Repartir vers le Sud, 100 kms plus loin pour retrouver le site de Kinderdjick et ses 19 moulins. Les témoins et instruments de tout un peuple pour gagner en 300 ans presque un quart de son territoire sur la mer.
Le soleil est avec nous mais surtout un vent fort et froid face à nous et sur toute la journée…Depuis notre départ de Strasbourg nous avons roulé vers le Nord avec un vent venu…du Nord. Aujourd’hui en direction du Sud, il vient du Sud…A vélo le vent use progressivement et inexorablement…
Ce matin, départ 8H15 que nous débutons avec des centaines de cyclistes qui partent travailler au centre ville en prenant le bac derrière la gare centrale. Nous traversons facilement Amsterdam du Nord au Sud sur 20kms à l’aide d’un réseau et d’une gestion des pistes remarquables, à la sortie de la ville lorsque vous croisez des axes routiers importants, il y a des ouvrages pour vous sécuriser et fluidifier le trafic.
Après la ville, le parcours proposé par notre application Géovélo se déroule dans la campagne entrecoupé par des traversées de villages avec plus de 80% sur des pistes protégées, le reste s’effectue sur des petites routes très peu fréquentées.
Les bonnes surprises dans ce décor de verdure sans relief mais préservé, c’est la vision d’un moulin isolé dans une lumière et un ciel tellement inhabituel depuis deux semaines mais aussi de nombreux oiseaux en général difficilement approchable.
Lire ICI un très beau site sur la gestion de l’eau au Pays-Bas
Après avoir laissé nos affaires dans notre nouvel hébergement, nous reprenons nos vélos pour traverser le Lek à l’aide d’un bac à deux kms avant de rejoindre le site de Kinderdjick classé au patrimoine de l’humanité et ses moulins qui nous attendent avant que la pluie s’intensifie…
La maîtrise des eaux aux Pays-Bas a toujours été importante pour la survie de ce pays…Environ deux tiers des Pays-Bas sont vulnérables aux inondations et aux submersions marines. Dans le passé, de nombreuses vies ont été perdues. Certaines régions comme la Zélande étaient très peu peuplées à cause des inondations potentielles. Les habitants ont souvent modifié le profil de leur habitat, en construisant des remblais ou des digues mais également en creusant des canaux ou des lacs. Après de nombreuses expérimentations, des catastrophes, des essais, des avancées technologiques, ils ont imposé le profil du pays tel qu’il est aujourd’hui et qui serait très différent sans la main de l’humain.
L’énorme masse sédimentaire du delta fait de la région une zone de subsidence, structurellement exposée à un risque de transgression marine. Dans l’Antiquité, un cordon dunaire presque continu relie la Flandre au Jutland. Cette protection est rompue par la transgression dunkerquienne qui se poursuit jusqu’au Moyen Âge. Des brèches se constituent, dont la plus importante aboutit à la transformation du lac Flevo en une mer, le Zuiderzee. Ainsi, malgré les territoires reconquis depuis lors, la mer a globalement gagné du terrain depuis l’époque romaine. Aussi loin qu’on puisse remonter, la population de la région a cherché à se protéger de cette menace permanente. Les premiers habitants de zones basses des Pays-Bas ont construit des collines artificielles, des monticules connus sous le nom de terp. Au cours de l’âge du fer, vers 500 av. J.-C., des fermes en contrebas ont été construites. Plus tard l’église est construite sur la partie la plus haute et sert de refuge en cas de problème.
Aux environs de l’an 1000, les berges des rivières et des zones côtières ont commencé à être consolidées. Au début, c’était surtout pour les tourbières, puis vers le xiiie siècle, la plupart des marais ont été endigués. Les premières digues étaient peu solides et étaient souvent brisées par les tempêtes. Au Moyen Âge, elles sont devenues plus solides. L’Office des eaux des Pays-Bas a été mis en place au xiie siècle pour coordonner les différents moyens. Vers 1250, les différentes digues sont connectées et forment une défense commune.
Le pays contient beaucoup de tourbe. Or, à partir du XIème siècle, elle est extraite, ce qui fragilise les terrains. Elle constitue une des sources d’énergie du Moyen Âge. Puis les techniques se perfectionnent et deviennent industrielles permettant l’extraction sous l’eau. Une conséquence dramatique est qu’à partir du XVIème siècle les marais sont progressivement transformés en lacs, c’est le phénomène de waterwolf. La Hollande se retrouve ainsi avec de grands lacs intérieurs. La mise au point de moulins performants permet, à partir du XVIIème siècle, de créer des polders. Les fleuves et rivières dans un pays plat, qu’ils soient rapides ou lents, ont tendance à modifier régulièrement leurs cours. Ceci est dû à l’érosion causée par le débit et aux dépôts d’alluvions. Un travail régulier d’entretien est nécessaire pour éviter cette perturbation des activités humaines.
Le cours de nombreuses rivières a été modifié. Les premiers grands travaux de construction sur les fleuves ont été menés par les Romains. avec la construction d’un barrage sur le Rhin pour détourner l’eau des branches de la rivière Waal au Rhin inférieur et pour relier la rivière IJssel. Que ceci ait été conçu comme mesures de contrôle des inondations ou tout simplement à des fins de défense et de transport militaire n’est pas clair. Le canal de Pannerden construit au début du XVIIIème siècle, n’était au début, qu’un simple canal sans débit, est finalement devenu un bras du Rhin apportant un débit important à l’Ijssel. Il peut arriver que des villes se disputent une rivière, c’est le cas de la Schie qui a été divisée en plusieurs bras, son embouchure a par ailleurs été déplacée. La Meuse a vu son cours modifié plusieurs fois. Le Nieuwe Waterweg, l’un des bras principaux du Rhin est artificiel. Il a été ouvert en 1872 en doublant la Nouvelle Meuse qui sera finalement barrée avec le plan Delta, de même pour le Brielse Maasdam.
Il peut être décidé, lors de fortes crues, de dévier une partie de l’eau des fleuves vers un cours différent…La densité de canaux aux Pays-Bas est la plus forte du monde. Le long des rivières, des digues sont régulièrement rompues, en particulier sur les voies d’eau canalisées aux Pays-Bas mais aussi en Belgique et en Allemagne. Avec la construction de digues, le lit des rivières est réduit. La quantité de boue se dépose dans une zone restreinte faisant monter le niveau des eaux à l’intérieur de la digue. Des précipitations intenses dans les zones situées en amont ou la fonte des glaces des Alpes peuvent provoquer des inondations. Les digues des principaux fleuves concernés par le plan Delta ont donc été améliorées. Le problème n’est cependant pas résolu. Une des solutions serait de créer des réservoirs d’urgence, en partenariat avec l’Allemagne et la Belgique.
Longtemps, les Néerlandais ont hésité à percer la colline qui protégeait Amsterdam de la mer du Nord. Dans un premier temps ils ont préféré percer le canal de la Hollande-Septentrionale (inauguration 1824), mais il s’est vite révélé trop exigu et inutilement long. Le premier coup de pioche pour un canal direct est finalement donné en 1865, l’inauguration a eu lieu en 1876. En même temps l’IJ qui était une baie, a été presque entièrement poldérisé, une voie d’eau restant pour la navigation et les échanges aquifères. La préservation d’une zone écologique rare, voire unique a prévalu, c’est le cas, par exemple du Biesbosch ou du pays inondé de Saeftinghe, ces terres avaient été récupérées pour être de nouveau envahies par l’eau. Dans le souci de préservation d’un écosystème et la création de zones d’inondation, certains polders doivent volontairement retourner à l’état sauvage et ne sont plus habitables. La création de quatre polders, le Wieringermeer, le Noordoostpolder, le Flevoland de l’Est et le Flevoland du Sud, a été un travail de plusieurs décennies connu sous le nom de travaux du Zuiderzee. Un cinquième polder était prévu, le Markerwaard, mais son utilité n’a pas été prouvée. L’expérience a montré que créer des polders en simple continuation de terres existantes avait des inconvénients sur les terres anciennes et qu’elles devenaient trop sèches mais cela peut être surmonté en créant des lacs de bordure.
Le raz-de-marée de 1953 en mer du Nord est une catastrophe naturelle survenue la nuit du 31 janvier au 1er février 1953. Les vents d’une violente dépression ont causé un rehaussement exceptionnel du niveau de la mer le long de la côte des Pays-Bas, Belgique et Royaume-Uni. Les conséquences de ce raz-de-marée furent désastreuses avec plus de 2 500 morts (dont 1 835 aux Pays-Bas), 30 000 animaux d’élevage morts, ainsi qu’un nombre indéterminé d’animaux sauvages, 160 000 hectares inondés, et beaucoup de bâtiments détruits ou endommagés. À la suite de cette submersion marine, la construction d’un réseau renforcé de digues a été entreprise le long de la côte de la mer du Nord. La catastrophe a suscité la mise en œuvre du plan Delta aux Pays-Bas, du plan Sigma en Belgique, et de la barrière de la Tamise et de la barrière de la Hull en Grande-Bretagne.
L’inondation causée par la mer du Nord en 1953 a nécessité la mise en œuvre du plan Delta pour qu’une telle catastrophe ne se reproduise pas. Ces travaux considérables se sont étalés sur plus de quarante ans. L’Escaut oriental devait être fermé et transformé en lac (soit d’eau douce, soit d’eau de mer). Plus tard dans les années 1970, une farouche opposition a réussi à faire modifier le projet, le barrage fixe ne serait pas construit, mais serait remplacé par un barrage anti-tempêtes, l’Oosterscheldekering, qui ne modifierait pas l’environnement aussi radicalement, la marée pourraient toujours s’exercer, mais il a coûté l’équivalent de deux centrales nucléaires.
La région de Hollande-Méridionale courait encore un risque trop élevé, pour y remédier dans les années 1980, un complément appelé l’Europoortkering est venu s’ajouter au programme initial. Le Nieuwe Waterweg est protégé par des digues jusqu’à l’emplacement d’un barrage mobile le Maeslantkering à Hoek van Holland, le canal Hartel est protégé jusqu’à un autre barrage mobile le Hartelkering et entre les deux les digues ont été rehaussées. Il est à noter que les digues protègent bien la partie très peuplée située au nord et non celle qui est au sud.
Le pays est découpé en plusieurs zones ayant chacune son Office des eaux. L’ensemble est placé sous la direction de l’Office des eaux des Pays-Bas. Il décide de la sécurité, de la construction, de l’entretien, etc. Les cours d’eau doivent conserver un certain espace naturel. La philosophie actuelle ne parle plus de batailles avec l’eau, mais laisse envisager que temporairement certaines zones soient inondables. Il est maintenant très déconseillé ou interdit de construire dans ces endroits. Il s’agit de voir l’eau comme une opportunité pour le pays.
Les digues actuelles sont solides, mais les experts avertissent que la complaisance serait une erreur. De nouvelles méthodes de calcul ont révélé des points faibles. Il faudra être vigilant, l’élévation du niveau de la mer (dû au réchauffement climatique) et l’affaissement de terrain nécessiteront des améliorations supplémentaires dans la lutte contre les inondations et dans les infrastructures de gestion de l’eau. Les digues sont constamment renforcées et surélevées pour répondre à la conformité des digues aux Pays-Bas, norme de sécurité des risques d’inondation d’une fois tous les 10 000 ans pour la côte ouest qui est le cœur économique et la plus peuplée des Pays-Bas, et une fois tous les 4 000 ans pour des zones moins densément peuplées. Les défenses contre les inondations primaires sont testées par rapport à cette norme tous les cinq ans. En 2010, environ 800 km de digues sur un total de 3 500 km ne répondaient pas à la norme. Cela ne veut pas dire qu’il y ait un risque d’inondation immédiate, elle est le résultat de la norme de plus en plus stricte à partir des résultats de la recherche scientifique, concernant entre autres l’action des vagues et l’élévation du niveau de la mer.
Mardi 28 mai. 95Kms / 5H45 de route pour 17 Kmh de moyenne.
Dieu a créé le Monde et les Néerlandais ont créé les Pays-Bas.