C’est au cinéma que les films ont un sens, pour vivre pleinement des sensations uniques. Excepté les 3 premiers films de cette liste, les 30 autres sont liés à des émotions vécues à leur sortie au cinéma dans la magie difficilement explicable d’une salle obscure. Je n’ai pas découvert Lawrence d’Arabie à sa sortie, j’avais 8 ans mais c’est un film qui repasse parfois au cinéma et qu’il faut voir absolument sur un grand écran pour ses plans incomparables du désert à différentes heures du jour. Le chef d’œuvre de David Lean symbole de la grande époque Hollywoodienne des années 50/60 qui a nécessité deux ans de tournage et une aventure humaine pleine d’exaltation. JP
David Lean 1908-1991
Réalisateur, Producteur, Scénariste Britannique. 40 ans de carrière et 15 films. Après 10 films en 10 ans, le Pont de la rivière Kwaï lance ses plus grandes années avec des films à grands spectacles qui vont rencontrer le public. Ses 5 derniers films reçoivent de nombreux et une vraie reconnaissance internationale. A partir du livre autobiographique « les 7 piliers de la sagesse » son film Lawrence d’Arabie est une adaptation à grand spectacle de la vie de Thomas Edward Lawrence paru en 1926. Né en 1888, le lieutenant britannique T.E. Lawrence mena une vaste opération en Arabie durant la première guerre mondiale en menant la révolte des Bédouins contre les Turcs. Surnommé « le libérateur de Damas », il fut l’un des principaux artisans de l’unité arabe. Suspecté par certains d’exercer une influence occulte sur la politique internationale, ce personnage complexe est une figure incontournable de l’histoire du XXème siècle. Mort à moto en 1935 à 46 ans. Fils illégitime d’un noble et d’une gouvernante, il n’était pas spécialement beau, ni grand et chercha toute sa vie à reconquérir cette légitimité manquante. Passionné d’archéologie, il part à la recherche de ses héros sur les routes de France, dans les châteaux avant de prendre le chemin des croisés vers le Moyen-Orient. Archéologue au Caire, sa connaissance de la langue et de la culture arabe lui permettent d’intégrer les services secrets britanniques. Sa mission était de trouver un leader aux tribus. Il trouva dans le prince Fayçal Ibn Hussein le chef pour fédérer les bédouins. Promettant une grande nation arabe unie avec Damas pour capitale, il fut l’âme de la révolte arabe contre les Ottomans de 1916 à 1918. Mais ses rêves se heurtèrent à l’histoire et aux volontés des empires coloniaux de faire main basse sur l’Arabie et ses richesses. Du désert de Jordanie, il emporta la gloire de ses victoires, l’amertume de la trahison et surtout la tragédie marquée dans sa chair et son esprit.
Peter O’Toole…Prince d’Arabie !
J’ai vécu près de deux ans dans le désert avec Lawrence, il a rempli mon existence. Parfois, dans ma vie quotidienne, je vacille et tout me revient à l’œil et à l’oreille. Et, parmi ces envolées de sable et ces bouffées de nostalgie qui m’assaillent parfois dans le fog londonien, je comprends que sa djellabah m’enveloppera et m’accompagnera toujours.
Qui peut imaginer, ne serait-ce qu’une seconde, que Delon a failli traverser, juché sur dos de dromadaire, les déserts d’Arabie de Lawrence dans l’un des films les plus célèbres au monde ? Assurément personne, car tout le monde l’ignore, ou presque. Alain Delon mit pourtant du cœur à l’ouvrage et du courage à tenir en selle et il vint, plusieurs semaines durant, quotidiennement, apprendre à chevaucher des vaisseaux du désert dans les allées du Jardin des Plantes de Paris afin de tenir le rôle qui lui avait été proposé en ce chef-d’œuvre de David Lean. L’idée du célébrissime film historique anglais s’intéressant à ce lieutenant de l’armée britannique tentant de forger l’unité arabe contre l’occupant turc était venue au producteur américain Sam Spiegel Le Pont de la rivière Kwaï désireux de monter à nouveau une fresque à grand spectacle sur un sujet jamais encore abordé au cinéma. Après avoir envisagé Albert Finney, Richard Burton, Anthony Perkins puis Marlon Brando pour le rôle-titre, Spiegel et David Lean portent leur choix, après l’avoir remarqué dans Le Jour où on dévalisa la Banque d’Angleterre, sur Peter O’Toole, 29 ans, qui commence par se déclarer peu intéressé par le personnage.
Il argue mesurer 1,90 m alors que Lawrence ne dépassait pas 1,65 m. Puis, après avoir accepté de se faire teindre les cheveux en blond, le comédien irlandais aux yeux bleus se trouve très ressemblant et se prend au jeu. Spiegel cherche un acteur pour incarner le jeune Prince arabe Ali et son choix se porte sur Alain Delon qui, en cette année 1961, répète alors à Paris sa première pièce au théâtre, Dommage qu’elle soit une putain ! qu’il va jouer avec Romy Schneider. Le metteur en scène du film lui demande, ainsi qu’il l’a demandé à Peter, de s’entraîner à monter et à tenir sur dos de dromadaire. Alain Delon prend des cours au Jardin des Plantes, chaque matin, avant de courir répéter chaque après-midi sous la direction de Visconti. Tout va bien, jusqu’au jour où Luchino découvre ce que prépare Alain et s’emporte, lui reprochant de ne pas être tout à son travail avec lui occupé, et, jaloux, obtient qu’il renonce à son rôle dans Lawrence d’Arabie. Maurice Ronet est contacté mais il lui faut mettre des lentilles de contact pour avoir des yeux bruns et il ne les supporte pas. Lors d’un voyage préparatoire en Égypte, Lean découvre la jeune star nationale, Omar Sharif, lui aussi 29 ans, il l’engage et lui demande de laisser pousser sa moustache.
En 1961, l’équipe du film débarque finalement en Jordanie qui doit servir de camp de base aux différents tournages dans la région. Au même moment, la guerre entre l’État juif et les pays arabes est déclarée. Un campement très moderne est installé dans le désert pour acteurs et techniciens. L’atmosphère est tendue. Sam Spiegel qui paye le film veut assister au tournage mais il n’a pas le droit de passer la frontière car il est juif. Pas producteur hollywoodien pour rien, il s’installe donc sur son yacht, le Mahane, sorte de petit paquebot de grand luxe, ancré dans la baie d’Akaba, à la limite des eaux territoriales, d’où il ne descendra jamais pour mettre les pieds à terre. Toutes ses vedettes occupent les cabines so chic à son entour et, pendant huit mois, chacun, par canot, part tourner sur le rivage et, le soir, revient souper sur le ponton arrière, en racontant le déroulement des opérations à celui qui n’assiste à rien du film mais entend des explosions ou voit s’envoler des tempêtes de sable. Spiegel fait croquer à ses stars, dont Anthony Quinn qui s’est collé un faux nez pour ressembler à l’émir qu’il incarne et Jack Hawkins qui remplace Cary Grant, des grains de caviar que sert, en habit sombre et gants blancs, un majordome noir.
Il n’est même pas question de se baigner puisque les flots, aux alentours de la coque, sont infestés de requins. Spiegel dirige les grandes manœuvres par télex et téléphone. Pour un oui, pour un non, il appelle le roi Hussein et lui demande d’intervenir pour faciliter le tournage en réglant des détails d’intendance. Lean travaille au mégaphone et se montre constamment à cran car il ne peut voir les séquences qu’il tourne, expédiées aux labos de Londres d’où on lui téléphone pour lui préciser que le résultat est magique. Il doit les deviner et trépigne. Pour le film d’une durée en accordéon, on a découvert il n’y a pas longtemps des séquences passées à la trappe qu’on recollait, tantôt coupée tantôt rallongée. Il dure finalement trois heures et demie. La température est terrible. Des parasols sont installés au-dessus des caméras pour les protéger de la chaleur. Certains des acteurs, O’Toole notamment, jouent leur scène les pieds dans un seau à glace. Mais, à longueur de jour et de nuit, le comédien ne suce pas que de la glace et se retrouve avec d’épouvantables gueules de bois qu’il soigne en buvant plus encore. Les alcools forts étant interdits, chacun avale du vin ou de la bière. Les femmes sont aussi interdites, et personne n’a de contact avec des créatures du sexe opposé, ce qui, à la longue, finit par taper sur les nerfs et les sens de beaucoup.
7 Oscars en 1963. Meilleur film, réalisation, photographie, direction artistique, montage.
Maurice Jarre emporte l’oscar de la musique mais aussi sur le Docteur Jivago – La Fille de Ryan – La Route des Indes.
Lawrence d’Arabie marque la première collaboration du réalisateur David Lean et du chef opérateur Freddie Young, trois ans avant Le Docteur Jivago. Les deux hommes retravailleront une dernière fois ensemble en 1970 sur La Fille de Ryan. Bilan pour le chef opérateur, trois Oscars. Film tourné au Maroc, Jordanie, Syrie. Dans le désert d’Almeria, en Espagne des palmiers avaient été plantés pour les besoins du film. Par la suite, ces palmiers se sont multipliés dans une petite zone du désert d’Almeria, aujourd’hui appelée « l’Oasis ». Le réalisateur David Lean souhaitait à l’origine engager l’acteur Albert Finney pour le rôle-titre de Lawrence d’Arabie. Le nom de Marlon Brando fut également mentionné. Au final, c’est Katharine Hepburn qui incita le producteur Sam Spiegel à engager Peter O’Toole. Pour incarner le rôle, Anthony Quinn s’est fait poser un faux nez. Il a incarné des personnages de différentes nationalités tout au long de sa carrière, d’origine mexicaine il incarne l’Arabe Auda abu Tayi, il s’est également glissé dans la peau d’un Grec dans Zorba le Grec, Les canons de Navarone, d’un Basque pour Passeur d’hommes, Les Centurions ou encore d’un Indien avec Buffalo Bill et les Indiens, La Charge fantastique. Pour Omar Shariff acteur Egyptien c’est un premier film international qui va le faire connaître dans le monde entier.
Le film permet à l’équipe du Pont de la rivière Kwaï de se reformer. Après le succès de ce dernier film, le producteur Sam Spiegel et le réalisateur David Lean désiraient mettre en chantier un projet d’envergure. Ils trouvèrent matière à cette ambition dans le récit de T.E. Lawrence dont ils acquirent rapidement les droits. Robert Bolt fut ensuite engagé, Sam Spiegel ayant fortement apprécié sa pièce de théâtre « Un homme pour l’éternité ». Deux personnages permettent de prendre un peu de recul par rapport à cette grande épopée, d’avoir un regard extérieur avec le personnage du diplomate Dryden, incarné à l’écran par Claude Rains, et celui du journaliste Jackson Bentley, joué par Arthur Kennedy quis est le seul personnage spécialement inventé pour le film. La majorité des mouvements de caméra présente la particularité d’aller de la gauche vers la droite. David Lean explique son choix par la volonté d’insister un peu plus sur la notion de « voyage » dans le film. Sur les 216 minutes du film, aucun personnage féminin ne parle, même si des femmes sont visibles à l’écran. Le long métrage ne laisse la parole qu’aux hommes.
DERNIER MIRAGE…par Gérard Lefort
Mort samedi à Londres à l’âge de 81 ans Peter O’Toole restera malgré une filmographie pléthorique et disparate, l’acteur d’un seul grand rôle où il fut immense…Lawrence d’Arabie, réalisé en 1962 par David Lean. Il y incarne le fameux colonel et écrivain britannique Thomas Edward Lawrence qui, de 1916 à 1918, lors des révoltes arabes contre l’empire ottoman, servit d’agent de liaison puis de leader pour les tribus bédouines dispersées et souvent rivales. T.E. Lawrence passa à la postérité pour le récit romanesque qu’il fit de sa vie d’aventurier interlope dans les Sept Piliers de la sagesse. Marlon Brando fut un instant pressenti mais c’est le quasi-inconnu Peter O’Toole…A l’époque seulement trois films au compteur dont l’excellent les Dents du diable, de Nicholas Ray qui décrocha finalement le rôle car de l’avis de David Lean, «il avait les yeux pour ça» !
Quel regard en effet que celui de cet Irlandais né en 1932 dans le Connemara, des yeux d’un bleu plus que pénétrant. Reste qu’il va instiller au personnage de Lawrence, une densité et une ambiguïté qui vont bien au-delà de son physique de beau gosse en pleine acmé de virilité a 30 ans. Lean augmenta la part de grande hystérie qui habitait Lawrence et dans laquelle O’Toole se glissa avec une gourmandise visible. Le scène où, ivre de massacre et de sang, Lawrence triomphe sur le toit d’un train qui vient d’être attaqué par ses amis «terroristes», reste comme une des apogées du film. La djellaba maculée de sang, toutes voiles au vent, Peter O’Toole est manifestement plus que dans la peau du personnage. Restait la délicate évocation pour l’époque)de l’homosexualité du colonel. Le film suggère plus qu’il ne montre. Une scène explicite où Lawrence se fait violer par des soldats turcs l’ayant capturé, est longtemps restée censurée. Elle ne sera visible que des dizaines d’années plus tard, lors d’une présentation du film au Festival de Cannes dans une version restaurée et enfin complète. Mais les amitiés particulières que Lawrence développa avec deux jeunes garçons bédouins qu’il présentait comme ses «boys», sont par contre plus qu’évoquées. C’est d’ailleurs, une des plus belles scènes du film, lorsque le «bédouin» Lawrence déboule au cercle militaire britannique du Caire avec ses compagnons en guenilles et exige sous les regards scandalisés, qu’on leur serve des limonades.
Le succès colossal de Lawrence d’Arabie confère à Peter O’Toole une carrure de star internationale. Dans la foulée, il incarne Henri II dans le Beckett, de Peter Glenville aux côtés de Richard Burton et de John Gielgud. Le trio se veut shakespearien, mais il est transparent que l’ego de chacun prend le dessus sur le jeu et transforme le film en une compétition de cabotinage pour beaucoup exaspérant. En 1965, son incarnation de Lord Jim dans le film de Peter Brooks est nettement plus intrigante. Assez finement inspiré du roman de Joseph Conrad, le personnage du très tourmenté marin en quête de rédemption colle de nouveau à la peau et au physique de Peter O’Toole. Le film fut cependant un échec absolu et l’acteur tente alors une première intrusion dans le registre comique avec Quoi de neuf, Pussycat ? une comédie américaine réalisée en 1965 par Clive Donner. Mais quoique assez marrant et convaincant en rédacteur en chef d’un magazine féminin parisien, par ailleurs tombeur de ces dames, O’Toole y est écrabouillé par deux maestros de l’humour que sont Peter Sellers et Woody Allen. 1966, le très plaisant Comment voler un million de dollars ? de Willam Wyler, et le très tarte la Bible, de John Huston où il joue le messager de Dieu. Nouvelle escapade dans le comique avec Casino Royale, du même Huston, qui se veut une parodie, hélas à moitié foirée, des James Bond. En 1967, dans la Nuit des généraux, d’Anton Litvak, Peter O’Toole est de nouveau au mieux de lui-même dans un rôle de général nazi sadique et tueur de prostituées, passé à travers les mailles de la justice de l’après-guerre. Honorables. Après, pour le dire gentiment, ça se gâte sévère. Sans doute auto-convaincu qu’il est un grand acteur tragique, Peter O’Toole va s’abîmer dans des compostions outrées, la pire étant sans conteste celle du roi Henri II dans le Lion en hiver, un film britannique réalisé par Anthony Harvey en 1968. Face à lui, il est vrai que la déjà toute chevrotante Katharine Hepburn en Aliénor d’Aquitaine ne lui facilitait pas la tâche. 1972, catastrophique Homme de la Manche, d’Arthur Hiller où il ose et rate Don Quichotte. Ce qui ne va pas l’empêcher de tourner encore dans une trentaine de films où surnagent quelques prestations honorable…Tibère, l’empereur vérolé, dans le Caligula de Tinto Brass, en 1979, et surtout le personnage de Reginald Johnston, précepteur du jeune empereur chinois Pu Yi dans le Dernier Empereur, de Bernardo Bertolucci, en 1987. On vit à ces deux occasions, que Peter O’Toole avait, comme on dit, de beaux restes. Qu’il ne cessa de faire flamber sur les planches du théâtre britannique où il mène une carrière prolifique et parallèle et plus de 80 rôles, notamment dans Hamlet et Macbeth. En 2003, à 71 ans, après avoir été nommé sept fois aux oscars sans avoir obtenu la récompense suprême, Peter O’Toole reçoit un oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. Mais ce soir de gloire, toute la salle n’avait d’yeux que pour Mister Lawrence, enfin retrouvé.
Filmographie Peter O’Toole très sélective…
1962 : Lawrence d’Arabie de David Lean
1964 : Becket de Peter Glenville
1965 : Lord Jim de Richard Brooks
1967 : Casino Royale de John Huston
1967 : La Nuit des généraux d’Anatole Litvak
1971 : La Guerre de Murphy de Peter Yates
1987 : Le Dernier Empereur de Bernardo Bertolucci
2004 : Troie de Wolfgang Petersen
MAGIE DU DESERT…
David Lean réalise une fresque épique, tragique, mégalomaniaque, touchante, enivrante. Le vrai Lawrence fut un rêve, un fantasme et il en a saisi la dimension. Un homme qui a construit sa légende en nous laissant sa prose. Lawrence adorait le désert, mais il méprisait autant qu’il les appréciait ces Arabes dont il se servait pour forger sa propre gloire, pour donner vie à son rêve. Il suffit de le lire…Ma guerre était trop méditée, parce que je n’étais pas soldat, mes actes étaient trop travaillés parce que je n’étais pas un homme d’action. Je n’ais eu qu’un grand désir dans mon existence, pouvoir m’exprimer sous quelque forme imaginative, mais mon esprit trop diffus n’avait jamais su acquérir une technique. Le hasard, avec un humour pervers, en me jetant dans l’action, me donnait une place dans la révolte arabe contre l’occupant turc et m’offrait ainsi une chance en littérature, l’art-sans-technique ! Il m’apparut que la révolte arabe pourrait être d’une certaine façon un pèlerinage de retour, pour rapporter dans le nord, en Syrie, un idéal en échange d’un idéal. Une foi en la liberté en échange de leur foi en une révélation.
Sir Lawrence d’Arabie…Poète, idéaliste, prend goût à la violence et participe dans sa folie à un carnage.
Lawrence se fait Mohamed pour mieux embarquer les Arabes dans sa folle course.
Peter O’Toole, de son regard azur porte en lui cette flamme destructrice/ Ce héros est un esthète implacable et Lean a su traduire cette trajectoire avec une rare acuité. Considérer cette œuvre comme un film à la gloire de T.E. Lawrence est une erreur mais dans sa forme le film lui est un chef d’œuvre. L’histoire, romanesque de cet officier méprisant de certitudes, de connaissances et de rêve, désireux d’écrire sa propre gloire en pleine première guerre mondiale, constitue une base solide. David Lean s’est arrangé avec une partie de la réalité mais le contraire eût été moins puissant. Une épopée mérite qu’on se détache de nos simples contingences mortelles. Quant à l’écriture, aux dialogues, ciselés, ils rendent un bel hommage à la langue de l’universitaire qu’il fut. Anthony Quin et Alec Guinness et le jeune Omar Sharif sont les véritables perles du héros. Peter O’Toole, joue le rôle de sa vie. La musique de Jarre incarne l’esprit des personnages au cœur d’un désert magnifié à l’extrême. Aux paysages grandioses succèdent des scènes spectaculaires telles cette attaque de train ou ce bombardement de campement par l’aviation turque, ou ces focus sur le regard illuminé d’O’Toole. Un film, une séquence…Lawrence regarde son allumette se consumer puis vient le soleil, irradiant, écrasant, surgissant du néant sur le désert. L’un des plus beaux plans de cinoche. Un rêve pour mes yeux. Des nuits étoilées, froides, des jours écrasés et azurs, même la poussière prend vie.
Lawrence d’Arabie est un film sublime. Par son héros principal, par cette faculté à créer un film intimiste en plein désert, en pleine fureur guerrière. O’Toole, habité, nous emporte dans une sorte d’introspection d’un homme qui écrivait…Les rêveurs du jour sont des hommes dangereux, car ils peuvent jouer leur rêve les yeux ouverts et le rendre possible. C’est ce que j’ai fait. Peter O’Toole-Lawrence est de la trempe de Conan ou d’Excalibur. il arrache des émotions irrationnelles, à force de musique, de plans et de regards.
Avec Lean et O’Toole là-bas dans le désert, il y a le meilleur de nous…Nos rêves…