Guerre et Paix…

Hier…La souffrance extrême, jusqu’à la mort pour des milliers d’hommes. Aujourd’hui…La grande kermesse atour du pont et de son train sur une soixantaine de kms.

 

 

la fleur de cerisier est la fleur par excellence,

de même le Samouraï est l’homme par excellence.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Seize mois de chantier, plus de 90 000 prisonniers ont perdu la vie sur les 415 kms du chemin de fer de la mort longeant la rivière Kwaï. Les coolies asiatiques ont payé le plus large tribut, mais au moins 12 400 soldats et officiers britanniques, australiens, néerlandais et américains ont aussi péri dans ce voyage au bout de l’enfer.

 

On est loin de la célèbre fiction aux sept Oscars, Le pont de la rivière Kwaï, que le réalisateur David Lean a adaptée en 1957 d’un roman de l’écrivain français Pierre Boulle, ancien résistant et agent des Services secrets britanniques en Asie du Sud-Est et auteur également du livre La planète des Singes.

 

 

 

 

 

 

Le pont, situé à Kanchanaburi, a bien été édifié par une main-d’œuvre de prisonniers occidentaux et asiatiques, comme le raconte le long-métrage britannico-américain. Mais leurs conditions étaient bien pires que celles décrites dans ce film, souligne l’interprète Nagase Takashi, présent à l’époque sur le chantier du chemin de fer thaï. Le film est une fiction totale qui idéalise complètement la conduite des prisonniers britanniques, renchérit le lieutenant japonais Abe Hiroshi, qui dirigeait un camp de travail et a été condamné pour crime de guerre. En réalité, les forçats anglais n’ont pas apporté leur savoir-faire à la construction du pont. Ils n’ont pas non plus fait sauter l’ouvrage d’art. Le pont n’a été bombardé que plus tard par les forces alliées. Reconstruit par les Japonais au titre des dommages de guerre.

 

 

 

 

Tout comme les Grecs de l’Antiquité associaient l’esthétique et l’éthique, la morale selon le Hagakuré est déterminée par l’esthétique. Ce qui est beau doit être fort, brillant et débordant d’énergie. Tel est le premier principe…Le second, c’est que ce qui est moral doit être beau. Cela ne signifie pas qu’on doive apporter un soin excessif à son costume au point d’avoir l’air efféminé. Il s’agit plutôt d’instaurer entre la beauté et l’idéal moral la plus grande tension possible. Se farder pour dissimuler une indisposition se relie directement à la tradition du maquillage précédant le suicide rituel.

                                                       Yukio MISHIMA

 

 

 

 

 

 

Les atrocités du travail forcé qui était imposé aux prisonniers de guerre par les forces armées japonaises, au mépris des Conventions de La Haye et de Genève. En fait, comme l’écrit l’historien Jean-Louis Margolin, le chemin de fer Bangkok – Rangoon fut l’épicentre de l’horreur. Mené dans l’enfer de la jungle montagneuse et marécageuse de la péninsule, le projet avait pour but de relier dans l’urgence les réseaux ferrés thaï et birman, alors que les sous-marins alliés entravaient les voies maritimes. L’objectif stratégique des Japonais est alors de faciliter le transport et le ravitaillement des troupes au nord de la Birmanie, où l’armée nippone affrontait les Britanniques, les Américains et les Chinois. Pour réaliser cette nouvelle ligne, l’état-major général peut disposer d’une importante main-d’œuvre, corvéable à merci…Environ  200 000 Romusha travailleurs forcés asiatiques et plus de  60 000 soldats-esclaves  occidentaux. 

 

 

 

Si nous continuons à regarder sans rien faire, ciel et terre ne se rejoindront jamais. Pour que ciel et terre se rejoignent, il faut un acte pur, décisif. Afin d’accomplir une action aussi résolue, il faut risquer sa vie, sans du tout songer pour soi-même à gagner ou à perdre. Il faut se transformer en dragon, déchaîner l’ouragan et, déchirant les nuées sombres amoncelées, s’élever dans le ciel bleu azur. Yukio MISHIMA

 

 

 

le plus grand des deux cimetières militaires des Alliés de Kanchanaburi, parfaitement entretenu par la Commonwealth War Graves Commission. Près de la moitié des 6 982 soldats et prisonniers sur le…CHEMIN DE FER DE LA MORT…étaient britanniques, les autres venaient principalement d’Australie et des Pays-Bas. En partant de l’entrée du cimetière, tout le côté droit regroupe les défunts du Royaume-Uni, la partie avant gauche les tombes des Australiens, tandis que celle arrière-gauche est dévolue aux Néerlandais et aux soldats inconnus. Le columbarium se trouve tout au fond, à gauche. Les 131 dépouilles des prisonniers de guerre américains furent, quant à elles, toutes rapatriées aux États-Unis.

 

 

 

 

 

 

L’homme qui, au nom d’un idéal moral, s’efforce constamment de vivre en beauté et qui considère la mort comme le critère ultime de cette beauté, vivra jour après jour dans une tension continuelle. Jôchô, aux yeux de qui la paresse est le vice suprême, a découvert un mode de vie quotidienne dans lequel la tension n’offre jamais la moindre rémission ; c’est la lutte au sein même de la banalité de tous les jours. Voilà le métier du samouraï. 

                                               

                                                                   Yukio MISHIMA

 

 

 

 

 

Plusieurs cimetières Chinois le long du fleuve, témoin du sacrifice de dizaines de milliers d’Asiatique pour construire cette Ligne de LA MORT

 

 

Les détenus sont acheminés par bateaux ou trains entiers, dans des wagons de marchandises, de véritables cages en fer où la chaleur était intenable, entre 40 et 50 degrés. Les prisonniers rejoignent ensuite à pied les camps situés le long du tracé du chemin de fer, lors d’éprouvantes marches forcées sous la pluie et dans la boue…Certains d’entre nous étaient si épuisés qu’ils ne pouvaient pas se relever. Nos gardes japonais se jetèrent sur eux en hurlant et en leur envoyant des coups de pied, mémoires du prisonnier hollandais Loet Velmans. Dans les camps, les conditions de vie sont qualifiées de très dures ou d’atroces. Le logement et l’hygiène sont catastrophiques, la nourriture fait cruellement défaut, le riz est pourri, l’eau insalubre. Les détenus consomment tout ce qui est vaguement comestible, feuilles et racines, serpents, crabes de terre, petits mammifères…y compris la mascotte d’un régiment britannique. Il m’est arrivé de manger crus des vers que l’on trouve dans les latrines. Ils n’avaient du reste aucun goût…! note avec sarcasme l’officier de cavalerie néerlandais Klaas Kooy, qui n’hésite pas à comparer la situation des cantonnements aux camps d’extermination nazis. La plupart des travailleurs forcés tombent malades…Malaria/Choléra/ Infections diverses. Les maladies les plus fréquentes sont le Paludisme/Dysenterie/Entérite.

 

 

 

 

 

 

 

Les horaires de travail harassants et la violence des geôliers nippons n’arrange pas l’état de santé des prisonniers. Le Hollandais Loet Velmans est frappé sans raison à coups de marteau dans les reins alors qu’il s’active sur le chantier ferroviaire. Il s’en sort avec une syncope, une hospitalisation puis une affectation à l’infirmerie, ce qui lui sauve probablement la vie. Même les malades ne sont pas épargnés par les gardiens. Dans un rapport de 1946, le médecin colonel Dunlop écrit…Au cours des mois les plus sombres du chantier, les malades étaient délibérément persécutés par les contremaîtres. Des hommes aux pieds nus horriblement suppurants étaient contraints à travailler sur des cailloux pointus, ou à traîner des rondins dans une jungle d’épineux. Des malades sont abandonnés en forêt, d’autres brûlés vifs dans leurs baraquements. La vision de ces hommes poussés au bout de leurs forces était terrifiante…Beaucoup étaient si décharnés, si hagards. Certains devaient utiliser des feuilles de bananier en guise de sarongs…A 21 ans, je devais ressembler à l’un de ces squelettes ambulants qu’on voit sur les photos des camps de concentrations. La ligne ferroviaire est achevée en octobre 1943. Mais pour les rescapés, l’enfer physique et psychologique va se poursuivre durant des années. Après la guerre, leur taux de mortalité sera quatre fois supérieur à celui des ex-combattants.

 

 

 

 

 

 

 

C’est en 1952, sur le pont du navire où j’accomplis mon premier voyage à l’étranger, que j’échangeai avec le soleil la poignée de main de la réconciliation. Depuis ce jour, je suis devenu incapable de lui fausser compagnie. Le soleil fut désormais mon compagnon sur la grand-route de ma vie. Petit à petit, ma peau a bruni sous son hâle, signe que j’appartenais désormais à l’autre race.

 

Yukio MISHIMA

 

 

 

Les crimes de guerre commis sur le chantier de la ligne Bangkok – Rangoon ne constituent qu’un épisode dans la longue liste des horreurs commises par les forces japonaises entre 1937 et la fin de la Seconde Guerre mondiale…Massacre de Nankin, femmes de réconfort, cobayes humains de l’Unité 731, marches de la mort…Environ 5600 Japonais ont été poursuivis lors de plus de 2200 procès. Un millier d’entre eux ont été condamnés à la peine capitale. Comme à Nuremberg, un grand procès s’est tenu à Tokyo pour juger 25 hauts dignitaires. Tous ont été déclarés coupables et sept condamnés à mort, dont le général Hideki Tojo. L’empereur Hirohito a en revanche été exonéré de poursuites criminelles par le général américain Douglas MacArthur. Hirohito était-il pour autant innocent ? L’empereur a consenti à la guerre…S’est con­tenté de répondre le général Tojo. Finalement, la raison d’Etat l’a emporté…

 

 

 

 

 

 

La pureté, une idée qui rappelait les fleurs, c’était quelque chose qui les reliait directement à l’idée du sang, à l’idée des sabres s’abattant sur les hommes d’iniquité, à l’idée de lames écharpant l’épaule et faisant gicler le sang alentour. Et à l’idée du seppuku. Dès l’instant qu’un samouraï “tombait comme fleurs de cerisier”, son cadavre maculé de sang devenait aussitôt comme d’odorantes fleurs de cerisier. L’idée de pureté pouvait donc se transformer en une chose contraire avec une promptitude arbitraire. Aussi, la pureté était-elle étoffe de poésie.  Yukio MISHIMA

 

 

Son existence, son œuvre symbolise toute l’exigence, la violence de la pensée japonaise d’hier mais aussi d’aujourd’hui…Cliquez sur chaque photo un texte sur sa vie, sa mort…

 

 

Yukio MISHIMA

14/01/1925 – 25/11/1970

 

Yukio MISHIMA pseudonyme de Kimitake Hiraoka est plongé dès son enfance dans la littérature et le théâtre Kabuki dont sa grand-mère paternelle, issue d’une famille de Samouraï, lui transmet la passion. Vers l’âge de douze ans, il découvre les classiques japonais et des auteurs occidentaux tels que Wilde, Rilke, puis Radiguet. Il commence alors à rédiger des récits qu’il porte jusqu’à sa mort à sa mère, avec laquelle il entretient des liens passionnés. Son œuvre littéraire est aussi diverse qu’abondante : essais, théâtre, romans, nouvelles, récits de voyage. Mishima a aussi bien écrit des romans populaires qui paraissent dans la presse à grand tirage que des œuvres littéraires raffinées, et a joué et mis en scène un film qui préfigure sa propre mort. Il a obtenu les trois grands prix littéraires du Japon. En novembre 1970, Mishima s’est donné la mort de façon spectaculaire, au cours d’un seppuku, au terme d’une tentative politique désespérée qui a frappé l’imagination du monde entier. Mishima fut un grand admirateur de la tradition japonaise classique et des vertus des Samouraïs. Dans ses œuvres, il a souvent dénoncé les excès du modernisme, et donné une description pessimiste de l’humanité. Reconnu à la fois en Orient et en Occident, Mishima est le plus grand auteur du Japon de l’après-guerre et l’un des rares écrivains à avoir décrit la société japonaise dans son ensemble.

 

 

Mishima vu par Marguerite Yourcenar…

 

 

La façon dont chez Mishima les particules traditionnellement japonaises ont remonté à la surface et explosé dans sa mort font de lui…le témoin, et au sens étymologique du mot, le martyr du Japon héroïque qu’il a pour ainsi dire rejoint à contre courant. Ce suicide a été, non comme le croient ceux qui n’ont jamais pensé pour eux-mêmes à telle conclusion, l’équivalent d’un flamboyant et presque facile beau geste, mais une montée exténuante vers ce que cet homme considérait, dans tous les sens du mot, comme sa fin propre.

 

 

 

 

 

 

 

A SUIVRE…