2025-Sauvez les enfants !

 

Aujourd’hui, Alice se retrouve devant un juge et n’a pas le droit à l’erreur. Elle doit défendre ses enfants, dont la garde est remise en cause. Pourra-t-elle les protéger de leur père avant qu’il ne soit trop tard ? C’est d’abord du côté de la littérature que les récits sur l’inceste ont provoqué le plus d’émoi, ouvrant des débats de fond sur une réalité longtemps déniée. Parmi les déflagrations littéraires de ces dernières années, La Familia grande de Camille Kouchner et Triste Tigre de Neige Sinno ont contribué à cette libération de la parole. Le cinéma ne pouvait rester en marge de ces secousses qui traversaient la société française. L’inceste n’est pas apparu comme un sujet il y a cinq ans, mais son traitement par les cinéastes, oui. Plus que jamais, le cinéma semble vouloir sensibiliser, témoigner, et traduire cette prise de conscience collective à travers des formes nouvelles. En 2024, Christine Angot troquait la plume pour la caméra avec un documentaire retraçant sa propre histoire Une famille, pour illustrer les ravages de l’inceste et ses répercussions intimes. Arnaud Dufeys et Charlotte Devillers, également néo-cinéastes, auraient pu eux aussi faire le choix du documentaire. Le casting d’acteurs non-professionnels certains étant avocats de métier ou encore la séquence d’audition au tribunal, filmée en temps réel sur cinquante minutes, donnent à On vous croit une densité quasi documentaire, cherchant à se rapprocher au plus près de la vérité de son sujet. Ce souci de proximité innerve également la mise en scène, construite autour d’un enchaînement de gros plans, principalement sur le visage d’Alice, mère débordée et extrêmement tendue, qui doit affronter son ex-conjoint accusé de viols sur leur fils Étienne et tentant d’obtenir la garde exclusive des deux enfants. Le père, à qui le film n’attribue jamais de nom, nie en bloc les accusations portées contre lui, ainsi que l’ouverture d’une enquête. À ce déni stupéfiant s’ajoute la défense offensive puis humiliante de son avocate, remettant sans cesse en question la légitimité d’Alice à s’occuper seule de ses enfants et la véracité du témoignage du petit garçon. Comme un manifeste, le titre du film, On vous croit, fait écho au slogan militant qui invite à soutenir les victimes ayant le courage de parler, souvent bafouées et isolées dans leur combat. En isolant sa protagoniste dans un cadre clos, face à la froideur impersonnelle du système judiciaire, le film détourne ce slogan pour en interroger la portée réelle. Dufeys et Devillers choisissent de s’éloigner de la représentation directe de l’horreur incestueuse pour explorer une violence plus sourde mais tout aussi délétère…Celle que l’institution inflige par ses mécanismes, ses failles, ses attentes et son inertie. En se tenant au plus près de son héroïne sans jamais céder au pathos, On vous croit rappelle combien la reconnaissance de la parole des victimes reste un combat collectif, bien au-delà du cadre judiciaire.

 

 

 

 

L’art de trouver la bonne parole.

Une fiction qui se veut au plus proche de la réalité et vous colle à la peau.

 

A-t-on envie de retrouver au cinéma des histoires qu’on lit ou qu’on écoute chaque jour à la rubrique faits divers ? Pourquoi choisir la fiction plutôt que le documentaire pour évoquer les violences familiales devant la justice ? Dans un monde dominé par des nouvelles angoissantes, ces questions seront légitimes avant de choisir d’entrer dans une salle obscure pour voir On vous croit, long-métrage de Charlotte Devillers et Arnaud Dufys. D’autant qu’en matière de justice, certains documentaires de Raymond Depardon ont marqué les esprits. Tout comme l’excellent Ni juge ni soumise (2018). Mais devant un film d’une heure et dix-huit minutes, on peut enjamber ses réticences et pousser la porte. Au quotidien, Charlotte Devillers est infirmière et travaille avec des victimes de violences sexuelles. Son premier film met côte à côte acteurs professionnels et non professionnels. Les avocats jouent le rôle qu’ils endossent quotidiennement dans l’enceinte d’un tribunal quand les parents ont eu à apprendre un texte très précis. Le résultat est une immersion dans le bureau d’une juge (Natali Broods) qui écoute tour à tour chacun des protagonistes. L’enjeu est grand. Alice (Myriem Akheddiou) doit affronter le père de ses enfants (Laurent Capelluto) il n’a pas de prénom qui remet en cause leur garde. Étienne (Ulysse Goffin) et Lila (Adèle Pinckaers) ne veulent plus voir ce dernier et doivent expliquer les raisons de leur choix. Une scène à laquelle nous n’avons pas droit. Ils sont fatigués de devoir encore détailler leur refus de laisser leur père en dehors de leur vie. Mais la justice a son temps et ses méandres qui ne mesurent pas la profondeur des traumatismes. Ici, ils sont inscrits en majuscules, même si le mot viol n’est prononcé qu’au bout d’une heure. Découpé en trois temps, ce film coup de poing offre une entrée et une fin de repas en petites portions. De courtes scènes qui suffisent à comprendre qu’Étienne, colérique et caché par la capuche de son sweat, a vécu des événements hors norme. Et que sa mère, qui fait face à toutes les difficultés, avance en titubant sur un fil. Le plat de résistance, lui, occupe la plus longue partie et vous colle à la peau. Cinquante-cinq minutes, c’est le temps que passent les réalisateurs dans le bureau de la juge. Une scène tournée en temps réel et en prise continue. Alice n’aura pas d’autre chance pour convaincre qu’elle doit conserver ses enfants auprès d’elle. Lors de longs plans d’écoute en gros plan, chacun est filmé frontalement et occupe tout l’espace. La caméra n’est pas toujours braquée sur celui ou celle qui parle, mais capte parfois les émotions qui traversent les autres. On tremble avec Alice dont les gestes et la posture trahissent la nervosité. On s’énerve avec l’avocate du père dont les propos sous-entendent une part de manipulation de la mère. On s’agace avec celui des enfants qui ne semble pas assez investi. On vacille devant la déclaration du père, convaincant quand il explique qu’il n’est coupable de rien. Et on se rassure avec celle d’Alice dont le propos apparaît solide. L’ensemble est une lente montée vers le sommet de l’horreur. Dans un espace blanc et aseptisé, impossible de sortir de ce huis clos. Tout sonne très authentique. Quand la lumière se rallume, on comprend alors que la fiction était la meilleure option pour traiter le sujet des violences sexuelles sur les enfants. Chaque détail a pu être ajusté sans exposer de véritables victimes. Comme la juge, on écoute attentivement. Mais on sort avec le soulagement de ne pas avoir à prendre de décision.

 

 

 

 

ENTRETIEN AVEC…Arnaud Dufeys

 

Comment est-ce que le public réagit à votre film dans là où vous l’accompagnez ? La réaction est toujours un peu la même depuis la première mondiale. Le public qui est très marqué par le film, c’est-à-dire qu’il en ressorte un peu taiseux. Il est difficile de lancer un dialogue parce que les spectateurs sont encore forts dans le film. Ils sont scotchés au siège du début à la fin, c’est quelque chose qu’on a voulu mettre en place et qui fonctionne assez bien. A chaque fois, le modérateur du débat doit lancer les premières questions et puis on rentre dans une dynamique d’échange et de paroles avec les spectateurs. Ils se sentent très concernés, il y a beaucoup de personnes qui nous remercient de représenter la parole des victimes, de représenter les dysfonctionnements du système judiciaire qui est un peu le même partout dans tous les pays où on va pour l’instant. C’est à la fois un choc en voyant le film et en même temps, le public nous remercie de ce choc. On avait peur d’aller trop loin dans ce qu’on demande comme attention au public. En fait, il nous remercie pour c’est très bénéfique pour nous.

 

Pourquoi avec Charlotte Devillers, avec qui vous avez co-écrit et co-réalisé le film, vous avez voulu raconter l’histoire de cette mère qui se bat pour pouvoir garder ses enfants en danger ? Pourquoi cet intérêt à la manière dont la justice traite le problème des violences familiales ? Des chiffres sont accablants partout dans le monde : entre 10 et 20 % des enfants subissent des violences sexuelles. Notre film parle spécifiquement d’inceste. Ce phénomène existe depuis toujours, mais on a du mal à le traiter en justice. Les procédures sont longues, compliquées et ne sont pas forcément adaptées aux enfants. Elles intensifient le traumatisme, parce qu’on demande aux enfants de répéter à plusieurs reprises ce qu’ils ont vécu, comme on le fait aux adultes. Voilà pourquoi il nous a semblé important d’aborder ce sujet. On ne voulait pas du tout décrédibiliser le système de justice, au contraire. On veut faire prendre conscience qu’il y a peut-être une adaptation à avoir à certains endroits. On montre aussi que la justice reste un lieu où on peut s’approprier une parole et exprimer ce que l’on ressent surtout quand on rencontre des gens progressistes, comme c’est le cas de la juge dans notre film.

 

Est-ce que vous vous êtes inspiré des cas concrets ou de l’expérience des personnes de votre entourage ? Nous nous sommes bien documentés, nous étions dans des associations de lutte pour la défense des victimes, nous avons rencontré des avocats, des juges, nous sommes allés voir des audiences… Le film est focalisé sur un récit en particulier que nous avons entendu, mais qui, en réalité, ressemble énormément à plein d’autres récits. On se rend compte que ce sont les mêmes histoires qui se répètent. Il s’agit souvent des mêmes dysfonctionnements avec plusieurs procédures judiciaires engluées les unes dans les autres : elles ne communiquent pas entre elles, entre les procédures au tribunal de la famille, au tribunal de la jeunesse, au pénal… Par conséquent, les personnes qui vivent ces procédures judiciaires à répétition vivent les mêmes dysfonctionnements au sein de leur famille. C’est-à-dire que cette expérience vient complètement éclater la cellule familiale : les procédures judiciaires prennent beaucoup de place dans la vie des personnes concernées.

 

Qu’est ce qui a été le plus grand défi lors du tournage pour vous et pour les acteurs ? Le plus grand défi, c’était de tourner la scène d’audience en temps réel. Nous voulions tourner cette scène de cinquante minutes qui est au cœur du film en intégralité. Pour cela, nous avons mis en place un dispositif à trois caméras. A cela s’est rajouté le fait que nous avions tourné avec des avocats de profession. Donc, ce ne sont pas des acteurs dans le film, ce sont des avocats qui jouent avec des acteurs pour les rôles de la mère, du père et des enfants. C’est-à-dire que, dans le film, les avocats plaident comme s’ils faisaient leur travail, sans avoir étudier un texte par cœur, tandis que les acteurs en face, eux, ont un texte très précis. Depuis le casting, on s’est rendu compte à quel point cela fonctionnait et bien au-delà de nos espérances ! Cela vient très fort nourrir la véracité des situations.

 

Comment les trois avocats, deux femmes et un homme qui « jouent » dans le film, ont-ils qualifié cette expérience ? On voyait qu’ils s’amusaient vraiment. En réalité, ils ont presque un rôle d’acteur, c’est-à-dire qu’ils ont l’habitude de s’exprimer en public. La parole est leur outil de travail, ils sont dans l’argumentation en permanence, ils ont un objectif précis à atteindre… Tout cela est très proche du jeu d’acteur. D’ailleurs, bien souvent, les avocats font eux-mêmes du théâtre. La majorité des avocats à qui on a proposé de passer le casting ont accepté et on était vraiment très impressionnés par la faculté qu’ils avaient à jouer comme des acteurs. Eux, du coup, étaient très amusés par le dispositif qui change forcément d’un tribunal. Ils étaient surpris de voir comment l’organisation d’un tournage était compliquée, combien de choses il fallait gérer. Je crois que c’était une expérience ludique pour eux, ils nous ont dit avoir l’impression d’être dans la cour de récréation.

 

Avez-vous des retours du milieu de la justice ? Le film commence seulement à être diffusé, donc on attend encore de voir comment ça va se passer. Pour l’instant, nous avons des réactions positives de la part des juges et avocats qui l’ont vu. Nous entendons organiser des projections événementielles avec des personnes issues de la justice et du secteur associatif.

 

Peut-on dire alors que le message principal que vous avez voulu transmettre par le film « On vous croit », c’est qu’il faut être à l’écoute des victimes ? Nous voulions surtout orienter l’histoire sur le regard qu’on porte sur cette femme, cette mère protectrice. Au début, on voit qu’elle a des problèmes avec ses enfants, qu’elle n’arrive pas à gérer, elle est presque maltraitante. Et en fait, c’est le regard qu’on porte souvent sur les mères protectrices qui sont tellement chargées émotionnellement, à longueur de temps, du fait de ces procédures compliquées, qu’elles paraissent hystériques et dysfonctionnelles, même aux yeux de la justice. On avait envie d’épouser ce regard pour petit à petit le déconstruire et se rendre compte qu’en fait, ce ne sont pas ces mères qui sont dysfonctionnelles. C’est le système de justice dans lequel on les a mises qui n’est pas suffisamment efficient. Leur comportement est dû aussi, bien sûr, aux faits qui sont à l’origine des problèmes que la famille rencontre. Pour nous, l’enjeu était de montrer que ce personnage parvient peu à peu, au cours de l’audience, à se réapproprier une parole qui permet de retrouver sa juste place, avec ses enfants.

 

Lors du débat avec le public au festival de Karlovy Vary, une question ou une réaction vous ont-elles surpris ? Je ne suis plus vraiment surpris parce que nous avons présenté le film de nombreuses fois et nous nous rendons compte à quel point il existe une universalité dans les réactions des spectateurs. Toutefois, les débats qui suivent les projections nous marquent à chaque fois. Le public se sent très concerné, qu’il se rattache souvent à la mère, mais parfois aussi à d’autres personnages ou propos. Ce qui est très touchant, c’est que souvent, à un moment donné, une personne dans la salle va faire comprendre qu’elle se sent concernée personnellement. Entendre quelqu’un se livrer intimement devant un public, c’est quelque chose que l’on n’a pas forcément habitude de vivre en tant que cinéaste. Avec ce film, cela nous arrive fréquemment.

 

 

 

 

ENTRETIEN AVEC…Charlotte Devillers

 

Il y avait comme une urgence de faire ce film. Dans mon travail d’infirmière, je reçois tous les jours des personnes victimes, notamment dans l’enfance. Lors de plusieurs entretiens, certaines de ces victimes ne peuvent même pas prononcer le mot “viol”. Elles disent simplement “vio…”. Et c’est à moi de demander “Vous voulez que je le dise à votre place ? Ça s’appelle le viol”. Et elles me répondent “Oui” », explique Charlotte Devillers, rencontrée lors de son récent passage à Cinemania. Outre son diplôme d’infirmière, la cinéaste a été formée comme éducatrice. Et il se trouve que par-delà ces témoignages évoqués, le cas de figure du film, elle le connaît intimement. C’est une histoire que j’ai traversée personnellement, confie-t-elle. Mais ce n’est pas que mon histoire…C’est l’histoire de plein de mères. Nous sommes plein de mamans qui accompagnent nos enfants à la suite de révélations d’inceste. Et ça, Arnaud et moi avons pu l’observer en participant aux rencontres de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants. La CIIVISE a été coprésidée par le juge Édouard Durand, une personnalité très importante en France. Bref, nous avons rencontré toutes ces mères, et nous nous sommes rendu compte qu’elles étaient très nombreuses. Des mères qui, bien souvent, étaient confrontées au fait qu’elles allaient peut-être perdre leurs enfants.

 

Lorsqu’elles parlent et révèlent des violences, les mères sont souvent elles-mêmes traitées de menteuses ou de manipulatrices. Elles se font traiter de folles. Et lorsque les mères ne parlent pas, elles peuvent être accusées de complicité. Dans les deux cas, elles peuvent risquer la prison. C’est extrêmement violent. Et ça fait aussi partie de la lutte du personnage d’Alice. En fait, Arnaud et moi avons vraiment voulu faire une fiction qui rassemblerait toutes ces mères et montrerait ce parcours complexe, très long, et au cours duquel, par ailleurs, on fait répéter l’enfant mille fois, même quand il n’en peut plus. De faire remarquer Charlotte Devillers, Alice arrive au tribunal au début du film en étant déjà épuisée d’avoir « expliqué et réexpliqué les choses ». Expliquer et réexpliquer, entre autres, qu’Étienne, 10 ans, doit porter des couches.

 

« C’est pour ça que ce choix de laisser cette parole à Alice durant l’audience, pour nous, c’était extrêmement important. Parce que, pour la première fois, elle va pouvoir poser les mots et, peut-être, être entendue. »

 

Ce passage, qui se déploie sur près de 25 minutes au sein d’une audience de 55 minutes se déroulant en temps réel sur une durée de 78 minutes au total, est mis en scène d’une manière à la fois simple et radicale. Pour cette séquence centrale, nous voulions travailler sur le hors champ. Lors d’une telle audience, tout peut arriver. On avait déjà, d’un point de vue dramaturgique, quelque chose de fort. On a fait le choix d’utiliser trois caméras et d’en garder toujours une sur Myriem, sur son visage, qu’on appelait notre paysage. On voulait montrer comment elle réagit aux paroles des personnes qui lui parlent. Ce qui nous a très vite intéressés pendant cette audience, au-delà de filmer les personnes qui exposent des choses, c’était de filmer la façon dont la parole est reçue. Et du coup, on gardait vraiment la caméra sur Myriem, ou sur la juge, ou sur toute personne recevant la parole. On voit par exemple l’avocate du père, dont les propos initialement très durs en viennent à évoluer, un petit peu. On voit, aux réactions, que chacun bouge au fil de l’audience. L’écrasement, c’était très important pour nous. Dès la première séquence, ce garçon, sa sœur et leur maman…On sent le poids de toutes les procédures qu’ils ont traversées. Ces trois personnages qui entrent dans le tribunal, avec ce plan en contre-plongée, sont écrasés par le système judiciaire. On n’entend pas les paroles des enfants, puisqu’on ne veut pas voir leur souffrance. C’est pour traduire ça qu’au départ, Lila et Étienne sont peu à l’écran. Mais malgré tout, c’est aussi eux qui sont convoqués et qui devront parler une nouvelle fois à ces avocats, à ces juges…Je pense que les enfants qui révèlent des violences ne sont pas entendus dans la majeure partie des cas. Quand on dit aux enfants “vous pouvez parler, faites-nous confiance”, mais qu’ensuite, on remet le couvercle et on leur demande “mais tu es sûr de ce que tu dis ?”, ils perdent confiance dans le monde des adultes.

 

 

 

Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys ramènent à ses fondements mêmes la notion de réalisme social à la fois épuré et frontal, retenu et percutant. Tout sonne juste, tout convainc. Dès lors, ce récit d’une femme et de ses deux enfants qui veulent non seulement être entendus en cour, mais être réellement écoutés, n’en devient que plus bouleversant. Le dispositif de mise en scène, qui privilégie la caméra à l’épaule, les plans rapprochés révélateurs et les gros plans hyper-attentifs, revêt à dessein une qualité quasi documentaire. La séquence prolongée du témoignage d’Alice, cette mère qui pourrait perdre la garde de ses enfants après que le fils eut accusé le père de viol, est saisissante dans sa brutale authenticité. En femme qui a sur ses épaules le poids immense de convaincre la justice du danger que représente son ex-mari afin que sa fille et surtout son fils soient protégés de lui, Myriem Akheddiou est extraordinaire de vérité.  Le jeune Ulysse Goffin est tout aussi juste dans le rôle d’Étienne, un garçon qui s’est muré dans la colère et le silence à force de n’avoir pas été cru, sauf par sa mère et sa sœur aînée, malgré des problèmes physiologiques éloquents. Adèle Pinckaers, dans le rôle de Lila, ladite grande sœur avec une partition au commencement plus effacée, mais qui aura ultérieurement une importance clé.

 

C’est là un film dont on ne sort pas indemne…