1992 – Crépusculaire…

Avant de parler du dernier western joué et tourné par Clint Eastwood retour en arrière sur sa carrière cinématographique entre 1964 et 1992 totalement liée au maître Sergio Leone qui va révolutionner ce cinéma de genre en 4 films. Son 4ème en 1968…Il était une fois dans l’Ouest un des plus grands westerns de l’histoire  du cinéma qui se fera sans Clint déjà parti pour de nouvelles aventures.

 

 

 

Lorsque Clint Eastwood se voit proposer le rôle principal de Pour une poignée de dollars, il a 34 ans et joue dans la série Rawhide depuis cinq saisons. Il est las de son personnage de cow-boy qu’il appelle « l’idiot des plaines » et de l’image d’un Far West d’opérette véhiculée par le feuilleton. L’offre de Sergio Leone n’est a priori pas celle de ses rêves…Des Italiens qui font des westerns, quelle drôle d’idée ! Mais le cachet est correct et l’occasion d’un voyage en Europe, tous frais payés, ne se refuse pas. En réalité, le jeune réalisateur a d’abord tenté de convaincre les stars James Coburn, Charles Bronson et l’acteur américain Richard Harrison, installé en Italie, mais leurs exigences salariales ont douché son enthousiasme. C’est une amie qui lui a conseillé de regarder un épisode de Rawhide.

 

 

 

Sergio Leone racontera plus tard…Clint ne disait pas le moindre mot. Il se déplaçait lentement, vraiment lentement. J’aimais bien cette attitude nonchalante. Clint Eastwood arrive en Espagne avec les bottes, les éperons et la ceinture utilisés dans Rawhide, une paire de jeans noirs décolorés, et il dégote un poncho en arrivant. Une panoplie très inspirée, qu’apprécie Sergio Leone. Le courant passe bien entre les deux hommes…Clint m’a simplement dit “on va faire un bon western ensemble”. Seul petit hic, il ne fumait pas, et je lui ai glissé un Toscano à la bouche…Ce fameux accessoire est en effet une plaie pour l’acteur, qui en déteste « l’horrible odeur ». Il hésite même à rempiler pour le deuxième volet à cause de cette satanée cibiche. Il aura raison de prendre sur lui…Pour une poignée de dollars connaît un succès immense en Europe, et un an après, la suite bat tous les records. Le phénomène atteint les États-Unis et fait de Clint Eastwood la nouvelle coqueluche des studios. La légende est en marche…La Trilogie du dollar est le nom donné a posteriori à un ensemble de trois westerns spaghetti de Sergio Leone…Il n’y a pas eu de volonté initiale de réaliser une trilogie avec une cohérence narrative ou thématique. Les films ont été réunis sous ce nom commun pour des raisons promotionnelles postérieures à leur réalisation et diffusion. Néanmoins, il existe des points communs qui permettent de les envisager comme un corpus analysable ensemble. Tous trois se déroulent dans l’Ouest américain, parlent d’argent et de banditisme, et enfin comportent un personnage à la personnalité très mystérieuse interprété par Clint Eastwood.

 

 

                    Pour une poignée de dollars                             Et pour quelques dollars de plus                         Le Bon, la Brute et le Truand

 

 

 

 

Quand Clint Eastwood se souvient de Sergio Leone. De passage à Paris, pour la sortie de Gran Torino, et avant de s’envoler vers l’Afrique du sud où il s’apprête à tourner son prochain film adapté du roman The Human factor, le grand Clint Eastwood ne ménage pas ses efforts. Mais au-delà de la promotion du film, l’acteur-réalisateur en a aussi profité pour évoquer ses souvenirs avec Sergio Leone, celui qui lui a donné sa première chance au cinéma. Le réalisateur italien avait fait de Clint Eastwood un cow-boy mythique dans «la trilogie du dollar». L’acteur rend hommage à un artiste «intrépide».

 

Qu’avez-vous appris de votre rencontre avec Sergio Leone, en 1964 ? Ce qu’on appelle maintenant le « style dur » Sergio m’a appris à en faire le moins possible. Moins j’en faisais, plus j’étais impressionnant. Dans les films de Leone, tout le monde courait, se poursuivait à cheval, ou se tirait dessus. Et moi je devais rester là, droit dans mes bottes, en plein milieu du champ de bataille !

 

Quels souvenirs gardez-vous de lui ? Pour moi, Sergio était un réalisateur intrépide. J’ai beaucoup appris avec lui, en tournant la «Trilogie des dollars». Pourtant, on se connaissait à peine. La première fois que l’on s’est rencontré, je ne parlais un mot d’italien et lui ne parlait pas un mot d’anglais. Il savait seulement dire «Hello !».

 

En fait, Leone a inventé un nouveau genre de cowboy pour vous ? Oui, c’est vrai. C’était une sorte de « cowboy-samouraï », impassible, très fortement inspiré du cinéma de Kurosawa. A l’époque, j’étais également fan du film Yojimbo, dont s’est inspiré Leone pour Une Poignée de dollars.

 

L’avez-vous revu un jour ? Oui. C’était en 1988, à la fin de sa vie. A l’époque, j’étais venu en Europe pour défendre mon film sur Charlie Parker. J’étais à Rome quand il m’a appelé à mon hôtel. Nous sommes allés déjeuner au restaurant. Je parlais un meilleur italien et lui un meilleur anglais. Nous avons beaucoup discuté. Notamment de réalisation. Nous nous sommes payés du bon temps. En fait, cette dernière rencontre fut une sorte d’adieu, puisqu’il est mort deux mois après. Ce que je ne comprends toujours pas aujourd’hui, c’est que j’ai réalisé cinq fois plus de films que lui. Je ne sais pas pourquoi il retenait la bride des chevaux de son imagination. C’était assez extravagant. Il passait son temps à évoquer le tournage des 900 jours de Leningrad, son dernier projet. Je n’ai jamais su pourquoi il a fait aussi peu de films. Je pense qu’il préférait les remâcher encore et encore dans sa tête.

 

 

7 ans après sa période italienne Clint Eastwood va tourner et jouer trois westerns avec toujours un personnage central joué par lui au passé douloureux et/ou secret qui va se battre pour une cause, des gens et à la fin survivre et disparaître comme il est venu…

 

              L’Homme des hautes plaines                           Josey Welles                                      Pale Rider

 

 

 

30 ans après Unforgiven vient sonner le crépuscule de son personnage plus que jamais tourmenté, c’est aussi la fin de l’Ouest Américain et son rêve englouti dans une mondialisation qui massacre tous les codes d’un Ouest plein d’espoir et de mythes…Comme pour l’approuver Hollywood lui donne l’Oscar du Meilleur réalisateur et un Meilleur second rôle pour Gene Hackman autre monstre sacré. 2018 le western Hostiles de Scott Cooper viendra enfoncer le clou de cette fin annoncée et acceptée ?

 

Les crédits s’achèvent par « Dedicated to Sergio and Don », en hommage aux mentors du cinéaste, Sergio Leone et Don Siegel. Le script du film existait déjà depuis 20 ans et Gene Hackman, qui ne l’aimait pas, avait déjà refusé d’y jouer. C’est finalement Clint Eastwood qui a réussi à le faire changer d’avis. Le film a été tourné en 39 jours. La petite ville de Big Whiskey avait été construite en 2 mois. La séquence du train a été tournée à Sonora en Californie où une voie ferrée du xixe siècle est toujours opérationnelle. Les autres séquences ont été tournées en Alberta. Il s’agit du troisième western à remporter l’Oscar du meilleur film, les deux autres étant Cimarron (1931) et Danse avec les loups (1990). Les bottes qu’Eastwood porte dans le film sont les mêmes que celles qu’il portait dans la série télévisée Rawhide. Elles font maintenant partie d’une collection privée.

 

 

 

 

DERNIER  ACTE…

 

 

 

Clint Eastwood nous fait chevaucher en croupe derrière le pire de tous les salopards de l’Ouest qui pourrait bien être la mort en personne…quand le shérif demande pitié « Je ne mérite pas de finir comme ça », il répond « le mérite n’a rien à voir là-dedans » ou encore « J’ai tué à peu près tout ce qui marche vole ou rampe sur cette terre ». Nous endossons le parti de ce vieil homme qui cultive le souvenir de sa femme et se lance, pour nourrir ses gosses dans une quête qui parait au-dessus de ses moyens…Un héros aussi branlant et sordide que les autres sont lâches, vieux, sadiques, handicapés ou tremblotants. Progressivement, nous nous enfonçons dans l’horreur et nous trouvons cela « légitime ». « Nous » nous érigeons en « justiciers », « nous » commettons des meurtres sordides, jusqu’à faire un massacre « pour venger » un meurtrier. Pourtant, tout au long du film, on n’a cessé de nous mettre en garde contre le « héros ». Rien n’y fait, chaque personnage agit avec légitimité dans sa logique, les deux cow-boys humiliés, les putes qui commanditent des meurtres, le shériff qui fait régner l’ordre dans sa ville au milieu d’une contrée où seule la loi du plus fort à cours et nous sommes entraînés, car nous comprenons ces personnages qui sonnent vrais, grâce à un scénario diabolique et des acteurs tous extraordinaires.

 

 

 

Eastwood casse l’image du western et tue le mythe du héros. Après ce film, il ne pourra plus filmer que des anti-héros Un monde parfait, Mystic river, de faux héros Mémoires de nos pères, des gens ordinaires qui deviennent des héros par leur mort Million dollar baby, Gran Torino. Le héros est aussi l’aboutissement d’un personnage qui naît avec L’homme des hautes plaines, s’affirme avec Pale rider, un homme qui revient sur un cheval pâle, alors que tous le croyaient mort. Au départ, le héros est un vieillard fragile qui vit sur une réputation passée, mais incapable de monter sur son cheval, qui suit ses compagnons plutôt que de prendre les initiatives. Le tournant du film se produit au moment où Paul Muny attrape la grippe. Il s’effondre, se fait dérouiller et part se réfugier dans une cabane, quasiment mourant. Lorsqu’il ré-apparaît, ressuscité, ce n’est plus le même homme. Il prend les affaires en mains, devient « Surhumain ». Il se révèle lorsqu’il remplit sa véritable mission. Ne serait-elle pas de venir faucher les vies venues à termes ? Lorsqu’il sort du saloon son image apparaît en contre-jour sur les façades illuminées par les reflets rougeoyants de l’incendie. Lorsqu’il profère des menaces qu’un homme ne pourrait pas tenir, personne ne doute qu’il puisse revenir les tuer, tuer leur famille et leurs amis, brûler leur maison. Tous ont peur devant cet homme qui apparaît comme un démon sorti de l’enfer. On ne peut s’empêcher de repenser à cette ville peinte en rouge et rebaptisée « Hell » dans L’homme des hautes plaines. On peut regretter que cette scène capitale n’ait pas été plus soignée. Tarantino ou Leone nous en auraient fait une scène culte, mais Eastwood travaille vite, taille, tranche et ne montre que l’essentiel. Il laisse le reste à l’imagination des spectateurs. Si vous ne suivez pas, tant pis, il continue, il envoie des messages contradictoires. Nous découvrons que derrière ce western âpre, sombre, impitoyable, il y a peut-être un message mystique. Mais même là on trouve des contradictions par exemple entre « le mérite n’a rien à voir là-dedans » et tout au début, le tri des cochons, les sains d’un côté, les contaminés de l’autre. Il joue avec nous. Jouez à votre tour, cherchez les indices qu’il a semé pour vous. Mais qu’est donc venu faire ici bas ce cavalier de l’apocalypse ? Il n’est pas seulement là pour briser l’image des héros, mais surtout pour tuer le mythe de l’Ouest. Dans L’homme qui tua Liberty Valence John Ford nous dit…« Dans l’ouest, quand la légende dépasse la réalité, on imprime la légende. » C’est le rôle de Beauchamp, chroniqueur de l’Ouest, biographe des héros qui construisent eux-même leur légende par leurs vantardises. Non seulement Paul Muny brise l’image de ces héros mais il balaie la légende de l’Ouest. 

 

 

 

 

 

Un script resté dans un tiroir    par Virgile Dumez

 

Au début des années 80, Malpaso, la société de Clint Eastwood, reçoit un script de western intitulé The William Munny Killings rédigé par David Webb Peoples. Malheureusement, le comité chargé de la lecture du scénario ne le retient pas, le trouvant trop violent. Pourtant, au milieu des années 80, Clint Eastwood tombe dessus car il cherche à se renseigner sur Peoples. La lecture s’avère totalement satisfaisante et Eastwood pense pouvoir en faire un bon film. A cette époque, il vient pourtant de tourner plusieurs westerns et pense qu’il est également trop jeune pour incarner le personnage principal. Il laisse donc dormir ce script dans un tiroir jusqu’au début des années 90…Il vient d’enchaîner plusieurs échecs commerciaux en tant qu’acteur et ses films plus ambitieux comme Chasseur blanc, cœur noir (1990) n’ont pas trouvé leur public. Il était donc temps pour lui de renouer avec le genre qui a fait sa gloire, tout en bouclant la boucle à l’aide d’un script plus ambitieux que la moyenne. Il obtient d’ailleurs la confiance de la Warner qui lui octroie un budget cossu de 15 millions de dollars pour pouvoir offrir les rôles secondaires à des grosses pointures. Impitoyable bénéficie donc de l’apport de comédiens chevronnés comme Gene Hackman, mais aussi de la présence de Morgan Freeman qui venait tout juste d’être nommé à l’Oscar du meilleur acteur pour Miss Daisy et son chauffeur, ou encore de Richard Harris. Le budget a été tenu grâce à un tournage dans un coin perdu du Canada où l’intégralité du village a été construit. Étalé sur trente-neuf jours, le tournage s’est déroulé dans une bonne ambiance, malgré des horaires intenses liés à de nombreuses scènes nocturnes. Loin de n’être qu’un simple film de genre, Impitoyable est une synthèse quasiment parfaite de trente années d’évolution du western. Dédié à Sergio Leone et Don Siegel, les deux maîtres à filmer d’Eastwood, le long-métrage opère une fusion entre plusieurs styles. Ainsi, le réalisateur situe son histoire dans un Ouest débarrassé de toute forme de glamour, suivant en cela les descriptions osées du western européen. Les hommes y sont d’une violence terrible, les vêtements sont crasseux, les villes sales et délabrées et la pluie règne en maître lors de séquences orageuses qui rappellent les délires opératiques des films de Sergio Corbucci ou Antonio Margheriti.

 

Pour autant, Eastwood reste et demeure un cinéaste américain classique. Si sa description de l’Ouest cherche à se rapprocher d’une certaine véracité historique, son interrogation principale reste centrée sur les conséquences de la violence dans une vision qui demeure fortement marquée par la notion de péché. Les personnages de vieux tueurs sur le retour sont marqués à jamais par leurs exactions de jeunesse, souvent réalisées sous l’emprise de l’alcool. Ces exploits montés en épingle par la presse de l’époque ne sont finalement que des actes de violence monstrueux qui n’apportent à leurs auteurs que des remords. Impitoyable développe la thématique passionnante abordée par John Ford dans L’homme qui tua Liberty Valance (1962), à travers le personnage de biographe interprété avec talent par Saul Rubinek. Celui-ci est chargé de conter les exploits sanglants des héros de l’Ouest dont il forge la légende. Eastwood démontre ainsi que l’on a totalement fabriqué cette histoire du grand Ouest en fondant l’Amérique sur des valeurs liées à la violence. Le film s’inscrit donc bien dans une forme de western battant en brèche l’histoire officielle.

 

Impitoyable n’invente rien, mais opère une synthèse de toutes les thématiques qu’il englobe dans une histoire où les femmes et les minorités sont les victimes d’hommes sadiques. Très lent dans sa progression, Impitoyable peut désarçonner de prime abord par son refus du spectacle et sa volonté d’épure stylistique. Toujours classique, la réalisation d’Eastwood entre en symbiose avec le sujet traité et ne cherche jamais l’épate. Il s’agit ici de développer la psychologie des différents personnages et de les confronter à leurs propres contradictions. En cela, le plus beau personnage est sans nul doute celui du jeune kid qui souhaite se conformer à la légende en devenant un grand pistolero. Le jeune chien loup interprété avec force par Jaimz Woolvett fanfaronne auprès des plus vieux en faisant valoir un nombre conséquent de victimes. Cette séquence où il révèle son dégoût de la violence est sans aucun doute la plus belle de tout le film, et peut-être même la plus réussie de toute l’œuvre d’Eastwood. Sublimé par une belle photographie crépusculaire, enrobé de la belle musique de Lennie Niehaus sur un thème principal composé par Eastwood, non crédité, Impitoyable a cartonné dans les salles américaines, au point d’atteindre les cent millions de dollars de recettes. De quoi positionner le film pour les Oscars où il glane quatre statuettes…Meilleur film – Réalisateur – Meilleur second rôle pour Gene Hackman – Meilleur montage. En France, Impitoyable connaît aussi un engouement de la part des critiques considéré comme le film de l’année par Les Cahiers du Cinéma, par exemple, mais le public ne se précipite pas davantage que pour les autres films du réalisateur à cette époque avec 800 000 entrées…Le film a beaucoup fait pour crédibiliser Eastwood auprès des cinéphiles, mais cela s’est donc fait sur le long terme. Désormais, Impitoyable est considéré à juste titre comme une œuvre majeure du cinéaste.

 

 

 

 

 

 

 

 

SANS PITIÉ…

 

Sorti en 1992, Impitoyable est une démythification du western paroxystique par la violence des situations, le nihilisme de ses personnages et l’absence quasi totale d’héroïsme ou de lyrisme. Les hommes qui se font tuer sont souvent désarmés ou tués par surprise. La pitié ne semble pas exister. Il n’y a pas de duels, plutôt des exécutions. Ce film délivre une vision très sombre de l’humanité à travers des personnages masculins qui, pour la plupart, n’ont ni honneur, ni courage, ni vraies valeurs, mais qui sont menteurs, vantards, lâches et cupides. Et tous semblent corrompus dès la naissance. À la prostituée qui lui reproche d’avoir frappé un homme innocent, Little Bill lui rétorque « Innocent de quoi ? »

 

 

Little Bill, le shérif, ne semble pas très préoccupé par sa fonction, le journaliste est prêt à suivre celui qui frappe le plus fort et les tueurs se lancent dans l’aventure plus pour toucher la prime de mille dollars que pour faire justice. Seules semblent trouver grâce aux yeux de Clint Eastwood les personnages féminins du film, à savoir les prostituées. Les films de Clint Eastwood ont souvent contredit les préjugés qu’une partie du public ou de la presse pouvaient avoir de lui. Il fait souvent preuve d’une sensibilité inattendue et offre des personnages de femmes très intéressants. Dans Impitoyable, il est question de femmes maltraitées, qui ne valent pas mieux, aux yeux des hommes, que du bétail ou que l’argent que leurs passes rapportent à leur proxénète. Mais qui dans les faits font preuve de solidarité et ont soif de justice. Munny, le tueur joué par Eastwood est torturé. Il est devenu bigot et abstinent concernant le sexe et l’alcool. Il se décide à repartir à l’aventure pour la somme de mille dollars, mais ses motivations vont évoluer. Au fur et à mesure qu’il approche du but, il est hanté par des visions du passé et se trouve confronté à ses vieux démons avec l’alcool et la violence. Cette dernière semble d’ailleurs être une malédiction, une fatalité à laquelle il ne peut échapper…ll y a une dimension fantastique dans les scènes finales car Munny semble devenir invincible et devient une sorte de tueur de l’apocalypse. Débutant et se clôturant par des images superbes de crépuscule, avec une musique très douce, on pourrait presque prendre le film pour un cauchemar. Après le générique de fin, on découvre que le film est dédié à Sergio et Don. Clint Eastwood avait souvent reconnu sa dette envers Don Siegel dans son apprentissage de la mise-en-scène, lui offrant même un petit rôle dans sa première réalisation Un frisson dans la nuit. Il a plus rarement cité Sergio Leone et plus tardivement. Impitoyable fait partie des plus grands films de Clint Eastwood, tant formellement que dans les thèmes abordés. La photographie est remarquable avec beaucoup de scènes nocturnes magnifiquement éclairées et l’utilisation du clair obscur. Et le format large 2 :35 est au service des paysages mais aussi d’une mise en scène splendide. Eastwood, sans se répéter, brasse des thèmes et des images qui lui sont chers ou qui ont marqué l’histoire du western. Avec cette œuvre, il réussit le croisement entre le western classique de John Ford et celui de Sergio Leone ou de Sam Peckinpah tout en gardant sa singularité.

 

Pour Clint Eastwood le Western est mort…