1990 – Souffrance éternelle…

Coppola estime que les deux premiers opus suffisaient à raconter la saga des Corleone mais dans une situation financière difficile, sous la pression des producteurs il accepte de réaliser un troisième film et demande six mois pour écrire un premier scénario avec une sortie prévue pour Pâques 1991 qui se transforme en six semaines avec une sortie prévue à Noël 1990. En 2020, une version director’s cut, plus conforme à la volonté initiale de Francis Ford Coppola, est dévoilée à l’occasion des 30 ans de la sortie du film.

 

 

 

 

Film écrit par Mario Puzo et réalisé par Francis Ford Coppola, sorti en 1990. Épilogue de la trilogie inspirée de l’œuvre de Mario Puzo. Le premier acte The Godfather 1972…Le second The Godfather Part II 1974. Le troisième et dernier acte continue de suivre Michael Corleone, un chef d’une famille de la mafia américaine qui tente de légitimer son empire criminel au cœur de deux événements réel…La mort de Jean-Paul Ier et le scandale de Banco Ambrosiano en 1981-1982. Coppola et Puzo auraient préféré le titre La Mort de Michael Corleone mais les producteurs jugent le titre inacceptable. Coppola reconnaît que la série du Parrain comprend deux films et que le Parrain III est son épilogue. Généralement bien reçu par la critique et le public mais sans comparaison avec les deux premiers films. Al Pacino devenu une star Mondiale demande sept millions de dollars, plus un pourcentage pour reprendre son rôle de Michael Corleone…Coppola refuse et le menace de débuter par une scène de funérailles de Michael. Pacino accepte l’offre à cinq millions mais Robert Duvall décline l’offre à un million et ne voit pas d’autres raisons que l’argent pour faire un autre film de la série du Parrain 18 ans après. La musique du film est composée par son père Carmine Coppola. Honoré du prix Lumière, Coppola présente une nouvelle version, sous le titre Le Parrain, épilogue en avant-première mondiale le 20 octobre 2019 à l’Institut Lumière à Lyon.

 

 

 

 

Al PacinoActeur & Réalisateur & Producteur de cinéma américain né le 25 avril 1940 à New York. Acteur de la méthode de l’Actors Studio. Depuis 1994, il en est le coprésident. Débuts au cinéma à 29 ans dans Panique à Needle Park (1971). Un large succès et la reconnaissance vient avec le rôle de Michael Corleone dans Le Parrain (1972) et reprend le rôle sur les deux autres films…Le Parrain II (1974) Le Parrain III (1990). Sa représentation de Corleone est considérée comme l’une des plus grandes performances du cinéma.

 

50 ans de carrière pour 50 films.

Ses films les plus marquants sont sur la première moitié de sa carrière.

 

 

 

 

Francis Ford Coppola

 

Né le 7/04/1939 à Détroit, réalisateur, producteur, scénariste américain. 5 Oscars et 2 Palmes d’or. Vigneron, éditeur de magazine et hôtelier. Grande figure du Nouvel Hollywood, connu pour la trilogie du Parrain et Apocalypse Now. Père des réalisateurs Sofia et Roman Coppola, frère de Talia Shire, Grand-père de la réalisatrice Gia Coppola, l’oncle de Nicolas Cage et Jason Schwartzman. Fantasque, mégalomane, surnommé le “Napoléon du cinéma” qu’il revendique, fasciné par le Napoléon d’Abel Gance 1927 que sa société American Zoetrope a restauré en 1981, accompagnée d’une musique composée par Carmine Coppola, le père de Francis. Doté d’un orgueil monstrueux que n’ont pas atténué les échecs, Coppola ne laisse jamais indifférent, il se montre volubile, arrogant, extraverti, doté d’une remarquable capacité à enfoncer les portes qu’on ferme devant lui. Il est typique des « auteurs-tyrans » qui considèrent les autres comme des pions pour mener à bien leur propre ambition démiurgique. Apocalypse Now est certainement le film qui a transcendé cette nature pour devenir un chef-d’œuvre cinématographique sur la folie, la guerre, la nature sauvage et l’impérialisme.

 

24 films avec en 7 ans 1972-1979 la sortie de 4 films aux récompenses prestigieuses. La trilogie des Parrain et Apocalypse Now sont reconnus comme des films essentiels pour l’histoire du cinéma. Il sont pour moi les plus forts jamais vus. Excepté la période 1962-1969, J’ai vu tous les autres et j’apprécie en particulier Tucker. J’ai constaté depuis longtemps que Coppola sur la décennie des années 70 était certainement “habité” pour créer des films aussi essentiels sur une période aussi courte..

 

 

 

 

1962 : Tonight for Sure
1963 : Dementia 13
1966 : You’re a Big Boy Now
1968 : Finian’s Rainbow
1969 : The Rain People

 
1972 : The Godfather


1974 : The Conversation


1974 : The Godfather : Part II


1979 : Apocalypse Now


1982 : One from the Heart
1983 : The Outsiders
1983 : Rumble Fish
1984 : The Cotton Club
1986 : Captain Eo
1986 : Peggy Sue Got Married
1987 : Gardens of Stone
1988 : Tucker : The Man and His Dream


1990 : The Godfather: Part III


1992 : Bram Stoker’s Dracula
1996 : Jack
1997 : The Rainmaker
2007 : Youth Without Youth
2009 : Tetro
2011 : Twixt

 

 

 

 

 

DERNIER ROUND…  par Frédéric Foubert

 

Le Parrain III sort en 1990, 18 ans après le premier acte. L’éloignement temporel entre la réalisation de ce film et des deux premiers, mais aussi l’empreinte que ceux-ci ont laissée dans la mémoire collective, les fondent en un matériau sur lequel le cinéaste peut poser un regard critique. Le film est un acte de conclusion détaché des deux premiers qui formaient une unité insécable, en même temps qu’un miroir tendu, réfléchissant certains motifs de la saga, les répétant ou les grossissant. La structure narrative qui s’offre à nous, une fois la saga constituée, est complexe car non linéaire, et se fonde justement sur ce morcellement du temps. Cette vision du premier film comme histoire originelle déterminant la structure narrative des suites est également sensible dans Le Parrain III, qui nous montre Michael Corleone au soir de sa vie. Son récit ne s’organise pas de manière complexe comme celui du Parrain II, mais est au contraire plus resserré, linéaire, chronologique. Le jeu des correspondances à l’œuvre dans la deuxième partie est à nouveau présent et s’applique désormais à la trilogie dans son ensemble. Ce troisième épisode possède une structure calquée sur celle du premier, séquence par séquence. Le découpage du film est entièrement fondé sur celui du Parrain, au point qu’ils ont la même durée…Dans la septième bobine, il y avait la scène où Michael tue Sollozzo. Donc, il nous faut une scène de fusillade dans la septième bobine raconte Coppola . Plus que l’application d’une « recette », d’un dosage idéal qui garantirait le succès, cette répétition de l’histoire reprend ce qu’avait développé Le Parrain II, c’est-à-dire les correspondances entre plusieurs unités de temps distinctes, et jette ainsi un pont entre le premier et le dernier film. Le thème est, bien sûr, le même avec la passation de pouvoir et la mort du père. Coppola, regardant son propre film, remarque…Je suis fasciné par l’idée que l’Histoire se répète. Cette appréhension de l’Histoire s’incarne dans une écriture cinématographique fondée sur la répétition ou la mise en parallèle de motifs narratifs et de situations, dans un même film ou dans la trilogie dans son ensemble.

 

 

 

 

Coppola se lance dans l’écriture du Parrain en pensant à ses proches…« Les Corleone sont une famille italo-américaine et, malgré le fait qu’ils soient gangsters, ils ressemblent énormément à ce qu’était ma famille .» La commande du studio devient pour le cinéaste l’occasion d’établir à l’écran sa part de vérité. Il installe ainsi les siens au générique du film, sa sœur Talia Shire interprète la sœur de Michael Corleone, sa fille Sofia Coppola est la fille du « Parrain ». Dans le dernier épisode, son père Carmine compose et dirige la musique des trois films. Pour figurer la famille au sens large dans les scènes de groupes qui ponctuent la saga, il fait appel à ses cousins, oncles et tantes, filme ses jeunes enfants, puis ses petits-enfants dans Le Parrain III. La trilogie devient le lieu de la recréation, dans un cadre fictionnel, de souvenirs d’enfance, d’expériences vécues ou d’histoires racontées dans le cercle de famille. Un « patrimoine intime » qui peut, à l’occasion, se confondre avec l’héritage culturel italo-américain. Ainsi, dans Le Parrain II, Vito Corleone se rend dans un petit théâtre réservé à un public d’émigrés italiens. Sur scène, une pièce caractéristique de l’esprit de ghetto, un Italien fraîchement débarqué à New York pleure en chansons la terre natale et sa mère restée au pays. Spectacle à l’arrière-plan de la fiction, le mélodrame que nous regardons est Senza Mama, écrit et composé au début du siècle par le grand-père maternel du cinéaste, Francesco Pennino. Arrivé aux États-Unis en 1905, celui-ci composa de nombreuses pièces musicales pour les salles du ghetto, avant de devenir propriétaire de l’une d’entre elles à Brooklyn . En donnant à voir et à entendre Senza Mama, Coppola hisse l’œuvre de son aïeul à une échelle symbolique nouvelle et  rejoint Ellis Island, la statue de la Liberté et les rues du ghetto dans ces marques sensibles et emblématiques du patrimoine culturel italo-américain. Dans l’histoire familiale des Coppola, les chansons de Pennino avaient sans nul doute une importance égale à ces lieux dans l’appréhension de l’expérience de l’émigration et du déracinement. Désormais, par l’utilisation qu’en fait le cinéaste, elles redeviennent, après l’avoir été pour les spectateurs de l’époque, un élément de la création de l’identité italo-américaine. Drame de l’exil, Senza Mama est un autre récit, à la fois intime et public, que Coppola s’approprie.

 

 

 

” La seule richesse en ce monde, ce sont les enfants.”

 

Le souvenir devient dans Le Parrain III un motif narratif à part entière. L’écriture du souvenir prend plusieurs formes. Elle s’impose presque inévitablement, par le retour de personnages familiers, désormais vieillis, transformés par l’âge. Dans cet opus, les êtres et les choses conservent une place immuable, celle que leur a assignée le premier film, mais sous une forme dégradée, abîmée par le temps. Coppola fait appel à la mémoire du public, tout en montrant la transformation de figures connues, l’éloignement dans le temps séparant leur découverte par le spectateur et leur réapparition. Le rôle des enfants est ici d’interroger le passé familial, de questionner l’héritage qui leur est légué, d’évoquer les souvenirs des Corleone, c’est-à-dire des films précédents. Certains éléments des deux premiers volets sont alors convoqués comme vestiges du passé, et leur retour à l’écran les érige en fétiches, pour les personnages comme pour le spectateur. Ainsi, le fameux thème musical écrit par Nino Rota, qui introduisait les séquences siciliennes du premier épisode, est donné à entendre lorsque Anthony dédie une chanson à son père, en la présentant comme un morceau du folklore de la ville de Corleone. Il la chante dans une nouvelle version augmentée de paroles, s’accompagnant à la guitare. Michael Corleone l’écoute, puis baisse les yeux pour essuyer ses larmes. Brièvement, quelques images du premier film sont insérées, expliquant l’émotion du personnage, telle la scène du mariage de Michael avec la jeune Sicilienne Appolonia, qui mourra dans un attentat. La chanson le renvoie à cet épisode de sa vie mais à aucun moment du Parrain, il n’est laissé à penser que les personnages entendent la musique de la bande-son du film. C’est au spectateur que le thème musical en question rappelle le premier film. Nous partageons désormais avec le personnage une mémoire visuelle et auditive, et cette identité permet d’accepter la scène malgré son aspect fabriqué, artificiel. La chanson en question est un fétiche, une des traces les plus profondes laissées dans la mémoire des spectateurs par Le Parrain.

 

 

 

 

Les lieux de l’action des précédents films deviennent quant à eux des lieux de mémoire. Nos souvenirs et ceux des personnages se mêlent alors. Michael, désireux de faire connaître à son épouse Kay l’histoire familiale, l’emmène à Corleone, le village natal de son père. Ils s’arrêtent devant une maison, que Michael désigne comme celle d’où Vito a dû s’enfuir pour échapper à la Mafia locale. Il touche la porte en bois, tente de l’ouvrir. Coppola filme ici la mémoire à l’œuvre, en même temps qu’une manière de la faire perdurer car le but est d’expliquer à Kay les racines violentes de la famille. Pour le spectateur, il s’agit aussi d’un travail de mémoire que de reconnaître les décors et les extérieurs des précédents films. Coppola souligne cette connivence lorsque Michael et Kay se retrouvent sur la place de l’église. Ils ne semblent pas remarquer l’âne passant à côté d’eux, traversant l’écran de droite à gauche. c’est une référence explicite à la scène du Parrain II où Vito quitte Corleone au petit matin, caché sur un âne traversant le même endroit suivant la même trajectoire. Si le dialogue des personnages évoque le passé, le jeu de références instauré par Coppola dit la permanence des choses et des lieux, en plongeant la trilogie dans sa propre historicité. Le Parrain III est ce film doublement conscient de la mémoire qu’il charrie, dans les questionnements incessants des personnages comme dans la mise en scène du rapport au passé sous la forme de correspondances et de répétitions. Le film est entièrement construit dans le souvenir des épisodes précédents, tandis que les personnages ne se définissent plus que par leur rapport à l’histoire familiale. Dans Le Parrain III, le souvenir fonde l’identité du film, des personnages. Avant la mort de Michael Corleone, figure un enchaînement de trois scènes issues des trois films, trois scènes où Michael danse avec les femmes de sa vie…Appolonia, Kay, sa fille Mary, liant les trois volets de la saga en un flash-back, figure cinématographique du souvenir.