sir Lawrence au Paradis

Juché sur sa Brough Superior SS100, la Rolls-Royce des motocyclettes, sir Thomas Edward Lawrence se grise de vitesse. Sous ses pneus, la route de campagne se déroule telle une pellicule échappée d’une caméra géante. Deux cyclistes, un écart pour les éviter, et voilà que l’asphalte se mue en ruban noir couleur de deuil. Une sortie de route fatale, en ce jour de mai 1935, Lawrence d’Arabie entre dans la légende. 27 ans plus tard, David Lean le fait revivre sous les traits de Peter O’Toole. Et ce comédien irlandais inconnu entre à son tour dans la légende, celle du 7e art. Ses yeux d’un bleu unique étaient comme le reflet d’une mer intérieure agitée, milieu du désert. Un contraste saisissant son visage émacié et bruni par guerrier. Ce rôle fondateur lui collera à la peau toute sa vie. Pas une journée sans que quelqu’un lui en parle. Mais la star s’était fait une raison.

 

 

 

 

« J’ai compris que ma djellaba m’envelopperait pour toujours. »

 

 

 

Fier d’être le seul acteur occidental pouvant tenir en selle sur un chameau au galop, Peter avait pris goût chevauchées dès son plus jeune d’un bookmaker, à 4 ans il traînait sur les hippodromes, accroché à de son papa, parieur invétéré. Capable de miser sur tout et n’importe quoi, eut toujours les poches trouées. A 13 ans, son fiston doit trimer sur les docks du bord de la Tamise pour gagner sa soupe. « Dieu merci, je n’ai connu ni l’enfance ni la jeunesse, quel ennui ! » A 14 ans, il abandonne cette voie fluviale pour devenir garçon de courses pour le « Yorkshire Evening News » un quotidien basé à Londres. Son charme agit et il devient la mascotte de la rédaction. Au point qu’il est de la plupart des sorties arrosées. A 16 ans, il s’enorgueillit de connaître tous les pubs de la capitale. Une tournée des bars qui, plus tard, lui causera maints problèmes avec l’alcool…En attendant, il s’en est fallu d’un détail, de l’épaisseur d’une feuille de papier journal, pour que l’adolescent ne devienne lui-même journaliste. Il envisage même, un temps, d’être reporter, de voyager. Son rêve, travailler pour « Life » mais il sent que sa vocation est ailleurs. Il préfère être le sujet des articles plutôt que celui qui les écrit…C’est un coup de théâtre qu’il prend de plein fouet en voyant Richard Burton jouer « Hamlet » au Old Vic Theatre. C’est le signe, la révélation, il est sur terre pour être acteur !

 

 

 

« La seule chose que je veux faire, c’est jouer ! La vie est trop courte… »

 

Avec sa silhouette de « bel oiseau échassier », comme l’appellera plus tard Richard Burton, O’Toole peut tout incarner, même et surtout les vieux…J’ai débuté dans un personnage de 60 ans, mais j’ai progressé rapidement. Dans ma deuxième pièce, j’en avais 75 ! Le comédien découvre qu’il possède une envergure digne de la démesure de Shakespeare. Il endossera près de 80 rôles de ce répertoire prestigieux avec, pour apogée, son interprétation de Shylock du « Marchand de Venise » au festival de Stratford. Mais à Hollywood on n’entend guère les applaudissements des spectateurs de théâtre. Pour passer de la scène au grand écran, il faut un coup de chance, pour ne pas dire un coup de pied aux fesses. D’ailleurs, par superstition, il porte toujours des chaussettes vertes. C’est peut-être ces accessoires colorés qui ont séduit l’actrice Siân Phillips, qu’il épousera en 1959. Sans un sou, ils connaissent la vie de bohème. Leur train de vie changera avec le succès de Lawrence d’Arabie. O’Toole lui offrira un hôtel particulier de quatre étages. Mais leur histoire d’amour s’achèvera brutalement, en 1980. A l’époque, l’acteur joue un « Macbeth » catastrophique qui s’attire les foudres de la critique. Comme si un malheur n’arrivait jamais seul, Siân, sa femme, claque la porte en lui abandonnant leurs deux filles, Kate (20 ans) et Pat (17 ans). Peter ne se remariera jamais.

 

 

 

 

A jamais, il restera Lawrence d’Arabie. Pas le vrai, mais sa version idéalisée, silhouette élancée, regard d’azur et blondeur de sable, référence absolue d’un certain cinéma épique. Un tel cas d’identification, tant par son travail d’acteur que dans la perception du public, que tout ce qui vint après tenait déjà de la survie. Il aura enterré la plupart de ses contemporains et compagnons de beuveries, les Richard Burton, Richard Harris et autres Oliver Reed, en tirant sa révérence à l’âge inespéré de 81 ans. En 1962, le monde découvrait la silhouette dégingandée et pourtant grâcieuse, la blondeur et surtout le regard d’un bleu intense d’un acteur inconnu, si ce n’est des aficionados de la scène théâtrale britannique. Dans le rôle du colonel T. E. Lawrence, dit Lawrence d’Arabie, le jeune Peter O’Toole portait, quatre heures durant l’épopée réalisée par David Lean, produite par Sam Spiegel. L’acteur n’avait jamais retrouvé les hauteurs vertigineuses qu’il avait atteintes avec ce premier grand rôle. Un esprit de contradiction poussé à l’extrême, une propension aux excès en tous genres ont fait couler des hectolitres d’encre sur cet Irlandais qui semblait correspondre en tous points aux stéréotypes fréquemment associés à son pays. Alcoolique, capable de passer en un clin d’œil de l’exaltation à la plus noire des dépressions, le personnage Peter O’Toole vaut presque tous les rôles qu’il a pu tenir… Henri II d’Angleterre dans le Becket de Peter Glenville d’après Anouih, en 1964, puis dans Un lion en hiver, en 1968, d’Anthony Harvey, aux côtés de Katharine Hepburn, le professeur inhibé de Goodbye Mr Chips de Herbert Ross (1969) ou plus proche de lui l’intenable acteur de Où est passé mon idole ? (1982), joli film de Richard Benjamin. Chacun de ces rôles lui valurent une nomination à l’Oscar du meilleur acteur, pendant que, sur les scènes du West End ou de Broadway, il alternait fours et triomphes.

 

 

 

 

Peter O’Toole est né le 2 août 1932, dans le Connemara, terre catholique. Son père était un parieur invétéré, dont les fortunes et infortunes régissaient la vie de la famille O’Toole. Celle-ci s’est installée à Leeds, dans le Yorkshire, et, après avoir servi dans la marine, il entre à la Royal Academy of Dramatic Art, était présent Albert Finney et Alan Bates. A la sortie de l’école, il entre à l’Old Vic de Bristol. Dans le répertoire contemporain comme dans le shakespearien. Alors qu’O’Toole n’a à son actif que trois seconds rôles, Sam Spiegel, qui avait approché Marlon Brando pour le rôle de T. E. Lawrence, se rend aux arguments de David Lean et l’embauche. Le tournage est interminable, consume presque deux années de la vie du jeune acteur. Il y gagne la gloire, et pas grand-chose d’autre, puisque la légende veut qu’il ait perdu la quasi-totalité de son cachet dans des casinos du Moyen-Orient en compagnie de son partenaire, Omar Sharif. Suivent des rôles prestigieux mais les critiques et le public résistent de plus en plus aux excès du jeu de Peter O’Toole. De lui, Katharine Hepburn dira qu’il était trop « prodigue de son talent ». D’autant qu’il ne le dépense pas toujours en bonne compagnie. Sa filmographie est hétéroclite et l’on n’y trouve guère de grands réalisateurs. En 1979, en compagnie de son cadet Malcolm McDowell, il joue dans l’une des catastrophes majeures de l’histoire du cinéma, le péplum pornographique Caligula, de Tinto Brass.

 

 

 

 

 

 

Mais on se souviendra aussi de l’acteur dans des œuvres plus exigeantes comme La guerre de Murphy –1971 ou Le dernier empereur -1987. Sa carrière connaîtra des hauts et des bas, ces derniers étant surtout dus, dans les seventies, à ses excès de boisson…L’alcool a longtemps été mon carburant. Mais heureusement le moteur est resté en bon état de marche. Un carburant qui le fera traverser le lac Léman à la nage, en très bonne compagnie, avec une bouteille à la main ! Son corps finira par lui donner un avertissement. L’acteur sortira vainqueur d’une première lutte contre un cancer du pancréas mais le 14 décembre 2013, la maladie a eu raison de lui. Il avait 81 ans….

 

Mourir, c’est facile, c’est jouer la comédie qui est difficile.

 

 

 

 

L’oublier sera encore plus difficile…

 

 

L’apparition des franchises si avides d’acteurs britanniques d’un certain âge ne lui profite guère. Sa prestance et son physique tourmenté de vieillard qui a vécu trop longtemps lui ont valu de jouer des rois comme Priam, dans Troie, de Wolfgang Petersen. En 2003, après sept nominations infructueuses, l’académie lui remet un Oscar pour l’ensemble de sa carrière, que Peter O’Toole avait envisagé de refuser, espérant encore décrocher une statuette de plein droit….Il est nommé en 2006 pour Venus. Mais une fois de plus, l’Oscar lui échappe, ce qui lui permet d’obtenir le titre de l’acteur le plus souvent nommé sans avoir jamais gagné. Peter O’Toole a vécu selon ses propres règles.

 

 

 

 

 

 

Un Monstre sacré, un érudit, un Amoureux de la Vie, un Génie.

 

 

 

 

Curieux, humble, O’Toole se fichait du star-système. Il a toujours été reconnu pour sa prestance, son savoir-jouer indéniable, souffrant sans doute d’une trop grande beauté à ses débuts, et de cette nonchalance très britannique qui l’empêchait d’être arriviste. Son élégance et sa clairvoyance étaient louées. Plus engagé qu’on ne le pense, il avait refusé d’être anoblit pour des raisons personnelles et politiques. L’homme était également superstitieux. Refusant de s’excuser pour sa vie de débauche, il s’en tirait toujours par un trait d’esprit, un bon mot ou tout simplement une facilité d’éloquence que des politiciens auraient pu envier…Je ne serai pas un homme ordinaire. Je vais remuer les lisses sables de monotonie !”. Il en a fait sa devise. Les Oscars l’ont nommé 8 fois ! Lawrence d’Arabie, Becket, Le Lion en hiver, Goodbye, Mr. Chips, Dieu et mon droit, Le Diable en boîte, Mon année préférée, Venus. Il a reçu un Oscar d’honneur en 2003 pour…

 

Ses remarquables talents qui ont fournit à l’histoire du cinéma quelques uns des plus mémorables personnages.

 

 

 

 

 

Un séducteur irrésistible…

 

 

 

Ce ne sont pas ses 1 033 maîtresses qui diront le contraire…En 1962, le monde entier découvrait et succombait au regard bleu de Peter O’Toole. L’acteur irlandais, alors âgé de 30 ans, décrochait le rôle de sa vie en incarnant le tourmenté et séduisant Lawrence d’Arabie. Le début d’une carrière qui durera jusqu’à son dernier souffle et fera de lui un des plus grands acteurs du vingtième siècle. C’est cependant une toute autre facette de sa vie qui est sur le point d’être révélée au grand jour. L’acteur, aura connu un immense succès auprès de la gent féminine. Dans la biographie « Peter O’Toole, diable, hors la loi sexuel, rebelle irlandais » les deux auteurs du livre dressent la très longue liste de ses conquêtes, anonymes ou non. La toute première de cette liste, fut une prostituée espagnole d’une cinquantaine d’années, qui décida de l’initier aux joies du sexe alors que le futur acteur n’était qu’un gamin âgé de 13 ans. Un ado aussi précoce qu’assidu, puisque leur « histoire » durera cinq mois, à raison d’une visite à sa dulcinée tarifée par jour, après les cours…Cinq mois d’enseignements dont il profitera toute sa vie, comme il le dira lui-même « Tous les trucs que je sais faire au lit, c’est elle qui me les a appris. »

 

 

 

 

Près de vingt ans plus tard, en 1963, Peter O’Toole, auréolé du succès de son interprétation de Lawrence d’Arabie, a rendu une princesse folle d’amour. Margareth, la petite sœur de la reine Elizabeth, a succombé au charme de son sujet et pris tous les risques pour pouvoir être en compagnie de son amant. De Kensington Palace à la résidence secrète de la princesse sur l’île Moustique, c’est une bonne partie de la planète qui abritera leurs amours interdits, car la sœur d’Elizabeth était à l’époque une femme mariée…S’il aimait à la folie toutes les femmes, il semble que ce sont bien les actrices qui le faisaient le plus fantasmer. La liste de ses conquêtes comédiennes semble vouloir ne plus finir. Jayne Mansfield, Anita Ekberg, Vivan Leigh, Katherine Hepburn, dont il sera fou amoureux, ou encore l’incendiaire Ava Gardner qui lui dira « Tu vaux 10 fois Clark Gable comme amant, mais tu n’arrives pas à la cheville de Robert Mitchum » ce sont les plus belles femmes d’Hollywood qui passeront entre ses bras et entre ses draps. Et parmi toutes ces actrices, certains furent plus que des partenaires de galipettes.

 

 

 

 

 

Elizabeth Taylor, LA star hollywoodienne, fut une des rares à impressionner ce Don Juan pourtant aguerri. Les deux stars se rencontrèrent en 1960, alors que Peter O’Toole était envisagé pour être le Marc Antoine du film Cléopâtre. Un rôle qui sera finalement attribué à Richard Burton, comme l’univers entier le sait. Invité par la belle brune aux yeux violets à répéter une scène dans sa chambre d’hôtel, Peter O’Toole avait rapidement fini dans le lit de la croqueuse d’hommes. Un moment aussi excitant que stressant, même pour cet amoureux des femmes, qui avait confié à un de ses proches s’être dit au moment fatidique…Je suis sur le point de b***** Elizabeth Taylor, une chose que la moitié des hommes de cette planète rêve de faire ! Pour la première fois de ma vie sexuelle, j’étais nerveux et je redoutais qu’elle ne critique ma performance. Des inquiétudes non fondées, vu que leurs cinq à sept coquins s’étendront sur plus de 10 ans…