2014 – Le Vent se Lève…

Avant cette magnifique découverte je n’étais pas sensible à l’univers des films d’animations japonais. Amoureux des airs et longtemps pratiquants, j’ai plongé sans retenue dans cette histoire profonde et détaillée, triste et belle à la fois avec des couleurs, une musique, des sons incomparables et cette phrase en Français qui me rappelle sans cesse à la conscience…

 

 

         « Le vent se lève, il faut tenter de vivre »

 

 

 

Hayao Miyazaki      Né le 5 janvier 1941 à Tokyo.

 

Dessinateur, réalisateur, producteur de films d’animation japonais, cofondateur du Studio Ghibli avec Isao Takahata. Après Princesse Mononoké (1999) ses films rencontrent des succès mondiaux.  Ses thèmes sont la relation de l’humanité avec la nature, l’écologie et la technologie, ainsi que la difficulté de rester pacifiste dans un monde en guerre. Les protagonistes de ses films sont le plus souvent de jeunes filles ou femmes fortes et indépendantes, et les « méchants » ont des qualités qui les rendent moralement ambigus. Ses œuvres sont tout aussi accessibles aux enfants qu’aux adultes. Au Japon, il est considéré comme l’égal d’Osamu Tezuka, et en Occident on le compare souvent à Walt Disney. Toutefois, Miyazaki reste modeste et explique le succès de son entreprise par la chance qu’il a eue de pouvoir exploiter pleinement sa créativité. Il se refuse à réaliser ses films en se laissant guider par un schéma préétabli. Les récurrences des thèmes sont liées aux thématiques et valeurs universelles qui ont une place centrale dans le scénario. L’univers de Miyazaki repose sur la pédagogie, l’éveil de l’enfance et la curiosité, les valeurs universelles et écologiques.

 

Quel que soit le sujet, on trouve un endroit de paix éternelle loin de la civilisation, calme, où seul le bruit du vent, des oiseaux et de l’eau vient troubler le silence, un décor pur et verdoyant, sans trace de l’homme. Plaine à l’herbe haute, cœur d’un arbre ou d’une forêt, îlot flottant en plein ciel, subtiles, ces images établissent souvent le contexte le plus fort de ses mondes animés.

 

 

 

 

1979 : Le Château de Cagliostro

 

1984 : Nausicaä de la vallée du vent

 

1986 : Le Château dans le ciel

 

1988 : Mon voisin Totoro

 

1989 : Kiki la petite sorcière

 

1992 : Porco Rosso

 

1997 : Princesse Mononoké

 

2001 : Le Voyage de Chihiro

 

2004 : Le Château ambulant

 

2008 : Ponyo sur la falaise

 

2013 : Le vent se lève

 

2023 : Le Garçon et le Héron

 

 

 

 

Miyazaki dénonce également l’inutilité de la violence et la bêtise humaine. Ses personnages montrent qu’il n’y a pas de bons ou de mauvais côtés mais des choix. Il dépasse ainsi les clichés du « héros face au méchant », ses personnages principaux font des choix et des actions. Dame Eboshi dans Princesse Mononoké est le reflet exact de l’humain avide de pouvoir, souhaitant asseoir son autorité sur la nature. Mais bien que cruelle, elle se montre juste envers les siens, abritant des lépreux et des prostituées. Certains des premiers films de Miyazaki avaient des « vrais méchants » dans Le Château de Cagliostro et Le Château dans le ciel. D’autres sont remarquables par l’absence totale d’antagonistes, dans Mon voisin Totoro et Kiki la petite sorcière. Le respect des personnes âgées se voit dans ses films, la doyenne du village dans Nausicaä est consultée pour sa sagesse, dans Le Château ambulant, le grand âge de la Sorcière des Landes la rend respectable, dans Ponyo sur la falaise, Sôsuke s’avère très poli envers les personnes âgées dont sa mère s’occupe. Les personnages « méchants » sont respectés, dans Princesse Mononoké, on s’excuse auprès de la dépouille du sanglier possédé par le démon de l’avoir tué. Car les « méchants » possèdent néanmoins un fond de bonté, qui les rend parfois ambigus, ils s’avèrent victimes d’un sort ou d’une incompréhension qui les empêchent d’être bons. Les héros de Miyazaki vont parfois jusqu’à sauver leurs ennemis de leurs propres méchancetés.

 

 

 

 

 

 

L’ENFANCE…Les héros de ses films sont des enfants ou des adolescents. Lorsque Miyazaki imagine ses scénarios, ses personnages, ce sont spontanément des enfants. Ses personnages permettent à la fois l’identification du jeune public et un développement psychologique important. Les enfants sont caractérisés par leur naïveté liée à la découverte de leur environnement, leur spontanéité, leur enthousiasme et n’ont souvent pas encore acquis la réserve des adultes. Ce type d’animation permet donc une appropriation rapide pour le jeune public. Leur rôle les met souvent dans des situations où les événements leur confèrent une forte responsabilité et les poussent à agir en adulte.

 

 

 

PERSONNAGES FEMININS…Miyazaki est un féministe convaincu que les sociétés valorisant les femmes réussissent mieux. On les retrouve dans tous ses films, jouant souvent un rôle majeur, parfois le rôle principal. Elles sont fortes et vulnérables, craintives et téméraires. Tous les âges sont représentés, allant des petites filles de Mon voisin Totoro à l’aïeule de Nausicaä. Ce sont des femmes, dirigées par Dame Eboshi, qui travaillent à la forge dans Princesse Mononoké, et des femmes qui réparent l’hydravion de Marco dans Porco Rosso. Les liens filiaux présentés par Miyazaki sont presque exclusivement de type mère-fille. Il met souvent en scène la rupture de ce lien, un pas vers l’âge adulte et la transmission d’un patrimoine de la mère à sa fille, comme dans Kiki la petite sorcière.

 

 

 

 

ECOLOGISME…Miyazaki fait souvent référence à l’écologie, thème exploré dans plusieurs de ses films considère qu’une grande partie de la culture moderne est « légère, superficielle et fausse », et qu’il attend une ère apocalyptique où les « herbes vertes sauvages » reprendront la Terre. Toutefois, il suggère que les adultes…Ne devraient pas imposer leur vision du monde aux enfants. En juin 2011, à la suite de l’accident nucléaire de Fukushima, il se prononce officiellement contre le recours à l’énergie nucléaire.

 

 

 

 

Le nom de Miyazaki évoque le fantastique, le merveilleux, des jeunes filles et des monstres (parfois) gentils. Le Vent se lève se distingue à bien des égards.  Il s’agit de sa première œuvre réaliste. Le parcours du héros est chronologique et le Japon décrit est très précis. Il s’agit de son dernier film. Hayao Miyazaki souhaite s’accorder plus de temps pour lui et souhaite dessiner des B.D. et faire des courts-métrages. On peut donc voir dans cette œuvre des échos à sa propre vie à la manière d’un bilan. Jiro, son héros, a un rêve et il fait tout pour le concrétiser avec l’aide de nombreux collaborateurs. A plusieurs reprises, on pourrait presque confondre les usines aéronautiques et les Studio Ghibli.  Il y a bien sûr des thèmes communs avec ses autres films. Le rapport à la nature et le côté méchant des hommes. Car ceux-ci, quand ils vivent dans une réalité sans rêve, prennent ceux des autres pour en faire des cauchemars et les avions de papiers se font alors bombardiers. Il y a des images difficiles dans « Le Vent se lève », en particulier les images le tremblement de terre de 1923 qui préfigurent les événements de la Seconde Guerre mondiale. Et puis les avions Zéro, machines de mort et créations monstrueuses d’un jeune homme qui ne rêvait que de beauté.

 

 

 

 

« Le vent se lève » est un des films les plus sombres de Miyazaki car la mort est très présente, moins sublimée par le fantastique que dans ses autres œuvres. Et pourtant, le titre est tiré d’un vers du « Cimetière marin » de Paul Valéry. « Le vent se lève !… il faut tenter de vivre ! » C’est ça, il faut tenter de vivre ses rêves, même si la mort est au bout du chemin. Le film sort au Japon le 20 juillet 2013. Biographie librement inspirée de la vie de Jirō Horikoshi, le concepteur des chasseurs bombardiers japonais Mitsubishi appelés « Chasseurs Zéro ». L’univers mis en scène est moins onirique et plus réaliste que dans la plupart des productions précédentes de Miyazaki. La production du film commence en juillet 2011 et mobilise une équipe de deux cents personnes. elle s’achève en juin 2013. Pour la première fois dans un long métrage des studios Ghibli, de nombreux bruitages du film sont créés par des voix humaines. C’est notamment le cas des bruits des moteurs des avions, du sifflement d’une locomotive, du ronronnement du moteur d’une voiture ou du grondement du séisme de 1923. Le choix d’un acteur de doublage pour le rôle de Jirō pose longtemps problème à l’équipe du film, qui s’accorde rapidement sur les caractéristiques de la voix du personnage (Jirō est un homme réservé parlant souvent d’un ton neutre). Hayao Miyazaki choisi Hideaki Anno car sa personnalité et sa voix sont proches de ceux du personnage.  Le film fait la couverture du numéro de janvier des Cahiers du cinéma. C’est la première fois qu’un film d’animation est en couverture de la revue fondée en 1951. 

 

 

 

 

Le jeune Jirō Horikoshi est myope et peine à observer les étoiles. Il ne pourra piloter d’avion, alors, il les dessinera, les construira. Il connaîtra l’amour avec Nahoko et l’amitié avec Honjo. Hayao rend hommage à Miyazaki Airplane, l’entreprise familiale sous-traitante de Mitsubishi, qui lui a donné l’amour de l’aviation et du dessin. Ce onzième film surprendra les admirateurs, décevra les plus juvéniles. Pourtant, nous retrouvons les passions du Maître : Son amour des années trente, un temps où la tradition cohabitait avec la modernité naissante, où religions et croyances ancestrales n’avaient pas été ravalées au rang de folklore à touristes. La reconstitution est particulièrement soignée, au point de faire appel à une femme sachant porter le kimono, mais aussi le plier et le ranger. • Son penchant pour l’Europe (Le château Ambulant) et sa culture humaniste. Le titre est une citation du Cimetière marin de Paul Valéry et le mystérieux et dissident Castorp porte le nom du personnage principal de La montagne magique de Thomas Mann. • Son amour pour l’aviation, et plus encore pour le vol, qu’il soit naturel (l’esprit Haku du Voyage de Chihiro) ou permis par la technique (Porco Rosso ou le robot du Château dans le ciel). • Son travail de coloriste, vous apprécierez les costumes parme de Jirō, le vert printanier des herbages, le bleu céleste, le rouge passé des emblèmes nippons ou le rose des kimonos et des cerisiers. L’accent porté au mal et à la souffrance évoque irrésistiblement le Tombeau des lucioles de Takahata. Jirō est confronté aux quatre cavaliers de l’Apocalypse : Maladie (la tuberculose de son épouse), Famine (les victimes de la crise), Guerre (chinoise et bientôt mondiale) et Mort (la police secrète, ses arrestations arbitraires et les disparitions). Mitsubishi le protègera tant qu’il lui sera utile. La note réaliste limite le recours au fantastique à deux courtes scènes. La magnifique séquence où l’ile de Honshū s’ébroue brutalement et souffle comme une bête. Imprégnée d’animisme, elle renvoie les humains à leur insignifiance. Tokyo s’embrase, la scène préfigure sa destruction sous les bombardements américains. Discrètement, la douce Nahoko remercie la source miraculeuse pour l’accomplissement de son vœu.

 

 

 

 

Miyazaki compense les limites posées au merveilleux, par une immersion dans les rêves de Jirō, des songes persistants et récurrents d’avions et de vols. Dès la première scène, le jeune garçon survole la ville assoupie. Plus surprenant, il s’y lie au comte Giovanni Batista Caproni, célèbre constructeur italien  « Vous êtes dans mon rêve ! Les avions sont des rêves merveilleux qui ne devraient jamais servir à faire la guerre ou à gagner de l’argent ». Miyazaki joue admirablement avec les transitions oniriques et le flou entre illusion et réalité. Mieux, les scènes fantasmées comptent parmi les plus belles, les plus précises et les plus bavardes. Que nous dit le Maître ? Les aéroplanes sont de sublimes créations, que les puissants transforment en armes. Il reprend le lieu commun du « pic de créativité limitée à dix années », si l’ânerie est contredite pas la longévité de la carrière de Miyazaki, elle offre une commode justification à l’égoïsme de son héros. Car, pour la première fois, il nous livre une véritable histoire d’amour. Jirō courtise sa belle avec des avions en papier, pourquoi pas. Il sait que sa femme est malade. Nahoko accepte qu’il lui préfère ses machines  « la vie est si belle certains jours ». On fume beaucoup. On tousse et crache. Elle mourra seule. Jirō rêve encore. Ses Zéro décollent pour rejoindre le Valhalla des aviateurs entrevu par Porco Rosso. Caproni lâche « Certains avions partent pour ne jamais revenir, ils sont comme des rêves sublimes et maudits qui se laissent engloutir par l’immensité des cieux ». Jirō est seul, son pays détruit. L’esprit de Nahoko l’invite à vivre sa vie, avant de disparaitre. Caproni conclu.

 

« Accrochez-vous à la vie, il faut tenter de vivre »