Une histoire fictive dans un contexte réel peut souvent être plus vraie qu’une histoire documentaire reconstituée. Je crois que de nombreuses personnes en RDA ont suivi un chemin similaire à celui du personnage Wiesler, même si son chemin était certainement plus extrême. Le cinéma a toujours à voir avec les extrêmes. Beaucoup avaient depuis longtemps quitté le système en interne, sinon il n’y aurait pas eu de révolution pacifique en 1989. Si l’on imagine cet appareil dans ses dimensions gigantesques, les troubles de 1989 auraient facilement pu se transformer en un nouveau Pékin, un nouveau Prague, un nouveau 17 juin. Les moyens étaient là. Florian Henckel von Donnersmarck
CONVERSATIONS SECRÈTES par Audrey Jeamart
Des films sur la période troublée de la Seconde Guerre mondiale, sur le nazisme ou la Gestapo, il y en a pléthore. Les films traitant de l’ex-RDA sont déjà nettement moins nombreux. On retiendra Good Bye Lenin, une comédie. Quand il s’agit de consacrer un film qui plus est un drame aux agissements de la Stasi, le ministère de la Sécurité d’État, La Vie des autres s’impose comme unique candidat. Par ses qualités scénaristiques, esthétiques et cinématographiques, le film de Florian Henckel von Donnersmarck fait déjà figure de référence sur le sujet. Description très documentée des méthodes utilisées par la Stasi pour faire régner l’ordre en Allemagne de l’Est, La Vie des autres offre la véracité des faits historiques sans en imposer la lourdeur. Dès le début du film, on se rend compte que la manipulation et la violence psychologique sont les armes les plus affûtées de la Stasi. Dans une petite pièce austère, un agent, Wiesler questionne un homme soupçonné d’avoir pris part à la fuite d’un camarade pour l’Ouest. L’homme nie, s’obstine. Wiesler n’en démord pas et le questionne jusqu’à épuisement. C’est en situation d’extrême fatigue, explique ensuite Wiesler à ses élèves lors d’un cours à l’université, que la vérité se dévoile. Un innocent se révolte et hurle tandis qu’un suspect se met à pleurer et à répéter toujours les mêmes phrases, apprises par cœur pour tromper la Stasi. Un peu plus tard, voilà ce qu’assène Wiesler à une femme les ayant vus pénétrer dans l’appartement de son voisin pour y dissimuler des micros…Si vous parlez, votre fille peut dire adieu à l’Université. Pas d’atteinte physique, mais une violence psychologique destinée à maintenir les gens dans la peur. C’est en faisant pression sur la vie, la carrière, l’avenir des individus que la Stasi fait régner l’ordre. La menace est partout et il faut faire attention à la moindre parole et au moindre geste. Un étudiant en fera les frais. Il arrive à la table de ses camarades en commençant une blague sur le directeur avant de se raviser en apercevant l’agent Grubitz. Celui-ci l’invitant à poursuivre, l’étudiant achève sa blague. Grubitz rit alors jaune et lui demande son nom et son immatriculation, avant de partir dans un grand éclat de rire. Ce n’était qu’une blague ! Nous retrouvons le même étudiant, à la fin du film, affecté à l’ouverture du courrier…Et ce n’est qu’un des nombreux exemples.
Le thème de l’observation est l’un des plus développés dans le film. C’est parce qu’elle a vu que la voisine doit se taire. La bande sonore de l’interrogatoire du suspect servira quant à elle à illustrer un cours. Et l’on se rendra compte à la fin de la scène que le directeur observait le cours discrètement. Toujours la menace d’être observé plane sur les individus. Le même procédé est utilisé pour présenter le second personnage principal. Il s’agit d’un auteur de théâtre. Nous assistons à la représentation de l’une de ses pièces. L’agent Wiesler, Grubitz et le ministre Hempf se demandent s’il ne serait pas bon de surveiller Dreyman d’un peu plus près. Wiesler l’observe d’abord à la jumelle au théâtre, avant de le surveiller jour et nuit dans son appartement. La Vie des autres propose donc une réflexion intéressante sur le regard. À ce titre, la caméra se montre très explicative, procédé qui aurait pu paraître lourd en d’autres circonstances, mais qui trouve ici tout son sens. La majeure partie du film consistant en un aller-retour entre la vie personnelle de Dreyman et de sa femme et la surveillance de Wiesler, le scénario détaille tout. Même les rapports tapés par Wiesler sur sa machine à écrire deviennent un passage récurrent dans le film. Nous rentrons ainsi dans ce mécanisme d’observation. Nous savons tout ce que sait l’agent.
Si le film captive le spectateur, c’est aussi à travers l’évolution du personnage de Wiesler et sa mise en parallèle avec Dreyman et sa femme. En effet, Wiesler est présenté comme une sorte de robot qui prend vie. Au contact même indirect des deux artistes, l’agent de la Stasi s’humanise peu à peu. De très belles scènes le montrent, dans la solitude de son existence, plongé dans la lecture d’un livre de Brecht qu’il a dérobé chez Dreyman, puis versant une larme à l’écoute de Dreyman interprétant la « Sonate pour un homme bon » au piano. Quant à la scène avec la prostituée de la Stasi, elle révèle tout le pathétique de sa vie morne et mécanique. L’invraisemblable arrive alors, Wiesler va commencer à protéger Dreyman et sa femme, mettant ainsi en jeu sa propre carrière. Le personnage restera malgré tout très mystérieux. Comme le suggère l’affiche du film, il restera dans l’ombre, une coupure très nette existant entre la surveillance qu’il exerce et la sphère intime dans laquelle évoluent les deux artistes. Avec Dreyman et Christa-Maria, sa femme, c’est la condition des artistes qui est évoquée. Un des passages les plus marquants est l’annonce du suicide d’un ami de Dreyman, ne pouvant plus supporter l’interdiction de travailler émise par la Stasi à son encontre. Le réalisateur a choisi de s’intéresser à des artistes parce qu’ils étaient l’une des premières cibles de la Stasi, qui détruisait avant tout les esprits. Le film ne serait pas complètement réussi sans une esthétique RDAnienne parfaitement maîtrisée. C’est le premier film à avoir obtenu l’autorisation de tourner dans l’ancien QG de la Stasi. Les couleurs du film ont également été savamment étudiées, le réalisateur supprimant toute couleur qu’il aurait été impossible de trouver en RDA à cette époque. L’esthétique du film prolonge donc parfaitement le souci de véracité historique à l’œuvre dans tout le film. Toute la conclusion nous montre Dreyman essayant de comprendre ce qui s’est passé et trouvant un moyen original de montrer sa reconnaissance à Wiesler. Cette dernière partie aurait mérité un développement plus long mais cela n’entame en rien toutes les autres qualités du film, qui devrait faire date dans l’histoire du cinéma allemand.
Quand le destin se mêle du sort des hommes,
il ne connaît ni pitié, ni justice.
Né en 1953 à Grimma, une petite ville entre Chemnitz, Ulrich Mühe apprend son métier de comédien à Leipzig, puis se fait rapidement connaître dans le milieu foisonnant du théâtre est-allemand. Il joue Johann Wolfgang von Goethe, Henrik Ibsen, intègre la prestigieuse Volksbühne de Berlin-est et travaille également pour le cinéma et la télévision. Après la chute du Mur, l’acteur acquiert une notoriété nationale dans l’Allemagne réunifiée, même s’il s’agace d’être souvent estampillé comme un «acteur de la RDA». A la télévision, il incarne un héros «récurrent», en la personne d’un médecin-légiste dans la série Le dernier témoin, actuellement rediffusée sur Arte. Au cinéma, on le voit à l’affiche du thriller Funny Games de Michael Haneke, ou dans Amen, le plaidoyer de Konstantinos Costa-Gavras contre le silence de l’Eglise catholique pendant l’Holocauste, où il incarne un officier SS. Récemment, il avait rencontré un grand succès public dans Mon Führer La vérité vraiment la plus vraie sur Adolf Hitler, une comédie réalisée par le Suisse d’origine juive Dani Levy, où il jouait le rôle d’un comédien juif engagé par le Führer pour lui enseigner l’éloquence.
C’est avec La vie des autres, grand succès public et critique en Allemagne et un peu partout à l’étranger outre un Oscar à Hollywood, le film a raflé de nombreux prix, dont celui du meilleur film européen en 2006 qu’Ulrich Mühe avait obtenu une reconnaissance quasi unanime. Atteint d’un cancer de l’estomac, Ulrich Mühe, remarié et père de cinq enfants, avait subi une lourde opération chirurgicale peu de temps après son retour de Hollywood, où il était allé chercher en février l’Oscar obtenu par La vie des autres. La maladie ne lui a laissé que peu de répit…Emporté dimanche par le cancer, il a été inhumé le mercredi 25 juillet à Walbeck, une bourgade de son ex-RDA natale.
Ce haut niveau d’authenticité n’a-t-il pas déclenché de grandes émotions parmi les personnes impliquées ? J’ai eu la chance qu’Ulrich Mühe, par exemple, soit quelqu’un qui a beaucoup traité le sujet pour lui-même et qui, comme beaucoup d’autres, ne l’a pas écarté au cours des 15 dernières années. Il a été l’un des premiers à se faire remettre ses dossiers. Beaucoup d’autres, cependant, disent…Le passé est le passé et je ne veux rien savoir de plus à ce sujet. D’une part, je peux comprendre que, d’autre part, je crois que cela vous prive d’une opportunité. Dans le livre sur le film, il y a une longue interview avec Ulrich Mühe sur ses références personnelles au sujet. C’était terrifiant de voir ce qu’il devait découvrir plus tard et comment il avait été attaqué par la Stasi. Il insiste toujours sur le fait qu’il n’est pas une victime, mais je vois les choses un peu différemment.
Ulrich Mühe était-il votre préféré pour le rôle de Gerd Wiesler ? J’essaie toujours d’écrire sans avoir à l’esprit un acteur en particulier. Je visualise tout sauf les visages. C’est lorsque le scénario est écrit que je pense à qui pourrait être la bonne personne. Je suis ensuite tombé sur Ulrich Mühe très rapidement.
Ulrich Mühe, qui joue le capitaine de la Stasi Gerd Wiesler a été espionné. D’autres membres de l’équipe de tournage viennent de RDA. Vos expériences personnelles ont-elles influencé votre travail ? En tant que réalisateur, vous ne faites pas de film seul. Il existe de très nombreuses personnes compétentes qui vous conseillent et tentent de recréer une réalité ensemble. Les acteurs sont bien sûr très importants. Beaucoup d’entre eux comme Ulrich Mühe, Volkmar Kleinert ou Thomas Thieme ont apporté leurs expériences personnelles de la RDA. Aussi le directeur adjoint, qui a été interrogé par la Stasi elle-même, ou le prophète extérieur, qui était en détention à la Stasi pendant deux ans et avait l’ambition de se procurer uniquement des objets authentiques. Les appareils d’écoute sur lesquels Ulrich Mühe est assis proviennent de la Stasi ainsi que de la machine à évaporation de lettres que l’on peut voir à la fin du film.
Peu de cinéastes ont connu une ascension aussi rapide que l’Allemand. Pour ses débuts en 2006 et son film La vie des autres il a remporté tous les prix…Golden Globe, BAFTA, César et Oscar 2007 du meilleur film de langue étrangère. En 14 ans trois films seulement à la réalisation…
Florian Henckel von Donnersmarck
Pourquoi retourner en Allemagne et dans son histoire pour votre troisième film après vos débuts à Hollywood avec The Tourist ? Ce n’était pas “faisons un film en Allemagne”. C’était une histoire à laquelle je pensais depuis quelques années c’était quelque chose qui m’attirait avec une force considérable et j’ai pensé à la faire en anglais. Cela m’a été très fortement suggéré. Mais je trouve toujours que ces histoires sont un peu fausses. Je pense que le langage contient plus que de simples informations. J’ai senti que le film serait beaucoup plus authentique en Allemagne. Notre producteur, Jan Mojto, a déclaré qu’il voyait le film comme une biographie de l’Allemagne au XXe siècle. Et une biographie à une époque où l’allemand se débat avec son identité j’ai senti que c’était beaucoup plus authentique en allemand.
En anglais, le film se nomme Never Look Away. De quoi ne devrions-nous pas détourner le regard ? Je le pensais davantage de la façon dont il est dit dans le film, ce que lui dit la tante du personnage de l’artiste de ne jamais détourner le regard des faits du monde. Ne croyez pas ce qu’on vous dit. Croyez ce que vous pouvez voir avec vos yeux et même si vous voyez quelque chose de vos propres yeux, ne soyez pas certain de bien le comprendre. Je veux dire, vous ne pouvez pas devenir victime de «fausses nouvelles» si vous ne détournez jamais les yeux de la réalité du monde.
Qu’avez-vous appris de votre expérience de création de The Tourist ? J’essaie toujours de choisir un film en demandant s’il y en a assez pour me garder excité et engagé et me sentir vivant pendant le temps qu’il faudra pour le faire. Dans le cas de La vie des autres et de ne jamais regarder ailleurs, cela a pris des années. Pour The Tourist c’était un peu moins d’un an. J’ai vraiment aimé faire le film, travailler avec Angelina Jolie et Johnny Depp. C’était une expérience géniale. Pour moi personnellement, le principal à retenir, mis à part le fait que c’était très amusant et que je suis heureux que le film ait si bien fonctionné, est que c’est plus satisfaisant pour moi de travailler sur mes propres histoires, car il y a quelque chose dans un moi l’exploration qui a lieu lorsque vous ne savez même pas pourquoi une histoire vous interpelle.
Cela fait 8 ans depuis votre dernier film. Êtes-vous, comme l’artiste de Never Look Away, un perfectionniste obsessionnel ? Il y a ce terme, que James Cameron a inventé: droitier. Je ne suis pas un perfectionniste, je suis un droitier. Je fais les choses jusqu’à ce qu’elles aient raison. Et cela peut se produire sur la première prise ou parfois cela peut prendre 20 prises. La raison pour laquelle ce film a pris un peu plus de temps était aussi qu’il y avait beaucoup d’éléments complexes dans le film qui auraient peut-être été plus faciles à réaliser dans le système américain.
Il y a une ligne dans Never Look Away…Libérez-vous en tant qu’artiste et libérez le monde. Croyez-vous cela ? Je crois complètement au pouvoir transformateur de l’art en particulier de notre art, dans les films. Et je crois que généralement l’art, et la narration en général, est une forme de création d’identité, d’essayer de trouver notre identité. L’art doit être totalement gratuit. Je ne crois pas à l’œuvre d’art qui doit en quelque sorte parler en code dans une sorte de système totalitaire. Je crois complètement à la liberté d’expression artistique. C’est l’une des choses que j’admire le plus dans la constitution américaine et dans la tradition artistique et culturelle américaine que la liberté d’expression est chérie par-dessus tout. Et les gens sont prêts à accepter beaucoup de chaos et de souffrances pour maintenir et maintenir cette liberté. Ce n’est pas le cas dans de nombreux autres pays du monde. Et c’est quelque chose que j’admire vraiment en Amérique.
Qu’est-ce qui vous attire dans le cinéma ? J’ai soif de perfection. Je méprise l’imperfection. Ce qui est mon plus gros problème dans la vie est mon plus gros avantage dans le cinéma. Quand j’ai postulé pour l’un des postes d’écriture / réalisation convoités à la Munich Film Academy, Je me souviens avoir été invité avant ma première interview à tourner un court métrage en vidéo, en moins d’une heure, dans leur studio. Il a dû être édité à huis clos. Vous diriez aux acteurs de «geler ici», puis les contourner et leur demander de continuer à jouer une fois que vous vous êtes installé dans la nouvelle position de la caméra. Au bout d’une heure, la cassette m’a été enlevée. Quand je suis entré pour l’entretien, il y avait huit dignitaires de cinéma allemands, avec cet immense téléviseur à écran plat monté au-dessus de leurs têtes. Ils m’ont salué et ont appuyé sur “Play”. Mon film. C’était très étrange et embarrassant. Comment aurait-il pu en être autrement? Quatre minutes d’intenses souffrances ont suivi.
Y a-t-il d’autres aspects de la réalisation de films que vous aimeriez encore explorer ? Oh bien sûr! J’ai tout un classeur plein d’idées de films que j’ai développées au cours des 11 dernières années. Certains d’entre eux, je pense, seront vraiment bons. Seulement, de la façon dont je travaille, je ne pourrai même pas faire 5% d’entre eux en tant que réalisateur. Je pourrais donc bien imaginer en produire certains, une fois que j’ai mis en place une structure d’entreprise. Sur le plan créatif, ce que j’aimerais le plus savoir, c’est l’écriture de musique. J’entends de la musique dans ma tête tout le temps, mais je n’ai jamais appris à l’écrire. Si jamais j’avais le temps et Gabriel Yared n’était pas disponible j’aimerais passer environ un an à étudier la composition.
Quelle est votre définition du «film indépendant» et cela a-t-il changé depuis que vous avez commencé à travailler ? Le mot «film indépendant» n’a de sens pour moi que s’il signifie que le réalisateur a un contrôle artistique total. Comment un film pourrait-il être indépendant autrement? Même si les producteurs / financiers / studios n’enlèvent presque jamais un film à un réalisateur, le fait qu’ils le puissent s’ils le veulent forcerait le réalisateur à une «politesse artistique» qui ferait obstacle à l’indépendance. Je le sais très bien de l’Allemagne de l’Est: jusqu’à la chute du mur, la dictature du prolétariat avait Final Cut sur tout: romans, pièces de théâtre, films, même peintures. Ne vous y trompez pas: ils n’ont pratiquement jamais censuré quoi que ce soit. Mais en repensant à l’art de ces quatre décennies, vous pouvez toujours ressentir l’état dans tout, et la plupart de l’art de cette époque est très impersonnel et ennuyeux. Parce que les artistes se censuraient, souvent sans le savoir. Je pense que c’est ce qui arrive aussi avec de nombreux réalisateurs, lorsqu’ils n’ont pas de liberté contractuellement garantie.
Quels sont certains de vos films préférés de tous les temps et quels sont certains de vos films préférés récents ? De tous les temps : «Ikiru» de Kurosawa, «A Short Film about Love» de Kieslowski, «They’re all fine» de Tornatore, «Truman Show» de Peter Weir, «Back to the Future (part 1)» de Robert Zemeckis, Alfred Hitchcock «Rear Window», «Burnt by the Sun» de Mikhalkov, «Ripley» de Minghella, «Run, Lola, Run!» De Tom Tykwer. Récemment, j’ai beaucoup aimé «Ray», «Crash» de Paul Haggis, et bien sûr «Volver» d’Almodovar. Je ne suis pas du genre à préférer les petits films très obscurs. C’est comme dans la littérature: je prendrai Pouchkine sur Gogol n’importe quel jour. Ou en peinture: je préfère Titian à El Greco et je pourrais éventuellement dépenser de l’argent pour un Picasso, mais je n’achèterais jamais un Munch.
Quels conseils généraux donneriez-vous aux cinéastes émergents ? Écrivez vos propres trucs. N’attendez pas que du matériel de qualité vous parvienne. Ce ne sera pas le cas. Si les gens ont un très bon scénario, ils le donneront à Christopher Nolan, ou à David Fincher ou Tim Burton. Ils ne le donneront pas à quelqu’un qui n’a fait que quelques shorts. Donc, à moins que Richard Price ou David Benioff ne vous en doive un, je vous suggère de vous asseoir et de vous asseoir seul pour écrire ce scénario. Prouvez-vous au moins une fois que vous pouvez le faire seul. Cela fera de votre confiance un monde de bien. Vous pouvez toujours écrire dans une équipe plus tard. Elia Kazan n’a trouvé ce courage que dans la cinquantaine. Je me demande souvent ce qu’il serait advenu de son travail s’il avait appris plus tôt à faire confiance à son talent d’écrivain.
Craignez-vous que le film puisse être compris comme une réévaluation de l’histoire ? C’était important pour moi de faire un film qui suscite des émotions dans le public. Quand je suis assis au cinéma, je veux aussi être touché et ne pas être enseigné. Mais si vous voyez le film, vous remarquerez rapidement que je ne veux pas donner de cours d’histoire. En fin de compte, c’est un cadre qui doit certainement être dépeint de manière authentique et sensible. Mais il s’agit principalement de tension, de peur, d’amour et de grands sentiments et de divertissement. Je n’avais vraiment aucune exigence pédagogique.
Vous avez fait des recherches intensives pendant des années et avez parlé à de nombreux témoins contemporains. Qu’est-ce que ça fait de s’asseoir en face d’un ancien lieutenant de la sécurité d’État ? Ces expériences étaient comme un tour de montagnes russes. Un jour, j’ai rencontré quelqu’un qui m’a montré de manière très choquante comment la Stasi a brisé son esprit et le lendemain quelqu’un qui a fait exactement cela à ces gens. Beaucoup de gens de la Stasi que j’ai rencontrés sont toujours convaincus qu’ils ont fait la bonne chose. Ils argumentent avec des dictons comme «Pensez-vous que l’autre camp s’est battu avec des bandages plus doux?» Ou «C’était une guerre froide et il y a des règles différentes dans la guerre». Un argument très douteux. Pourtant, lorsque je me suis assis en face d’un lieutenant-colonel, il était important pour moi de ne pas lui faire face avec des préjugés visibles. Incidemment, cela s’applique également à la description des personnages. Dès qu’un auteur ou un réalisateur aborde ses personnages avec préjugé, un film devient propagande et je ne voulais pas de propagande.
Le film montre les mécanismes du pouvoir et comment les gens en sont brisés. Est-ce que quelqu’un comme l’actrice Christa-Maria Sieland aurait eu la chance de choisir librement ? Je pense que Christa-Maria était trop sensible à la pression exercée par le système. Au moment où nous entrons dans l’action, il est déjà cassé et ne peut être entretenu qu’avec beaucoup d’efforts et avec des pilules. La trahison est inévitable. Au moment où elle meurt physiquement, elle est déjà mentalement morte. Si vous voulez chercher une déclaration dans le film, il se peut que vous ayez la possibilité de choisir un côté chaque jour. Quand la figure du ministre Hempf dit…Les gens ne changent pas le film défend la thèse opposée…
Les gens changent s’ils le veulent.