Sur les routes du sud emprunte son titre à un guide de voyage intitulé The Negro Motorist Green-Book. Publié chaque année entre 1936 et 1966, il recensait les commerces et autres établissements qui acceptaient la clientèle noire. L’ouvrage était surnommé le “livre de Green”, du nom de son auteur, Victor Hugo Green, un postier afro-américain de New York. Ne couvrant à l’origine que la région de New York, le livre s’est étendu à la majeure partie de l’Amérique du Nord, aux Caraïbes et aux Bermudes. Vendu dans des stations essence et par correspondance, le livre permettait aux voyageurs noirs de planifier leur trajet pour éviter tout harcèlement, toute arrestation et toute violence. L’abolition des lois ségrégationnistes Jim Crow en 1964 a rendu obsolète le “livre de Green”, dont la publication s’arrêta en 1966. Son auteur, décédé en 1960, n’a pas connu la fin de la ségrégation.
Premier long métrage en solo de Peter Farrelly, que l’on connaît pour les comédies qu’il a réalisées avec son frère Bobby telles que Mary à tout prix – Fous d’Irène – Dumb and Dumber. C’est sa première incursion dans un registre dramatique. Le réalisateur a rencontré par hasard le scénariste Brian Currie alors que ce dernier s’apprêtait à écrire Green Book avec Nick Vallelonga. Emballé par l’histoire, Peter Farrelly ne cesse d’y penser pendant les semaines qui suivent et propose finalement aux deux scénaristes de participer à l’écriture du film.
Depuis des années, quand on me demande si je vais un jour réaliser un film dramatique, ma réponse est toujours la même : oui, mais quand la bonne histoire se présentera, et cela ne dépend pas de moi. C’est un peu comme demander à quelqu’un quand il va tomber amoureux, c’est le genre de choses sur lesquelles on n’a aucune prise, ça arrive quand ça arrive !
Oscars 2019 / Meilleur film – Scénario original / Acteur dans un second rôle Mahershala Ali.
C’est le pianiste Kris Bowers qui compose la musique du film. C’est également lui qui interprète les morceaux de Don Shirley et double Mahershala Ali. Musicien depuis ses 4 ans, Bowers a déjà composé de la musique de film mais Green Book est le premier métrage de studio de cette ampleur. À l’instar de Shirley, Bowers joue exclusivement sur des pianos Steinway, tous fabriqués à la main, car “ils projettent le son comme aucun autre instrument”.
Tous les morceaux que l’on entend dans le film sont des transcriptions directes des enregistrements de Don Shirley. Certains sont plus anciens et donc de moins bonne qualité, plus difficiles à entendre et donc plus difficiles à retranscrire, mais pour l’essentiel, toutes les notes sont exactement celles qu’il jouait. Il était important de rester aussi proche que possible des originaux car sa manière d’arranger et de jouer la musique était unique .
Viggo Mortensen était le premier choix de Peter Farrelly pour le rôle de Tony Lip. Le réalisateur lui a envoyé le scénario sans trop y croire, l’acteur se faisant rare au cinéma. Ce dernier a été séduit immédiatement par le rôle et le projet et a accepté après quelques semaines d’hésitation, effrayé de ne pas être à la hauteur. Il a alors quitté l’Espagne où il vit pour se rendre à New York où il a rencontré la famille Vallelonga. Il a également écouté et visionné des enregistrements de Tony réalisés par son fils, a visité le Bronx et le New Jersey et a même regardé l’intégrale de la série Les Soprano. L’acteur s’est si bien fondu dans le rôle qu’il a réussi à faire oublier ses racines danoises.
C’était par moment presque irréel tant il me rappelait mon père. Ses tics et la manière dont il allumait et fumait sa cigarette étaient exactement les mêmes, il s’est parfaitement approprié sa gestuelle, au point que quand je le regardais, c’était mon père que je voyais. C’était à la fois très étrange et très émouvant.
Il a pris 20 kilos pour le rôle de Tony Lip. C’est nourri de cuisine italienne, pizzas et pâtes. Sa technique, qu’il ne recommande pas car elle est mauvaise pour la santé, a consisté à avaler au dîner des repas riches accompagnés d’un ou plusieurs desserts juste avant de se coucher. Il avoue que perdre ces kilos a été beaucoup plus difficile et moins amusant que de les prendre.
Acteur, réalisateur, scénariste, producteur, musicien, photographe et peintre américano-danois, né le 20 octobre 1958 à New York. Sur sa quarantaine de films, c’est la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson qui le révèle au monde entier grâce à l’incarnation du personnage d’Aragorn, puis ses trois films avec David Cronenberg qui lui valent une large reconnaissance critique.
VIGGO MORTENSEN
Filmographie sélective
1991 – The Indian Runner de Sean Penn
1993 – L’Impasse de Brian De Palma
1995 – USS Alabama de Tony Scott
1997 – À armes égales de Ridley Scott
Le Seigneur des anneaux de Peter Jackson
2001 – La Communauté de l’anneau
2002 – Les Deux Tours
2003 – Le Retour du roi
Par le réalisateur David Cronenberg
2005 – A History of Violence
2007 – Les Promesses de l’ombre
2011 – A Dangerous Method
2005 – Capitaine Alatriste de Agustín Díaz Yanes
2008 – Appaloosa de Ed Harris
2009 – La Route de John Hillcoat
2011 – Sur la route de Walter Salles
2016 – Captain Fantastic de Matt Ross
2018 – Green Book de Peter Farrelly
En tant que réalisateur&Acteur
2020 – Falling
UNE AMÉRIQUE EN PARTITIONS. Par Camille Nevers
Drôle et sensible, le premier film en solo de Peter Farrelly narre avec grâce l’amitié entre un pianiste virtuose noir et son garde du corps blanc au cours de leur tournée dans le Sud ségrégationniste des années 60. Don Shirley (Mahershala Ali) et Tony Lip (Viggo Mortensen) duo pince-sans-rire. Imaginez un Guide du routard années 60, dans les Etats-Unis ségrégationnistes, composé à l’attention des Noirs histoire de leur indiquer les lieux, motels, restaurants, bars, où ils sont les bienvenus. Entendre, à l’exception de tous les autres, réservés aux Blancs. C’était ça, le Green Book qui donne son titre au premier film de Peter Farrelly. Sans Bobby. Il s’agit bien d’un premier film, loué en festival, couvert de prix, ce sont bien les premiers pas d’un cinéaste solo, avec ses maladresses, sa volonté de bien faire et son application tendue, avec la ferme et juste certitude qu’il tient là une histoire, des personnages en or. C’est le cas. Même seul, Peter remet sur le métier le thème favori du cinéma des frères Farrelly, auquel leur plus beau film Deux en un-2003 consacrait sa drôlerie et son émotion, comme ici le thème de la gémellité bien tempérée des partenaires, siamois décidés à ne plus cohabiter, qui réalisent que le monde tournera rond pourvu qu’ils continuent à rythmer, à accorder à eux deux le mouvement et la musique de leur vie. De l’art d’être deux, donc trois.
C’est ici l’histoire vraie de Tony Lip et Don Shirley, deux compères improbables. Le Bronx, 1962, comme un épisode désuet des Soprano, on passe en revue la tribu ritale, haute en couleur et en dialecte approximatif sur fond de mafia, sans quoi le pittoresque ne serait pas complet. Tony est au chômage temporaire, le Copacabana, night-club qui l’emploie à la sécurité, étant fermé pour travaux. Gros mangeur, gros bullshitter d’où le surnom «Lip» pour son insolence, il s’en sort toujours à force de baratin. Le bon gars, Tony. Seulement comme tout le monde, il est raciste. Les Négros, c’est pas comme nous autres, les Ritals. Un pianiste virtuose et réputé l’engage comme chauffeur et garde du corps, pour une tournée dans le Sud avec sa formation musicale; le Don Shirley Trio. Or, Don Shirley est noir, on s’en doute. Magistralement campé par Mahershala Ali. Green Book démarre alors vraiment, et l’heure et demie qui suit se consacre au périple du duo pince-sans-rire à travers le Sud raciste mais mélomane, bourgeoisie blanche friande de concerts privés et de musique classique, haute société privée de crinoline. Exceptionnellement, le musicien prodige et racé vedette étant un Noir, la musique sera un mélange de grande musique, blanche, bien sûr et de jazz-pop, les anciens esclavagistes toujours ségrégationnistes ne pouvant s’accommoder d’un Noir trop blanc, quand même. Hors le petit périmètre des projecteurs et de son Steinway, Don est interdit de frayer avec ceux venus l’applaudir. Etranger en son pays et à lui-même et aux siens supposés autant qu’à ce public enfariné en habit. A la communauté afro-américaine de laquelle il semble vouloir se distinguer avec ses grands airs on verra cependant que ce n’est pas la distinction, le sujet du film, mais la dignité. Aux nantis qui composent ses mécènes et admirateurs, tous blancs. Le racisme de Tony disparaît sitôt qu’il entend Don jouer. Entre eux naît en cours de route la meilleure des amitiés. D’égal à égal, entre classe et race, et dialogue illimité, ces deux-là se sont trouvés car ils sont les représentants d’une diaspora de l’intérieur.
Don Shirley et Tony Lip sont d’une lignée de saltimbanques vénérables…Don Quichotte et Sancho Panza, Jacques le fataliste et son maître, Dom Juan et Sganarelle…Fine lettrée, Hollywood fit un genre de cela le road-movie et le film de Noël. Green Book est les deux pardon, les quatre à la fois. Un film édifiant au sens de ce que le conte moral a de meilleur, bons sentiments compris si difficiles à rendre sans béatitude bête. Les lettres d’amour de Tony à sa femme, écrites par un nouveau, très fort Cyrano. Avec aussi, pour horizon plus tragique de nuées d’alcool et de lutte civique, l’univers d’un James Baldwin, on pense, pour la tournée de musique noire dans ce Sud sixties et la part cachée d’homosexualité, à Harlem Quartet. Cela donne une idée de l’originalité classique et de sa grâce. Au Don Shirley Trio fait un écho vibratile le trio formé de deux hommes et de cette femme à qui l’on pense et l’on écrit. Laquelle aimerait pouvoir remercier le ciel ou son époux, ou l’invité prodigue, d’ensemble célébrer Noël. Dolores a tout compris.