2011-Duo d’Enfer !

Directement inspiré d’une histoire vraie, celle du boxeur de légende Micky Ward. incroyable carrière avec un retour fulgurant sur le devant de la scène en 1994, après une longue succession de défaites. C’est surtout Micky Ward et Dicky Eklund, deux frères que tout oppose mais unis face à l’adversité, dans leur quête de rédemption...Ils étaient étroitement liés, comme seuls peuvent l’être des frères. Ils avaient vraiment besoin l’un de l’autre. Leurs vies ont pris des chemins très différents, mais aucun d’eux ne pouvait avancer sans avoir l’autre à ses côtés.

 

Mark Wahlberg digne fan de Micky Ward, le comédien a attendu des années de pouvoir participer à l’adaptation de son histoire au cinéma, et l’avait même approché pour lui parler d’un projet de film. Dirigé par David O. Russell pour la troisième fois pour Fighter, et également producteur du film, Wahlberg s’est ainsi investi corps et âme dans l’aventure à tous les niveaux…Mark a rêvé de faire ce film pendant des années. Il s’est entraîné si longtemps et croyait si fort en ce projet qu’il est devenu, d’une certaine façon, Micky Ward. Le producteur Ryan Kavanaugh. Souhaitant livrer une prestation parfaite dans son rôle de Micky Ward, Mark Wahlberg s’est entrainé de façon intensive et de son propre chef, avant même que le projet Fighter ne soit validé. Pendant trois ans, il a ainsi été suivi par son entraineur personnel sur tous ses autres tournages…” Chaque jour, je m’entraînais pour devenir Micky Ward. Je savais quel genre d’attentes avait Micky, et les miennes étaient aussi élevées. Je voulais être crédible dans tous les aspects du rôle, y compris sur le ring. Je ne voulais pas compter sur le montage ou la chorégraphie. Je voulais jouer le rôle pour de vrai,” raconte l’acteur, qui est d’ailleurs arrivé sur le tournage de Fighter dans des conditions physiques approchant celles d’un boxeur professionnel. En s’entrainant pour le film, Mark Wahlberg a eu l’occasion de se mesurer à Micky Ward sur un ring. La préparation physique de l’acteur était telle qu’il a pu tenir tête à son idole…Il frappe fort et il sait comment et quand vous cueillir. Je crois qu’il a un peu trop bien appris en me regardant. J’ai eu quelques douleurs pendant les jours suivants. Après j’ai pris ma revanche, mais il était prêt, il savait très bien comment j’allais réagir, se souvient le boxeur, qui a également passé beaucoup de temps à parler avec Mark Wahlberg pour que ce dernier puisse s’imprégner de sa personnalité.

 

 

 

 

Mickey O’Keefe, le policier qui a été l’entraîneur de Micky Ward, à été approché par l’équipe du film pour jouer son propre rôle dans le film. Après plusieurs hésitations, ce dernier a fini par accepter. C’est Mark qui a eu l’idée d’engager Mickey. Il voulait l’authenticité et l’intensité d’une personne qui connaît la boxe et Micky et Dicky, et personne ne connaît mieux ces boxeurs que O’Keefe, parce qu’il les a entraînés tous les deux. Par ailleurs, les sœurs et l’oncle de Micky Ward ont également accepté de jouer dans le film, de même que le célèbre boxeur Sugar Ray, que Mark Wahlberg a convaincu de remonter sur le ring dans son propre rôle. Toutes les scènes de combat du film ont été filmées en l’espace de deux jours au début du tournage, avec pour certaines l’intervention d’une équipe de la chaîne télévisée HBO, qui avait couvert les combats principaux de Micky Ward…Nous voulions que le public ait l’impression d’être au bord du ring et de sentir la sueur des boxeurs. Nous ne voulions pas que les combats aient l’air d’avoir été chorégraphiés. Nous voulions qu’ils aient l’air vrais, parfois nous battions vraiment dans de véritables combats. Je voulais qu’il y ait dans le film certaines des scènes de boxe les plus réalistes jamais montrées au cinéma. Quand la caméra tournait, je ne retenais pas mes coups. Parfois nous avons fait semblant, mais la plupart du temps nous étions vraiment dans le combat, et nous échangions de vrais coups de poing.

 

Pour interpréter le champion déchu en quête de rédemption Dicky Eklund, David O. Russell a fait appel à Christian Bale. En plus de passer beaucoup de temps en compagnie du véritable Dicky Eklund, le comédien a considérablement réduit son  alimentation de façon à perdre un maximum de poids. Une technique que l’acteur connaissait, ayant l’habitude de modifier son poids selon les films dans lesquels il joue. Il avait notamment perdu 28 kg pour le film The Machinist. Christian avait les mêmes mouvements et la même élocution que Dicky, et l’alchimie qu’il avait entre lui et Mark rappelait beaucoup la façon dont Micky et Dicky se comportent entre eux dans la vraie vie. Il a vraiment fait un travail formidable Le producteur Todd Lieberman.



 

 

 

Entre réel et fiction, le cinéma vainqueur aux points

Par Thomas Sotinel

 

Regardez sur YouTube pour voir la fin de Fighter à Londres, en 2000, Irish Mickey Ward de Lowell, Massachusetts, affronte Shea Neary pour le titre WBU des welters. Sur le ring, le terrassier irlandais devient un héros ensanglanté pour l’honneur de sa famille, de sa ville, de sa tribu. La boxe raconte toujours la même histoire. Mais le cinéma n’en fait pas toujours le même film…Fighter obéit donc à la liturgie des grands mélodrames de la boxe. Du caniveau, le héros se hissera jusqu’au sommet. Pourtant, l’impression de déjà-vu n’est pas celle qui prédomine. La boxe occupe bien une place stratégique dans le film, les entraînements et les combats sont décrits minutieusement, mais le parcours sportif de Micky Ward sert aussi d’agent d’une comédie noire qui met en scène un clan prolétaire dans lequel dominent deux figures formidables, Dicky Eklund, le demi-frère et entraîneur de Ward et leur mère, Charlene. Sans vouloir faire de l’Académie américaine l’arbitre absolu des talents, il faut convenir que les Oscars qui ont récompensé Christian Bale et Melissa Leo pour leur interprétation de ces personnages étaient probablement les plus mérités de l’année. Ancien boxeur lui-même, Dicky Eklund devient l’incarnation de la disparition de la classe ouvrière. La vie de ce fumeur de crack est faite d’allers et retours entre la maison familiale où règne sa mère et la fumerie où il dilapide sa vie. Avec la matriarche, il gère la carrière du pauvre Micky en dépit du bon sens, l’envoyant se faire démolir par des adversaires plus lourds, mieux entraînés. Melissa Leo est entourée de ses filles, une collection de harpies effrayantes (la plus effrayante de toutes est sans doute Jill Quigg, une gueule qu’on avait déjà vue dans le Gone Baby Gone, de Ben Affleck), qui imposent la volonté maternelle aux mâles de la tribu. Le fonctionnement absurde du groupe, les disputes homériques qui n’arrivent pas à mettre à bas une solidarité presque indestructible donnent au film une intensité comique presque italienne. On est souvent plus près d’Affreux, sales et méchant que de Rocky. Christian Bale apporte une nuance tragique à cette atmosphère quasi-hystérique. L’acteur britannique ne s’économise jamais, au détriment parfois de ses personnages. Cette fois, la débauche d’énergie est en phase avec l’addiction de Dicky Eklund, le crack n’a jamais porté à l’introspection. Dès qu’il est à l’écran, on n’a d’yeux que pour lui, pour les pirouettes souvent imbéciles qu’il fait pour échapper à la réprobation maternelle ou à la police, pour ses efforts désespérés pour retrouver le fil de sa vie. Pour compléter le tableau, Amy Adams, dans le rôle de la petite amie de Micky Ward, qui dispute le jeune homme à sa mère, confirme l’extraordinaire étendue de son registre. Ce qui laisse Mark Wahlberg très en retrait. Il est devenu un acteur économe, qui peut porter un film. Si l’on prête un peu d’attention à son travail dans The Fighter, on voit un portrait sans doute assez fidèle du vrai Micky Ward, un homme sérieux qui compense ses limites intellectuelles et physiques par la persévérance et le courage. Cette modestie œuvre parfois contre le film, tant le héros positif pâlit face à l’intensité de ses comparses dévoyés. C’est donc Mark Wahlberg par ailleurs producteur du film qui assure l’orthodoxie de The Fighter, qui revient à la liturgie de la boxe au cinéma.

 

 

 

 

 

ENTRETIEN AVEC DAVID O.RUSSEL

 

The Fighter est un conte très personnel pour la famille Ward, qu’avez-vous pensé pouvoir y apporter en tant que réalisateur ? J’ai raconté l’histoire à ma propre famille. Je suis très proche de Mark Wahlberg, nous avons fait deux photos ensemble auparavant, et je savais que l’histoire était un morceau de son propre cœur . Le père de Mark avait passé du temps en prison, tout comme leur père. Mark est l’un des neuf enfants, et ils en ont eu neuf aussi, donc ils étaient très similaires, donc c’était comme la vraie affaire. J’adore les vrais personnages, ils ne sont pas prétentieux, et chaque émotion est à la surface, ce sont des travailleurs réguliers. Leurs goûts, leurs aversions, leurs amours, leurs haines, leurs passions; ils sont tous là en surface. Cela les rend parfois très drôles, et cela les rend parfois vraiment déchirants, mais ils sont une chose qui est sûre: ils sont vivants.

 

Diriez-vous que vous avez une relation symbiotique quand il s’agit de travailler avec Mark Wahlberg ? Oui. Nous avons déjà collaboré sur deux autres films et maintenant nous avons créé The Fighter ensemble. Mark et moi avons une vraie confiance, entre réalisateur et star, qui se transmet également à Christian Bale, Melissa Leo et Amy Adams. Nous avions un décor très confiant et détendu, où les gens pouvaient aller travailler, et beaucoup de scènes étaient improvisées. J’ai fait des interviews avec Mark et Christian en personnage, et ils semblaient juste être de vrais frères.

 

Avec Melissa Leo et Christian Bale qui ont fait signe aux Oscars, pourquoi pensez-vous que Mark a été négligé ? Robert De Niro s’est fait un point d’honneur de me dire qu’il pensait que la performance de Mark était l’une des plus fortes de l’année qui a été négligée, car c’était une performance calme. Vous ne pouvez pas avoir de grandes performances comme celles de Christian Bale et Melissa Leo sans la solide présence émotionnelle qui est réelle dans les performances de Mark Wahlberg et Amy Adams. Ce sont deux types très différents d’acteurs incroyables qui se déroulent dans le film, et l’un est un peu plus flashy et attire un peu plus d’attention, et l’autre non. Je pense que Mark n’est pas vraiment inquiet à ce sujet, il a juste compensé le film et les gens de Lowell. J’ai obtenu une nomination au poste de réalisateur, ce qui signifie le monde pour moi, c’est juste la chose la plus excitante pour moi et ma famille. Vous faites le bon travail, et le reste est quelque chose dans lequel vous ne devriez pas être trop pris, mais quand cela arrive garçon ! Je la respecte.

 

Le film a une impression très documentaire, était-ce une décision consciente ? Nous voulions que cela se sente réel, et c’est comme ça que je tourne j’aime un steadicam, j’aime qu’il soit portable. Je voulais ressentir l’intimité de ces personnes parce que je ressentais beaucoup d’affection pour elles. Ces travailleurs qui sont si charismatiques et vivants, je voulais qu’ils se sentent intimes avec eux, pas froids, pas distants. Je voulais que vous ressentiez leur passion et leurs émotions, comment ils n’abandonnent jamais, et comment ils collent ensemble à travers l’épaisseur et la fin, ce qui devient finalement une image très inspirante pour nous. J’aime faire cela d’une manière qui ressemble un peu à un documentaire et sérieux.

 

Êtes-vous toujours à la recherche de la diversité avec vos films ? C’est vraiment quand les personnages sont fantastiques et des choses comme ça vous rendent très catégorique. Qu’est-ce qui fait de bonnes choses ? Mauvaises, bonnes idées. Mauvais, bons personnages. Tout ce qui semble incroyable fera quelque chose de bien. Je ne sais pas de quel genre ce sera, mais ça peut être n’importe quel genre d’histoire.

 

Vous ne pouvez pas mettre tous vos films dans une boîte ? Oui, mais je pense que vous obtenez probablement cela de quelques cinéastes au moins deux d’entre eux. Celui-ci, celui-ci était vraiment. Je veux dire, vous avez une mère forte, sept sœurs fortes et deux frères. Le tout était tellement incroyable. Cela a joué sur des choses que je savais, des choses de ma propre famille à des choses dans mon travail. Je savais que ça allait être un film vraiment intéressant.

 

Semblable à vos autres films, il y a un regard très gentil sur ces personnages. Êtes-vous naturellement empathique ? Je dis toujours que je pense que l’humour est la chose la plus importante pour moi. Je le ressens dans toutes les dimensions de ce que signifie «sincère», vous savez ? Cela signifie sombre et cela signifie lumière. C’est pour ça que ces gens, ils doivent être crus, mais ça doit être réel et aussi avoir une sorte d’amour en eux. Pour le meilleur ou pour le pire, il faut les aimer, d’une manière ou d’une autre. J’adore Dicky. J’adore Micky. J’adore les sœurs. Vous devez aimer ces gens. Heureusement, quand je les ai rencontrés, j’ai eu un très bon pressentiment à leur sujet.

 

Vous ne vous moquez jamais d’eux et ne vous réjouissez jamais de leurs échecs. Je ne suis pas dans le truc «mesquin». Cela ne veut pas dire que vous êtes facile vous-même, mais je pense juste que vous devez le regarder d’une manière réelle. Ces gens ont vécu beaucoup de choses et je ne veux pas m’en délecter. Cela parle de lui-même. Nous rendons tous déjà notre propre vie difficile.

 

Diriez-vous que The Fighter est votre film le plus commercial ? Je pense que le film est bien sorti à plusieurs niveaux. C’est émotionnel, mais aussi propulsif. Mon objectif principal est que je voulais vraiment attirer le spectateur, vraiment vous faire sentir comme si vous étiez saisi par une expérience cinématographique. La texture dont il dispose obtient également ce genre de mandat authentiquement, qui est vraiment mérité.

 

C’est un type de film très universel. Vous savez, lorsque nous avons eu notre premier aperçu, c’était avec un public urbain avec toutes sortes de gens de la vingtaine à la trentaine. C’étaient toutes des races différentes. À cause de cela, je me souviens avoir pensé: « Qu’est-ce que ça va être ? » Au cours des trois ou quatre premières minutes, j’ai réalisé qu’ils étaient complètement à l’aise avec les personnages et qu’ils connaissaient ces personnages. Les personnages sont des personnes très réelles que nous connaissons tous d’une manière ou d’une autre. Je pense que c’est ce qui le rend attrayant, si c’est ce dont vous parlez. Il y a un attrait universel, de cette façon.

 

 

 

 

Qu’est-ce qui vous intéresse dans la recherche du bonheur ? Je pense que c’est ce que tout le monde veut, que ce qui en fait une histoire incroyable, c’est à quel point la vie est folle. Je cite toujours George Lucas: ce n’est pas difficile de vous montrer à quel point la vie est difficile ou de vous faire ressentir la douleur de cela, et je pense que c’est assez facile. Je pense que c’est facile au quotidien et c’est facile à faire au cinéma, et ce n’est pas un jugement sur le choix des cinéastes de le faire. Je pense que vous devez gérer ce qui vous émeut. Si c’est ce qui vous émeut… J’ai été ému à plusieurs reprises dans mon travail alors que je voulais juste creuser quelque chose qui était sombre et douloureux. George Lucas dit que ce n’est pas difficile de vous faire ressentir quelque chose de douloureux, je peux tordre le cou d’un chaton et vous faire vous sentir mal.

 

The Fighter parle aussi des hauts et des bas d’un artiste. En tant que réalisateur, comment vous connectez-vous avec cela ? Je m’y connecte totalement, que Micky inspire quiconque est de toute façon confronté à la vie, que nous traversons tous et certainement je fais des luttes similaires. Micky est mon professeur, en termes de persévérance et d’humilité. Il a tellement de cœur et d’humilité. Je ne sais pas comment en parler, mais vous voyez toutes les choses dont il s’occupe en termes de vie amoureuse et de sa famille, et à quel point ces choses peuvent devenir des obstacles. C’est aussi à quel point il peut croire en lui-même pour être quelque chose, et cela m’inspire toujours si vous vous faufilez d’une manière qui semble réelle et esquive les clichés. Je pense que c’est une chose vraiment inspirante. Micky est un gars formidable parce qu’il n’a pas vraiment besoin de beaucoup parler et il sort simplement et fait ce qu’il a à faire, et c’est très inspirant pour moi. Il peut prendre un coup de poing. Il peut prendre cinq coups pour n’en donner qu’un. C’est un gars qui peut se relever et se remettre sur pied, et quelqu’un comme ça est toujours une personne inspirante pour moi.

 

 

 

 

 

L’ÉTERNEL RETOUR  par Alexis Gilliat

 

Film de boxe à l’argument rédemptionnel usé « jusques aux cordes » (ou éternel, selon le point de vue), Fighter émerge par la grâce de sa substance socio-dramatique et de choix de mise en scène d’une remarquable sobriété, qui n’ont pas toujours été la marque du réalisateur, lui appartient moins qu’à son interprète et producteur Mark Wahlberg, David O. Russell adopte une garde basse pour mieux taper dans les statuettes, et ça lui va comme un gant. On connaît l’histoire. Celle du film, le comeback du boxeur poissard, emmuré dans un milieu de sous-prolétaires pas forcément méchants mais salement affreux. Celle de sa production, par une gestation difficile, soutenue des années durant par un Mark Wahlberg producteur persuadé d’avoir trouvé là le rôle de sa vie, s’entraînant d’arrache-pied sans être certain que le film se fera puis renonçant à son salaire d’acteur, un Darren Aronofsky attaché au projet mais trop proche avec The Wrestler qui s’en va mais reste producteur exécutif, après Matt Damon et avant Brad Pitt, tous deux initialement prévus pour le rôle finalement échu à Christian Bale, et le recours in extremis à David O. Russell.

 

Celle, enfin, de son réalisateur, pour ceux qui l’auraient oublié David O. Russell était à la fin des années 1990 l’un des représentants les plus en vue d’une génération de cinéastes américains qui devait casser la baraque, comme Quentin Tarantino, Steven Soderbergh, David Fincher, Paul Thomas Anderson. Russell est pour sa part resté à quai il en faut toujours un. La faute à une ambition pas vraiment à la mesure de moyens peut-être surestimés à une réputation de Mr Look-at-me-I’m-a-genius ingérable et caractériel. Aussi vite enterré qu’il avait été monté en épingle, Russell était considéré comme plus ou moins perdu pour la cause. Au creux de la vague, le réalisateur s’est donc vu confier le projet par son copain Marky, autant à la recherche d’une bouée de sauvetage que désireux d’en lancer une à l’auteur des Rois du désert, Fighter est leur troisième collaboration. Soit l’histoire vraie du comeback de Micky Ward, poids-léger soumis à l’influence néfaste de sa famille et contraint d’écarter sa mère puis son demi-frère et entraîneur, l’ancien champion Dicky Eklund, devenu un clownesque camé. Un retour au premier plan autant pour le boxeur que pour le cinéaste, effectué sous le signe de la sobriété pour Russell qui, n’officiant pas à l’écriture, se devait seulement d’honorer ses fonctions dans un projet qui n’était pas le sien, et n’a pas cherché à jouer l’épate.

 

C’est pourtant son apport qui se révèle déterminant, puisque c’est bien le réalisateur qui a réorienté le film et mis l’accent sur sa principale réussite, cette peinture dramati comique du prolétariat white trash au travers du clan Ward-Eklund, étouffant matriarcat au sein duquel un épouvantable aréopage de sœurs vient jouer les échos de l’inénarrable matrone. C’est ce milieu, le destin pathétique de Dicky et la façon dont ils enserrent Micky en le tirant involontairement vers le bas qui forment le véritable cœur du film. On évoque souvent l’entourage des boxeurs pour en souligner la nocivité. Si c’est encore le cas ici, la famille de Micky est aussi montrée comme un mal nécessaire, nuisible certes, mais indispensable, au récit comme à Micky, caractère effacé au milieu de ce carnaval, où l’on repère tout de même quelques bonnes âmes et influences bénéfiques. Hormis chez Ben Affleck, on avait rarement vu cet attachant et effrayant milieu ouvrier bostonien, que connaît bien Wahlberg pour avoir lui-même grandi à quelques kilomètres des protagonistes, faire l’objet d’une attention si avide. Gravitent donc autour du discret Mark Wahlberg des acteurs qui lui mangent littéralement sur la tête, Christian Bale d’abord, qui n’a une nouvelle fois pas lésiné sur la sévérité du régime (le spectaculaire est son ordinaire) et rattrape donc ses repas, s’impliquant « à fond » et sacrifiant ses habituelles exigences salariales, puis Melissa Leo, plus vraie que nature en matriarche peroxydée, tous deux engagés dans des transformations qui entrent pile poil dans le périmètre des performances à oscars (ils viennent de les recevoir). On pourrait trouver navrant pour lui le fait que Wahlberg se retrouve éclipsé par ses partenaires alors qu’il est supposément dans le rôle de sa vie, et que l’excellente Amy Adams en rajoute une couche en venant lui voler quelques scènes. Jeu en retenue injustement écrasé par de voyants numéros d’acteurs, performance physique escamotée par celle du feu follet Bale ? Sans doute, mais, outre qu’il a quand même été nommé à l’oscar lui aussi, on pourra y voir la preuve de l’abnégation de Wahlberg, puisqu’il ne semble pas s’offusquer du phénomène, et paraît même, au contraire, l’avoir encouragé, sans doute la preuve que ce joueur d’équipe, qui connaît l’histoire des deux frères depuis tout gosse, est autant voire plus producteur qu’acteur, laissant son réalisateur s’attarder sur l’autre versant de ce film de boxe qu’il désirait pourtant, ce qui témoigne moins d’une faiblesse que d’une autre forme de salutaire modestie. De même la réserve de Micky, combattant inlassable, n’est-elle pas une défaillance pas plus que le caractère exubérant de Dicky n’est une force.

 

Étrange juxtaposition de cabotinage et d’effacement « vériste » côté casting, du point de vue formel le film se distingue par une relative et peut-être trompeuse économie de moyens, qui mêle style documentaire et codes du ciné indé, privilégiant caméras portées ou steadicam, du moins dans ses séquences « socio-dramatiques » plus inédites que la parabole du champion qui se relève, ces dernières rognent donc sur la reconquête de Micky, quand bien même les combats, cadrés par les équipes de HBO, atteignent une vérité pas si fréquente. S’adjoignant le talent du directeur photo de Morse, Russell étouffe l’esbroufe et développe son élégant réalisme, servi par des interprètes pas toujours subtils mais souvent bluffants. Il touche ainsi dans ses moments les plus réussis à la simplicité émouvante, cruelle ou amusante d’un Rocky, mais se perd un peu lorsqu’il veut mordre sur le terrain pictural de Raging Bull, avec quelques plans de combats repiqués au maestro. Deux « surmoi » qui écrasent par instants le film, lequel respire toutefois en réussissant à renouveler son premier modèle, abdiquant intelligemment la lutte esthétique avec le second, hors concours par son raffinement comme son propos. Si ce Fighter n’est peut-être pas le classique qu’on voudrait nous vendre, il signe tout de même le retour en forme d’un réalisateur qui mérite mieux qu’un statut d’ex-espoir.