1969-Vie Indienne.

John Morgan, un noble anglais parti chasser aux Etats-Unis, est capturé par une tribu d’Indiens Sioux. Le chef de la tribu, Yellow Hand, l’offre en tant que cheval à sa mère, qui l’exploite à des tâches harassantes. John tente plusieurs fois de s’échapper sans succès et finit par se lier d’amitié avec Batise, un métis lui aussi prisonnier qui se fait passer pour fou pour ne pas être maltraité. Batise va apprendre à John les mœurs de Sioux, et ce dernier va petit à petit trouver sa place dans la tribu.

 

 

 

 

CULTURE INDIENNE   par Philippe Paul

 

La carrière cinématographique d’Elliot Silverstein est bien peu prolifique. Réalisateur extrêmement actif à la télévision entre 1955 et 1965, puis dans les années 80 et au début des années 90, son passage au grand écran ressemble à une simple parenthèse dans son œuvre, avec cinq films tournés en une grosse dizaine d’années. Entamée par Cat Ballou, grossière parodie de western qui offrit l’Oscar à Lee Marvin, et conclue par Enfer mécanique, qui connaît aujourd’hui un petit culte, cette courte période ressemble aujourd’hui à un enchainement de films un peu hétéroclites qui empêche d’aborder la carrière du cinéaste comme celle d’un véritable auteur. Son troisième film, s’il constitue un retour au western, ne s’inscrit ainsi pas du tout dans la lignée du premier. Un homme nommé Cheval abandonne la parodie pour un ton particulièrement sérieux, aux frontières du documentaire, et totalement en phase avec les autres productions du genre sorties sur les écrans au même moment. C’est le scénariste Jack de Witt qui apporte le sujet à Silverstein, un script évoquant une tribu d’Indiens Crows adapté d’une nouvelle de Dorothy M. Johnson, qui était déjà à l’origine, entre autres, de L’Homme qui tua Liberty Valance. Alors qu’il s’intéresse aux coutumes indiennes, l’attention d’Elliot Silverstein se porte sur une cérémonie, historiquement une tradition des Indiens Mandan, les « vœux au soleil ». Silverstein fait alors réécrire le scénario pour inclure cette tradition. Le cinéaste souhaite tourner un film qui permettra d’introduire au plus grand nombre la culture indienne. Il s’entoure lors du tournage de Sioux qui, sur leurs souvenirs ou sur le récit de leurs parents, permettront que les images tournées se rapprochent le plus de la réalité, particulièrement lorsqu’il s’agira de mettre en scène les fameux vœux au soleil.

 

 

 

 

Si Un homme nommé Cheval n’est pas le premier film à tenter de nous plonger dans la culture indienne, il est probablement l’un des premiers westerns à pousser la démarche aussi loin. On ne trouve à l’écran aucune image de la civilisation « européenne » aucune construction, aucune ville, seul John Morgan, le personnage principal l’incarne, ses acolytes étant éliminés dès les premières minutes du film. Silverstein va alors utiliser le personnage de Morgan comme un témoin du mode de vie des Indiens plutôt que comme un héros traditionnel. Même si le récit se construit autour de lui, et de sa tentative d’échapper à son statut de prisonnier, il est avant tout l’œil du spectateur, qui nous permet de plonger dans un mode de vie méconnu. Se disant notamment inspiré par les dessins et tableaux du peintre George Catlin, qui fut un témoin direct des coutumes indiennes, Silverstein adopte un point de vue quasi documentaire, un regard neutre qui ne verse ni dans l’angélisme ni dans le mépris pour présenter avec le plus de respect possible une culture différente. Silverstein ne cherche pas non plus à cacher un message sur la société moderne, comme le fait par exemple Ralph Nelson au même moment avec Soldat Bleu, dans lequel l’actualité de la guerre au Viêt-Nam transparaît dans chaque plan. A l’inverse, même si la démarche de SIlverstein avec Un homme nommé Cheval est typique de son époque, son propos ne se veut pas contemporain ou militant.

 

Ce parti pris n’empêche évidemment pas le film d’être spectaculaire et si plusieurs séquences sont impressionnantes, c’est bien sûr celle des « vœux aux soleil » qui reste dans les mémoires. Alors que John Morgan souhaite se marier, au moins autant pour échapper à sa condition d’esclave que par amour, la cérémonie lui est présentée comme un passage obligé avant le mariage, ce qui distingue légèrement le film de la réalité, dans laquelle la cérémonie était plutôt, d’après l’historien, un rite initiatique pour tous les jeunes hommes. Suspendu par la poitrine dans un tipi, face au soleil à son zenith, Morgan doit supporter la douleur pour prouver qu’il est digne de se marier. Un moment spectaculaire et marquant qui est sans doute le point culminant d’Un homme nommé Cheval. Le moment est d’ailleurs tellement impressionnant qu’il est peut-être à la fois la force principale de l’œuvre et une illustration de ses faiblesses, tant le reste du film est écrasé par cette séquence, qui restera le souvenir essentiel du spectateur. Cette scène cristallisera d’ailleurs les réactions en 1970, à tel point que le comité de censure demanda à réduire ou couper la séquence. Silverstein vint lui-même défendre le film devant le comité. Il déclara…Je suis juif, je suis allé dans l’école catholique de l’université de Boston, des jésuites, et dès le premier jour, j’ai vu des tableaux et des statuettes d’un homme que je ne connaissais pas sur une croix. Il y en avait dans chaque classe et un peu partout dans l’université. Personne ne s’en plaignait, c’était un symbole mystique qui signifiait beaucoup pour les étudiants chrétiens. Bien entendu, ça n’a rien déclenché chez moi à part de la surprise, au tout début. En réalité, vous basez votre décision d’un point de vue chrétien. Ces gens sont mystiques, religieux. Cette expérience est religieuse pour eux, tout comme la crucifixion l’est pour les chrétiens. Comment pouvez-vous trouver ça partial ? Nous n’avons rien ajouté à la cérémonie, et même, elle est moins violente qu’elle était en réalité. Ce discours fut convaincant, puisque après quelques minutes de réflexion, le comité accepta que la scène fût conservée, afin de ne pas favoriser une religion devant l’autre. Cette anecdote illustre parfaitement l’importance de la scène tout comme la démarche d’historien d’Elliot Silverstein.

 

 

Si les moyens de la production étaient limités, ce qui conduisit à un tournage des extérieurs au Mexique et des intérieurs en studio plutôt que dans des décors réels sur le territoire des Etats-Unis, la reconstitution est particulièrement méticuleuse. Les costumes comme les coiffes sont issus de recherches historiques, et une grande partie du dialogue est en Dakota, avec une attention particulière portée aux accents. La même attention est portée à une grande partie du casting, issue de tribus indiennes, même si Silverstein dut faire quelques concessions, comme pour le rôle principal féminin qui revint à Corinna Tsopei, une actrice grecque, après le refus de plusieurs actrices indiennes, heurtées par la violence du film. Cette difficulté de casting ne fut d’ailleurs pas la seule car Silverstein n’était pas non plus convaincu par le casting de Richard Harris dans le rôle principal. Il y eut d’ailleurs des heurts graves entre les deux hommes sur le tournage, au point que la production faillit être arrêtée. Ces difficultés ne sont heureusement pas visibles à l’écran, et Harris offre une performance très réussie. Malgré quelques moments de creux, Un homme nommé Cheval reste un film passionnant et impressionnant, qui accompagne parfaitement Little Big Man au palmarès des grands western de l’année 1970.

 

 

 

 

 

RICHARD HARRIS    Filmographie sélective