2023-Passionnant d’humanité

Ce très beau film, s’intéresse à la « justice restaurative », un protocole imaginé au Canada qui permet aux délinquants et à leurs victimes de se parler. Judith, Fanny et Michel pratiquent la « justice restaurative » avec des professionnels ou bénévoles, ils mettent en contact des victimes et des auteurs d’infractions, de délits et de crimes, et leur permettent d’échanger. L’objectif est d’aider les premières à se « réparer » et de faire prendre conscience aux seconds de l’impact de leurs actes, tout en réduisant les risques de récidive. Tandis que Fanny et Michel se rendent en prison pour faire dialoguer des détenus condamnés pour vols avec violence avec des victimes de braquages et vol à l’arraché, Judith aide Chloé à gérer le retour dans la même ville qu’elle de celui qui l’a violée il y a des années. Réalisé par Jeanne Herry, qui avait mis en scène le bouleversant Pupille en 2018, Je verrai toujours vos Visages est lui aussi un film débordant d’humanité. Il met au jour les traumatismes, la colère et les attentes de ses différents personnages. Et le travail délicat et collectif, qui emmène les victimes sur le chemin de la résilience et les auteurs d’infraction sur celui de la rédemption. Passionnant et d’une très grande justesse, parfois dur mais optimiste, ce long-métrage est porté par des acteurs magnifiques. Catherine Balle

 

 

 

 

Jeanne Herry s’empare de la justice restaurative pour signer un grand et beau film de personnages et d’acteurs. En 2018, Jeanne Herry a frappé un grand coup avec Pupille en parvenant, avec une fluidité inouïe, à raconter toutes les étapes d’un processus d’adoption. Une œuvre parfaitement documentée mais qui vivait à 1000% son statut de fiction, s’imposant aussi comme un grand film d’acteurs où le moindre rôle, choisi avec soin, quelque chose à défendre.

 

Je verrai toujours vos visages s’inscrit dans sa droite lignée. La maestria de Jeanne Herry se déploie ici autour d’un autre sujet de société la justice restaurative qui lui permet de célébrer de nouveau la beauté du collectif à même de renverser toutes les montagnes, la lumière au bout du chemin. Un geste politique fort dans notre époque de défiance et où la justice est surtout envisagée comme punitive. Mais un geste assumé où elle ne tremble jamais, surtout quand il s’agit de créer de l’émotion, le cœur battant de son cinéma. Elle réussit à raconter un type de justice méconnu sans se faire didactique. La parole est ici aux personnages, à grand coup de monologues déments entrecoupés d’échanges vifs. Et là aussi, le collectif est à l’oeuvre, on joue certes mais d’abord avec et pour l’autre qu’on ne lâche pas des yeux, jamais dans la démonstration. Servi par un casting dément, le résultat d’une force inouïe laisse KO debout, précisément car on sent qu’à tout moment le fil ténu peut se rompre. Un grand numéro d’équilibriste.  BLEU DU MIROIR

 

 

 

Dans la continuité de Pupille, film choral sur les rouages d’une adoption sous X, Jeanne Herry recrute une brochette d’acteurs connus…Leïla Bekhti, Gilles Lellouche, Miou-Miou…pour mettre en fiction les mécanismes d’une institution sociale. Il s’agit ici du travail très méconnu de la «justice restaurative», porté par des associations du champ socio-judiciaire, qui offre un espace de dialogue entre victimes et auteurs d’infractions violentes, dans l’intéressante et belle idée de panser les traumas des uns et favoriser la réinsertion des autres. Ode aux héros d’une société civile réconciliée (les professionnels et bénévoles formés à l’orfèvrerie de la médiation), le film déroule une série d’entretiens feutrés, cercles de bienveillance et tours de table, qui consistent souvent à ce qu’un personnage expose les modalités d’un dispositif à un autre qui l’interroge. Un tel saut dans la procédure, dopé aux plans de visages illuminés de compréhension, s’éprouve comme une prise en charge draconienne du spectateur, la tête bientôt farcie de dialogues qui font traverser toutes les nuances de l’angoisse…«accueillir la parole», «entrer dans une démarche», «faciliter un quotidien». La finesse d’Adèle Exarchopoulos aidant, l’arc consacré aux retrouvailles entre une rescapée d’inceste et son frère sorti de prison échappe assez adroitement au régime de sensiblerie général. Pour le reste, un épais sirop feel good sert à huiler la machinerie en plus d’une lourde obsession pâtissière, la création des liens entre victimes et détenus passant par un engouement marqué pour les cakes aux olives maison. La pédagogie se substitue tant à la libre incarnation dans ce spot de sensibilisation, voire de recrutement, qu’on s’étonne, à la fin, de ne pas voir un numéro vert s’inscrire sur l’écran.   Sandra Onana LIBERATION