1971-Pourquoi ? Pour qui ?

Le simple fait d’évoquer le titre du film suffit à donner une impression de malaise à tous ceux qui l’ont vu. Ce film traumatisant décrit sans concessions le désespoir d’un être sans aucune défense. L’horreur psychologique atteint ici son apogée. Que ferait-on si on n’avait plus l’usage de notre corps et de nos sens ? Pourrait-on continuer à vivre si la seule chose qui nous reste à faire est de nous réfugier dans des pensées ? Ceci est tout simplement inimaginable et pourtant, cette histoire a sûrement été réelle…

 

 

 

 

VIOLENCE EXTREME SAUVAGE  par Hrundi V. Bashki    

 

Pour dénoncer l’absurdité de la guerre, Dalton Trumbo n’a pas besoin de s’attarder sur les reconstitutions des batailles, nous ne verrons que l’image troublante d’un allemand en décomposition sur les barbelés et l’explosion de l’obus qui va atteindre Johnny. De plus, afin de s’interdire toute complaisance dans le gore, Trumbo ne cherchera pas à nous montrer le corps mutilé de Johnny qui est recouvert par des pansements et un drap blanc. Seuls quelques morceaux de peau restés intacts avec un front et une poitrine nous seront dévoilés avec une étonnante pudeur. Quant aux pensées de Johnny, le recours systématique à la voix-off n’apparaît pas comme une facilité, mais comme une évidence puisque ce personnage est privé du dialogue avec les autres. Mais ce qui est encore plus révoltant est la conduite des médecins qui refusent d’admettre que Johnny n’est pas décérébré. Même quand celui-ci parvient à communiquer en morse pour supplier l’euthanasie, sa demande n’est pas prise en compte malgré la bonne volonté d’une jeune infirmière compréhensive. Parce qu’il n’a pas de corps, les médecins croient qu’il n’aura pas de sentiment, ni de pensée, et ce jusqu’à sa mort. Cette absurdité est la cruelle ironie du film. Comme le laisse supposer la citation à la fin du film, il est bien plus facile de glorifier les millions de soldats morts pour la patrie en leur rendant un vibrant hommage, comme le dit Dalton Trumbo, les chiffres nous ont déshumanisés. Les morts deviennent des héros et les blessés sont tenus à l’abri, seuls et coupés du monde. Peut-on imaginer meilleur réquisitoire contre la guerre ?

 

La structure narrative du film est audacieuse, les souvenirs et les rêves sont en couleur et la dure réalité du présent en noir et blanc, ce qui amplifie la tristesse de l’état de Johnny. Il se souvient de sa fiancée, de sa timidité dans la découverte d’un premier amour, de ses relations avec son père et sa sublime séquence de la canne à pêche. Toutes ces scènes sont poignantes car traitées avec beaucoup de tendresse et de pudeur. L’identification du spectateur à Johnny devient bouleversante. Le contraste saisissant avec l’horreur de sa situation actuelle ne cède jamais au chantage à l’émotion. Mais les repères peuvent parfois se brouiller, ce qui donne lieu à des scènes surréalistes. Dans une scène de cauchemar, Johnny imagine qu’un rat est venu le dévorer et n’arrive plus à distinguer le rêve de la réalité. Il s’imagine également en train de dialoguer avec un Christ totalement impuissant malgré sa bonne volonté. Dalton Trumbo ne s’attaque pas seulement à la folie militaire et au cynisme de la science, mais également à l’hypocrisie de la religion, ce qui le rapproche de son grand ami Luis Bunuel dont on reconnaît d’ailleurs la griffe grâce à son sens de la caricature féroce. Les deux hommes avaient d’ailleurs collaboré ensemble sur le projet en 1964, mais le producteur mexicain était tombé en faillite. Après avoir essuyé plusieurs refus des grands studios qui ne trouvaient pas le projet “bankable”, Trumbo rencontre à un dîner un producteur indépendant, Simon Lazarus, qui décide de prendre le risque de le financer. Lorsque le film sort en 1971, il connaît un formidable retentissement critique et public et remporte le Prix Spécial du Jury au Festival de Cannes. Luis Bunuel avouera d’ailleurs son admiration pour Johnny Got His Gun en disant avoir “retrouvé la puissance du roman, tout son côté dévastateur, avec des moments d’une très grande émotion”. Dans le rôle-titre de Johnny, Timothy Bottoms incarne un Johnny inoubliable, plein de douceur et d’innocence. Notons aussi la présence de Jason Robards et de Donald Sutherland. Mais avant cette reconnaissance tardive, Dalton Trumbo avait connu bien des galères…Son propre roman Johnny got his gun écrit trente ans plus tôt, en 1938. Ce pamphlet pacifiste avait pour but de dénoncer les résultats de la guerre de 1914-1918 qui est à ses yeux “la dernière des guerres romantiques”. Mais sa parution a eu lieu juste avant la Seconde Guerre Mondiale, ce qui ne pouvait pas tomber plus mal…Face à la menace nazie, le pacifisme était synonyme de défaitisme. Après la guerre, la carrière de Dalton Trumbo en tant que scénariste est troublée par l’ère du maccarthysme dont il sera victime, faisant même partie des “Dix de Hollywood”. Il fut donc contraint de travailler sous pseudonyme pendant treize ans. Dalton Trumbo n’a que 65 ans lorsqu’il adapte enfin pour l’écran Johnny Got His Gun qui restera son unique film, l’époque étant propice à la dénonciation de la boucherie guerrière, c’étaient les années Vietnam. Qu’en reste-il aujourd’hui ? Le caractère universel et intemporel de l’œuvre conserve encore toute sa force. L’absurdité de la guerre sera toujours à démontrer. La vision de Johnny Got His Gun est une expérience douloureuse mais nécessaire, tout comme Nuit et Brouillard d’Alain Resnais. Mais malgré sa noirceur radicale, son film ne cherche pas pour autant à donner une impression désespérée. Il est carrément impossible d’oublier cette scène bouleversante où l’infirmière trouve enfin le moyen de communiquer avec Johnny afin de pouvoir lui souhaiter un Joyeux Noël.

 

 

 

 

 

Un avis différent...

 

OBJET INANIMÉ, AVEZ-VOUS DONC UNE ÂME ?    par Benoît Smith

 

C’est un film culte qui ressort ces jours-ci en salles culte à juste titre ? Johnny Got His Gun, il faut en convenir, c’est avant tout un symbole fort, iconique même, des horreurs que la guerre peut causer à un corps humain. Ce sont l’état physique et la voix off implorante de l’inerte mais pensant Joe Bonham, jeune soldat de la Première Guerre mondiale ayant perdu ses membres, son visage et tout autre sens que le toucher mais dont le cerveau et l’esprit subsistent. Mais au-delà de ce postulat, de cette icône dont on a même fait des chansons, que reste-t-il du film qui en fait usage ? À la base de sa notoriété actuelle, avant même ses récompenses au festival de Cannes 1971 avec un Grand Prix, il faut compter la stature de son auteur Dalton Trumbo. Scénariste chevronné, figure emblématique des victimes de la chasse aux sorcières « rouges » conduite par le Commission sur les Activités Anti-Américaines jusqu’à Hollywood dans les années 1940-50, Trumbo signa avec ce film sa seule réalisation, adaptant un roman qu’il avait lui-même écrit en 1938 alors que des bruits de bottes résonnaient déjà, encore, en Europe. Auteur à la sensibilité de gauche incontestable au point d’en avoir payé le prix il peut difficilement être mis en doute quand il souligne le caractère pacifiste, anti-militariste voire contestataire de sa fable, a fortiori à son époque et les dernières années d’une guerre du Vietnam de plus en plus discréditée, de sorte que l’interprétation du film comme dénonciation des horreurs de la guerre prédomine aujourd’hui encore.

 

Pourtant, à mieux y regarder, Johnny Got His Gun ne s’avance pas tant que cela sur le terrain de la guerre. Celle-ci se réduit essentiellement à deux signes, en image et en son avec le corps de Joe, mutilé au dernier degré et improbablement vivant et le son de l’obus qui en est la cause, superposé à des images d’insouciance trompeuse (le départ de Joe au front) et de confiance excessive en soi. En outre, le film, par le biais des souvenirs de Joe, reconstitue des bribes d’une vie de jeune homme ordinaire…La fiancée qu’il laisse derrière lui après leur première et dernière nuit d’amour, ses relations bonnes mais pas toujours limpides avec son père aux idées non conventionnelles, que celui-ci parle de sa canne à pêche ou de politique. Il y a dans ces flash-backs la promesse de l’exploration des ambiguïtés d’une vie en société, mais à la fin, ils ne reviennent qu’à dire ceci, c’est une jeune vie que la guerre a condamnée. Au-delà de ces constats au premier degré, qu’ils soient politiques…« la démocratie est fondée sur la guerre » ou simplement humanistes…« la guerre, ça fait mal, ça nie l’humanité et ça ruine de belles vies », force est de reconnaître que le discours de Trumbo sur la chose guerrière, sur cette machine qui canalise la pulsion de mort humaine à son profit en envoyant des gens s’entretuer, ne va pas plus loin, il s’indigne, sincèrement à n’en point douter, mais n’interroge pas, ne suit pas plus avant les pistes qui lui seraient offertes pour creuser le sujet, là où d’autres cinéastes avant et après lui, on pense au Kubrick des Sentiers de la gloire, au De Palma d’Outrages… pour les exemples les plus littéraux s’y sont engouffrés.

 

 

 

 

Si Johnny Got His Gun recèle une dénonciation réelle et suivie, elle est à chercher dans une direction moins consensuelle et plus sujette à caution, celle de l’acharnement thérapeutique. Conservé en vie et à l’abri des regards, d’abord à des fins expérimentales alors qu’on ne le considère que comme un légume puis par pur souci déontologique, Joe, au fil de la prise de conscience progressive de son état, du ressassement de ses souvenirs et de ses rêves induits par les sédatifs, finit par souhaiter la mort. Or Trumbo abonde dans le sens du désespéré avec une immédiateté et une insistance un peu dérangeantes. Étant parvenu à communiquer avec les autres par le toucher, Joe réitère obstinément son vœu de mourir; on le lui refuse, une infirmière compatissante lui accorde un geste libérateur, mais la manœuvre est contrecarrée, le patient vivra. Et dans tout cela, l’auteur ne semble voir qu’un simple conflit entre compassion et protocole. D’ailleurs, la relation entre l’infirmière et l’infirme porte elle aussi la trace de cette invitation qui nous est faite à l’acceptation rapide et peu regardante. De toute évidence en mal d’affection et au désir attisé par le torse du patient, la jeune femme lui pratique des attouchements qui ne déplaisent certes pas à l’intéressé, mais qui posent néanmoins des problèmes que Trumbo, là encore, ignore en brandissant la compassion comme excuse à toutes les transgressions. Difficile de nier la sincérité de l’indignation de Trumbo, ses efforts pour donner corps à l’absurdité et l’inhumanité dont l’espèce humaine est capable. Ce qui gêne, c’est que l’émotion qu’il cherche à susciter émane essentiellement d’un effet choc, celui de la situation de Joe, censé induire des choix tenus pour évidents, immédiats et non contestables, même dans des situations où le jugement devrait être moins sûr. Johnny Got His Gun s’apparente à ces fictions de gauche bien intentionnées, mais un peu trop assurées du bien-fondé de leur message pour déceler les ambiguïtés qui le sous-tendent et en tirer un point de vue dépassant les évidences ou ce qu’il suppose en être. Les choix narratifs et esthétiques du film, censés donner une incarnation cinématographique au propos, illustrent principalement des évidences du récit, comme la séparation des univers physique sombre et mental heureux ou onirique de Joe par l’usage du noir et blanc et de la couleur. Quant aux scènes de rêves sous sédatifs, notamment ces vignettes ironiques mettant en scène un Jésus-Christ peu secourable envers les futures victimes, elles en rajoutent dans la parabole de l’absurde et inextricable situation du héros, mais ressemblent à des moments greffés artificiellement sur le film du présent, lui rajoutant une surcouche de vouloir-dire littéral à l’imagerie peu subtile. Elles n’empêchent guère Johnny Got His Gun de valoir plus pour ce qui le motive que pour ce qu’il réalise.

 

 

 

 

 

DALTON TRUMBO

Scénariste sur la liste noire d’Hollywood

 

 

 

 

« Êtes-vous actuellement ou avez-vous déjà été membre du Parti communiste ? » C’était une question posée à des dizaines de personnes amenées devant le House Un-American Activities Committee (HUAC) dans les années 1940 et 1950, et en octobre 1947, elle fut posée à Dalton Trumbo, l’un des plus connus et des mieux payés d’Hollywood. scénaristes. Trumbo et neuf autres, surnommés les ” Hollywood Ten ” ont refusé de répondre à la question au motif du premier amendement. Cette position de principe a eu un prix élevé avec des peines de prison fédérales, des amendes et, pire que tout, une place sur la liste noire d’Hollywood, une interdiction qui les empêchait de travailler dans la profession qu’ils avaient choisie. Dalton Trumbo a passé une grande partie du reste de sa vie à remonter au sommet. La chute de grâce a été particulièrement difficile pour Trumbo, qui avait eu du mal à établir une carrière d’écrivain et avait atteint les échelons supérieurs de la structure des studios hollywoodiens moins d’une décennie plus tôt.

 

 

 

James Dalton Trumbo est né à Montrose, Colorado le 5 décembre 1905 et a grandi dans la ville voisine de Grand Junction. Son père, Orus, travaillait dur mais avait du mal à atteindre la stabilité financière. Orus et Maud Trumbo ont souvent eu du mal à soutenir Dalton et ses sœurs. Trumbo s’est intéressé à l’écriture très tôt dans la vie, travaillant comme journaliste pour le journal Grand Junction alors qu’il était encore au lycée. Il a étudié la littérature à l’Université du Colorado dans l’espoir de devenir romancier. Puis, en 1925, Orus décida de déménager la famille à Los Angeles dans l’espoir de trouver un travail plus lucratif, et Dalton décida de suivre. Moins d’un an après le déménagement, Orus est décédé d’une maladie du sang. Dalton a obtenu ce qu’il espérait être un emploi à court terme à la Davis Perfection Bread Company pour aider à subvenir aux besoins de la famille. Il a fini par y rester huit ans, travaillant sur des romans et des nouvelles dans ses moments libres. Peu ont été publiés. Sa grande percée survint en 1933, lorsqu’on lui proposa d’écrire pour le Hollywood Spectator. Cela a conduit à un travail de lecture de scripts pour Warner Brothers en 1934, et en 1935, il a été embauché comme scénariste junior dans l’unité B-Picture. Plus tard cette année-là, son premier roman, Eclipse, est publié. Au cours des années suivantes, Trumbo a sauté de studio en studio alors qu’il maîtrisait son nouveau métier. À la fin des années 1940, il gagnait jusqu’à 4 000 dollars par semaine, une amélioration majeure par rapport aux 18 dollars par semaine qu’il gagnait à la Perfection Bread Company. Il a écrit plus d’une douzaine de films entre 1936 et 1945. Sa vie personnelle a également prospéré. En 1938, il épousa une ancienne serveuse nommée Cleo Fincher, et ils eurent bientôt une famille…Christopher, Mitzi et Nikola. Trumbo a acheté un ranch isolé dans le comté de Ventura pour se retirer de la vie hollywoodienne. Trumbo avait la réputation d’être un critique virulent de l’injustice sociale à Hollywood. Ayant été membre de la classe ouvrière pendant une grande partie de sa vie, il était passionné par les droits du travail et les droits civils. Comme beaucoup de ses pairs hollywoodiens à tendance libérale, il a finalement été attiré par le communisme. Sa décision d’adhérer au Parti communiste en décembre 1943 était fortuite. Bien qu’il ne soit pas marxiste, il était d’accord avec nombre de ses principes généraux. ” Les gens ont rejoint le Parti communiste pour de très bonnes raisons humaines, à mon avis “, a-t-il dit un jour. Le début des années 1940 a été le point culminant de l’adhésion au Parti aux États-Unis; Trumbo était l’un des plus de 80 000 communistes “porteurs de cartes” de l’époque. Il détestait les réunions, qu’il décrivait comme “ennuyeuses au-delà de toute description et à peu près aussi révolutionnaires que les services de témoignage du mercredi soir à la Christian Science Church”, mais il croyait passionnément au droit du Parti d’exister en vertu d’une Constitution qui accordait aux Américains la liberté de se réunir et parler. L’affiliation de Trumbo était bien connue à l’époque et, comme d’autres membres du Parti communiste d’Hollywood, il était sous la surveillance du FBI pendant plusieurs années. En septembre 1947, la famille se trouvait dans leur ranch éloigné lorsque des agents du FBI sont arrivés avec une citation à comparaître devant le HUAC. Le fils de Trumbo, Christopher, alors âgé de sept ans, a demandé ce qui se passait. “Nous sommes communistes et je dois me rendre à Washington pour répondre à des questions sur mon communisme.”



Environ 40 membres de la communauté hollywoodienne ont reçu des assignations à comparaître. La plupart se sont simplement conformés aux enquêteurs de la HUAC, mais Trumbo, avec ses collègues scénaristes Alvah Bessie, Lester Cole, Albert Maltz, Ring Lardner, Jr., Samuel Ornitz et John Howard Lawson, les réalisateurs Edward Dmytryk et Herbert Biberman, et le producteur Adrian Scott, a décidé pas se conformer. Lors d’une audience controversée le 28 octobre 1947, Trumbo a refusé à plusieurs reprises de répondre aux questions des membres de la HUAC pour des motifs liés au premier amendement. Pour son intransigeance, il a été reconnu coupable d’outrage au Congrès. Il a ensuite été reconnu coupable des accusations et condamné à un an de prison. Il a fallu trois ans pour que l’affaire passe par le processus d’appel, mais la punition réelle de Trumbo a commencé dès son retour des audiences. Lui et ses pairs ont été interdits de travailler pour l’un des grands studios et rejetés par de nombreux membres de la communauté hollywoodienne. Ce fut une période difficile pour la famille à la fois financièrement et émotionnellement, comme l’a dit Cleo Trumbo à People dans une interview en 1993…« Nous étions fauchés et nous n’étions invités nulle part. Les gens sont tombés. » Les frais juridiques épuisant ses économies, Trumbo est revenu à ses racines de film B et a commencé à produire des scripts sous divers pseudonymes pour de petits studios. Il a travaillé jusqu’au jour de juin 1950 où il a rasé sa moustache emblématique et s’est envolé vers l’est pour commencer sa peine de prison d’un an. Trumbo, maintenant connu sous le nom de prisonnier # 7551, a été envoyé à l’établissement correctionnel fédéral d’Ashland, dans le Kentucky. Après près de 25 ans de travail incessant, Trumbo a déclaré avoir ressenti “un sentiment de soulagement presque exaltant” lorsque les portes se sont refermées derrière lui. Son passage à Ashland a été rempli de lecture, d’écriture et de tâches légères. Sa bonne conduite lui vaut une libération anticipée en avril 1951. Trumbo a déménagé la famille à Mexico après sa libération, dans l’espoir de s’éloigner de la notoriété et d’étirer un peu plus leurs revenus réduits. Ils sont revenus en 1954. Mitzi Trumbo a décrit plus tard le harcèlement de ses nouveaux camarades de classe du primaire lorsqu’ils ont découvert qui elle était. Tout au long de la période, Trumbo a continué à écrire pour le marché noir des scénarios. Il finira par écrire environ 30 scripts sous différents pseudonymes entre 1947 et 1960. En une période de deux ans, il a écrit 18 scripts pour un paiement moyen de 1 700 $ chacun. Certains de ces scripts ont eu beaucoup de succès. Parmi ses œuvres au cours de cette période figuraient la comédie romantique classique Roman Holiday (1953) et The Brave One (1956). Tous deux ont remporté des Oscars pour l’écriture, des récompenses que Trumbo n’a pas pu accepter. Trumbo a souvent transmis du travail à d’autres listes noires en difficulté, non seulement par générosité, mais aussi pour inonder le marché avec tant de scripts de marché noir que toute la liste noire ressemblerait à une blague. La liste noire a continué de s’affaiblir tout au long des années 1950. En 1960, le réalisateur Otto Preminger a insisté pour que Trumbo reçoive un crédit pour avoir écrit le scénario du blockbuster biblique Exodus, et l’acteur Kirk Douglas a annoncé publiquement que Trumbo avait écrit le scénario de l’épopée historique Spartacus. Trumbo a adapté le scénario d’un roman d’Howard Fast, lui-même auteur sur liste noire. Trumbo a été réadmis à l’Union des écrivains et à partir de ce moment, il a pu écrire sous son propre nom. En 1975, il reçoit une statuette tardive aux Oscars pour The Brave One. Il a continué à travailler jusqu’à ce qu’on lui diagnostique un cancer du poumon en 1973 et qu’il décède à Los Angeles le 10 septembre 1976 à l’âge de 70 ans. Au moment de la mort de Trumbo, la liste noire était depuis longtemps rompue.

 

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