Ce qui m’aide et m’a toujours aidé, c’est le cinéma, cette pulsion créatrice. Le film trouve sa racine dans, je crois, les problèmes que rencontre tout le monde dans l’enfance et l’adolescence. Pour ma part, j’y étais très mal à l’aise, et c’est là où j’ai eu ce coup de foudre pour le cinéma. Il n’y avait que là où je me sentais à l’abri …Quand j’étais mal dans la vie, je me ruais littéralement au cinéma. Et lorsque la lumière s’éteignait, je me sentais vraiment à l’abri. Et tout ce que je ne pouvais pas vivre dans la vie, je le vivais par procuration en allant au cinéma. J’ai essayé de recréer modestement cela dans le film, un monde dans lequel on va se sentir à l’abri. A 20 ans, le fait de faire des court-métrages m’a porté et m’a permis de surmonter toutes mes peurs. Je n’ai jamais renâclé devant l’obstacle pour un film. Dans la vie, oui, mais pour un film, ça me vaut tous les courages.
J’AI CONSACRÉ MA VIE AU CINÉMA. ET CE QUE J’AIME ENCORE AU CINÉMA AUJOURD’HUI DANS LE NOIR DE LA SALLE, C’EST CROIRE AUX HISTOIRES. ET J’AI TROUVÉ QU’IL Y AVAIT UN ÉCHO ENTRE CETTE CROYANCE ENFANTINE ET LE FAIT D’AIMER LES FICTIONS, D’AIMER CROIRE.
Réalisateur français, né le 26 juillet 1961 à Lyon.
13 Films en 30 ans de carrière.
1994 – Le Bateau de mariage Premier long métrage.
1996 – Les Aveux de l’innocent Prix de la Semaine de la critique Festival de Cannes.
2001 – C’est la vie Prix de la mise en scène Festival de San Sebastián.
2004 – Poids léger Un certain regard Festival de Cannes.
2010 – Les Émotifs anonymes Magritte du meilleur film Belgique.
2012 – L’Homme qui rit Clôture de la Mostra de Venise.
Isabelle Carré et Benoît Poelvoorde sont réunis pour la seconde fois au cinéma. Ils se sont rencontrés en 2005 sur le tournage d’Entre ses mains d’Anne Fontaine. L’actrice explique qu’elle est retombée sous le charme de son partenaire…Là, je l’ai redécouvert plus puissant, encore plus à l’aise dans la gamme des facettes qu’il maîtrise parfaitement. Mais son jeu s’est encore enrichi, il a gagné en souplesse. Il est capable de jouer sur différents registres, parfois simultanément. C’est impressionnant.
Le choix s’est porté instinctivement sur Isabelle Carré avec laquelle Jean-Pierre Améris était déjà en projet pour le téléfilm Maman est folle…J’ai eu l’impression de rencontrer une sorte d’alter ego. On a parlé du sujet et elle s’est immédiatement montrée intéressée. En collaborant aussi longtemps en amont, on a pu nourrir son personnage de petites choses qui viennent d’elle ou de moi. Pour ce qui est du personnage masculin, le choix a été tout aussi évident: Benoît Poelvoorde déployait une sorte d’énergie comparable à celle d’un hyperémotif, ce qui a tout de suite séduit le réalisateur. Son impulsivité mettait à nu une personnalité sur le fil, oscillant entre humour et désespoir. C’est un génie comique et comme tous les artistes de ce niveau, la faille et l’émotion ne sont jamais loin. Il peut vraiment être bouleversant tout en étant drôle.
Le film reprend à son compte plusieurs éléments inhérents au genre de la comédie romantique. Les deux personnages sont confrontés à la première rencontre, aux premiers contacts, aux émotions intimes. En revanche, tous ces lieux communs sont revisités et donnent naissance à des scènes plus que cocasses. A la maladresse habituelle s’ajoute l’inhibition des hyperémotifs: l’humour prend ainsi le pas sur l’émotion. Le réalisateur avoue s’être intéressé à ceux qui, bien souvent, demeurent dans l’ombre, ceux qui ne peuvent s’affirmer…Des gens montent sur scène, certains restent dans les coulisses, la plupart préfèrent être spectateurs. Ils restent dans l’ombre, ce sont les plus nombreux, les plus modestes et ils me touchent. C’est à eux que je m’intéresse.
Il semble que le réalisateur, Jean-Pierre Améris livre avec Les Émotifs anonymes son film le plus personnel. Il explique que l’idée du scénario lui est venue suite à ses expériences à l’hôpital ou dans des groupes de parole qui réunissaient des « handicapés de la vie », absolument terrifiés à l’idée de rencontrer des gens. Car, oui, Les Émotifs anonymes c’est à l’origine une association créée à l’usage de personnages qui redoutent la mise en présence et l’intimité. De ces détresses quotidiennes découle une « hyperémotivité » face à autrui. C’est ce sentiment d’instabilité qu’a voulu peindre le réalisateur qui, lui-même, a été confronté à ces petits handicaps…Je me souviens que lorsque j’étais enfant et que je devais sortir de la maison, je regardais d’abord par l’entrebâillement du portail pour vérifier qu’il n’y avait personne dans la rue. Si j’arrivais en retard à l’école j’étais incapable d’entrer dans la classe.
Parce que les « hyperémotifs » se trouvent souvent confrontés à des situations burlesques et se créent des mondes d’inhibitions, le réalisateur explique qu’il a voulu transcrire cette vision du monde en insistant sur l’aspect graphique du film. Pour cela il a demandé à son directeur de la photographie de mettre en valeur certaines couleurs comme le rouge et le vert. Les lumières chaudes ont été privilégiées brouillant les frontières temporelles. L’univers du film fait penser aux années 50 mais nous renvoie à un dynamisme proprement contemporain. L’importance accordée aux décors et costumes contribue également à la création de mondes décalés…Je voulais aussi retrouver, transmettre ce plaisir qui m’a fait adorer le cinéma, pénétrer, un autre univers, quitter le monde réel.
Le film a été tourné en partie en Belgique le pays du chocolat, les deux personnages se trouvent réunis dans une chocolaterie, mais loin d’être un détail anodin le chocolat est connu pour ses vertus palliatives et le choix de cet aliment est loin d’être fortuit. Le cinéaste rapporte que c’est une gourmandise qui aide à se sentir mieux, c’est un parfum et un goût liés à l’enfance, et les anxieux en abusent. D’où l’idée de la chocolaterie dans laquelle lui serait patron et elle chocolatière.
Benoît Poelvoorde réitère après Podium. Dans une scène du film, il se met à chanter devant Angélique. Cette scène a semble-t-il était difficile à tourner pour l’acteur…Chanter, c’est se mettre à nu et j’ai lutté pour ne pas le faire. Mais c’était sans compter sur l’obstination de Jean-Pierre et j’ai fini par céder. Heureusement, il y avait Isabelle devant qui jouait le regard.
Le cinéaste explique que Les Émotifs anonymes est, en quelque sorte, le couronnement de ses films précédents puisque la peur est au centre de ce long métrage…Avec le recul, je m’aperçois que la peur a toujours été le sujet de mes films, la peur de s’engager dans Le Bateau de mariage, la peur de se lancer dans sa passion d’acteur pour Les Aveux de l’innocent, la peur de la mort dans C’est la vie, la peur de la sexualité dans Mauvaises fréquentations. Les peurs de mes personnages constituent le prisme par lequel je les observe mais, parce que je suis d’une nature positive, j’aime aussi raconter comment ils les surmontent et s’en sortent.
Jean-Pierre Améris fait partie d’une espèce de réalisateurs très rares en France : ceux qui donnent tout à l’écran, sans se cacher derrière leur petit doigt ni faire une économie de cinéma pour traiter leur sujet. Chacun de ses films est une aventure dans laquelle le spectateur est incité à se lancer à corps perdu. Rencontre avec un cinéaste généreux à l’écran et à la ville.
ENTRETIEN AVEC JEAN-PIERRE AMÉRIS
Cela fait cinq films sur sept que vous tournez à Lyon. Est-ce que tourner dans votre région natale vous rassure ? Absolument. Comme vous avez dû le sentir en regardant “Les Emotifs”, c’est un film sur l’anxiété et le manque de confiance en soi. Il est vrai que d’être à Lyon me rassure. Est-ce que c’est la présence familiale proche ? Je ne sais pas. C’est peut-être autre chose que cela, le fait d’y avoir vécu adolescent. Je retrouve ce parfum d’adolescence lorsque je reviens ici. C’est pour cela que j’avais envie de le filmer à Lyon, même si on ne sait jamais vraiment où ni quand l’action se passé. C’est un conte qui se déroule un peu dans une ville imaginaire. Lyon possède tout de même des lieux pour lesquels j’ai une certaine affection. Le Cintra, c’était un restaurant qui impressionnait mon père. C’était important pour moi, par rapport à sa mémoire, d’aller tourner là.
Cette ambiance un peu feutrée et sombre était-elle un désir de votre part depuis le début ? Il y a plusieurs choses. Esthétiquement, je crois que c’est le fait de l’avoir écrit en Belgique avec un scénariste belge. Je pense que le film est empreint d’une ambiance jusque dans son humour un peu absurde. D’autre part, j’avais l’ambition que les spectateurs plongent dans une perception similaire à celle des émotifs. Lorsque l’on est un peu émotif, le monde vous semble un peu comme une scène de théâtre. La réalité étant un peu rude, on se crée un petit monde. Je voulais garder ce côté très subjectif.
D’où est venue l’idée de ce film ? Aux alentours des années 2000, lorsque j’ai pris connaissance de ces groupes de paroles divers, les “émotifs anonymes”, qui existent vraiment. J’ai découvert le nombre de gens qui ont besoin d’aller parler dans ces groupes. C’est la même pratique que pour les alcooliques anonymes. Ce fut créé dans les années soixante-dix aux États-Unis, puis c’est venu en France petit à petit. Viennent aux émotifs anonymes des gens qui sont empêtrés dans leurs émotions, certains dans la colère, d’autres sont dans un processus de répétition d’échecs professionnels ou sentimentaux. Vous ne pourriez jamais imaginer qu’un garçon, habillé branché et ayant l’air bien sûr de lui, vienne confesser qu’il vit comme une torture toutes ses réunions au travail, ou encore de très jolies filles qui viennent dire que leurs vies sentimentales vont d’échecs en échecs à cause de leurs mains qui deviennent moites au moindre rendez-vous, ou de cette impression systématique qu’elles ont un bouton sur la figure. C’est la peur du regard de l’autre en fait. Il y a toute une littérature à ce propos. C’est incroyable à quel point tout cela concerne les gens. Alors, l’intérêt de ces groupes de paroles est de pouvoir se dire que l’on n’est pas tout seul. Ca rassure un peu.
Selon vous, la timidité est-elle une conséquence de l’hyper-émotivité ? En d’autres termes, tous les timides sont-ils hyper-émotifs, ou bien peut-on être hyper-émotif sans être timide ? Je pense que l’on peut être hyper-émotif sans être timide, et c’est bien de faire la distinction. Le film, comme son titre l’indique, parle des hyper-émotifs, des gens qui sont « trop pleins ». Ce sont des volcans car il y a un tiraillement entre le désir de vivre, d’aimer, et même sexuel, qui est très fort, et un verrou qui fait que ça tiraille dans les deux sens comme un élastique. Cela crée une tension qui est extraordinaire et, en même temps, très vive. Si l’on regarde bien, les personnages. ne sont pas déprimés : ils sont aux aguets. Tout est dur, et il va falloir le faire.
Il y a beaucoup d’artistes chez les hyper-émotifs ? Je crois qu’ils le sont tous. Les acteurs, en tout cas, le sont. Si je me suis lancé pour la deuxième fois avec Isabelle Carré, après Maman est folle pour la télévision, c’est à force d’en avoir discuté. Avant même de finir le scénario, en parlant du sujet, on s’est trouvé plein de points communs. C’est vrai que j’ai trouvé en elle un peu mon alter-ego. On fait les mêmes choses pour dissimuler ce petit désordre intérieur. On essaie de faire tout correctement, toujours à l’heure, on dit tout le temps « pardon », « excusez-moi »…C’est elle qui m’a glissé l’idée de la chanson « La mélodie du bonheur » parce que, elle, avant une interview ou une situation qui l’émeut ou qui lui fait peur, elle se chante une chanson.
Mais alors, quand elle se présente en avant-première…elle ne doit pas être toujours à l’aise ? Et Benoît Poelvoorde, c’est pareil. On me dit souvent que c’est un contre-emploi pour Benoît, je ne suis pas si sûr. Il y a sûrement eu des vérités qu’il a eu du mal à livrer, là…Je savais ce que je voulais montrer de lui. J’ai de l’affection pour cet acteur et j’avais envie de le filmer d’une certaine façon. Donc, parfois il était un peu contraint, mais je sais qu’au final il est fier de sa prestation. Il semblerait que la frontière entre le grand timide et le grand dictateur était très ténue ! Mais ce n’est pas toujours facile. Avec les hommes, c’est souvent un peu plus difficile, parce que je cherche toujours un peu la fragilité. La plus grande mise à nue, pour lui, fut de chanter. Il s’était juré de ne plus jamais chanter après Podium. Il trouvait que c’était ce qu’il y avait de plus terrible, mais je le trouve merveilleux. En plus, pour le personnage, il le chante naturellement. Et surtout, c’est la déclaration d’amour du film. Il ne lui dit jamais qu’il l’aime. Ce qui lui fait vraiment peur, c’est de monter dans la chambre avec elle. Alors, il va chanter pour retarder l’échéance.
Avez-vous eu du mal à le retenir ? Car il n’est quand même pas tout à fait dans son registre…Non, je ne dirais pas que j’ai eu du mal. Je crois qu’il avait envie d’aller vers ce registre. C’est tout de même un grand émotif, et l’une des thérapies possibles, même pour un enfant, c’est quand même d’aller jouer sur scène. Cela fait beaucoup de bien. C’est ce paradoxe du comédien qui fait que ce sont des gens assez travaillés par la timidité qui exercent ce métier. Avec Benoît on travaille de façon assez classique. On commence par une lecture, mais que ce soit lui, Depardieu ou Jacques Dutronc, des acteurs que j’aime particulièrement, ce ne sont pas des acteurs cérébraux, mais des instinctifs. À un moment donné ils plongent chercher en eux la part du personnage. Vous n’avez plus qu’à filmer la personne dans cet état-là.
Pensez-vous alors que tant que les hyper-émotifs ne font pas sauter le verrou, ils se pourrissent la vie ? Voilà. C’est peut-être pour cela, aussi, que j’ai voulu le faire sous une forme assez légère. C’est quand même un film sur le plaisir, le plaisir du chocolat, entre autres, avec ces deux personnages qui n’arrivent pas à en prendre. Je pense toujours à des spectateurs qui étaient comme moi, à l’adolescence, et qui iraient voir le film. On a toujours un petit devoir de les encourager. J’espère que voir ce film leur donnera confiance. Vous savez, lorsque j’ai fait C’est la vie, j’ai vu beaucoup de personnes en fin de vie me dire « j’ai eu peur » : « Je voulais ouvrir un restaurant mais j’ai eu peur », « J’aurais voulu être actrice mais je n’ai pas voulu oser par rapport à ma famille », etc. Peur du ridicule, peur de l’échec…La peur est tout de même très présente, et je pense que tout le monde est confronté à cela.
L’idée d’imbriquer ce trait de caractère et le chocolat, c’est génial. Je ne sais pas où vous avez été la chercher, mais elle fonctionne très bien. C’est venu du fait de travailler à Bruxelles avec Philippe Blasband. Nous avions beaucoup d’idées, mais on avait encore des hésitations sur le métier des protagonistes. Je voulais que le film traite des difficultés dans le travail : comment cela se passe quand on a un talent mais que l’on est empêché par ses inhibitions. C’est vrai que travailler à Bruxelles, où le chocolat était très présent et, en plus, dans un salon de thé où l’on se faisait qu’en manger, fut le déclic. A partir de là, le film a démarré. On a su que l’on tenait la bonne idée.
Le film est très bien rythmé. Vous avez fait le montage vous-même ? Oui mais avec l’aide de ma monteuse. C’est un travail délicat dans une comédie. Je suis admiratif de tous les réalisateurs qui font de la comédie, pour le coup. Moi c’était ma première et c’est une histoire de rythme et de petites choses qui font que ça fonctionne ou pas. Puis après, on ne sait jamais si ça va faire rigoler. Par exemple, le gag des chemises, j’étais quasiment le seul à y croire. Il y a parfois des moments, dans le comique, où l’on se sent bien seul.
Cette expérience vous a-t-elle donné envie de continuer dans le genre ? Peut-être. Mais vu que c’est vraiment difficile et que ce n’est pas vraiment ma pente naturelle, c’est loin d’être sûr. En tout cas, si je parviens à faire les projets que j’ai en tête, ce ne sont pas des comédies. J’espère faire « l’Homme qui Rit » de Victor Hugo. J’ai toujours eu envie de réaliser un film de monstre. C’est d’ailleurs un peu dans la continuité. Adolescent, les films qui me plaisaient le plus étaient les histoires de monstres.
UN AVIS CONTRAIRE… par Stéphanie Chermont
S´aimer alors que l´on ne peut même pas se toucher, à quoi bon ? Dans Les Émotifs anonymes, Benoît Poelvoorde et Isabelle Carré explorent autant l´univers du chocolat que celui des sens, en grands timides que sont leurs personnages. Bonne volonté de la part du réalisateur de parler d´hyperémotivité mais résultat raté. Une chose est sûre, être émotif, c’est difficile à expliquer, à montrer ou à vivre. Situation gênante, aucun contrôle sur son corps, peurs fulgurantes, le thème du nouveau film de Jean-Pierre Améris s’aventure sur un terrain glissant. Comment mettre en scène le compliqué, l’impossible, la timidité ? Ce n’est pas faute d’essayer. Au cœur d’une usine de chocolaterie, deux grands timides se rencontrent. D’un côté, Jean-René, le nez long, célibataire endurci en pleine thérapie auprès d’un psy dégarni, de l’autre côté, Angélique, douce et fragile, membre d’un groupe de discussion à l’américaine table ronde et prise de parole individuelle.
Sous la forme de défis imposés par son thérapeute, Jean-René doit progressivement conquérir sa bien-aimée, malgré les freins que lui impose sa « maladie ». Angélique quant à elle, bonne poire souriante, se laisse aimer pour la première fois. Parti sur la base d’un bon scénario, original et sensible, le réalisateur se laisse aller à des scènes longues, très stéréotypées et moqueuses. Le sujet n’aidant pas, le film prend une connotation comique avec des scènes inspirées des comédies musicales. On voit donc Isabelle Carré en Maria von Trapp, chantant « J’ai confiance en moi », sautillant dans une galerie marchande, tout va bien dans le meilleur des mondes…Puis on découvre Benoît Poelvoorde, regard sombre et joie de vivre éteinte devant ses employés, peu crédible en hyperémotif. Peu de films finalement évoquent ce thème de l’hyperémotivité, souvent peu pris au sérieux et tourné en ridicule. Or dans le film, on sent une volonté de la part du réalisateur de dénoncer cette gêne quotidienne, mais les acteurs luttent et montrent leurs limites avec des textes parfois trop courts, surjoués, simplets voire même ridicules. On pense à une pièce de théâtre accélérée, à des séquences ajoutées, coupées, dans un désordre monstre qui du coup, perturbe la lecture du film.
Dans le rôle compliqué du patron qui tombe amoureux de sa nouvelle employée, Benoît Poelvoorde tente en effet de jouer la carte de l’émotion. Connu pour son humour atypique, il devient dans ce film un personnage banal, triste et lâche. Le couple Carré-Poelvoorde se forme une seconde fois après Entre ses mains d’Anne Fontaine, sauf que cette fois-ci on peine à croire que l’histoire est possible, aucun réalisme ne se dégageant. Du baiser donné avec facilité aux scènes très fleur bleue je te tiens la main, je te caresse les cheveux impossible de se mettre à la place des personnages et de comprendre leur douleur en tant qu’hyperémotif. Sans doute le casting se voulant à la frontière entre candeur et rire a favorisé un couple d’acteurs que tout oppose et qui au final, que tout rassemble. Mais ce duo, peu crédible à l’écran, fonctionne mal autour de ce thème important, maladif, fragile. On sent bien que le réalisateur, donnant l’impression d’être lui-même émotif et désireux d’exposer ce problème, tend à montrer la souffrance de ces grands timides, paralysés par leurs émotions. Cependant, les deux personnages sont peu significatifs, leurs actions sont dictées par les autres, ce qui donne au film un air plat et ennuyeux. Quelques scènes autour du chocolat sans doute choisi pour ses bienfaits aphrodisiaques donnent du mouvement aux scènes, avec notamment l’existence d’un pâtissier perdu dans les montagnes, qui donne un peu de mystère au film. Hormis de légers détails, rien ne bouleverse relativement la vie d’Angélique ou de Jean-René. On en vient même à penser qu’ils vécurent heureux avec beaucoup d’enfants…