Courage et Engagement !

Jean Jaurès est mort assassiné à 54 ans, à la veille de la Grande Guerre, il a dominé la vie politique française à la « Belle Époque ». Chef socialiste estimé de tous, y compris de ses adversaires, il doit son aura à son intégrité morale, à sa verve journalistique et plus que tout à son talent oratoire, à la tribune de la Chambre des députés comme sur les estrades populaires. Né dans une famille bourgeoise de Castres (Tarn), ce professeur de philosophie est un homme de très grande culture et surtout un tribun hors pair. Après de timides débuts dans la politique, à Toulouse, il est appelé au secours des mineurs de Carmaux, lesquels se sont mis en grève en 1892 pour défendre l’un des leurs, licencié après avoir été élu maire de la ville. Par ses articles dans le quotidien toulousain et par ses discours enflammés, Jean Jaurès prend fait et cause pour les mineurs qui, en retour, lui offrent un siège de député socialiste en 1893.

 

 

Parce que le milliardaire n’a pas récolté sans peine, il s’imagine qu’il a semé…

 

Jean JAURES.

 

 

Le début d’une prestigieuse carrière politique. Janvier 1898, après la parution de l’article de Zola dans L’Aurore, il met son talent oratoire et sa plume au service de la défense du capitaine Alfred Dreyfus. À l’image de Clemenceau et bien d’autres chefs politiques, il fonde son propre journal, L’Humanité. Tiré à 140 000 exemplaires, le nouveau quotidien ne tarde pas à réunir d’illustres signatures comme Léon Blum, Anatole France, Aristide Briand…Partisan envers et contre tout de la démocratie parlementaire, Jean Jaurès s’oppose aux marxistes rigoristes Jules Guesde et Édouard Vaillant qui rêvent de révolution et de « dictature du prolétariat ». Mais il est désavoué par l’Internationale socialiste et finit par se rallier à Jules Guesde. Ensemble, ils fondent la SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière). L’Humanité en devient très vite le porte-parole. Jean Jaurès, qui a feint de s’incliner, arrive à reprendre la tête de la SFIO et impose une orientation réformiste au parti.Il poursuit à la Chambre des députés son combat en faveur des travailleurs mais aussi contre la politique coloniale de la République et en faveur d’une réconciliation franco-allemande. Le tribun s’est attiré une réputation de pacifiste invétéré depuis un célèbre discours à la Chambre des députés, le 7 mars 1895, que la postérité a résumé par la formule lapidaire…

 

Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage.

 

 

 

 

On n’enseigne pas ce que l’on sait ou ce que l’on croit savoir…

On n’enseigne et on ne peut enseigner que ce que l’on est.

 

Jean JAURES

 

 

En 1913, il part en guerre contre la « loi des trois ans » qui porte de deux à trois ans la durée du service pour les jeunes hommes et étend à vingt-huit ans la durée des obligations militaires durant laquelle chacun peut être appelé sous les drapeaux. En dépit d’une manifestation monstre des opposants au Pré-Saint-Gervais, le 25 mai 1913, sous sa présidence, la loi des trois ans est néanmoins promulguée par le gouvernement de Louis Barthou le 7 août 1913. Aux élections législatives du 10 mai 1914, la SFIO remporte un flamboyant succès. Elle devient le deuxième parti de France derrière le parti radical de son allié Joseph Caillaux. Les partisans de l’abrogation obtiennent une quasi-majorité (269 sièges sur 603). Mais le geste malheureux d’Henriette Caillaux a brisé toutes les chances d’un gouvernement dirigé par Joseph Caillaux, dans lequel Jean Jaurès aurait assumé les Affaires étrangères.

 

 

 

 

 

 

30 juillet, Jean Jaurès apprend que la Russie a mobilisé ses troupes. Le lendemain, après d’ultimes démarches pour convaincre le gouvernement français de retenir son allié russe, il se rend au café du Croissant, 2e arrondissement de Paris, pour dîner avec deux amis. Il est guetté par un déséquilibré du nom de Raoul Villain (29 ans) qui lui reproche (à tort) d’être opposé à la mobilisation générale et à la guerre imminente contre l’Allemagne. Il lui tire dessus. Un cri fuse dans le café « Ils ont tué Jaurès ! ». L’assassin de Jaurès sera jugé et acquitté après la guerre cependant que le 24 novembre 1924, après la victoire du Cartel des gauches aux élections législatives, la dépouille de sa victime sera solennellement transférée au Panthéon.

 

 

 

 

 

 

 

 

Raoul Villain meurtrier de Jean Jaurès encadré par un très grand film sur la première guerre mondiale réalisé par Stanley Kubrick

 

Deux jours plus tard, l’Allemagne déclare la guerre à la France. C’est le début de la Grande Guerre. Lors des funérailles du leader, le 4 août, le secrétaire de la CGT Léon Jouhaux, prémonitoire, lance…

 

Victime de ton amour ardent de l’humanité, tes yeux ne verront pas la rouge lueur des incendies, le hideux amas de cadavres que les balles coucheront sur le sol…

 

 

Un vendredi soir d’été, le 31 juillet 1914, Jean Jaurès dîne au café du Croissant, à quelques minutes des bureaux parisiens de « La Dépêche », où il a déposé un nouvel article contre la guerre. Jaurès est à table avec des collaborateurs de « L’Humanité », le journal qu’il a créé dix ans auparavant. Dans la rue, un revolver dans la poche, Raoul Villain, agronome réformé de l’armée de 29 ans, s’approche de la vitrine du café…À « La Dépêche », la une du lendemain est prête. L’heure est grave, l’Allemagne précipite ses préparatifs militaires. On a choisi les plus gros caractères pour écrire sur six colonnes « Nous mobilisons ». Parvient alors la terrible nouvelle à la rédaction. On a tiré sur Jaurès ! En dernière minute, le journal est rebâti et on rajoute une ligne de titre en lettres de plomb « Jaurès assassiné », et en première colonne, on glisse sa photo et le texte, daté « Paris, 31 juillet, 10 h 15 soir ». La mort de Jean Jaurès est un choc pour la République. A 54 ans, le député et leader socialiste natif de Castres est l’apôtre de la paix tout autant qu’il était celui de la révolution sociale (grève des mineurs de Carmaux), de la justice (affaire Dreyfus), de la laïcité (séparation des Eglises et de l’Etat). Il a vu venir la Première Guerre mondiale, dont il redoute qu’elle soit « La guerre universelle ». Elle sera déclarée le jour de ses obsèques, célébrées sous des chars de fleurs, le 4 août 1914. Arrêté sur les lieux de l’assassinat, Raoul Villain passe toute la guerre en détention préventive. Son procès aux assises se tient en mars 1919. Il a reconnu son crime, l’a même revendiqué contre « le grand traître de la loi de trois ans », Jaurès s’étant prononcé contre l’allongement du service militaire. Mais contre toute attente, le jury prononce l’acquittement du meurtrier, à l’unanimité moins une voix. C’est un affront de plus pour la veuve de Jean Jaurès, dans un chagrin inconsolable depuis l’assassinat de son mari et la mort de leur fils Louis, sur le front, à l’âge de vingt ans, en 1918. Mais ce procès, cinq mois après l’armistice, baignait dans un patriotisme exacerbé. L’historien Rémy Pech, actuel président des Amis de Jean Jaurès, précise…

 

La France sort de cinq années de guerre et a eu 1,5 million de morts, pour le tribunal, Jean Jaurès n’est qu’un parmi d’autres. Il faut aussi se souvenir que l’armistice a été signé, mais pas encore la paix et que les soldats sont toujours cantonnés dans les casernes. La paix n’intervient que le 28 juin 1919 avec le traité de Versailles.



Son acquittement provoqua des réactions scandalisées et des manifestations. Villain, vécut jusqu’à l’âge de 50 ans. En 1936, il séjournait sur l’île d’Ibiza, et fut assassiné par des anarchistes, au tout début de la guerre d’Espagne.



 

 

Jaurès     Chanson de Jacques Brel

 

Ils étaient usés à quinze ans / Ils finissaient en débutant

Les douze mois s’appelaient décembre / Quelle vie ont eu nos grand-parents

Entre l’absinthe et les grand-messes / Ils étaient vieux avant que d’être

Quinze heures par jour le corps en laisse / Laissent au visage un teint de cendres

 

Oui notre Monsieur, oui notre bon Maître

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

 

On ne peut pas dire qu’ils furent esclaves / De là à dire qu’ils ont vécu

Lorsque l’on part aussi vaincu / C’est dur de sortir de l’enclave

Et pourtant l’espoir fleurissait / Dans les rêves qui montaient aux yeux

Des quelques ceux qui refusaient / De ramper jusqu’à la vieillesse

 

Oui notre bon Maître, oui notre Monsieur

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

 

Si par malheur ils survivaient / C’était pour partir à la guerre

C’était pour finir à la guerre / Aux ordres de quelques sabreurs

Qui exigeaient du bout des lèvres / Qu’ils aillent ouvrir au champ d’horreur

Leurs vingt ans qui n’avaient pu naître / Et ils mouraient à pleine peur

Tout miséreux oui notre bon Maître / Couverts de prêles oui notre Monsieur

Demandez-vous belle jeunesse / Le temps de l’ombre d’un souvenir / Le temps du souffle d’un soupir…

 

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?