Du Rhum à la Culture…

La Martinique et le rhum sont liés depuis la culture de la canne à sucre sur l’île. L’habitation Clément montre son évolution dans le temps. Les visages  exposés dans l’ancienne distillerie raconte l’histoire des femmes et des hommes qui ont travaillé toute leur vie pour cette entreprise.

 

L’Habitation Clément, appelée autrefois Habitation de l’Acajou, est une ancienne Habitation sucrière coloniale située sur la commune du François, en Martinique. La plantation devient ensuite une distillerie, après le rachat en 1887 de l’Habitation de l’Acajou par Homère Clément, un des tout premiers médecins de couleur de l’île. Rapidement, le rhum Clément acquiert une réputation internationale qu’il conserve aujourd’hui1. Si désormais la distillation n’est plus réalisée sur place, le vieillissement se fait toujours dans plusieurs chais visitables. L’Habitation, un temps à l’abandon, est aujourd’hui un centre d’interprétation du rhum et un musée d’Art contemporain, propriétés du groupe Bernard Hayot. Avec près de 100 000 visiteurs chaque année, elle est l’un des sites touristiques les plus visités de Martinique.

 

 

 

 

SON HISTOIRE…Une carte dressée par Moreau du Temple en 1770, montre sur le site l’existence de plusieurs petites Habitations, nom désignant les exploitations agricoles coloniales. Autour de l’Habitation Litré, qui prendra plus tard le nom d’Acajou, se dressent les Habitations La Place, Sainte-Suzanne et Vincenot, du nom de leurs propriétaires. Dans chacune d’elles se trouve une maison du maître, un village d’esclaves, et des bâtiments agricoles entourés de plantations. Louis Hodebourg-Desbrosses, béké propriétaire de l’Acajou, qui couvre alors 46 hectares sur lesquels travaillent 30 esclaves, s’associe en 1798 à Jean-Modeste Simon de Bassigny pour exploiter l’Habitation. Ce dernier s’installe sur dans la maison principale, dirige l’exploitation et gère les comptes.

 

En 1808, Simon de Bassigny rachète les parts de son associé ainsi que l’habitation voisine, celle de Soubeyran, également propriété des Hodebourg-Desbrosses, qu’il rattache à l’Acajou. l’ensemble forme alors un domaine de 124 ha. En 1818, il revend l’habitation à Louis Marie Hodebourg-Desbrosses, fils de l’ancien propriétaire. Des investissements sont faits pour renouveler l’outil industriel avec l’installation d’un moulin à vapeur, et le doublement de la population d’esclaves. Ces derniers proviennent soit de la traite négrière, soit sont nés sur la plantation, soit sont achetés à d’autres propriétaires. Leur population passe de 30 individus en 1798, à 81 en 1836. Leur espérance de vie est en moyenne de 35 ans sur les habitations agricoles coloniales.

 

La békée Françoise Virginie de Franqueville, épouse d’Amédée Maillet, acquiert l’Acajou en 1844. Elle va la diriger durant 42 ans. Pour alimenter en canne le moulin à vapeur de dix chevaux, Françoise Maillet, achète en 1847 les terres de deux habitations voisines, Chéry et Bagatelle, créant ainsi un domaine étendu sur 160 hectares. La Deuxième République abolit définitivement l’esclavage par décret en 1848. Cette abolition s’accompagne toutefois de l’indemnisation des propriétaires esclavagistes. Françoise Maillet touche ainsi, en 1849, la somme de 45 888 Francs or en compensation du préjudice financier causé par l’affranchissement de tous ses esclaves. La propriétaire se voit contrainte de signer des contrats d’association avec 51 de ses anciens esclaves. Cela se traduit par une hausse du coût de la production, et un effondrement de la rentabilité. En 1854, elle compense le manque de main d’œuvre par l’importation de travailleurs immigrés en provenance des comptoirs français aux Indes. En 1867, Françoise Maillet ferme sa sucrerie du Domaine de l’Acajou et livre ses cannes à la nouvelle usine du François, dont elle est l’un des principaux actionnaires. Au début des années 1880, faisant également face à l’émergence du sucre de betterave en métropole, l’exploitation tombe en faillite. En 1886, le Crédit foncier colonial saisit l’Habitation en paiement des dettes de Françoise Maillet.

 

 

 

 

Le 19 avril 1887, l’homme d’affaires Homère Clément, également premier médecin métis de Martinique, fait l’acquisition aux enchères du domaine de l’Acajou. Il s’installe avec sa famille dans la maison principale et devient planteur, livrant sa canne à sucre à l’usine du François pendant 30 ans. En 1917, poussé par l’effort de guerre, Homère Clément construit une distillerie sur le domaine de l’Acajou. En effet, durant la Première Guerre mondiale, les autorités encouragent la production du rhum pour satisfaire la forte demande des soldats au combat. À la mort d’Homère Clément en 1923, son fils Charles hérite du domaine avec ses sœurs. Ce dernier prend la direction de la distillerie familiale et développe la marque de rhum. Il modernise les installations et améliore la qualité de sa production. En 1928, Charles Clément se marie avec Sarah Lazareff, qui l’assiste dans la gestion de l’Acajou, allant jusqu’à traiter avec les fournisseurs de la distillerie. Elle organise de nombreuses réceptions qui réunissent les visiteurs de renom en séjour à la Martinique. La marque « Rhum Acajou » est créée en 1930 et la société se distingue en embouteillant elle-même ses rhums, quant à cette époque la grande majorité du rhum produit est envoyé en vrac aux négociants de métropole10. Deux ans plus tard, Charles Clément achète l’Habitation Moneroy, agrandissant son domaine agricole d’une centaine d’hectares supplémentaires.

 

 

 

 

En 1938, un incendie détruit la distillerie. L’usine reconstruite permet alors de multiplier la capacité de production par cinq, et devient la plus performante de l’île. Le Rhum Acajou est renommé « Rhum Clément » en 1940. Les descendants d’Homère Clément fondent en 1956 la société Héritiers H. Clément, puis, à la mort de Charles Clément en 1973, ses deux fils deviennent cogérants des Rhums Clément. Georges-Louis Clément dirige la distillerie de l’Acajou au François, tandis qu’à Bordeaux, où une succursale est créée, Jean-José commercialise les rhums en France et à l’international. Des difficultés financières et des différends familiaux amène la firme à confier sa gérance au groupe Cointreau, qui ne parvient toutefois pas à redresser la barre. La famille Clément vend finalement la société en 1986. Nécessitant de nouveaux investissements pour assurer sa pérennité, le domaine de l’Acajou et la marque Clément sont rachetés en 1986 par Yves et Bernard Hayot, issus d’une vielle famille békée de Martinique. Le domaine prend le nom d’Habitation Clément, en hommage à la famille fondatrice, et s’ouvre au tourisme culturel.

 

En 1988, la distillerie est fermée. Elle sera transformée plus tard en musée. Le rhum est désormais distillé dans l’usine du Simon, située à quelques kilomètres, toujours dans la commune du François. Cette distillerie produit aussi le Rhum Saint-Étienne. Sur l’Habitation restent les chais de vieillissement, ainsi que les opérations de réduction, brassage, et mise en bouteille.

 

 

 

 

Dans le parc, aménagé dans le contrebas de la maison principale, vous trouvez toutes les essences des arbres existants dans l’arc Antillais et bien au-delà. Magnifique lieu parfaitement entretenu qui favorise un moment de quiétude dans une île pleine des bruits de son agitation perpétuelle.

 

 

 

 

 

 

 

17 décembre 2001, le poète et homme politique Aimé Césaire est invité par Bernard Hayot à planter dans le jardin de l’Habitation, un courbaril, symbole de solidarité pour le peuple martiniquais. Dans son discours, il affirme que le courbaril c’est « l’enracinement dans le roc s’il le faut, mais vainqueur grâce à l’entêtement et au vouloir vivre », et il ajoute que « ce qui est valable pour l’arbre est valable pour l’homme ».

 

 

 

 

 

 

 

 

14 mars 1991 sur l’Habitation, les présidents Bush (père) et Mitterrand se rencontrent pour la première fois depuis la fin de la Guerre du Golfe. Ils s’entretiennent dans le nouveau parc, avant de déjeuner à l’intérieur de la maison principale. Il est possible que le président français ait dormi dans le lit à colonnes d’Homère Clément. Cette année-là, la maison de maître de l’habitation est inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques, avant son classement en 1996.

 

 

 

 

 

 

 

 

FONDATION CLEMENT depuis 2016

 

En 2003, La maison de maître et les dépendances sont entièrement restaurées, et l’ancienne distillerie, fermée depuis 1988, devient un centre d’interprétation du rhum, permettant de découvrir son histoire et le patrimoine de l’habitation. En 2007, la Fondation Clément aménage la cuverie en salle d’exposition consacrée à l’art contemporain. Le 13 septembre 2011, Frédéric Mitterrand alors ministre de la Culture, attribue le label Maison des Illustres à la propriété pour son implication à conserver et transmettre au public la mémoire d’Homère Clément, médecin, homme politique et entrepreneur, qui fait partie de la première génération d’hommes de couleur à accéder au pouvoir économique et politique. Un nouveau bâtiment, mêlant architecture contemporaine et matériaux historiques, dessiné par les architectes Reichen et Robert & Associés, est inaugurée le 24 janvier 2016 au cœur de l’habitation par la Fondation Clément. D’une superficie de 1 000 mètres carrés, dont 600 de salles d’exposition, il fait office de musée d’art moderne de la Martinique. Accolé à cet édifice, une bibliothèque contient près de 10 000 ouvrages sur la Martinique et les Caraïbes.

 

 

L’exposition, Révélation ! Art contemporain du Bénin, présente 42 artistes et près de 120 œuvres. Itinérante, elle parcourt le monde depuis 2 ans. Après le Maroc, elle fait une halte à la Martinique, avant de terminer son parcours à Paris. Elle célèbre la restitution par la France des trésors royaux enlevés au territoire africain lors de sa colonisation.

 

Magnifique exposition, dans un lieu rénové, aménagé et totalement dédié à la culture, du niveau des grands musées internationaux. Assez étonnant de trouver ce lieu dans une région qui communique plus sur les bienfaits du soleil que sur les arts…

 

 

 

 

Cent dix-huit ans plus tard, En décembre 2023, à l’invitation de Bernard Hayot, le président du Bénin Patrice Talon vient inaugurer une exposition sur l’art contemporain béninois dans l’habitation Clément. Voyage que le chef de l’État béninois n’avait pas effectué quand la même exposition s’était posée au musée Mohammed VI de Rabat où le poids de l’Histoire n’est évidemment pas le même. Le président n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler ses liens et ceux de son pays avec cette île des Antilles…Ce pays qui est aussi le mien par le sang que je partage avec un grand nombre d’entre vous. Cet événement suscite toutefois de nombreuses critiques en raison du passé esclavagiste de l’exploitation agricole. Serge Letchimy, président du Conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique, refuse même d’assister au vernissage, tandis que le préfet interdit de son côté tous les rassemblements sur le territoire de la commune du François. À l’occasion du vernissage, alors que le site est encerclé par un dispositif de sécurité et de gendarmerie, Bernard Hayot tente de répondre aux critiques en rappelant qu’un courbaril a été planté sur l’habitation par Aimé Césaire vingt ans plus tôt. Il annonce aussi qu’il confiera à un artiste martiniquais la réalisation sur l’habitation Clément d’une œuvre « à la mémoire de tous ceux qui ont vécu en esclavage ».

 

 

 

 

Pour l’Agence de développement des arts et de la culture du Bénin et la Fondation Clément à l’initiative de cette itinérance, l’exposition vient renforcer la volonté de rencontres artistiques entre les scènes africaines et caribéennes.,La Martinique et le Bénin partagent depuis plusieurs siècles un passé commun. Si celui-ci a commencé avec la tragédie que fut l’esclavage, puis l’exil du roi Béhanzin, il prend, depuis lors, la forme de divers liens de coopération culturels et artistiques.

 

 

 

 

C’est au milieu du mois de janvier 1894, après une longue résistance, que le roi Béhanzin signa sa reddition et se constitua prisonnier auprès du général français Alfred Dodds. En mars de la même année, le souverain d’Abomey fut exilé en Martinique par les autorités françaises. Accompagné de quatre épouses, de ses trois filles et de son fils, il logea d’abord au fort de Tartenson, puis dans la villa des Bosquets, tout près de Fort-de-France. Surveillé, mais libre de ses mouvements, il demeura dans l’île jusqu’en 1906, date à laquelle il rejoignit l’Algérie, où il s’éteignit le 10 décembre.

 

 

 

 

 

 

Changement de décor…Dans le Sud-Est de la Martinique, il y a de nombreuses plages de sable fin et presque blanc qui contrastent avec les plages de sable noir de toute la partie nord. Après plus d’un km sur un chemin à la limite du praticable pour les voitures et sans possibilité de se croiser, nous découvrons une immense plage déserte ! Tellement inespéréé sur une île dédié au tourisme. Un peu de vent, une température extérieur à 30° comme pour l’eau de l’Océan Atlantique…Nous ne sommes pas pressés de rentrer…

 

 

 

Une plage déserte c’est aussi un rivage non entretenu avec ses cocotiers couchés par les vents parfois très violents qui survivent dans un chaos total. Fin de journée.

 

 

 

 

A SUIVRE…