2018 – Une idée Géniale !

Je n’ai pas de passion particulière pour Edmond Rostand. J’ai un amour pour la pièce Cyrano, comme pléthore de gens ont. C’est en m’intéressant à Cyrano que j’ai découvert qu’Edmond Rostand l’avait écrit à seulement 29 ans. Je me suis dit que c’était fou. Et j’ai ensuite découvert que personne ne croyait à cette pièce, jusqu’à ce que soit un triomphe phénoménal. J’ai alors réalisé que personne n’avait encore jamais raconté cette histoire alors que je la trouve incroyable. C’est pour ça que j’ai commencé à vouloir raconter cette histoire. Ensuite, je me suis évidemment intéressé à Edmond Rostand et à sa vie, de sa naissance à sa mort. Par la force des choses, je suis devenu un peu spécialisé en Edmond Rostand. Je ne vais pas dire qu’il y a une identification, mais évidemment je parle d’un créateur, d’un auteur de théâtre, d’un metteur en scène, de quelqu’un qui a 29 ans, donc assez tôt, a connu un succès très fort. J’ai connu à 29 ans le succès avec Le porteur d’histoire, qui a été un premier spectacle et il se joue encore aujourd’hui. Alexis Michalik

 

 

 

 

Mettre en scène ou réaliser, c’est l’amour des responsabilités. On part de rien et on construit tout pour créer quelque chose. Il faut avoir plaisir à être le capitaine avec, au cinéma, une beaucoup plus grosse équipe à diriger. Au théâtre, on a répété deux mois. Pour le film aussi. En fait, c’est un peu comme la différence entre être acteur de théâtre et acteur de cinéma…Au cinéma, on est plus confortable, on est très chouchouté alors qu’au théâtre, ça peut être un peu plus spartiate. Pour le metteur en scène, au cinéma, on est plus entouré, on a beaucoup de monde pour nous aider à faire ce qu’on ne sait pas faire.

 

C’est un peu comme quand Rostand écrit Cyrano. Il s’est beaucoup documenté sur le vrai personnage et ensuite il a écrit son histoire à sa manière. J’ai fait la même chose avec de nombreuses informations sur Edmond Rostand et puis j’ai pris quelques libertés avec l’histoire…Par exemple, il met plus de trois semaines à écrire la pièce…J’ai également créé le personnage de Jeanne. Sa véritable muse, c’était Rosemonde, elle était à la fois sa femme, la mère de ses enfants, son éditrice…Mais je voulais amener un triangle amoureux comme dans l’histoire de Cyrano, j’ai donc imaginé Edmond sous le charme de Jeanne  qui est attirée par Léo, l’acteur qui joue Christian. Et comme on ne sait pas grand-chose de ce comédien, cela laissait libre court à l’imagination.

 

J’ai cherché des acteurs qui avaient les qualités communes au théâtre et au cinéma. Au théâtre, on a des acteurs caméléons qui peuvent jouer plusieurs rôles. Au cinéma, il faut le plus adapté à chaque rôle. Au théâtre, on suggère, au cinéma, on a besoin de la bonne personne…On peut tricher avec quelques artifices comme une fausse moustache pour Thomas, mais pour Edmond, il fallait quelqu’un qui ait la sensibilité et la jeunesse du personnage, ses tourments, ses doutes, et puis quelqu’un capable de lire des vers comme s’il parlait aujourd’hui. Et il fallait qu’on ait beaucoup d’empathie pour lui. Enfin, pour ce film que j’avais en tête depuis bien plus longtemps que la pièce, je ne pensais pas à ces acteurs quand j’ai créé la pièce, j’ai essayé de trouver les meilleurs acteurs possibles. Quand j’ai commencé à faire le film, je me suis demandé, quels sont les meilleurs acteurs possibles ? Ils arrivaient avec un regard frais, avec quelque chose de nouveau, avec une envie, avec du sang neuf. J’avais besoin de ça pour réinventer cette histoire.

 

 

 

 

 

 

Edmond Rostand, né le 1er avril 1868 à Marseille et mort le 2 décembre 1918 à Paris, est un écrivain, dramaturge, poète et essayiste français. Il est l’auteur de l’une des pièces les plus connues du théâtre français, Cyrano de Bergerac l’une des pièces les plus populaires du théâtre français, et la plus célèbre de son auteur, Edmond Rostand. Librement inspirée de la vie et de l’œuvre de l’écrivain libertin Savinien de Cyrano de Bergerac (1619-1655), elle est représentée pour la première fois le 28 décembre 18971, au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, à Paris.

 

 

 

 

 

 

 

 

La pièce est difficile à jouer car elle fait intervenir une cinquantaine de personnages, elle est longue, plus de 1 600 vers en alexandrins, les décors sont très différents d’un acte à l’autre et elle comporte une scène de bataille. À une époque où le drame romantique a disparu au profit de dramaturges qui reprennent les recettes de la comédie dans le vaudeville ou de pionniers du théâtre moderne, le succès en était si peu assuré qu’Edmond Rostand lui-même, redoutant un échec, se confondit en excuses auprès de l’acteur Coquelin. La pièce est un triomphe, et Rostand reçut la Légion d’honneur quelques jours plus tard, le 1er janvier 1898.

 

 

 

 

 

Le comédien est discret mais il s’est déjà fait une belle réputation. Il faut dire qu’Alexis Michalik a du talent à revendre. La preuve dès 2014 avec les deux Molière pour  » l’Auteur » et de la Mise en scène pour ses deux premières pièces, « Le porteur d’histoire » et « Le cercle des illusionnistes ». Sa troisième pièce raconte la difficile création de « Cyrano de Bergerac ». Michalik accomplit son rêve avec son premier long-métrage en signant l’adaptation cinématographique.

 

 

 

 

 

 

 

LE CARCAN THÉÂTRAL   par Clara Tabard

 

Dès son premier plan, Edmond, adaptation cinématographique d’Alexis Michalik de sa pièce de théâtre du même nom, surprend par sa facticité. Partant du sol, un travelling vertical révèle un théâtre au beau milieu du Paris de la « Belle-Époque ». Dans un décor sur-maquetté, on découvre Edmond Rostand, aspirant écrivain. À l’image de la principale source d’inspiration du film Shakespeare in Love de John Madden, lauréat de sept Oscars en 1999, Edmond est une success story prenant de larges libertés avec la vérité historique. De dramaturge virtuose composant une pièce en vers sur l’écrivain libertin Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand devient ici un écrivaillon ne devant l’écriture de sa pièce qu’à une série de rencontres fortuites dont celle avec Constant Coquelin, comédien de théâtre au sommet de sa gloire. Le film suit ainsi l’écriture et la mise en œuvre de Cyrano de Bergerac, depuis le casting des comédiens jusqu’à la première représentation.

 

Le fait que la fiction soit infidèle à l’esprit du matériel historique n’est pas un problème mais le film ne se débarrasse jamais du carcan théâtral. Sur et en dehors de la scène, la moindre réplique semble prononcée avec affectation on pourrait évoquer les plus banals échanges d’Edmond et de sa femme Rosemonde. La composition même des scènes relève d’une logique théâtrale, avec comme procédé usuel un travelling avant le long d’un couloir dans les coulisses du théâtre, dans l’appartement conjugal, dans l’hôtel où réside Jeanne d’Alcie, la comédienne novice dont tombe amoureux Edmond s’achevant sur un décor figé avec des personnages qui le sont tout autant. La pause, due à l’arrêt soudain de la caméra, et la pose des personnages se confondent alors et accentuent l’immobilisme de l’ensemble. Ce qui suit n’améliore pas ce qui précède, les répétitions s’enchaînent mollement, les acteurs débitant leurs vers sans parvenir à leur donner vie, les dialogues étant peu ou prou un décalque de ceux de la pièce aux Cinq Molières. Leurs échanges, filmés généralement en champ-contrechamp, ont quelquefois droit à un travelling circulaire plus inspiré, dévoilant tour à tour le jeu des comédiens. Ces scènes sont ponctuées, ici et là, du running gag maladroit et éreintant des producteurs corses libidineux dont l’atout comique repose avant tout dans leur grivoiserie et capacité à forcer plus que de mesure leur accent. La figuration du réel ne passe de surcroît que par un amalgame de vignettes illustratives avec le french cancan, le bar à absinthe, les cocottes du bordel comme autant de lieux communs qui surgissent ici et là sans impacter l’intrigue.

 

 

 

 

Le plus intéressant réside dans l’étude de milieu, celui du théâtre, du métier des techniciens, un véritable artisanat, aux caprices des comédiens, comme ceux de Maria, jusqu’à l’hégémonie des financiers. Le cinéaste formule même quelques idées intéressantes sur la sacralisation des comédiens, qu’on ne voit quasi jamais en dehors de la scène, à l’exemple des moments furtifs où l’on entrevoit Sarah Bernhardt en diva excentrique. Mais sa scène la plus aboutie, l’une des rares à accoucher d’une véritable idée de mise en scène se révèle être celle de la mort de Cyrano. Lors de la première et alors que les comédiens entament le dernier acte, une coupe nette fait basculer le film dans la fantasmagorie, propulsant le héros au milieu du cloître dans lequel il rend bientôt l’âme. En faisant appel, pour la première fois, à un décor naturel dans lequel les personnages évoluent librement, le cinéaste rompt avec la sensation de claustration résultant du perpétuel apanage des scènes. L’emploi de plans serrés sur les visages de Cyrano et Roxane, au moment des adieux, achèvent de donner à la scène une aura magnifique d’où jaillit « la vérité de l’émotion ». Cette émotion que le cinéaste évoque et qu’il échoue à tisser n’apparaît que furtivement lors de cette scène de fin, lorsqu’il s’affranchit enfin du cadre de la pièce, figurant la psyché des personnages par des moyens purement cinématographiques.

 

 

 

J’ai ce film en tête depuis quinze ans !

 

ENTRETIEN AVEC ALEXIS MICHALIK

 

Vous souvenez-vous de la première fois où vous avez entendu parler de « Cyrano » ? C’était au club théâtre de mon collège. Ce film est une déclaration d’amour au théâtre, à ses acteurs, ses auteurs, ses metteurs en scène, ses producteurs, son public, ses muses.

 

Savez-vous combien de fois a été jouée votre pièce « Edmond » ? Au moment où le film va sortir, on ne sera pas loin des 900 représentations. Ça a démarré en septembre 2016 au théâtre du Palais-Royal et ça ne s’est jamais arrêté depuis.

 

Une telle pièce est-elle compliquée à adapter pour le cinéma ? C’était d’abord un scénario. J’ai ce film en tête depuis quinze ans. Il y a quatre-cinq ans, j’en ai parlé à des producteurs…Mais on n’a pas réussi à le financer alors nous l’avons monté au théâtre. Le succès de la pièce a permis le film. C’est une chouette aventure.

 

Avant le film, vous êtes passé par la BD ? Oui, le mérite revient à Léonard Chemineau, le dessinateur qui a illustré le texte. Ses dessins ont beaucoup servi le film. Il crayonnait les décors et j’en profitais pour montrer aux producteurs ce que je recherchais.

 

Avez-vous choisi des acteurs de théâtre ? Il y a plein de gens dans le casting qui font une référence au théâtre. C’est à dire qu’il y a beaucoup de petits rôles qui sont des gens de notre troupe d’autres pièces. Il y a des acteurs du Cercle des illusionnistes, d’Intra-muros, qui sont venus faire un petit rôle ou de plus grands rôles comme Alice de Lencquesaing. Sur la série Kaboul Kitchen j’ai rencontré Benjamin Bellecour, mon complice, associé et mon producteur au théâtre qui joue Courteline mais ausi Simon Abkarian, Marc Citti qui joue le réceptionniste. J’aime mettre mes amis, les gens que je connais, mais pour les rôles principaux, j’avais envie d’avoir du sang neuf, de considérer des acteurs de cinéma, comme Olivier Gourmet ou Mathilde Seigner ou Dominique Pinon. C’était un mix pour faire une troupe de gens qui viennent d’horizons divers et variés, mais qui se retrouvent ensemble à former une équipe.

 

 

 

 

Vous semblez dire, si on s’en réfère au duo hilarant du film, que les producteurs sont des proxénètes ? Je vais vous faire une confidence, c’est un truc que j’ai piqué à une pièce qui s’appelle Kiss me Kate. C’est une comédie musicale anglaise tirée de La mégère apprivoisée. Dans Kiss me Kate, les protagonistes montent La Mégère apprivoisée en comédie musicale et il y a deux gangsters qui viennent réclamer une dette. Au début, ils n’y connaissent rien mais petit à petit, ils se prennent au jeu.

 

Est-ce que les répétitions pour le film étaient comparables au travail qui peut se faire pour une pièce ? Clairement oui. On faisait des filages, avec la musique en plus puisque le compositeur, Romain Trouillet, qui est un génie de la musique et avait déjà composé la partition de la pièce, a pu faire une musique orchestrale avec cinquante musiciens.

 

Êtes-vous particulièrement attaché au 19e siècle, puisque « Le cercle des illusionnistes », pour lequel vous avez reçu deux Molière, se déroule à la même époque ? Oui, j’adore le 19e. Parce ce que c’est le siècle du théâtre parisien. Avant 1800, il n’y a pas de théâtre à Paris et, à partir de 1900, le cinéma arrive. Entre les deux, il y a un moment pendant lequel le théâtre est le seul divertissement existant. Et puis il y a les valses politiques avec l’Empire, la République, la monarchie constitutionnelle. C’est une période passionnante.

 

Est-ce que le moment où « Edmond » sortira de votre vie vous angoisse ? En fait, je ne sais pas s’il va sortir de ma vie un jour. Je n’ai pas idée de quand cette aventure prendra fin. Cyrano n’est pas sorti de la vie de Depardieu à mon avis. Edmond joue en Angleterre, en anglais. Je suis en train de suivre le casting. La BD est sortie, le livre de poche aussi. L’aventure continue.

 

Le triomphe théâtral, d’après ce que vous dites, c’est un heureux accident. Vous considérez-vous davantage un homme de cinéma ou de théâtre ? je veux bien être les deux car c’est complémentaire, J’ai du plaisir dans les deux disciplines. Ainsi, je ne sais pas si, après, je vais entreprendre une pièce, un film, une série, une comédie musicale : je n’en sais rien du tout et c’est ça qui est chouette. Être metteur en scène, c’est l’amour de prendre des responsabilités. Acteur, c’est aimer être l’instrument, se laisser porter et en même temps inventer. Théâtre, cinéma ? On verra. Plus j’ai la chance de faire ce genre de projets, plus je suis heureux. Déjà, être sur le plateau tous les jours c’est un vrai bonheur. Edmond, ça fait quinze ans que je rêve de ce tournage et, même si ça représentait une grosse responsabilité, j’étais fou de joie. Je suis très fier du film.