Sous une apparente facture classique, le film de David Cronenberg est une déconstruction du cinéma américain. Un Canadien vient contrarier cette confiance un peu naïve. Le premier plan de A History of Violence, un travelling latéral balayant la façade d’un motel, le dit sans ambiguïté, ce n’est pas parce qu’une porte est laissée ouverte qu’il n’y a rien à cacher à l’intérieur. Passé le seuil, les cadavres s’amoncellent…
Le premier mouvement du film fait de cette formule, ce-n’est-pas-parce-que, une véritable clé réthorique. Ce n’est pas parce que les deux tueurs taciturnes en marche vers la paisible petite ville sont introduits comme les grands méchants du récit qu’ils ne vont pas être évacués dès la seconde bobine. Ce n’est pas parce que le montage parallèle entre leur arrivée et la vie quotidienne sereine d’une famille de parfaits Américains moyens trace une ligne de partage attendue entre bourreaux et victimes que celle-ci ne va pas subitement se déplacer. Ce n’est pas parce qu’un père de famille répond à sa petite fille, qui hurle au sortir d’un cauchemar, qu’il n’y a aucun monstre dans la pièce qu’il n’en est pas un lui-même, de la plus redoutable espèce. Et ce n’est pas parce que A History of Violence vise un public plus large sur le marché américain que les derniers films de Cronenberg qu’on n’y verra pas toutes sortes d’images impensables dans le tout-venant du thriller hollywoodien. Ici, les parents modèles se font des 69 après avoir couché les enfants, les petites filles sont abattues froidement et les scènes d’action ne comportent aucun effet de stylisation usuel mais sont accomplies au contraire avec la dextérité d’un tour de magie sèchement exécuté. A History of Violence est donc un éblouissant exercice de relecture critique du cinéma américain, d’autant plus retors et subversif que sa facture paraît linéaire et classique. Cette torsion des images de l’Amérique n’a évidemment pas une simple visée formelle. Les contenus idéologiques sont déconstruits du même coup par ce brillant Meccano sarcastique. C’est le mal comme menace externe, ce préalable au fondement même de la fiction américaine, qui se retrouve ici retourné comme une crêpe au profit d’une morale du ver dans le fruit, qu’il est aisé de lire comme une critique acerbe de la représentation du monde à l’œuvre derrière la politique étrangère du gouvernement américain actuel.
Le sexe entre Tom et son épouse Edie. Cronenberg explique…
Le film montre un couple marié, et dans le cinéma aujourd’hui, on ne montre plus de relations sexuelles entre gens mariés qui ont des enfants, cela semble n’avoir plus aucun intérêt, parce que ce n’est pas de la sexualité adolescente, en particulier aux États-Unis. Après 18 ans, no sex ! Dans cette scène, la femme sent qu’il y a un danger et qu’elle doit inventer un passé pour leur couple, elle décide donc de jouer un rôle, et elle adopte la tenue des pom-pom girls des high-schools, une tenue classique aux États-Unis, où les gens sont complètement obsédés par leurs années au lycée. C’est comme si mentalement ils ne quittaient jamais cet endroit et cette période de leur vie. C’est très bizarre, comme si quelque chose de dramatique s’y jouait définitivement, pour le meilleur et pour le pire. Et dans l’autre scène de sexe, dans l’escalier, quand elle comprend que son mari mène une double vie, elle fait l’amour avec Tom et avec Joe, ensemble, avec cette créature qu’elle ne connaît pas et qui est comme un monstre.
Physiquement parlant, c’était une scène difficile à tourner et émotionnellement parlant, une scène très difficile à tourner. Nous voulions suggérer qu’Edie est à la fois attirée par Joey et ressent de la répulsion pour lui. En même temps, elle recherche encore le Tom qui se trouve dans cette créature. L’acte de violence de Tom provoque des changements chez Edie. Il y a des scènes sexuelles sombres, qui nécessitent un type particulier de confiance. Je pense que la vie sexuelle de vos personnages est importante. Éviter cela peut limiter la profondeur d’exploration du personnage. J’ai pensé qu’il était important de voir Maria répondre à la fois aux scènes de sexe contrastées avant et après que Tom découvre les profondeurs cachées de la violence en lui.
Les ébats du couple ne manquent pas de fantaisie et le premier rapport auquel on assiste n’est pas dénué d’une part de fantasme, puisque Edie s’est déguisée, afin d’émoustiller son homme, en pompom-girl. Lors de cette première scène également, le spectateur assiste à ce qui est peut-être le premier 69 de l’histoire du « cinéma américain traditionnel ». Cette scène reste empreinte d’une certaine douceur et de pas mal de candeur amoureuse. Plus tard, Edie découvre que son époux n’est pas l’homme qu’elle croyait mais un truand du nom de Joey qui se cache depuis des années. Elle le gifle, il la saisit et ils commencent à se battre dans les escaliers. Très vite, la lutte devient brutale, le sexe est combatif. C’est grâce à la direction de Cronenberg et au talent de ses acteurs que tout cela transparaît dans les visages passionnés, les gémissements d’extase et les cris de douleur. Cette scène de sexe est à la fois érotique et inquiétante. Elle en dit beaucoup au sujet de la psychologie des personnages.
21 films en 55 ans de carrière
Son cinéma, influencé par la psychanalyse, sonde les addictions et les phobies de la société occidentale, ainsi que les névroses, laissant libre cours au déchaînement de pulsions refoulées. Ses thèmes récurrents sont la double personnalité et le massacre du corps humain. Ses films, caractérisés par une grande maîtrise technique et un univers à la fois malsain, ultra-violent et cérébral, ouvrent la voie à de nombreuses lectures sur le conditionnement, le mal, l’aliénation et la confusion entre réel et virtuel. Sa filmographie peut se caractériser par trois principaux styles…
L’étude du corps humain sous un aspect angoissant et monstrueux…
Stereo / Crimes of the Future / Frissons / Rage / Chromosome 3 / La Mouche / Faux semblants.
L’étude du rapport de l’humain avec la technologie sous un aspect visionnaire…
Fast Company / Scanners / Videodrome / Crash / eXistenZ.
L’étude de la dégénérescence du corps social sous un aspect réaliste et pessimiste…
Spider / A History of Violence / Les Promesses de l’ombre / A Dangerous Method / Cosmopolis / Maps to the stars.
1983 / The Dead Zone
1986 / The Fly
1996 / Crash
2005 / A History of Violence
2007 / Eastern Promises
2011 / A Dangerous Method
MOI, LE MUTANT par Benoît Smith
A History of Violence marque un tournant qui pourra dérouter. Prenant ses distances avec les repères peut-être trop rassurants du cinéma fantastique qu’on lui connaît, David Cronenberg redonne à des thèmes récurrents l’identité humaine, son immuabilité discutable, une vigueur et une pertinence renouvelées.
Cette surprise relative ravive en vérité un souvenir qu’on aurait eu tendance à croire marginal, à tort. En 1983, le cinéaste canadien tournait pour la première fois aux États-Unis Dead Zone. Adaptation d’un roman de Stephen King, travail a priori commercial, le film a pu étonner ceux qui connaissent son réalisateur comme le « Maître de l’Horreur corporelle », dont les œuvres les plus réputées comportent ces fameuses créations organiques mutantes qui tendent à devenir la signature d’un univers fantastique unique. De fait, Dead Zone ne comporte aucune trace de ces effets prosthétiques. Cependant, il en tire une valeur nouvelle, car il amène Cronenberg à exprimer ses centres d’intérêt sur l’altérité, l’identité humaine soumise à un changement contre-nature, en se passant des béquilles d’un référentiel fantastique peut-être trop reconnaissable, en œuvrant dans un cadre réaliste propre à mettre sa thématique directement en prise avec le monde sous l’apparence que nous lui connaissons. Échappant à la menace d’une estampille facile « a David Cronenberg film », Dead Zone est un de ses films les plus attachants.
Le même sentiment de liberté vis-à-vis de sa propre signature naît à la vision d’A History of Violence, film de commande lui aussi, écart d’autant plus radical avec le décorum fantastique familier au cinéaste que celui-ci fait même mine de se couler dans un genre tout à fait différent, entre le thriller et le film de gangsters. Le synopsis brouille encore les pistes, tant il aurait aussi bien pu convenir à un policier du samedi soir… Or, c’est sans rien changer à ce programme sec et carré que Cronenberg, s’appuyant sur les pivots de l’intrigue, tire du film la substantifique moelle dont il aime à se nourrir, récits de changements intimes, actes physiques prenant des proportions cataclysmiques. Plusieurs critiques français, prompts à voir en l’auteur un penseur des recoins inavoués de la nature humaine, s’empressent de louer dans le film une analyse de la violence enfouie en chaque individu jusque dans nos sociétés policées. Certes, le côté didactique du traitement de ce thème n’est peut-être pas absent mais cette exploration prend somme toute peu de place à côté de celle des thèmes plus familiers à Cronenberg, qui par ailleurs l’englobent et la tirent vers un domaine plus organique, plus viscéral, en travaillant essentiellement sur le corps du personnage central. Ce qui interpelle dans le film, ce sont tout autant les accès de violence qui perturbent le tranquille tableau initial que le processus imperceptible qui les amène. Les deux aspects s’avèrent également effrayants. C’est une violence sèche qui flirte parfois avec le grotesque dans ce qu’elle fait subir à l’intégrité physique de ses sujets, ici les sévices faits à la chair restent d’un glaçant réalisme. La complaisance risquée à chaque scène n’a pas le loisir de s’installer, toute tentation d’en jouir ou même d’en sourire complaisamment reste figée dans la gorge du spectateur. Ces scènes dévoilent pour le coup une sensibilité inattendue, car ce sont de rares occasions, dans le cinéma récent, où la violence est représentée au plus près de sa douloureuse réalité, sans qu’on cherche à en atténuer ou à en outrer l’impact. Mais c’est surtout le contexte où elle éclate qui génère le trouble et alimente la réflexion du cinéaste sur la nature humaine : le fait qu’un même personnage passe en cinq secondes, sans transition ni signe avant-coureur évident, d’une relative inertie à une puissance physique meurtrière, avant de reprendre sa position initiale. La sobriété de la mise en scène de ces changements d’état, qui ne ressent pas le besoin de les annoncer ou d’en justifier l’ampleur, amène de façon naturelle le doute sur la nature du héros et de la force qui l’habite : capable de caresser d’une main et de broyer de l’autre, quel genre d’homme est-ce là ? Ce n’est pas le moindre des mérites de Cronenberg que d’avoir fait de cette idée même l’appartenance au genre humain de cette dualité de comportement une matière de cinéma.
C’est avec la même maîtrise mesurée que le cinéaste nous attache au cheminement de ce personnage à l’identité incertaine et aux contours de moins en moins discernables, corps en marche dont on ne suit finalement rien d’autre que la mutation vers un résultat indéfinissable que la dernière scène ne suffira pas à éclaircir. Car les deux apparences qu’il présente ne cohabitent pas paisiblement. Elle sont d’abord soumises à la diversité de leurs origines possibles qu’on évoque, flirtant parfois avec le fantastique, vie secrète ? dédoublement de personnalité ? substitution ? Surtout, au fil de la quête du héros pour sauver à la fois sa famille et son identité quelle qu’elle puisse être, la dichotomie entre ses deux personnalités devient moins en moins évidente, chacun de ses agissements, si mesuré qu’il soit, étant désormais entaché d’ambiguïté. Au point qu’au moment de la résolution de ce conflit, on ne sait trop qui, du paisible citoyen ou du tueur glacial, est assis dans ce fauteuil, le visage empreint d’une neutralité menaçante. À propos de visage, il faut dire un mot sur l’apport de celui qui se révèle ici un précieux complice du metteur en scène…Viggo Mortensen dont le physique évoque un charme rugueux entamé par un traumatisme profond, a toujours été plus à l’aise dans les rôles de personnages en marge, dans le cinéma indépendant ou les blockbusters que dans la raide solennité où certains, comme Peter Jackson, ont tenté récemment de le mouler. Il est ici parfait, prêtant son jeu discret et son visage anguleux à une remarquable double interprétation de l’apaisement policé et de la brutalité la plus froide, composant une nouvelle occurrence du héros cronenbergien déchiré entre normalité fuyante et aberration fascinante.
DAVID CRONENBERG. Paroles…
J’ai trouvé le scénario convaincant. Librement basé sur le roman graphique, le scénario Olson de Josh est une histoire de petite ville américaine du Midwest. Il y avait là quelque chose de classique sans être imitatif. Normalement, je n’entreprends pas de drames familiaux, mais je ressentais pour les personnages et la famille Stall. Cela a une puissante résonance émotionnelle. Un couple marié avec deux enfants essaie de mener une vie honnête et ouverte et a du mal à le faire. Alors j’ai craqué pour cet élément classique. C’est courant dans une certaine mesure, mais il a des courants sous-jacents très inquiétants et intéressants. Je pensais que c’était un genre de thriller intéressant, car ce n’est pas un genre de thriller normal. C’est comme un thriller de Hitchcock où un homme innocent est confondu par des personnes très effrayantes avec quelqu’un d’autre et entraîné dans un monde qui ne sait plus rien. Sa vie et celle de sa famille sont en danger à cause de cette identité erronée. Le film clique sur plusieurs choses intrigantes, mais déraille ensuite d’une manière très intéressante.
Je pensais que le scénario de History of Violence conviendrait vraiment à Viggo. Nous nous sommes rencontrés à Los Angeles pour discuter sur le personnage, les évolutions et ce qui inquiétait Viggo. Nous étions très synchronisés. Viggo a aidé à créer son personnage. Je passe toujours par un script après avoir fait le casting pour que cela se sente plus naturel pour eux. J’aime travailler avec des acteurs qui sont des acteurs de personnages. Ils ont tendance à ne pas avoir peur, car ils n’essaient pas de protéger une image qu’ils voient d’eux-mêmes, ce qui leur donne une palette beaucoup plus grande pour peindre, car ils ont toutes sortes de bords. J’aime une sorte d’excentricité qui est plus typique d’un acteur de personnage, tout en ayant toujours une présence et un charisme de premier plan. Viggo n’est pas seulement un leader charismatique, mais aussi la combinaison d’autres qualités qui m’ont fait sentir qu’il avait la profondeur nécessaire pour jouer un rôle très complexe. Il est très concentré et obsédé par les détails sur la façon dont son personnage bougerait, parlerait et s’habillerait. C’est vraiment assez spectaculaire de le voir travailler et d’interagir avec lui. Après deux semaines de travail en étroite collaboration, nous nous sommes sentis comme des frères.
35 ANS DE CARRIÈRE-60 FILMS / FILMOGRAPHIE TRÈS SÉLECTIVE
Je pensais qu’elle serait vraiment bien pour cette histoire. Elle et Viggo forment un couple marié très crédible, l’âge et le ton étaient justes. Maria a été une vraie découverte pour moi. Quand je l’ai vue dans The Cooler, elle montrait de la subtilité, une sorte de sexualité vraiment vulnérable et bien réelle. Je pensais qu’elle pourrait jouer ce personnage très complexe et en même temps simple d’une avocate dans une petite ville. Je pensais qu’elle pouvait apporter toutes ces qualités à ce personnage qui, au fur et à mesure que les choses se déroulent dans le film, subit de profonds changements et découvre des aspects cachés d’elle-même. À certains égards, c’est une image miroir de ce que le personnage de Tom Stall traverse. Vous croyez vraiment Maria comme une reine du bal des petites villes qui devient alors un personnage assez fort dans cette ville où elle est une avocate très respectée. Et j’avais besoin qu’elle soit aussi une présence très sexuelle, car c’est aussi un élément clé de cette histoire. Pour un rôle comme celui-ci, vous devez trouver un acteur qui n’a pas peur. Il était évident que Maria n’aurait pas peur.
Il est quelqu’un que j’admire depuis des années. Je pensais qu’il avait la ténacité, la présence et le charisme pour emporter ce personnage. Je voulais qu’il soit très réel, très intense. Il pense qu’il a une histoire de violence avec le personnage principal, c’est pourquoi il apparaît dans le restaurant de Stall. Et c’est un moment critique du film. Ed s’est connecté avec Viggo de manière intense et était également très sérieux sur les détails de tout, de la cicatrice, aux yeux, aux vêtements, au langage corporel, aux cheveux pour donner vie à ce personnage et être réel à l’écran. Son style correspond donc parfaitement à ce qui avait été développé jusque-là sur le plateau avec Viggo et Maria.
45 ANS DE CARRIÈRE-90 FILMS FILMOGRAPHIE TRÈS SÉLECTIVE
Il a déniché des subtilités incroyables et des couches de significations inattendues du dialogue, ce qui est exactement ce que je voulais. Comme pour le rôle de Carl Fogarty, c’est un rôle relativement petit en termes de temps d’écran. Mais c’est un rôle absolument essentiel. Il doit être convaincant, convaincant, charismatique, effrayant et profond. J’avais donc vraiment besoin d’un acteur d’une grande substance pour jouer ce rôle.
Je voulais que la violence soit réaliste, brutale et serrée. De la vraie brutalité et du genre de violence que vous verriez réellement dans un combat de rue, par exemple, disgracieux et pas trop gracieux, très sanglant et pas très joli, le contraire des séquences chorégraphiées au ralenti ballétique vues dans d’autres images. La façon dont la violence est structurée dans ce film de manière narrative, la violence que le personnage principal commet, tout est justifiable. Ainsi, le personnage de Tom Stall est contraint à la violence alors qu’il n’y avait vraiment pas beaucoup d’alternative pour lui. En même temps, nous ne dissimulons pas le fait que la violence qu’il commet maintenant a des conséquences très désagréables pour les personnes qui font l’objet de la violence. Je pense que vous en ressortez en pensant que la violence est une partie malheureuse mais très réelle et inévitable de l’existence humaine. Et nous ne nous en détournons pas, et vous ne pouvez pas vraiment dire que ce n’est jamais justifié. Vous pouvez dire que ce n’est jamais très attrayant, cependant, et c’est l’approche que nous avons adoptée. Beaucoup d’artistes sont attirés par le côté sombre de la nature humaine parce qu’il est caché, inexploré et vous avez le désir de faire briller la lumière dans les coins sombres. Vous vous sentez comme un détective, et vous vous sentez aussi comme quelqu’un qui n’est pas satisfait de ce qui est présenté comme normal ou comme un statu quo. Le désir d’un artiste, comme un scientifique, est de ne pas accepter au pied de la lettre ce que la plupart des gens acceptent, mais de creuser profondément sous la surface des choses pour voir d’où viennent les choses et ce qui s’y passe. Cela vous conduit souvent à des choses effrayantes, négatives ou interdites. Mais je ne pense pas que le désir soit seulement de savoir ce qui est négatif, c’est de savoir ce qui est réel, et il y a de nombreuses couches à la réalité.
Le film parle de la violence que l’on trouve aux États-Unis par le fait que l’on peut acheter librement une arme. C’est un pays fondé dans la violence, voyez la France avec la Révolution…Les gens perçoivent la violence comme un virus…La violence n’est pas une maladie, elle est une des composantes mêmes de la santé. Le film traite de la condition humaine en général. Pour une œuvre d’art, vous devez vous efforcer d’être le plus spécifique possible pour atteindre à l’universel, il vous faut inventer des situations et des personnages concrets. Les États-Unis, ont perçu le film comme une critique de leur pays. Quand je donnais des interviews à l’époque de Scanners, j’avais l’habitude de dire que, chaque fois que je tuais quelqu’un à l’écran, je faisais une répétition de ma propre mort. C’est une investigation philosophique, vous décidez de ce que doit être votre existence, et donc quelle est votre relation à la mort. Vous jouez avec la mort, mais c’est un peu plus qu’un jeu. Joe est un créateur, dans A History of Violence, parce qu’il crée une personne complètement nouvelle. Je peux imaginer quelqu’un qui le fasse comme une installation ou une exposition, de décider de devenir une personne différente, un jour je suis Christo, un autre Tom Stall, ce serait ma création artistique, et il faudrait que je tienne ce pari pendant au moins vingt ans pour que cela ait la chance de devenir une œuvre majeure !
L’Amérique tout entière est l’idée matérialisée d’un immense deuxième acte. Toute l’idéologie américaine repose sur le thème de la seconde chance, l’Amérique était une seconde chance pour les immigrants venus d’Europe, la promesse d’une seconde vie. On peut discuter du bien-fondé de cette idéologie, mais c’est un motif qui reste très fort aux Etats-Unis.
L’idée que vous pouvez vous recréer vous-même…
Devenir ce que vous voulez…
David Cronenberg