Art.16-Camp S21.

 

Voyage au bout de l’Enfer

 

Nous sommes venu voir cet ancien lycée transformé en camp de la mort. Aujourd’hui devenu le musée du génocide pour raconter la folie d’un homme (Pol Pot) et la barbarie de bien d’autres…Après avoir passé un mois dans ce pays et entendu des “Hello” toute la journée avec une gentillesse et une bienveillance dans les regards mais aussi dans leurs actes nous voulions essayer de mieux comprendre comment il y a 43 ans ce peuple avait basculé dans l’horreur absolue avec entre 1975 et 1978 la mort de deux millions de Cambodgiens…Visite effectuée dans un lourd silence oppressant alors que nous sommes 200 à 300 visiteurs de toutes les nationalités et de tous les âges. A noter la présence d’écoliers, lycéens Cambodgiens.

Actuellement, la situation inquiète avec de nombreux dirigeants et anciens Khmers rouge à la tête du pays et la fermeture des organes de presse opposés avec des leaders en exil ou en prison…Aujourd’hui plus occupé à faire de l’argent pour enrichir les familles et amis au pouvoir (des fortunes colossales) au détriment des Cambodgiens, qu’en sera t il demain ?

 

TUOL SLENG (Camp S21)

Depuis janvier 1980 le musée du génocide khmer. La plus connue des quelques 190 prisons que la dictature Khmère rouge avait disséminées à travers le pays. Située dans la capitale et dirigée par Kang Kek « Douch » elle dépend directement des plus hauts dirigeants du régime. Tout détenu envoyé à Tuol Sleng est coupable, dont il s’agit d’obtenir la confession de crimes, avant son exécution. On peut traduire Tuol Sleng par « Colline empoisonnée »…

Les gardes avaient entre 10 et 15 ans. Les règles stipulaient que les relations amoureuses étaient interdites. Mais les khmers rouges violaient les filles ou les femmes du camp, en faisant cela le plus discrètement possible. Sur les 16 000 à 20 000 prisonniers de Tuol Sleng, personne ne s’est échappé. À la libération du camp, il y avait sept survivants. Les Khmers rouges enfermaient à S-21 tous ceux (de tous les ages) supposés être des opposants au régime. Il y avait des femmes, des enfants et même des bébés et parfois des familles entières. Le simple fait d’être enseignant, médecin ou avocat, de parler une langue étrangère, d’être religieux ou même simplement de porter des lunettes (y compris pour les enfants) était suffisant pour être considéré comme intellectuel et donc « à exterminer ».

 

Les classes du deuxième étage servaient de salles de détention. Les détenus y étaient enfermés à environ cinquante par pièce, allongés par terre en alignements serrés, les familles regroupées. Les pieds des détenus étaient attachés à de longues barres de fer par des anneaux en fonte. Après leur arrivée et la photo, tous les détenus étaient rassemblés là et numérotés. Le réveil avait lieu à 4H30 du matin. On donnait aux prisonniers une bouillie de riz le matin à 8H00 et le soir à 20H00, et dans la journée on ne leur donnait pas d’eau. Les gens faisaient leurs besoins dans une boîte militaire en métal qu’un gardien leur apportait.

 

Les salles du premier étage n’étaient pas reliées entre elles à l’origine, alors les khmers rouges ont cassé les murs pour faire un couloir central, des deux côtés duquel ont été fabriquées de petites cellules en brique, avec des portes de bois à lucarne carrée, permettant aux gardiens de regarder en permanence ce qui se passait dans les cellules. Les cellules étaient de taille variable, les plus petites d’environ contenant trois personnes, parfois plus. Les anciennes classes plus petites, situées dans un bâtiment séparé, et possédant des fenêtres à barreaux métalliques, servaient de salles de torture individuelles.

 

On y attachait les prisonniers sur des sommiers en fer et on les torturait afin qu’ils avouent. La plupart avouaient des fautes qu’ils n’avaient pas commises. Ce qu’ils disaient était transcrit sur du papier. Les tortionnaires se divisaient en trois groupes : les « Gentils », les « Chauds », et les « Mordants ». Lorsque les prisonniers n’avouaient rien au groupe des « Gentils », qui était un groupe politique, ils étaient pris en charge par le groupe des « Chauds », puis au groupe des « Mordants ». Il y a les peintures faites par Van Nath (peintre ancien prisonnier ayant travaillé de manière forcée pour les dirigeants Khmers rouges)

 

Douch ou Duch, était le maître du complexe de Tuol Sleng. Il exerçait, avant de prendre la tête de celui-ci, le métier d’enseignant. Il sera inculpé en 2007 (30 ans après pour crime contre l’humanité sous la pression internationale) et condamné à la réclusion criminelle à perpétuité le 2 Février 2012…La plupart des Khmers rouges sont revenus dans la société, parfois dans des hauts postes sans être inquiétés…Les victimes d’hier vivent depuis plus de 40 ans à côté de leurs anciens bourreau…

 

 

Le Photographe de la mort…

L’histoire de Nhem En est celle d’un gamin de 10 ans ramassé dans son village en 1971 pour chanter à la gloire du Front d’union nationale du Kampuchéa. Orphelin de mère, fils d’un paysan très pauvre, il est enfant soldat en quête de reconnaissance. Il sera une machine à obéir aux ordres, sous-fifre assigné au portage, puis chef d’unité. Adolescent vif, il est sélectionné pour étudier la photo en Chine. À son retour à Phnom Penh en mai 1976, il est nommé photographe en chef à Tuol Sleng. Il avait 16 ans… 

 

Les prisonniers étaient photographiés au moment de leur arrivée, ainsi qu’avant ou au moment de leur mort, alors que leurs gorges étaient tranchées, leurs corps mutilés par les tortures et si décharnés par la faim qu’ils étaient presque méconnaissables. Les photographies et des registres sur les prisonniers, faisaient partie d’un système destiné à prouver que les ennemis de l’État avaient bien été tués. Ces registres et les photos ont permis de révéler qu’au total environ 10500 prisonniers y sont restés trois mois en moyenne, en plus des 2000 enfants qui y ont été tués. Douch assignait même des jours spécifiques pour tuer certains types de prisonniers : un jour les femmes de l’ennemi, un autre jour les enfants, et un autre les travailleurs des usines.

 

Les visages qui hantent les couloirs de Tuol Sleng, disent la résignation, la confusion, l’horreur. « Machine à broyer les hommes » l’Antichambre de la mort pour 14 000 détenus entre 1976 et 1979. Nhem en a saisi leur regard au travers de son objectif pour photographié la mort plus de 10 000 fois… « J’étais un maillon de la machine de mort khmère rouge. Même si je n’ai pas commis de crime, j’y participais »…Nhem a fait des excuses publiques plus de trente ans après les faits…« Je demande pardon aux familles des victimes. Je regrette profondément, mais personne ne pouvait aider qui que ce soit », Mais c’est la première confession publique d’un ancien cadre khmer rouge. Il parle de “Prise de conscience, d’ouvrir un chemin vers la réconciliation nationale, faire comprendre à la nouvelle génération la cruauté du régime de Pol Pot”.

 

Il savait tout des tortures, des décharges électriques, des ongles arrachés avec une tenaille, de la suffocation avec un sac plastique. « Je voyais les souffrances des prisonniers, j’entendais les hurlements des hommes torturés, les cris des enfants arrachés à leur mère. Je savais qu’ils étaient innocents. Mais si j’avais manifesté la moindre émotion, j’aurais été tué. » Alors il cadre, déclenche et attend le prisonnier suivant. « Jusqu’à six cents par jour, un toutes les deux minutes, Je ne réfléchissais jamais à l’utilisation de mes photographies. »

 

Les 7 survivants du camp S21…
Le photographe Nhem 30 ans après…
Images des martyrs du Camp21 juste avant la mort…

A la fin du parcours vous êtes vidé, sonné…Folie des hommes.