompenses avec Lion d’or, meilleur film et meilleure réalisatrice aux Golden Globes, aux BAFTA et aux Oscars !

 

Adapté d’un livre-enquête à succès de Jessica Bruder sur la crise du logement et l’Amérique, ces déclassés vivant dans des vans aménagés qui les emmènent de petit boulot en petit boulot, le film tente d’en faire défiler les visages par l’intermédiaire d’un personnage de veuve désargentée entrant dans ce monde, incarné par Frances McDormand. L’actrice a produit le projet et elle-même choisi Chloé Zhao après avoir vu The Rider. C’est à la fois une continuité et une ascension. Car d’une certaine manière le film en reprend l’hybridité. Au-delà de trois comédiennes professionnelles, tous les personnages sont de véritables nomades s’inspirant de leurs propres rôles. Mais cette hybridité est étrangement arrondie, diluée dans un lait de grande fresque célébrant la solidarité des laissées-pour-compte. Il y a dans Nomadland une certaine imagerie humanitaire, un goût pour les sourires de gueules burinées par la misère, on n’est pas toujours loin de JR. Il y a aussi trop de jolies lumières chaudes et rasantes de fin de journée  et trop de musique de pub tire-larmes.

 

Heureusement sous ce vernis certes épais le film reste en définitive assez sauvage, et laisse à la mémoire des images et des rencontres plus tenaces que n’en produirait une fiction bon teint. Sans doute parce que sa part documentaire, même camouflée, est en fait bien là et travaille en sourdine à lui insuffler vie. C’est aussi parce que de ce que le livre de Jessica Bruder avait déjà proposé d’établir comme principe philosophique des vandwellers et sa croyance fervente dans les promesses de la route et des lendemains, représentée par cette manière de ne jamais se dire adieu, même après la mort, mais “see you down the road”…Zhao tire un principe de récit.

 

Nomadland est aussi nomade que son héroïne, il ne s’installe pas plus dans les lieux que dans les intrigues, saute inopinément d’un chapitre comme d’un camping site à l’autre, sans vraiment suivre une trajectoire dramaturgique établie. Certains personnages se volatilisent et, effectivement, reparaissent down the road, ou non. Fern, l’héroïne, ne semble jamais vraiment conduite par un schéma type “parcours du héros”, le film suit une courbe sinusoïdale très libre et s’attache habilement à respecter une certaine vraisemblance aléatoire des événements. S’il faut donc faire le deuil de la belle marge où Chloé Zhao aurait pu persister, et s’il y a bien quelques tendances sirupeuses, il y a là une maturité très précocement atteinte. Nomadland est un peu le premier film bidenien avec son exploration d’une Amérique sans adresse, y filmer une misère nouvelle mais surtout une solidarité retrouvée, tâcher par le nomadisme de réconcilier blue states et red states en évitant notamment la question raciale autour de la reconquête, entre récoltes agricoles et entrepôts Amazon, d’un récit commun somme toute galvanisant sur la workforce.

 

 

 

ARRÊT SUR IMAGE

 

Durant l’année 2018, la petite équipe de 25 personnes a voyagé ensemble pendant la durée du tournage qui s’est déroulé sur six mois dans de nombreux états avec un temps d’arrêt, afin qu’ils puissent saisir les différentes saisons…Elles vivaient dans leurs propres camionnettes pendant le tournage pour explorer un côté sous-représenté de la société américaine de l’intérieur…McDormand a fait ses propres cheveux, maquillage et costume sur le tournage.

 

Grâce à cela, nous avons pu nous déplacer rapidement et vivre dans la communauté des vandwellers d’une manière qui n’était pas perturbatrice. Capable de rencontrer de nombreuses personnes grâce au livre de Bruder, la communauté s’est montrée accueillante pour l’équipe. Une fois que nous avons eu sa bénédiction, c’était notre chemin. Et puis, qui ne voudrait pas travailler avec Fran ? Les gens étaient juste surpris que nous voulions raconter leur histoire et Fran les traitait comme les plus grandes stars de cinéma.

 

Avant le début du tournage, Zhao a demandé à McDormand de sélectionner quelques objets personnels qui étaient importants pour elle, à emporter dans la camionnette. Elle a choisi une chaise pliante verte ainsi que des assiettes que son père lui a offertes en cadeau de remise des diplômes universitaires, que Zhao a ensuite intégrées à l’intrigue…C’était comme si elle allait les apporter, et ensuite ils devront être brisés, alors, à quel moment installons-nous les plaques ? Qui va les casser ? C’est le processus d’écriture du scénario. Dans le film, les précieuses assiettes sont héritées du père de Fern sont maladroitement brisés par Dave un accident qui tue l’ambiance romantique qui se préparait entre les deux. Cette attention particulière portée aux objets, aux visages et aux lieux qui donnent de la texture et enrichissent une histoire qui se produit tout au long du développement de la préparation et du tournage. Ce n’est pas seulement moi, mais toute mon équipe. Il y a 27 paires d’oreilles et yeux, écoutant et voyant quoi d’autre pourrions-nous mettre dans le film.



 

Se donner dans le désert

par Marin Gérard

 

Au fil des petits boulots précaires de Fern (Frances McDormand), qui vit dans une minuscule caravane, Nomadland traverse les paysages imposants du cœur de l’Amérique. Le film progresse par petites ellipses, souvent captées à la lumière naturelle du crépuscule, qui reposent sur une esthétique typiquement malickienne , dans le montage, dans sa façon musicale d’articuler différents plans en mouvements filmés au steadycam, tente d’embrasser l’atmosphère évanescente des derniers films du cinéaste texan, sans toutefois y parvenir. Engoncé dans un récit classique de road movie, le personnage se perd pour mieux se retrouver, le film ne parvient jamais à toucher du doigt leur radicalité. Chloé Zhao et son chef opérateur Joshua James Richards utilisent certes des focales courtes en extérieur, permettant une profondeur de champ vertigineuse dans les paysages désertiques, mais se réfrènent dès qu’ils filment en intérieur, là où Terrence Malick en profite pour oser des angles jamais vus. C’est néanmoins avant tout le scénario qui freine Nomadland dans son aspiration contemplative. Dans la première partie du film, chaque micro-scène ne semble servir qu’à dispenser des informations sur le personnage et sa situation, donnant le sentiment d’un récit empressé sans qu’on sache vraiment pourquoi, qui devient ensuite laborieux quand les scènes se rallongent. Tous les personnages que Fern croise auront ainsi droit à leurs dialogues existentiels cliché, achevant de faire régner la fiction convenue au détriment de la promesse documentaire portée par la présence à l’écran d’authentiques « nomades », qui apportent au moins leurs visages. Ballotté entre une ambition atmosphérique et l’ordinaire d’un récit de deuil et d’émancipation, le film déçoit donc, après l’atypique et resserré The Rider, tandis que la prestation oscarisée de Frances McDormand ne masque pas totalement la banalité de son personnage de rustre au grand cœur. Seule la musique de Ludovico Einaudi, extrêmement présente, permet parfois de distiller une étrangeté bienvenue. Si tous les paysages du film invoquent naturellement la guitare et l’americana, le piano du compositeur italien vient nettement contrebalancer cette ambiance et proposer une tonalité plus froide mais parfois mélancolique, jusque dans une scène où l’instrument éclipse les accords d’un joueur de guitare à l’arrière d’une camionnette.

 

L’un des plus beaux plans du film, car il y en a tout de même quelques-uns, montre Fern, au loin, marcher devant un cinéma où est programmé Avengers. Alors que le discours politique du film est ailleurs assez timide, notamment en ce qui concerne la violence du fonctionnement d’Amazon, que Fern affronte à deux reprises, ce plan résonne avec une force inouïe, avec une femme, ruinée par le système néo-libéral, qui contemple l’affiche d’un grand divertissement populaire en totale déconnexion avec son existence. Soudain, au milieu d’une avalanche de plans d’errance similaires, un détail d’époque, la sortie d’Avengers en 2012 vient réveiller, par contraste, le terrible constat du film, une Amérique libre mais pauvre est avalée par la démesure indécente de la richesse des multinationales Amazon comme Marvel, dont l’imaginaire est aussi étriqué que les terres traversées par le film sont étendues. Cette image autorise cependant une autre lecture, lorsque que l’on sait que le prochain film de Chloé Zhao, Eternals, sera justement une superproduction Marvel. Nomadland a été tourné à l’automne 2018, au moment où l’on apprenait que la cinéaste avait signé avec le studio de Kevin Feige, et ce plan pourrait dès lors se lire comme un simple clin d’œil à ce futur projet. Cette deuxième lecture abîme fortement la première, mais il faudra attendre de voir Eternals pour vérifier si elle la contredit complètement…Qui sait, peut-être Chloé Zhao ramènera-t-elle de la vie chez les extra-terrestres de Marvel…