Le Roi Lézard.

Jim Morrison, chanteur des Doors, était aussi un poète inspiré et révolté. Né en 1943 aux Etats-Unis, il est ballotté de déménagement en déménagement, à cause de son père militaire. Très jeune, il montre un grand appétit de lecture, et s’intéresse à la population amérindienne. Adolescent turbulent, caractériel, se démarquant des jeunes de son âge, il est néanmoins très populaire, grâce à ses talents de conteur. Il entre ensuite à l’université, où il suit plusieurs cursus. Il étudiera d’abord la psychologie et la philosophie. Il produira un mémoire sur les névroses collectives, sidérant ses professeurs par ses connaissances, son aisance et sa culture générale. Ensuite, il choisit de s’inscrire à l’Université de Californie, en cinéma. Il commence alors à prendre du LSD. Quelques mois plus tard, il rencontre Ray Manzarek, qui joue de l’orgue. Les deux hommes discutent musique, et décident de former un groupe. Morrison a déjà écrit beaucoup de chansons et de poèmes qui seront utilisés sur les futurs albums des Doors. Manzarek rencontre le batteur John Densmore lors de ses sessions de méditations transcendantale. Puis, ils rencontrent Robbie Krieger, le guitariste. Les Doors enregistrent leur premier album et jouent dans un club. Le public est difficile, il n’écoute pas forcément mais c’est une très bonne école pour les Doors, et notamment pour Morrison qui arrive petit à petit à s’amuser avec le public. Poète romantique, torturé, Morrison fait éditer ses poèmes, où il essaie de rendre ce qu’il ressent. L’exercice est ardu, et il reçoit nombre de critiques défavorables de la part de journalistes. Ils n’en ont rien compris…Morrison essaie de déconstruire le langage pour mieux exprimer ses sentiments. Ses thèmes de prédilection sont la route, les reptiles, l’Amérique et Los Angeles. Les Doors sortiront six albums avant que Morrison, dépassé par le succès et l’alcool, ne stoppe sa carrière de chanteur. Jim Morrison s’installe à Paris en 1971, où il décèdera d’une overdose. Il sera enterré au cimetière du Père Lachaise, à Paris.

 

 

Dans la vie, j’ai eu le choix entre l’amour, la drogue et la mort…

J’ai choisi les deux premières et…C’est la troisième qui m’a choisi…

 

 

 

Jim Morrison    par Stéphen Moysan.

 

Sa jeunesse…Né James Douglas Morrison le 8 décembre 1943 à Melbourne en Floride et mort le 3 juillet 1971 à Paris. Il est l’aîné des trois enfants issus du mariage entre Steve Morrison, officier de l’US Navy, et Clara Clarke. Il naît deux ans après l’attaque japonaise contre la base américaine de Pearl Harbor. La guerre du Pacifique fait rage entre troupes américaines et japonaises. Il a trois ans et demi, quand lors d’un trajet en voiture de Santa Fe à Albuquerque, il vit un événement qu’il décrira plus tard comme l’un des plus importants de sa vie. Il raconte, sur le disque posthume An American PrayerNous roulions à travers le désert, à l’aurore, et un camion plein d’ouvriers indiens avait soit percuté une autre voiture soit seulement enfin, je ne sais pas ce qui s’était passé mais il y avait des Indiens qui gisaient sur toute l’autoroute, agonisant, perdant du sang. Ce fut la première fois que je goûtai la peur. Ma réaction aujourd’hui en y repensant, en les revoyant c’est que les âmes ou les esprits de ces Indiens défunts…peut-être d’un ou deux d’entre eux, étaient en train de courir dans tous les sens, paniqués, et ils ont tout simplement sauté dans mon âme. Et ils sont toujours là. Il est bien sûr permis de douter de la réalité de ce « transfert d’âme », d’autant que Jim Morrison n’a jamais hésité à mentir sur sa propre autobiographie comme affirmer être orphelin dans les fiches d’informations individuelles accompagnant la courte biographie du groupe destinée à leur maison de disques, Elektra Records, quelques semaines avant la sortie de « The Doors », leur premier album, mettant à profit ses remarquables talents de conteur. Néanmoins, on peut trouver dans cette anecdote la source de deux inspirations majeures dans le comportement de Jim et dans sa poésie…D’une part, une attirance très marquée pour la mystique des Amérindiens et le chamanisme et d’autre part, le recours à l’autoroute et aux véhicules automobiles typiques de l’american way of life comme métaphore morbide du technicisme moderne.

 

 

 

 

Adolescent caractériel ou génie incompris..? En février 1948, le père de Jim repart en mission, ce qui amène la famille à déménager à Los Altos. L’année suivante naît le troisième enfant de la famille, un garçon baptisé Andrew (Andy) Lee Jim. En 1951, Steve Morrison est nommé en poste à Washington DC, où la famille emménage pour la seconde fois. Elle n’y reste cependant que quelque mois, car Steve est envoyé en mission en Corée en 1952, la famille Morrison s’installant alors à Claremont en Californie. En 1955, Steve est nommé à nouveau à Albuquerque où les Morrison reviennent. Ces multiples déplacements et les missions fréquentes assignées à Steve Morrison, réduisant sa présence auprès de sa famille, ont certainement joué un rôle dans la personnalité complexe de Jim Morrison, qui découvre son huitième domicile alors qu’il n’a que onze ans. En particulier, il se lie peu avec ses camarades de classe et présente un comportement de plus en plus instable, turbulent, voire asocial. Lecteur vorace, il se désintéresse de la vie familiale et s’évade dans les romans. Il martyrise volontiers son petit frère, il va jusqu’à lui jeter des pierres, à le réveiller en pleine nuit sans motif, à lui jouer toutes sortes de tours dangereux. Il invente également des mensonges de plus en plus élaborés, ce qui lui permet de raffiner son talent de conteur et de « tester » les réactions de ses interlocuteurs. Il aime aussi à agir de manière totalement inattendue, contrevenant aux codes sociaux les plus élémentaires pour déstabiliser son entourage…Ainsi, lors d’un repas de famille solennel, intima-t-il à sa mère, d’un ton très poli, de « faire moins de bruits répugnants en mangeant ». Les parents de Jim sont d’autant plus déconcertés que leur fils réussit remarquablement en classe et maintient des moyennes excellentes dans toutes les matières. En 1958, Jim lit le « grand classique » de la littérature beat, le roman de Jack Kerouac Sur la route. Très impressionné par le personnage de Dean Moriarty, sorte de voyou terrifiant et magnifique, Jim s’identifie à lui et commence à imiter son ricanement caractéristique.

 

Jusqu’en 1962, Jim effectue ses années de lycée. Excellent élève, il y conserve une moyenne de 88,32/100. Très au-dessus de la moyenne nationale, son quotient intellectuel est évalué à 149. Son appétit de lecture ne se dément pas, marquant un net intérêt pour la littérature et la poésie…James Joyce, William Blake et Arthur Rimbaud, ainsi que les « beat poets » Allen Ginsberg, Lawrence Ferlinghetti et surtout Michael McClure, avec qui il se liera d’amitié en 1968. Mais également pour l’histoire antique et se passionne pour les Vies parallèles de Plutarque. Pour la philosophie, surtout pour les écrits de Friedrich Nietzsche qui le marquent considérablement. Ses résultats, ses centres d’intérêt, mais aussi le statut de son père, valent à Jim d’être approché par plusieurs fraternities importantes, mais il refusera toujours de s’y joindre, exprimant même son dédain. Il reste distant dans tous ses rapports sociaux, participe rarement aux fêtes, n’appartient à aucun club, mais cette froideur n’entame en rien sa popularité…Beau garçon, volontiers charmeur, capable de tenir un auditoire en haleine avec des histoires invraisemblables mais narrées avec une grande force de conviction, il constitue, selon les témoignages de ses camarades d’école, un véritable pôle d’attraction au sein du lycée. À cette même époque, il accomplit un acte inaugural…Rassemble tous les cahiers dans lesquels, depuis plusieurs années, il tenait son journal, prenait des notes de lecture, réalisait des croquis ou des esquisses, copiait des citations, élaborait des vers puis, il les jette à la poubelle. Il déclarera plus tard…Peut-être, si je ne les avais pas jetés à la poubelle, n’aurais-je jamais rien écrit d’original. Je pense que si je ne m’en étais pas débarrassé, je n’aurais jamais été libre. Cette « libération » lui permet d’élaborer un style poétique très personnel, d’un abord obscur mais d’une grande force évocatrice. Il écrit dès cette époque le poème Horse Latitudes, qui figurera sur le deuxième album  Strange Days.

 

 

 

 

Un étudiant atypique…Sitôt sorti du lycée, Morrison s’installe chez ses grands-parents à Clearwater pour suivre des cours au Saint Petersburg Junior College. En particulier, il s’inscrit dans deux cursus qui le marqueront profondément…D’une part, un cours sur la « philosophie de la contestation », qui lui permet d’étudier Montaigne, Jean-Jacques Rousseau, David Hume, Jean-Paul Sartre et Friedrich Nietzsche et d’autre part, un cours sur la « psychologie des foules » inspiré de l’ouvrage de Gustave Le Bon. Morrison se montre, dans ce cours, très brillant. Le Professeur James Geschwender reste stupéfait devant ses connaissances. Il maitrise parfaitement non seulement l’ouvrage de Gustave Le Bon, mais aussi Sigmund Freud et Carl Gustav Jung. Les autres étudiants, complètement dépassés, assistent, stupéfaits, à des dialogues entre le professeur et Morrison, lesquels tentent d’incorporer l’apport de la psychanalyse à la réflexion de Le Bon. Dans son mémoire final, Morrison, s’appuyant sur l’idée jungienne d’un inconscient collectif, évoque l’idée de névroses touchant de nombreuses personnes dans un groupe et il spécule sur la possibilité de traiter ces névroses par des thérapies de groupe. James Geschwender déclarera plus tard que ce mémoire « aurait pu devenir une thèse solide ». Pendant l’été 1963, Jim s’inscrit à un cours sur l’histoire médiévale européenne. Il écrit un mémoire s’efforçant de montrer que le peintre Jérôme Bosch avait fait partie des adamites. Les preuves présentées par Morrison ne paraissent pas suffisamment convaincantes au professeur, mais celui-ci n’en reste pas moins éberlué par la culture générale de son élève.

 

À ce moment pourtant, Morrison désire depuis plusieurs mois changer d’université pour s’inscrire à l’UCLA, à la toute nouvelle faculté de cinéma. La famille Morrison rejette cette nouvelle orientation mais, malgré l’opposition de ses parents, Jim maintient sa décision. En janvier 1964, alors que son père est promu capitaine de vaisseau, Jim entre à l’UCLA. Dès le début de l’année, tout en continuant à « tester » les gens, il s’encanaille, s’enivre de manière de plus en plus régulière, fréquente les quartiers « chauds » et les bas-fonds de Los Angeles, et touche sans doute dès cette époque aux drogues hallucinogènes, en particulier le LSD. Il faut préciser qu’en 1964, et en particulier à UCLA, il est extrêmement facile de se procurer du LSD. D’une part, cette drogue n’est réglementée que depuis 1962 aux États-Unis, et d’autre part, de nombreux programmes de recherche universitaires portent sur les propriétés du LSD ou d’autres substances psychoactives, il suffit donc aux étudiants aventureux de s’inscrire comme « volontaires » et ils peuvent obtenir des doses non seulement quotidiennes, mais gratuites. De plus, Morrison se trouvait doublement incité à « expérimenter » les drogues. Du point de vue poétique, cela le rattachait à des poètes comme Henri Michaux, Edgar Poe, Aldous Huxley, Thomas de Quincey ainsi que par les poètes de la beat génération, très admirés de Morrison. Du point de vue mystique, la consommation de psychotropes le rapprochait du chamanisme, lequel pratique la transe souvent provoquée par des hallucinogènes naturels comme la mescaline, le peyotl ou encore l’ayahuasca. À l’été 1964, Jim Morrison emmène son frère Andy qui a 16 ans pour un bref voyage jusqu’à la ville d’Ensenada, au Mexique. Andy est sidéré par l’assurance de Jim, qui roule à toute vitesse dans les rues de la ville, connaît bien les bars et discute en espagnol argotique avec les tenanciers et les prostituées.

 

Pendant l’automne 1964, poursuivant son cursus de cinéma, il prend des notes sur les techniques cinématographiques, sur l’histoire du cinéma et sur les réflexions philosophiques que ce média lui inspire. Ces notes, remaniées, ordonnées et compilées sous forme de brefs aphorismes, deviendront le premier « recueil » publié par Morrison The Lords. Notes On The Vision. publié à compte d’auteur en 1969. Morrison consacre le premier semestre 1965 à tourner et à monter le film qu’il lui faut réaliser pour obtenir son diplôme. Son travail se solde malheureusement par une déception, il n’obtient son diplôme, en juin, qu’avec un médiocre « D ». Pourtant, ce résultat ne l’affecte guère, depuis le printemps, Morrison évalue les divers moyens dont il pourrait user pour toucher le public. Peut-être poursuit-il sa réflexion sur la psychologie des foules et sur la possibilité d’organiser de gigantesques séances de thérapie collective. Le cinéma lui apparaissait sans doute comme le moyen idéal mais au début de l’été 1965, une autre idée se fait jour dans son esprit avec la fondation d’un groupe de rock.

 

 

 

 

La fondation de The Doors…Au cours du mois de juillet 1965, Jim, alors sans emploi, vit sur le toit d’un entrepôt, non loin de Venice Beach, à Los Angeles. Il raconte, dans un des poèmes du recueil Far Arden…Je quittai l’école et descendis à la plage pour vivre. Je dormis sur un toit. La nuit, la lune devint un visage de femme. Je rencontrai l’Esprit de la Musique. L’allusion explicite au titre de Friedrich Nietzsche La Naissance de la tragédie Hellénisme et pessimisme vaut presque programme, dans le cadre de la théorie esthétique nietzschéenne, la tragédie grecque provient des célébrations en l’honneur du dieu grec Dionysos. Morrison commence à écrire des chansons, dont plusieurs figureront sur les trois premiers albums de The Doors. Un jour qu’il se promène sur la plage de Venice Beach, il croise Ray Manzarek, lui aussi fraîchement diplômé en cinéma. Les deux anciens élèves de UCLA discutent, en viennent à parler musique. Ray Manzarek joue de l’orgue dans un groupe de rock. Curieux, il demande à Morrison de lui chanter une de ses compositions. Morrison aurait alors chanté Moonlight Drive, un titre qui figurera sur Strange Days, le deuxième disque de The Doors. Immédiatement séduit par l’intensité lyrique des paroles de Jim, Ray Manzarek se serait exclamé…Eh, mec, formons un groupe de rock et gagnons un million de dollars ! Jim propose alors immédiatement le nom de « The Doors », en le justifiant de cette façon…Il y a le connu. Il y a l’inconnu. Et entre les deux, il y a la porte, et c’est ça que je veux être. Il fait ainsi référence au livre de Aldous Huxley, Les Portes de la perception, titre lui-même tiré d’une citation de William Blake « Si les portes de la perception étaient nettoyées toute chose apparaîtrait à l’homme telle qu’elle est infinie. », tiré de The Marriage Of Heaven And Hell.

 

Manzarek fréquente le groupe de méditation transcendantale animé par le gourou Maharishi. Il y rencontre le batteur John Densmore qui quitte le groupe des Psychedelic Rangers pour rejoindre The Doors. Densmore est bientôt imité par le guitariste des Rangers, Robbie Krieger. The Doors désormais au complet enregistrent une première démo. À la fin de l’été, Jim Morrison rencontre Pamela Courson, qui restera sa compagne jusqu’à la fin de sa vie, malgré une relation tumultueuse alternant querelles violentes et retrouvailles passionnées. En septembre, après une réunion de famille particulièrement ratée, Jim Morrison rompt toute relation avec ses parents. Il ne les reverra jamais. Au début de l’année 1966, The Doors gagnent un maigre salaire en animant un bar de Los Angeles, The London Fog, mais ils y acquièrent un grand professionnalisme qui jouera ensuite un rôle déterminant dans leur succès. Le groupe apprend en effet à se confronter à des publics parfois difficiles ou peu enthousiastes. Jim, d’abord très timide dans son rôle de frontman, tourne le dos à la salle et chante à voix basse, presque inaudible, mais progressivement, il gagne en assurance, commence à se déhancher de manière suggestive, apprend à jouer avec le public, à obtenir des réponses, à plaisanter au bon moment, puis ose des cris, des sauts, des chutes, dans un style caractéristique rappelant les danses amérindiennes ou la transe chamanique. Les mélodies du groupe, d’apparence étrange parce qu’elles mêlent des influences très diverses, servent beaucoup ces prestations scéniques exceptionnelles et l’atmosphère à la fois tribale et religieuse des concerts.

 

 

 

 

La Célébrité…The Doors, remarqués par Jac Holtzmann de la maison de disques Elektra, signent en juin 1966 un accord de production pour six albums. Le mois suivant, Jim Morrison commet son premier incident sérieux, lors d’un concert donné au Whiskey A Go Go, pendant la partie mélodique centrale d’une longue et mélancolique composition The End, le chanteur improvise l’histoire d’un assassin qui traverse une maison puis parvient à la porte d’une salle où se trouvent ses parents. S’inspirant alors probablement du complexe d’Œdipe cher à Freud, Morrison déclare…Père, je veux te tuer. Mère, je veux te baiser toute la nuit. Le groupe ne pourra pas terminer la chanson, le patron du bar les jette dehors. Ils n’en ont pas moins créé l’événement. La chanson, qui paraîtra sur le premier disque intitulé The Doors, conservera le texte audacieux et deviendra un morceau culte de l’histoire du rock. The Doors enregistrent leur premier album au cours de l’automne 1966. Dans la notice biographique destinée à la presse, Morrison déclare que ses parents sont morts. En juin 1967, la sortie du single Light My Fire, qui devient rapidement un tube, apporte un succès presque immédiat et fait décoller les ventes de l’album. Un deuxième album est enregistré au cours de l’été. Tandis que le groupe multiplie les apparitions scéniques, Morrison pose pour plusieurs magazines. Son physique d’éphèbe, son sourire désarmant, sa coupe de cheveux rappelant celle d’Alexandre le Grand le transforment en sex-symbol aussi adulé que James Dean ou Marilyn Monroe. La musique psychédélique des Doors nous plonge dans un univers étrange, proche de celui du chamanisme, dans lequel on alterne entre une  » conscience endormie  » et un  » rêve éveillé « . On a le sentiment que Morrison, la plupart du temps en état modifié de conscience rendu possible par l’absorption quasi-quotidienne de psychotropes divers, n’était jamais réellement réveillé, jamais réellement endormi. Cet état se reflète pleinement dans la musique du groupe. L’année 1967 est également marquée par l’engagement progressif des États-Unis dans la guerre du Vietnam avec 500.000 boys stationnés au Viêt Nam sur l’ordre du président Lyndon Johnson. Morrison écrit, à l’automne 1967, ses chansons les plus engagées, en particulier Unknown Soldier qui figurera sur le troisième opus  Waiting For The Sun.

 

Le succès fulgurant de The Doors, leur notoriété soudaine, et les avantages qui les suivent, déstabilisent pourtant rapidement Morrison, d’autant que les paroles de ses chansons, qui prônent l’amour libre, l’usage de la drogue, la consommation d’alcool, le rejet de la morale puritaines, la révolte contre l’autorité, le militantisme contre la guerre, en font un personnage remuant que les services de police décident de surveiller de près. Supportant très mal l’intrusion des agents en uniforme dans les concerts, Morrison profite souvent d’être sur la scène pour improviser quelques railleries, voire pour provoquer la foule à se rebeller. Un incident plus grave conduit, le 5 décembre 1967, à New Haven, à une interpellation en plein milieu d’un concert. Morrison est arrêté pour « comportement immoral, trouble à l’ordre public et refus d’obtempérer ».

 

 

 

 

Un désintérêt grandissant pour le rock…Le comportement de Morrison, qui devient antisocial et agressif au cours de l’hiver 1967-1968, laisse supposer que le concert de New Haven et l’interpellation qui s’ensuivit marquèrent le chanteur. D’une part, il commençait à percevoir que le star-system pouvait le piéger en l’entraînant dans une logique du « toujours plus » en matière de provocation. D’autre part, le public avait laissé Morrison se faire arrêter. Personne n’avait bougé. Si, comme son adolescence et ses années d’étudiant peuvent amener à le croire, Morrison avait pour ambition de remanier en profondeur les valeurs de la société américaine en s’appuyant sur les forces sociales actives du Flower Power et leur potentiel révolutionnaire, l’immobilisme du public, pourtant jeune et familiarisé avec l’idée de révolte, a dû surprendre et décevoir le chanteur. Morrison, nerveux, maussade, se réfugie dans l’alcool et ses beuveries atteignent des proportions préocccupantes, au point que les autres membres du groupe décident d’engager Bobby Neuwirth pour surveiller Jim. Les relations avec le groupe se tendent lors de l’enregistrement du troisième album. Après réflexion, The Doors décident de couper la très longue composition Celebration Of The Lizard qui devait occuper une face entière du disque, pour n’en garder que le morceau central sous le titre Not To Touch The Earth. Morrison, qui travaillait le texte de Celebration depuis 1965, se démotive soudain. Il laisse à Robbie Krieger le soin de composer les chansons restantes de l’album, finalement achevé en mai 1968. Ce même mois, Jim Morrison rencontre Michael Mc Clure, le poète de la beat generation dont il a lu et admiré l’œuvre depuis ses années de lycée. Cette rencontre marque un tournant dans la vie de Morrison, qui va progressivement prendre ses distances avec le monde du rock. Sitôt Waiting For The Sun enregistré, Morrison exprime d’ailleurs aux autres membres du groupe son intention d’interrompre sa carrière. Alarmé à l’idée du départ de Jim, Ray Manzarek parvient néanmoins à le convaincre de continuer encore pendant six mois. Au cours de cette période de transition, les performances scéniques de Morrison gagnent encore en intensité. Le 10 mai 1968, lors d’une apparition à Chicago, il transforme, pour la première fois, un concert en émeute. Il recommence plusieurs fois au cours de cette année, d’autant que le dernier vers de la chanson Unknown Soldier « the war is over », est bientôt repris en slogan politique des opposants à la guerre du Vietnam. La chanson a un effet d’autant plus violent sur le public que le groupe, dans une mise en scène élaborée, fait mine de fusiller Jim. Un jeu de lumière finement réglé rend l’effet frappant. Après une tournée en Europe au cours du mois de septembre, Morrison, en compagnie de Pamela Courson, prend quelques jours de repos à Londres. Ils y sont rejoints par Michael McClure. Ce dernier, après avoir lu les poèmes de Morrison, incite le chanteur à les publier. Flatté par les encouragements de son aîné, Morrison se décide à envoyer à l’éditeur, fin octobre, les notes sur le cinéma rédigées en 1964 et compilées sous le titre The Lords. Notes On The Vision et un long travail en vers libres intitulé The New Creatures.

 

Ce même mois, il visionne les rushes d’un concert donné quelques mois plus tôt. Ce document le stupéfait. Il déclare…Voir une série d’événements que je croyais contrôler…Je me suis d’un seul coup rendu compte que j’étais le jouet de nombreuses forces dont je n’avais qu’une vague notion. Par la suite, il devient de plus en plus prudent dans ses « manipulations » du public. Le 13 décembre 1968, lors d’un concert à Los Angeles, il parvient à calmer une foule houleuse en quelques phrases seulement…Nous sommes venus pour jouer de la musique, mais vous en voulez plus, pas vrai ? Vous voulez plus que de la musique, hein ? Eh bien, allez vous faire voir, nous, nous ne sommes là que pour jouer de la musique. Après quoi le groupe interpréta une seule chanson, Celebration Of The Lizard. Cet unique morceau dura trois quarts d’heure. Il n’y eut aucun incident, c’est à peine s’il y eut des applaudissements. La foule se dispersa en silence, matée. Quel autre chanteur de rock peut prétendre avoir réussi un tel tour de force ?

 

 

 

 

Le Poète maudit…Deux événements marquent le début de l’année 1969…Le « délai de six mois » arraché par Ray Manzarek après l’enregistrement de Waiting For The Sun touche à sa fin, et le rapprochement entre Morrison et Michael McClure mais aussi avec le Living Theatre, ainsi que son intérêt croissant pour le cinéma qui paraît signaler la volonté de Jim de quitter le star-system. Il rencontre en janvier 1969, la journaliste du magazine Jazz & Pop Patricia Kennealy, avec qui il vivra une relation amoureuse très intense, allant jusqu’à « l’épouser » en 1970 au cours d’une cérémonie wicca. Lors de cette interview, Jim déclare…J‘aime la musique, j’aime bien chanter sur scène, mais certaines choses que j’ai à dire ne peuvent être mises en musique et seraient communiquées au mieux par le biais d’un livre. L’enregistrement d’un quatrième album, The Soft Parade, retarde cependant le départ de Morrison. Son désintérêt pour The Doors paraît évident, il n’écrit que quatre des neuf chansons de l’album, passe le minimum de temps au studio et se conduit systématiquement en rustre. Une violente querelle éclate lorsqu’il découvre que les autres membres du groupe, sans l’en avertir, ont vendu la mélodie de Light My Fire, leur premier disque d’or, au constructeur automobile Buick. La sensation de trahison que Jim a dû connaître à cette occasion a pu accentuer sa désillusion car s’il avait cru possible de modifier les valeurs américaines via le rock, il découvrait que ses proches les plus intimes cédaient aux puissances de l’argent. À ce stade, il faut poser la question du rattachement de Morrison au mouvement hippie. Il a embrassé explicitement certaines « grandes causes » du Flower Power comme la libération sexuelle et le pacifisme contre la guerre du Vietnam. Il y a même contribué activement, par ses chansons et sa conduite. Mais, lecteur assidu de Nietzsche, admirateur de Jérôme Bosch, fan de Kerouac fasciné par Dean Moriarty au point d’imiter son ricanement sadique, pouvait-il adhérer sans réserve au « peace and love », à l’idéologie de « l’harmonie universelle » et à la « spiritualité » New Age de la méditation transcendantale, de la conscience cosmique et de l’ère du Verseau ? Son pessimisme, son goût pour le cynisme, le second degré et les faux-semblants, sa fascination pour la criminalité et le chaos, pouvaient-ils se conjuguer avec l’hédonisme naïf des hippies ?

 

Ray Manzarek et John Densmore ont chacun, à leur manière, avoué que Morrison plaisantait volontiers, à l’occasion de manière cruelle, sur l’exotisme un peu factice de la philosophie hippie. L’organiste et le batteur, tous deux adeptes de la méditation transcendantale, présentèrent Morrison à Maharishi Mahesh Yogi. Morrison composa ensuite, « en l’honneur » du gourou, la chanson Take It As It Comes, où il reprend l’idée de la relaxation chère à la méditation transcendantale Détends-toi, baby / Prends les choses comme elles viennent / Ne t’emballe pas / Si tu veux que ton amour dure. Ces paroles, dans la bouche de Morrison qui vécut une vie d’excès, cherchant systématiquement à « s’emballer » jusqu’à la démesure, relèvent de l’antiphrase, voire de la raillerie agressive. John Densmore, qui s’affichait « flower child » se souvient également des moqueries ambiguës de Morrison à son égard  comme lui jeter en concert, des fleurs sur la caisse claire de Densmore…Il riait comme un fou, parce qu’il savait que je ne pouvais pas m’arrêter, à moins d’interrompre le concert, alors mes baguettes faisaient éclater les pétales.

 

 

 

 

 

 

Le concert de Miami…Cette perspective éclaire le sens du célèbre concert de The Doors donné à Miami le 1er mars 1969. Pour la première fois, le groupe partait en tournée « longue » avec plus de vingt dates prévues dans des villes comme Cleveland, Saint Louis, Providence ou encore Dallas. Pourtant, le premier concert vire à la catastrophe. Sugerman et Hopkins, entre autres biographes de Morrison, pointent du doigt l’incurie des organisateurs, qui avaient vendu beaucoup plus de tickets qu’il n’y avait de places, si bien que The Doors se présentèrent devant une salle bondée, surchauffée et déjà passablement nerveuse. Cette tension s’accroît encore avec le retard de Morrison, éméché, il a raté son avion. Pendant le vol, il continue à boire. Lorsqu’il parvient enfin à la salle de concert, c’est un frontman ivre mort qu’on doit convaincre, contre son gré, d’entrer en scène. Incapable de chanter, Morrison interrompt les chansons, pour digresser, invectiver la foule, l’insulter. Au cours de la chanson Five To One, le discours de Morrison prend une tournure explicitement anarchiste et passablement agressive à l’égard des fans…Vous n’êtes qu’une bande d’idiots ! À laisser les gens vous dire quoi faire ! À laisser les gens vous bousculer ! Combien de temps ça va encore durer, à votre avis ? Combien de temps est-ce que vous allez laisser faire ça ? Combien de temps ? Peut-être que vous aimez ça, peut-être que vous aimez qu’on vous bouscule…Peut-être que vous adorez ça, peut-être que vous adorez qu’on vous mette la tête dans la merde…Vous adorez ça, hein ? Vous adorez ça. Vous n’êtes qu’une bande d’esclaves ! Mais de toute évidence, cette diatribe ne suffit pas, le public applaudit, pousse des cris de joie à chaque insulte. Morrison pousse encore l’outrage en taquinant la salle, il annonce qu’il va montrer son pénis. L’a-t-il effectivement fait ? Un doute subsiste, même pour Morrison qui avouera plus tard au juge avoir été trop ivre pour se souvenir. Quant au principal témoin de l’accusation, Bob Jennings, il s’agit du fils d’un policier de Miami, ce qui jette un doute sur son impartialité, d’autant que plusieurs autres accusateurs se rétracteront avant ou pendant les audiences. En tout état de cause, le mal est fait, le concert finit dans un désordre incontrôlable et, le 5 mars, un mandat d’arrêt est délivré contre Morrison sous quatre chefs d’accusation… « comportement indécent », « exhibition indécente », « outrage aux bonnes moeurs » et « ivresse publique ». Aussitôt, tous les concerts de la tournée sont annulés et The Doors devront attendre juin pour pouvoir se présenter à nouveau devant le public.

 

Les journaux, à l’époque, titrent « Morrison dérape ». Telle est aussi la version de l’incident retenue par les principaux biographes de Morrison et il paraît délicat de contester ces témoignages de première main. Pourtant, la question se pose…Morrison n’a-t-il pas « dérapé » au moment qui lui convenait ? N’a-t-il pas « dérapé » d’une manière très sincère, comme ses insultes à la foule semblent le suggérer ? Le rejet du mouvement hippie qu’il semble exprimer dans son comportement et dans ses textes n’indique-t-il pas que Morrison a pu vouloir faire exploser The Doors en plein vol, au tout début d’une tournée aussi longue que prometteuse, en mars 1969, c’est-à-dire trois mois après la fin du « délai de grâce » qu’il avait accordé après l’enregistrement de Waiting For The Sun ?

 

 



Le jour où les Doors ont joué sans Jim Morrison…

par Milan Laffilé

 

En 1968, les Doors commencent à vraiment s’affirmer sur la scène musicale. Ils jouent dans des plus grandes salles, notamment au Hollywood Bowl où même Mick Jagger est présent. Cependant, le 15 septembre, en pleine tournée européenne, Jim collapse juste avant de monter sur scène à Amsterdam, laissant le groupe au dépourvu à quelques minutes du show. Les Doors ou le groupe qui en 4 ans a produit 6 putains albums combinant pure rock, poésie, mysticisme. Leur musique à l’univers étrange nous plonge entre conscience endormie et rêve éveillé. Outre le talent incontestable de Manzarek, Densmore et Krieger mêlant jazz, blues, flamenco, ou même funk au rock psychédélique, c’est surtout pour le personnage de Morrison, largement mythifié après sa mort soudaine et mal élucidée en 1971, que la popularité du groupe explose, devenant culte. Pour comprendre le contexte, revenons d’abord sur le personnage de Morrison. Ça vaut le détour. Jim Morrison était un être très intelligent, doté d’une grande sensibilité, prônant la liberté, la rébellion contre l’autorité, voire le chaos. Il rejette ainsi la morale puritaine, le conformisme de la société et teste ses limites à tout bout de champs. Il est très attiré par le chamanisme et pratique un rituel unique lors de ses concerts. À la limite de la dramaturgie, il dégage une aura mystique mêlant appréhension et stupéfaction. Oui, il faut le dire, Jim est tout sauf quelqu’un de lambda. À 15 ans, c’était le gars qui préférait rester seul dans son coin à dévorer Rimbaud, Nietzsche, Freud ou encore Blake plutôt que de traîner avec les jeunes de son âge. Peu avant ses 20 ans, il découvre le LSD, alors légal et en vente libre à Los Angeles. Il y voit une perception infinie de la conscience telle que William Blake décrivait bien avant…Si les portes de la perception étaient nettoyées, alors chaque chose apparaîtrait à l’homme telle qu’elle est, infinie. C’est cette phrase qui lui inspirera le nom des Doors. Il est aussi impulsif et adore déstabiliser les gens, tester leurs réactions, les confrontant ainsi au plus profond de leurs êtres. Très charismatique, il manipule les foules adaptant ainsi ses interventions selon les réactions du public, pouvant parfois les calmer ou alors provoquer des émeutes, c’est sa spécialité. Un aperçu de ce qu’il était…15 septembre 1968. Les Doors sont en pleine tournée européenne avec le Jefferson Airplane et Canned Heat. Après avoir donné de magnifiques et solides concerts en Angleterre ainsi qu’en Allemagne de l’Ouest, le groupe arrive à Amsterdam. Le show étant prévu le soir même, les musiciens décident d’errer dans les rues de la ville. À plusieurs reprises, des fans les reconnaissent et commencent à traîner avec eux, leur offrant toutes sortes de drogues et d’alcools en guise de bienvenue. Tandis que les autres les gardent pour plus tard, Jim les prends immédiatement. Ah oui, ce n’est pas le genre à les mettre de côté, tu donnes un truc à Morrison, c’est pour maintenant man. Le soir même, peu avant le concert, Jim est en pleine montée. Normal avec tout ce qu’il a gobé. Entre acides, speed, hash et que sais-je d’autres qui circulaient à l’époque, le cocktail fait plutôt mal. Ainsi, pendant la première partie, jouée par le Jefferson Airplane, lors de la chanson à la basse enveloppante Plastic Fantastic Lover, Jim se met à danser sauvagement sur scène avec le groupe et se marre de rire sous les applaudissements de la foule, visiblement bien allumé également. Petit bémol, le chanteur s’écroule peu après dans les backstages, juste avant que les Doors montent sur scène. Étant impossible de le réveiller, il est rapidement conduit à l’hôpital…

 

C’est alors que le manager de la tournée des Doors, Vince Treanor, se voit obligé de proposer à l’audience de les rembourser ou alors d’assister au concert mais sans Morrison. À l’unanimité, la foule veut voir le groupe. Les 3 Doors montent alors sur scène, Ray Manzarek et Robby Krieger assurent les parties vocales. Et ce show sera un putain de succès ! Le lendemain matin, Jim se réveille à l’hôpital et voit dans les journaux le concert élogieux de la veille, auquel il n’a pas participé. Les Doors reprennent donc la route, cette fois au complet, et finissent leur tournée européenne 5 jours plus tard à Stockholm, le 20 septembre, où des concerts mémorables y sont donnés. L’incident qui s’est produit à Amsterdam aurait pu être un déclic pour que Jim Morrison se reprenne en main. Mais le succès du groupe grandissant, spécialement pour le chanteur, aura raison de lui. Il se noie de plus en plus dans l’alcool, qui deviendra véritablement son plus grand démon duquel il ne se débarrassera jamais. D’ailleurs, une anecdote montre son alcoolisme maladif alors qu’il était à Paris, en exil. En effet, il fuyait le procès qui l’accablait aux États-Unis pour outrages aux bonnes mœurs, obscénité, trouble à l’ordre publique, ivresse lors d’un concert à Miami en 1969. Jim erre à Saint-Germain-Des-Près, spécialement au « Rock n Roll Circus », boite en vogue à l’époque. Après avoir bu jusqu’au black-out, malheureusement son quotidien, des amis l’ont hébergé car il était incapable de rentrer ou même de dire où il habitait. Le lendemain matin, Jim se réveille. Après avoir écouté ce qu’il s’était passé la vieille, il invite tout le monde à prendre le petit déjeuner au café à côté, regrettant d’avoir été le trouble-fête. Très gentleman. Sauf que parfois, ses écarts liés à l’alcool pouvait être violemment sanctionnés, comme la fois où Janis Joplin lui a éclaté une bouteille de whisky sur la tête…Quant à cette matinée parisienne, alors que tout le monde commande des croissants ou des œufs au bacon, Jim s’envoie une teille de Bourbon. À 11 h du matin. C’était ça Jim, à la fin de sa vie…Bien que ce soit quelqu’un de très talentueux, un poète aux magiques études, il n’a pas pu faire face à la célébrité et a sombré, comme beaucoup d’artistes, dans la drogue et l’alcool. Car rappelons-le, Jim voulait être chanteur non pas pour la gloire ou l’argent, mais pour qu’on l’écoute réciter ses poèmes.

 

 

 

 

Une saturation nerveuse…Si Morrison a effectivement voulu saborder The Doors, il a échoué. Sans doute, le fiasco de Miami a-t-il refroidi les organisateurs de concerts qui annulent de facto la tournée de The Doors, mais dans un second temps, Morrison reçoit le soutien de son entourage et de nombreux fans, qui voient dans le procès intenté au chanteur une preuve de la persécution perpétrée par l’institution puritaine contre le mouvement hippie et les opposants à la guerre du Vietnam. Dès juin, seulement trois mois après Miami, The Doors jouent à nouveau en public. L’album The Soft Parade sort en juillet et devient disque d’or. En septembre, le groupe entame des répétitions pour un cinquième album. Jim semble donc se résigner à « continuer » avec The Doors, bien que la poésie soit à ce moment sa préoccupation principale. En avril, il a reçu de la maison d’édition Western Lithographers les exemplaires de The Lords et de The New Creatures, publiés à compte d’auteur sous le nom « James Douglas Morrison ». Ce même mois, interviewé sur la chaîne de télévision PBS par Richard Goldstein et Patricia Kennealy, Morrison refuse de parler de The Doors et se contente de lire des extraits de The New Creatures. Le journal Rolling Stone publie, dans son numéro d’avril 1969, le texte intégral d’un long poème intitulé An American Prayer, et précise que les droits d’auteur sont attribués à James Douglas Morrison. Il convient d’insister sur ce point, bien qu’utilisant le prénom « Jim » comme nom de scène avec The Doors, Morrison a toujours insisté pour que son travail poétique soit publié sous son patronyme complet. Il souhaitait, de toute évidence, sanctuariser son travail poétique par rapport à son image de star pop, mais ce souci de « catégoriser » ses activités va bien au-delà du domaine professionnel. Morrison appartenait simultanément à plusieurs « cercles sociaux » différents qu’il s’efforçait de ne jamais mélanger. Ainsi Michael McClure ne fit-il jamais partie de la petite « cour » qui gravitait autour de The Doors. Il en alla de même pour Patricia Kennealy, que Morrison avait pourtant « épousée ». Du reste, Jim continuait à entretenir des relations suivies avec plusieurs anciens élèves de la faculté de cinéma d’UCLA sans jamais les présenter à ses autres amis.



Ces séparations entre divers groupes d’amis avaient sans doute pour but, aux yeux de Morrison, de protéger en partie sa vie privée, d’un groupe à l’autre, il pouvait exprimer toutes les facettes de sa personnalité sans pourtant s’ouvrir complètement à quiconque. Or deux conséquences suivent de cette attitude. D’une part, à dissimuler toujours une partie de lui-même à ses interlocuteurs, Morrison était forcément toujours « en représentation », en train de jouer un rôle qui ne correspondait pas exactement à ce qu’il était…Cette timidité, voire cette dissimulation, allant de pair avec une vive inventivité, un indéniable talent de conteur et un certain degré d’hypocrisie, constitue sans doute l’un des principaux traits de caractère de Morrison. Il n’est jamais complètement sincère, sauf peut-être dans quelques moments exceptionnels et lorsqu’il s’avoue, précisément, menteur, trompeur, calculateur. Aussi tous les témoins directs de la vie de Morrrison ont-ils une vision nécessairement biaisée de Jim / James Douglas, non seulement parce qu’ils sont subjectifs, mais aussi et surtout parce que Morrison lui-même entretenait la confusion, mentait sans vergogne, promettait ce qu’il savait ne pas vouloir tenir. D’autre part, au cours de l’année 1969, cette stratégie de séparation entre divers groupes d’amis commence à montrer ses limites, menant de front sa carrière de chanteur, son travail de poète et une activité de réalisateur-producteur de cinéma, Morrison se trouve tiraillé entre plusieurs impératifs inconciliables, d’où un stress professionnel intense aggravée par la peur d’un procès et l’éventualité d’une condamnation à de la prison ferme. À cela s’ajoute la dissimulation dont il fait preuve à l’égard de sa compagne, Pamela Courson, car depuis avril 1969, Morrison entretient une relation passionnée avec Patricia Kennealy, or cette jeune journaliste n’a rien de la « groupie ». Fière militante féministe, elle ne se laisse pas impressionner par le statut de « star », et sa solide culture générale lui permet de rivaliser intellectuellement avec Morrrison, lequel se montre par ailleurs fasciné par le fait que Patricia Kennealy pratique la sorcellerie wicca. Cette « double vie » conduit Morrison à des querelles de plus en plus violentes avec Pamela Courson, laquelle dépense l’argent de manière inconsidérée, mais en même temps, Morrison souhaite ménager Pamela dans la mesure où elle l’encourage dans sa carrière de poète, c’est d’ailleurs par l’intermédiaire de la sœur de Pamela que Morrison a pu rencontrer Michael McClure. Une telle tension nerveuse épuise lentement Morrison…Il cherche à la dissiper dans l’alcool. À cette époque, il ne dessaoûle presque jamais. Il écrit de manière lapidaire…Je bois pour pouvoir parler aux cons. Moi compris. Le début de l’année 1970 semble pourtant favoriser Morrison. Une série de concerts réussis à New York, l’enregistrement et la sortie du cinquième album de The Doors,Morrison Hotel reçoit des critiques élogieuses, la signature de contrats pour l’adaptation cinématographique du roman de Michael McClure The Adept, redonnent un élan à Morrison. Ces succès se complètent, en avril, par la publication, à compte d’éditeur, du double recueil The Lords and The New Creatures. Même si le volume avait été publié, contre ses indications, sous le nom de « Jim Morrison », il télégraphia le jour même à ses éditeurs…Merci à vous. Le livre dépasse toutes mes espérances. Le poète Michael McClure, ami de Morrison qui l’avait encouragé à publier ses poèmes, le vit ce jour-là. Il raconte…Je trouvai Jim dans sa chambre. Il pleurait. Il était assis là, le livre à la main, en larmes, et il me dit « C’est la première fois qu’on ne m’a pas baisé ». Il le répéta deux fois. Patricia Kennealy écrit, dans le numéro de mai de Jazz & Pop, une critique favorable au recueil. En juin, Morrison épouse la journaliste selon le rituel wicca.

 

 

 

 

Avant sa mort…Le procès du concert de Miami s’ouvre le 10 août 1970. Morrison a décidé de plaider non-coupable. Le 14, Patricia Kennealy, présente aux côtés de Jim, lui annonce qu’elle est enceinte. Après une discussion tendue, la journaliste accepte d’avorter. Morrison lui promet d’être présent lors de l’opération. Il ne tiendra pas sa promesse, en novembre, Patricia Kennealy subira seule l’intervention. Le 19 septembre, les juridictions de Floride émettent une sentence curieuse…Les chefs de « comportement indécent » et « d’ivresse publique » sont écartés alors que Morrison lui-même admettait avoir été ivre et que des photos le montraient en train de simuler une fellation à Robbie Krieger) mais Morrison est reconnu coupable « d’outrage aux bonnes mœurs » et « d’exhibition indécente ». Il écope de huit mois de prison ferme et de 500 dollars d’amende. L’avocat de Morrison, Max Fink, engage aussitôt une procédure d’appel et obtient la libération de Morrison moyennant une caution de 50.000 dollars. Une ambiance morbide domine alors le monde du rock…Jimi Hendrix est mort le 18 septembre, Janis Joplin décède le 4 octobre. Morrison plaisante à ses compagnons de beuverie, il déclare, mi-figue mi-raisin…Vous êtes en train de boire avec le n°3…Le 8 décembre, pour son anniversaire, Jim Morrison se rend seul au studio. Il passe la journée à enregistrer une lecture de certains poèmes, notamment le long travail An American Prayer déjà publié par le magazine Rolling Stone, mais également d’autres poèmes divers qui seront plus tard publiés sous le titre Far Arden. The Doors donnent des concerts à Dallas et à la Nouvelle-Orléans les 11 et 12 décembre…Ce seront les dernières apparitions publiques de Morrison…

 

Au printemps 1971, juste après avoir fini l’enregistrement du sixième album de The Doors, LA Woman, Jim quitte Los Angeles pour Paris, où il rejoint Pamela Courson. Il semble avoir l’intention de se consacrer à la poésie et de réduire sa consommation d’alcool. Epuisé par le star-system, il voulait aussi prendre de longues vacances. Au cours du printemps, Jim et Pamela visitent la France, l’Espagne, le Maroc, la Corse. Pendant ce temps, aux États-Unis, l’album LA Woman, sorti en avril, est reçu par une critique unanime comme « le meilleur » de The Doors. Le 5 juillet, cependant, une rumeur court à Los Angeles selon laquelle Jim Morrison serait mort. Rien de bien alarmant car au cours des années 1967-1968, il s’était rarement écoulé un mois sans que de telles rumeurs courent. Néanmoins dépêché sur place le 6 juillet, le manager de The Doors, Bill Siddons ne peut que constater la disparition du chanteur, décédé dans sa baignoire dans la nuit du 2 au 3 juillet. L’inhumation a lieu le 7 juillet, au cimetière du Père-Lachaise, où se trouve toujours la tombe de Morrison.

 

 





La mort de Jim Morrison…

 

Les circonstances de la mort de Morrison ont donné lieu à de nombreuses spéculations, d’autant plus qu’à son arrivée, Bill Siddons n’a pas vu le corps de Jim Morrison mais le cercueil étant sensé le contenir. Aucune autopsie ni examen n’avait été pratiqué sur le cadavre, la cause officielle du décès étant une simple crise cardiaque. La vie d’excès menée par Morrison pendant six ans (il abusait de l’alcool, participait volontiers à des orgies et se vantait d’avoir pris deux cents fois de l’acide) accrédite cette version des faits. Cependant, d’autres témoins affirment avoir vu Morrison dans un bar parisien branché, le Rock ‘n Roll Circus, ce soir-là. Selon cette version, Morrison aurait « touché » à l’héroïne et serait mort d’une overdose dans les toilettes du bar. Présentes sur place, et par crainte du scandale, la chanteuse Marianne Faithfull et la réalisatrice Agnès Varda auraient alors dégagé le corps et l’auraient ramené jusqu’à l’appartement que Morrison partageait avec Pamela Courson. Une troisième version, quant à elle, prétend que Morrison tout comme Jimi Hendrix et Janis Joplin, mais aussi Malcolm X et Martin Luther King, respectivement assassinés en 1965 et 1968 aurait figuré sur une liste de personnalités « remuantes », que certains agents du FBI auraient eu pour mission d’« éliminer » de manière discrète. Cette hypothèse ne semble cependant reposer sur aucun fait tangible. Enfin, de nombreux fans pensent que Morrison orchestrait un « départ définitif » depuis plusieurs mois, et qu’il aurait lui-même orchestré un « faux décès » destiné à couvrir sa fuite. Il serait donc en fait toujours vivant. On n’hésite guère, dans cette version, à comparer Morrison à Arthur Rimbaud, qui cessa toute activité littéraire et partit vivre en Afrique à l’âge de vingt-quatre ans. Cette idée, pourtant, semble plus relever de la légende voire du fantasme que de la piste sérieuse. Quoi qu’il en soit, ce décès prématuré, dans des circonstances peu claires, en France de surcroît, patrie des poètes maudits, ne pouvait qu’auréoler la figure fascinante de Morrison et lui conférer une dimension légendaire. Il reste aujourd’hui une icône majeure de l’histoire du rock, dont on souligne volontiers les provocations, les excès et le destin tragique. Telle fut, en particulier, l’optique retenue par les premiers biographes de Morrison, Jerry Hopkins et Danny Sugerman, dans leur livre No One Here Gets Out Alive (Personne ne sortira d’ici vivant, publié en 1980), dont Oliver Stone s’inspira pour son film The Doors sorti en 1991.

 

En parallèle, l’œuvre proprement poétique de Morrison commence, à son tour, à être reconnue. À la fin des années 1970, les membres restants de The Doors se reforment brièvement pour composer des mélodies destinées à servir de fond musical aux poèmes enregistrés par Morrison le 8 décembre 1970. Il en résulta un album, An American Prayer, sorti en 1978, mais il fallut attendre 1988 pour que le premier volume des poèmes inédits de Morrison soit publié sous le titre Wilderness, suivi, en 1990, d’un second volume intitulé The American Night. Il est entré dans le 27 Club regroupant les figures de la musique décédées à 27 ans, comme Janis Joplin, Robert Johnson, Brian Jones, Jimi Hendrix, Alan Wilson Pete Ham (Badfinger) ou Kurt Cobain.

 

 

 

 

DERNIER ALBUM DES DOORS AVEC MORRISON

‘L.A. WOMAN’A 50 ANS

 

Le 19 avril 1971 sortait dans les bacs l’ultime album du vivant de Jim Morrison. Même si les Doors ont continué ensuite sans leur chanteur, ‘L.A. Woman’ constitue bien leur chant du cygne. Le dernier album des Doors est paradoxalement le premier du groupe que j’ai écouté. Celui par lequel je les ai découvert. J’ai ainsi abordé les Doors sous l’angle blues-rock, avant d’entendre leurs explorations mystiques et psyché, teintées de pop californienne et singulière des albums précédents. Pour être tout à fait exact, j’avais déjà entendu Light my fire, mais en version single, c’est-à-dire sans la longue improvisation limite free-jazz du milieu. Donc à part ce tube, je ne connaissais rien des Doors quand je suis tombé sur ce disque, quelque part vers 1989. Et d’emblée le coup de foudre. Rien à jeter. Un pur bonheur du début à la fin. Une ambiance résolument blues et rock. Et un morceau-titre qui déchire, avec la guitare de Robby Krieger et le piano de Ray Manzarek qui se disputent à qui aura le meilleur solo. Verdict : les deux au sommet, ex-aequo !

 

L’enregistrement se fait dans des conditions quasi-live avec l’adjonction d’un bassiste et aussi d’un second guitariste. Cela n’empêche pas Robby Krieger de rajouter quand même des overdubs sur Been down so Long où il double son solo, l’un en slide et l’autre non. De même sur The changeling où il harmonise plusieurs leads sur une mélodie hispanisante. Sur L’America, il ne fait aucun doute qu’il joue aussi bien le riff inquiétant que le solo enjoué, et il y a fort à parier pour que les deux parties de guitare sur Love her madly ainsi que Hyacinth House soient de son fait. Sans parler des titres avec une seule guitare comme The WASP et Riders on the storm. Par conséquent, la contribution de Marc Benno à la guitare rythmique est plus qu’épisodique Been down so long, Crawling king snake, Cars Hiss by My Window et le morceau-titre, à peine la moitié de l’album. Mais cette participation sur un album devenu mythique a forcément pesé lourd dans son CV. Toutes les interventions de Krieger sont en revanche mémorables, de la wah-wah et les solos harmonisées à couleur de corrida sur le titre d’ouverture jusqu’aux phrases discrètes teintées de tremolo sur le morceau final, en passant par les solos bluesy de plusieurs morceaux, le guitariste des Doors illumine l’album par ses solos inspirés. Mais ironie du sort, il se fait voler la vedette par Morrison sur le final de Cars Hiss by My Window. Passablement éméché, le chanteur se lance dans l’imitation improvisée d’une guitare mi wah-wah mi slide. Quelques décennies avant un certain Michael Gregorio, Jim Morrison imite le son de la six-cordes de façon magistrale. Pendant les premières notes, l’illusion est parfaite. Il faut attendre la toute fin pour réaliser qu’il s’agit de la voix du chanteur. Le « solo » démarre à 3:30.

 

Sur tout le disque, Morrison chante merveilleusement bien. Un chant habité qu’il retrouve comme au premier jour. Fini le détachement désabusé de The soft parade. Déjà Morrison Hotel l’avait remis sur les rails du blues, mais avec L.A Woman, le grand Jim montre qu’il est de retour pour de bon, même si malheureusement ce sera de courte durée… l ne sait pas que ce disque sera son épitaphe, mais il se donne à fond. Et pour sa dernière représentation, le Roi Lézard se mue en Roi Serpent, sur la reprise de John Lee Hooker Crawling king snake. Une reprise d’un standard du blues qui rappelle les premières heures des Doors avec le Back door man de Willie Dixon sur le premier album. Densmore et Manzarek ne sont pas en reste. Le premier continue de délivrer des parties de batterie subtiles et métronomiques, toujours à la frontière du jazz, comme par exemple les breaks sur Love her madly, tandis que le second démontre tout son talent au piano et à l’orgue, et même à la guitare rythmique comme on peut le voir sur cette photo prise pendant les sessions. Les deux morceaux sans claviers étant Been down so Long et Cars Hiss by My Window c’est donc sur l’un des deux que Manzarek joue de la guitare. La photo montrant Krieger au bottleneck, il s’agirait a priori de Been down so Long. A l’écoute, difficile de l’identifier car le morceau comporte deux guitares solo à mon avis jouées par Krieger et un riff rythmique que je suppose par Benno. A moins que ce dernier soit joué par Manzarek, auquel cas les deux guitares solo seraient Benno (canal gauche) et Krieger (canal droit, slide) ? Ou alors il y a deux rythmiques, mais j’avoue avoir du mal à les distinguer. Mais si Manzarek brille sur cet album, c’est avant tout pour sa maitrise incontestable du clavier. Qu’il sonne piano bastringue sur Love her madly ou L.A Woman, orgue Hammond sur The changeling, ou pianos électriques de différents modèles, il emmène la musique des Doors vers des contrées musicales bien au-delà du rock, Le jazz, la soul, le Rhythm and blues, et même le classique lorsqu’il cite Chopin et sa Polonaise opus 53, dite « héroïque » dans Hyacinth House. Le claviériste des Doors termine le dernier album du groupe par un chef d’œuvre de plus de 7 minutes, avec un solo au piano Fender Rhodes resté dans les mémoires. Des cascades de notes comme des gouttes de pluie tombant sur le pare-brise, une ambiance à la fois moite et nocturne, chaude et glacée en même temps. Si en 1971 on ne parle pas encore vraiment de jazz-rock, Ray Manzarek brise les frontières entre ces deux genres musicaux, et les fait se rejoindre sur un passage instrumental d’anthologie.

 

 

 

 

Riders on the storm  par Denys Legros

 

Quant aux paroles de Morrison, elles peuvent paraitre obscures, mais auraient une explication dans le passé de Jim, lorsqu’il était à l’université en Floride, en 1962, et qu’il faisait du stop pour voir une fille. Stephen Davies en parle dans sa biographie du chanteur, parue en 2005…Ces journées solitaires sur la route chaude et poussiéreuse de Floride, pouce levé et son imagination en effervescence pleine de luxure, de poésie, de Nietzsche et Dieu sait quoi d’autre prendre des risques avec des ploucs de camionneurs, des homos fugitifs, et des prédateurs en vadrouille ont laissé une cicatrice indélébile dans l’esprit de Jimmy, dont les carnets ont commencé à comporter des gribouillages obsessionnels et des dessins d’un auto-stoppeur solitaire, un voyageur existentiel, sans visage et dangereux, un étranger à la dérive avec des fantasmes violents, un clochard de mystère comme le tueur sur la route.