Christopher McCandless a réellement vécu. Son histoire a même inspiré le livre Voyage au bout de la solitude écrit par le journaliste américain Jon Krakauer, et sur lequel Sean Penn s’est basé pour réaliser son film. Dans le livre, Krakauer décrit la personnalité complexe du jeune aventurier, à la fois sociable et solitaire. Après avoir obtenu son diplôme universitaire en 1990, Christopher McCandless quitte sa famille et sa région pour une gigantesque aventure solitaire, il sillonne les régions les plus sauvages des USA mais son périple s’achève de manière dramatique. Christopher McCandless meurt de malnutrition en Alaska. Son corps est retrouvé le 6 septembre 1992.
Film intégralement tourné en décors naturels. L’équipe a d’ailleurs effectué quatre voyages en Alaska, afin de filmer la région à chaque différente saison. Aucun cascadeur ou doublure n’a effectué les cascades du film à la place d’Emile Hirsch. C’est donc bien lui qui a été porté par le courant, escaladé les rochers ou s’est retrouvé confronté à un ours. La montre que porte Emile Hirsch pendant tout le film est celle ayant réellement appartenu à Christopher Johnson McCandless, le personnage qu’il incarne. Elle lui a été donnée comme cadeau.
SEAN PENN…40 ANS DE CARRIERE
ACTEUR 80 FILMS / 2 OSCARS 2003/2009 – REALISATION DE 5 FILMS
EN PLEINE NATURE par Romain Le Vern
C’est l’itinéraire d’un jeune homme diplômé parti vivre sa vie loin des autres, loin de tout. Into the Wild est construit à l’image du réalisateur, à la fois sincère dans la démarche et irritant dans la démonstration. Plus que le résultat final, les intentions, elles, sont indiscutables…Signer une œuvre radicale qui rend ouvertement hommage au cinéma américain des Seventies, exigeant et respectueux envers son public. On affirme souvent que le road-movie est un genre qui apparaît en période de grands bouleversements, et donc de grandes incertitudes. L’errance est censée y symboliser la recherche des réponses que les personnages pensent toujours trouver plus loin devant eux parce qu’ils n’ont plus rien à attendre de ce qu’ils laissent derrière. C’est le côté sombre du genre. Sans être un road-movie il colle au rythme et en capte l’essence dépressive. Il y a une détermination évidente de s’inscrire dans le sillage des films dépressifs en marge d’un cinéma Hollywoodien formaté. Cette démarche mérite au minimum d’être considérée même si on ne peut pas s’empêcher de regarder le film comme une compilation de tous les tics du cinéma indépendant US. En résulte donc un film incroyablement paradoxal qui provoque chez le spectateur des tonnes de sentiments contradictoires. Sous couvert de réclamer une liberté artistique, Sean Penn n’évite pas les clichés inhérents du retour aux sources.
Malgré tout et c’est là la puissance dudit paradoxe Sean Penn, cinéaste en profonde empathie avec les doutes de ses personnages, réussit un quasi-tour de force, rendre une personnalité très attachante dans sa détermination adulescente de ne jamais passer au stade d’adulte, de ne pas se ranger dans des rails conformistes et donc ne pas appartenir à un monde couard rompu aux fâcheux compromis. Ce qui est rassurant, c’est qu’il s’est reposé sur un roman moins émotionnel qui raconte l’itinéraire atypique de Christopher McCandless. Son périple l’amène à fuir toute communication humaine pour finir esseulé en totale communion avec la nature. Cette dernière partie s’avère la plus intense du film et justifie toute la mesure de ce voyage très intérieur.
Pour les aficionados inconditionnels de Sean Penn, la séduction peut naître du retour salutaire du réalisateur aux premières amours d’Indian Runner. Mais pour rendre ce voyage introspectif crédible, il fallait un acteur capable de retenir l’attention du spectateur. L’acteur, c’est Emile Hirsch, découvert dans Les Seigneurs de Dogtown, qui a visiblement donné son corps et son âme. Et qui réussit dans les moments les moins « calibrés » à faire passer une foultitude de sentiments contradictoires. C’est la grande découverte qui pousse à s’accrocher. Comme dans tous les films de Sean Penn, il y a un clou au spectacle, une récompense, un dénouement qui bouleverse que l’on ait adhéré ou pas à la sensibilité du personnage principal. Et comme dans tous les films de Sean Penn, il amène à penser que, oui, la fin justifie toujours les moyens. Comme son protagoniste, la réalisation de Sean Penn est constamment au bord du précipice, à se faire peur, à nous faire peur mais jamais il ne tombe dans les écueils qu’il effleure parfois : celui d’un idéalisme aveugle et d’un manichéisme opposant la nature innocente et noble à la société pervertie. Non : la nature est parfois violente, meurtrière aussi, et sa liberté peut devenir étouffante, sa beauté peut devenir périlleuse. Et la mort d’un élan la plus grande tragédie d’une vie. De sa vie. La fin d’un élan, de liberté. Into the wild fait partie de ces rares films qui vous décontenancent et vous déconcertent d’abord, puis vous intriguent et vous ensorcellent ensuite progressivement, pour vous emmener vous aussi bien au-delà de l’écran, dans des contrées inconnues, des territoires inexplorées ou volontairement occultées, même en vous-même. Avec le protagoniste, nous éprouvons cette sensation de liberté absolue, enivrante. Ce désir de simplicité et d’essentiel, cette quête d’un idéal, d’un chemin particulier et singulier Sean Penn écrit une histoire aux échos universels. Un chemin au bout de la passion, au bout de soi, pour se retrouver, effacer les blessures de l’enfance et retrouver la naïveté et l’innocence.
Un homme en colère…
Vous qui voyagez tellement, pourquoi le choix des USA ? Je suis « aware » de mon « américanitude » ! Pour l’instant, ma fibre créatrice se nourrit de ce que je vis dans mon pays. Peut-être un jour viendra où j’irai voir ailleurs…
Qu’est-ce qui vous a poussé à porter à l’écran la vie de Chris McCandless ? A la lecture du livre, j’ai eu un coup de foudre. Comme pour une femme. Elle vous envoûte, vous ne pensez qu’à elle. Vous devenez obsédé. Ce livre m’a fait cet effet. Quand on est amoureux, on a envie que la terre entière le sache. J’ai acheté un nombre incalculable d’exemplaires que j’ai envoyés à mes amis en leur joignant un petit mot « Vous devez lire ce bouquin ! » C’est la couverture de la première édition américaine, une photo en noir et blanc du vieux bus où a séjourné Chris, qui m’a donné l’idée du film.
L’idéal de Chris est de vivre dans le dénuement, en communion avec la nature sauvage. Il cite souvent Jack London, Mark Twain et le philosophe Henry David Thoreau. Qu’avez-vous en commun avec votre héros ? Je partage son obstination, sa volonté de réaliser un rêve. Je suis quelqu’un d’entier, je n’aime pas les compromis. Sur ce que Chris a fait, je dis chapeau ! Je ne sais pas si j’en aurais été capable. En tout cas, cette opiniâtreté fait partie de mon mode de fonctionnement. Certains disent que c’est un défaut, peu m’importe ! Par-dessus tout, j’admire son courage à s’être donné une seconde naissance, après avoir fait table rase d’une première vie. La dynamique de cette rupture est passionnante. D’autant que son but ultime était d’atteindre la sérénité.
Le travail accompli par le jeune acteur Emile Hirsch est stupéfiant. Comment l’avez-vous trouvé ? Il m’a fallu beaucoup de temps. D’habitude, lorsque j’écris un scénario, j’ai plus ou moins déjà les acteurs en tête. Cette fois, j’ai travaillé d’une manière abstraite, sans mettre de visage sur mon héros. L’histoire primait. Par la suite, chaque fois que je pensais à un acteur, il était occupé sur un tournage. Pas de chance ! Jusqu’au jour où une de mes amies m’a apporté le film Les Seigneurs de Dogtown, avec Emile Hirsch dans le rôle principal. J’ai senti quelque chose de noble en lui, de profondément humain. Il n’était pas très connu, on s’est apprivoisés l’un l’autre. Au bout de quatre mois, j’étais convaincu que ce serait lui et lui seul.
Emile Hirsch est un peu votre fils… Nous sommes devenus des frères et on chahute pas mal ! Sur le tournage, c’était très différent. J’étais son « père », je le guidais, mais de telle manière qu’il puisse prendre son envol. Je faisais tout pour le mettre en confiance et qu’il conquière l’indépendance qui lui revenait. Votre famille est-elle venue sur le tournage ? Bien sur ! On a fait du camping…On a tourné une partie du film l’été en Alaska et les conditions étaient difficiles, les lieux d’accès compliqués. Souvent il fallait prendre deux avions, puis faire huit heures de voiture. Mon fils a travaillé à la production.
Votre héros rompt tout lien avec sa famille. Imaginez-vous que vos propres enfants vous quittent de la sorte un jour ? Chris casse brutalement les ponts parce qu’il était très malheureux et que sa vie en famille, sans communication ou alors teintée d’animosité, lui semblait insupportable. Moi, j’ai décidé avec ma femme Robin Wright, d’instaurer un climat de confiance, d’amour dans lequel nos deux enfants s’épanouissent. Ils construisent leur personnalité dans un cadre baigné, d’ondes positives. Je ne veux pas en faire des handicapés de la vie. Je ne veux pas qu’ils aient peur. La vie n’est pas une menace. En revanche, j’espère qu’ils auront, comme Chris, le courage et la volonté de faire les choix qu’ils jugent bons pour eux. Apprendre à assumer sa vie, c’est le plus cadeau que je puisse leur faire.
Vous êtes un acteur « engagé ». Comment votre famille vit-elle vos déplacements en Irak, en Iran ? Chaque fois, ils me regardent et me disent « C’est reparti ! » Je sens toujours un peu d’inquiétude de leur part, mais ils savent qu’ils ne peuvent rien faire. Quand j’ai décidé quelque chose, celui qui me fera changer d’avis a intérêt à avoir de bons arguments !
Devenir un homme politique à plein temps ne vous a jamais tenté ? Quelques acteurs l’ont pourtant fait… Cette ambition ne m’a jamais effleuré. J’aime trop me regarder en face dans la glace le matin. On peut dire qu’il est facile critiquer depuis chez soi… Je le sais. A mon niveau, je dis les choses qui me déplaisent. Les Américains sont devenus des moutons de Panurge, on leur fait accepter n’importe quoi, ça me rend furieux. Les gens ont sombré dans une espèce d’apathie qui me révolte. Nos dirigeants ne sont qu’une bande de menteurs et de criminels. Et je pèse mes mots.
Retrouvez-vous chez vos enfants la conscience politique qui vous anime ? Mon fils est encore jeune. Ma fille, à 16 ans, est très sensible à l’injustice, elle s’indigne contre ce qui lui déplaît. La dernière fois que je suis allé en Irak, elle était verte de rage, trouvait que j’étais idiot de ne pas l’emmener. Je crois qu’en grandissant elle va être bien pire que moi !
Léo Penn, votre père, a été blacklisté à Hollywood. Cette conscience politique est une affaire de famille…Je ne l’ai jamais analysé comme tel. Au delà des gènes, j’ose croire qu’il s’agit d’une prise de conscience personnelle. Je suis quelqu’un d’instinctif, de spontané. J’essaie d’être en phase avec moi-même, de répondre le plus honnêtement possible aux situations qui se présentent. Je vais sur le terrain quand je sens que je ne peux pas faire autrement. Presque une question de vie ou de mort. Il en va de mon intégrité.
Votre amie Susan Sarandon a dit « L’éveil politique de Sean Penn a grandi en même temps que ses enfants pour se sentir responsable du monde dans lequel ils vivent. » Qu’en pensez-vous ? Susan Sarandon a toujours raison ! (Rires.)
ENTRETIEN AVEC EMILE HIRSCH
Pouvez-vous parler de votre propre processus de casting ? Il m’a appelé directement et nous nous sommes vus, il était vraiment vague comme s’il ne voulait pas s’engager. Il m’a dit de lire le livre et j’ai lu le livre ce soir-là et j’ai été tout simplement bouleversé. Ensuite, pendant quatre mois et demi, il m’appelait et nous sortions dîner. À ce moment-là, nous avons arrêté de parler du film et j’ai pensé que Sean pensait que j’étais cool et voulait juste sortir. Et puis il m’a appelé et m’a dit qu’il avait terminé le brouillon du film et que le rôle était à moi si je le souhaitais.
Vous avez donc perdu du poids avant le film ? Je pesais environ 156 livres quand j’ai eu le rôle, et j’ai pesé 130 livres pendant la majeure partie du film et puis je suis descendu à 115 livres pour la perte de poids dans le segment de l’Alaska. C’était donc comme deux étapes de perte de poids avec beaucoup de course et d’avoir très faim et de rêver de bonbons tout le temps. C’est drôle parce que normalement, je ne suis pas un grand mangeur de tablettes de chocolat. Mais, c’était vraiment ce que je voulais plus que tout quand j’avais le plus faim.
Pouvez-vous parler un peu plus de la façon dont ce film affectera le public ? Je ne peux pas parler de ce que je pense que cela fera pour tout le monde, mais juste pour moi, c’était une histoire très inspirante pour moi dans ma propre vie. C’est la seule jauge que je puisse avoir. Mais juste vivre la vie au maximum et le message que Chris apprend que le bonheur n’est réel que lorsque vous pouvez le partager avec quelqu’un d’autre. Sa propre révélation qu’il cherchait était juste sous son nez. C’était un panneau affiché tout au long du voyage et de ses voyages, les personnes qu’il rencontrait en cours de route. Et il lui a fallu être isolé et au milieu de nulle part pour s’en rendre compte.
Avez-vous visité l’emplacement réel du bus en Alaska ? Je l’ai fait. J’ai fait un tour en motoneige avec ce type nommé BJ. C’était un trajet de 90 minutes en motoneige jusqu’à l’autobus, et l’autobus est toujours là. Les bottes sont toujours là. Et maintenant, il y a toute cette écriture sur le bus de toutes les personnes qui ont visité le bus et écrit de petites notes. C’est génial parce que tout est si positif et que personne ne va tout le long pour saluer.
Que pensez-vous que Christopher McCandless penserait de ce film ? Je pense qu’il serait très excité à ce sujet et l’effet que cela pourrait avoir sur les gens de manière positive. C’est une personne d’après tout ce que j’ai appris, c’était une personne d’action qui voulait du changement. C’est une personne qui a étudié les choses humanitaires. Même au lycée, il était tellement préoccupé par l’apartheids. Tout ce qu’il pense peut aider à changer la situation dans son ensemble, je pense qu’il pense que c’est une bonne chose. Et sa sœur Carine l’a vérifié.