Un film déroutant, atypique et inclassable avec son érotisme parlé plus que visuel et 20 ans après leur premier film retour dans la maison familiale de vacances et de jeunesse comme décor principal. Impossible de ranger ce film dans une case. Les Larrieu vont à contre-courant du repli identitaire et du renfermement sur soi. Leur propos est porteur de valeurs d’ouverture, de tolérance, d’intégration et de liberté. On retrouve les thèmes principaux traités dans leurs films…La Montagne, les couples, l’Amour et le sexe avec toujours du rêve proche du fantastique.
Les frères LARRIEU La cinquantaine / 8ème film ensemble en 20 ans de carrière. Prix de la mise en scène au festival de San Sebastian. Karin Viard présente une troisième fois consécutive.
Nous sommes dans la Montagne Noire, à Castans, village de 109 âmes, terre du bout du monde, isolé du reste de l’humanité. Le soleil de ce charmant et singulier village, les rives du lac de Pradelles-Cabardès, l’immensité du splendide panorama et la sensation de solitude du Pic de Nore… Tout cela est magnifiquement mis en lumière par l’excellent travail de mise en scène des Larrieu. Si le lieu sert complètement l’intrigue, la réciproque est également vraie. Le cadre du film est dans un format carré qui s’inscrit dans une tendance (Mommy,Asphalte, Le fils de Saul) pour permettre d’opérer une ouverture, de dégager une chaleur, de conférer un charme et de susciter une sensation positive. Il symbolise le recentrage de l’intrigue sur une communauté, l’isolement des lieux et des habitants dans un entre-soi, mais également celui de l’héroïne, déconnectée de ses repères habituels. En complément la grâce de Mathilde Monnier, danseuse et chorégraphe, dont les envoûtants cheminements, l’hypnotique présence, les voyages brefs et aériens confèrent un onirisme et une poésie au film.
Des dialogues délicieux, savoureux, parfois coquins et érotiques, souvent ambigus, mais jamais vulgaires. Les mots sortis de la plume des frères Larrieu sont follement crus, sonnent à l’oreille telle une partition musicale et provoquent spontanément le sourire des spectateurs. Dans ce village, on découvre une sorte d’entre-soi, où l’inter-connaissance est le maître mot, mais un monde dans lequel l’ouverture vis-à-vis de l’Autre et l’humanisme sont grands. Life is life, La vie avant tout ! Résistance !
Karin Viard est Pattie, un grand rôle pour une grande dame du cinéma français, capable d’évoluer dans un éventail de registres divers et variés. Chez les Larrieu, une femme à la vie sexuelle active n’est pas une « salope », tout comme l’homme n’apparaît pas comme un « Dom Juan ». Les réalisateurs déconstruisent l’image stéréotypée que tend à construire une société juge, brideuse et moralisatrice vis-à-vis des femmes. Pattie fait souffler un vent de liberté. Isabelle Carré, toute en finesse et en retenue dans le rôle de Caroline, jeune quadra parisienne à la vie bien rangée et représente l’extérieur, l’étrangère à une communauté isolée.
André Dussolier, impeccable dans le rôle de l’écrivain débarqué de nulle part. Il se démarque élégamment de son registre habituel, davantage convenu et posé, dans l’incarnation d’un personnage ambigu, aux mystérieuses motivations, ambivalent, capable de sombrer dans des crises de colère maîtrisées ou dans un calme mystique. Rationnel ou mythomane ? Amant éperdu ou fou à lier ? A vous de le découvrir à travers la performance toute en variations et en nuances d’un grand acteur.
Les frères Larrieu parlent ainsi de leur film…
C’est notre premier film d’un point de vue féminin, autour du personnage de Caroline, joué par Isabelle Carré, qui évolue en permanence. C’est un personnage éteint au départ. Puis, influencé par les nombreuses interactions avec Pattie (Karin Viard), elle va se réveiller. Travailler avec Isabelle a été une véritable source d’épanouissement. Elle tient le film de bout en bout. Il y a aussi André Dussolier. C’était un rendez-vous manqué sur «Voyage aux Pyrénées». Il nous avait fait faux bond. Et enfin, il y a le décor avec, cette fois, la forêt audoise. L’écriture de cette comédie a été assez longue, son financement difficile du fait du scénario qui fonctionne par récit. Mais en même temps, on vient d’obtenir le prix du meilleur scénario au Festival de Saint-Sébastien.