Le personnage de Frances est une figure fondamentalement rebelle, le premier acte du film semble ainsi puiser dans ces relectures progressistes de l’Histoire étasunienne du XXe siècle telles que Hollywood en produisit entre les années 1970 et le début des années 1980. Nos plus belles années (1973) de Sydney Pollack ou bien encore à Reds (1981) de Warren Beatty. Témoignant de son anticonformisme dès son adolescence en niant crânement l’existence de Dieu lors d’un concours oratoire, Frances ne démord pas de sa singularité libertaire une fois devenue comédienne. Celle qui avait été certainement repérée par la Paramount pour ses qualités plastiques et cinégéniques est montrée comme résistant de plus en plus à l’entreprise de formatage du studio. Jusqu’à ce qu’elle rompe avec celui-ci, préférant alors s’engager dans l’aventure militante d’un théâtre engagé à gauche et même à l’extrême-gauche au regard de l’horizon idéologique étasunien. On la voit, en effet, quitter la côte Ouest pour aller se produire à Broadway pour un dramaturge aux sympathies communistes affichées. Frances semble dès lors se ranger aux côtés de Katie Moroski (Barbra Streisand dans Nos plus belles années) et de John Reed (Warren Beatty dans Reds), ces figures hollywoodiennes d’une Amérique rouge.
Tout en s’inscrivant dans la lignée des films exhumant le passé communisant des États-Unis, Frances participe encore de celle mettant à nu les mécanismes de l’exploitation spectaculaire. À la façon d’Une étoile est née (1954) de George Cukor ou plus encore des Ensorcelés (1953) et de Quinze jours ailleurs (1962) de Vincente Minnelli, le film met en scène l’industrie cinématographique comme une impitoyable et aliénante fabrique du mensonge. Une séquence de shooting photographique montre la vérité existentielle de Frances disparaître derrière des oripeaux glamour, la réduisant à l’état d’objet destiné à satisfaire le « male gaze ». Réduite à n’être qu’un support pour la fantasmatique masculine, Frances voit encore son intimité contaminée par l’imposture hollywoodienne. Croyant défié la Paramount qui lui avait déconseillé d’épouser le bellâtre, Frances participe en réalité de son entreprise illusoire en permettant à la presse people de se nourrir de sa très médiatique union. Réifiée par Hollywood, Frances l’est encore par cette gauche théâtrale au sein de laquelle elle pensait avoir trouvé une place à son hétérodoxe mesure. Croyant avoir un compagnon à la fois artistique et amoureux, Frances est finalement abandonnée et trahie par ce dramaturge aux théories généreuses mais qui ne diffère guère de celle de la cynique et capitaliste Hollywood. Abusée à plus d’un titre par un aréopage de révolutionnaires de salon, Frances commence dès lors à s’effondrer. Précipitée par l’implacable vengeance de Hollywood ne lui pardonnant pas d’avoir dérogé à son destin de star-objet, la chute de Frances la plonge dans un enfer psychiatrique. Le second acte du film emprunte alors d’autres voies cinématographiques explorées dans le passé. La peinture de la « folie » de Frances évoque en effet des portraits précédents de femmes en proie à la souffrance mentale. Notamment ceux qu’a dressés Robert Altman dans des films tels que That Cold Day in the Park (auquel Graeme Clifford a justement collaboré) ainsi que 3 Femmes (1977). Sans doute y a-t-il aussi alors quelque chose d’Une femme sous influence (1974) de John Cassavetes dans Frances. Non seulement par les échos liant le personnage de Frances à celui de Mabel Longhetti (Gena Rowlands), mais aussi par une certaine parenté entre les personnages de Harry York (Sam Shepard) et de Nick Longhetti (Peter Falk). Si le premier constitue la seule figure masculine apparemment positive de Frances (éternel amoureux de la comédienne, il se porte à son secours à plusieurs reprises), Harry n’en est pas moins dénué d’ambiguïté, à l’instar de Nick dans Une femme sous influence. Aimant à n’en pas douter réellement ces femmes en perdition que sont Frances et Mabel, les deux hommes que sont avant tout Harry et Nick peinent en effet à saisir l’origine de leur trouble. Et donc à apporter une réponse à celui-ci.
Car le « délire » féminin exposé par Frances ne puise pas tant sa source dans un dysfonctionnement de l’esprit d’un individu que dans l’action pathogène des cadres dans lesquels il s’inscrit. La femme trop libre qu’est Frances est littéralement rendue folle par une société patriarcale ne pouvant la tolérer. Marchant sur les traces de Shock Corridor (1963) de Samuel Fuller et de Vol au-dessus d’un nid de coucous (1975) de Miloš Forman, Frances décrit par ailleurs cliniques psychiatriques et autres asiles comme d’infernales structures carcérales, nullement destinées à soigner la maladie mentale mais au contraire à la fabriquer. Et ce jusqu’à l’anéantissement psychique de celles qu’on y relègue, qu’il s’agisse de Frances ou de ces inconnues en compagnie desquelles elle franchit le dernier cercle de l’enfer asilaire…Celui formé par un dortoir insalubre où s’entassent des femmes contraintes à l’état prostitutionnel par un infirmier se faisant maquereau la nuit tombée. Basculant dans un éprouvant registre, duquel participe encore une séquence de lobotomie au pic à glace, Frances tutoie alors le registre de l’horreur gothico-asilaire à la manière de Meurtres par décret (1979) de Bob Clark ou d’Elephant Man (1980) de David Lynch. Mais toutes les femmes ne font pas, dans Frances, l’objet de cette destructrice remise au pas. Témoignant là d’une lecture aussi nuancée que réaliste des mécanismes du patriarcat, le film rappelle que certaines d’entre elles s’en font parfois les auxiliaires zélées. Elles espèrent de la sorte grappiller quelques miettes de ce pouvoir que se réservent les hommes. Tel est le cas de Lilian, la mère de Frances, qui au lieu de protéger celle-ci la livre à ses bourreaux psychiatriques. Complice active et assumée de ceux-ci, Lilian constitue un échantillon particulièrement effrayant de mère toxique, évoquant notamment celle de Carrie au bal du diable (1976) de Brian De Palma.Agrégeant avec une réussite certaine et de laquelle participe, bien évidemment, la prestation en tous points impeccable de Jessica Lange un large spectre d’influences cinématographiques, Frances offre une réflexion sur la domination misogyne qui n’a rien perdu de sa vigueur. Peut-être même, en ces temps dits « post-#MeToo », Frances revêt un sens encore plus marqué que lors de sa sortie initiale ?
A remporté plusieurs récompenses, notamment deux Oscars, trois Emmys, cinq Golden Globes. En 1998, elle est classée parmi les vingt-cinq meilleures actrices des années 1990. Découverte au début des années 1970 par le producteur Dino De Laurentiis, ce dernier la fait jouer dans le remake de King Kong, qui lui vaut son premier Golden Globe. Acquérant rapidement une certaine reconnaissance dans le monde du cinéma, elle est aujourd’hui considérée comme une des meilleures actrices au monde, jouant aux côtés d’acteurs comme Jack Nicholson, Robert De Niro ou encore Anthony Hopkins. Depuis 2011, présente à la télévision et connue pour ses rôles dans la série télévisée d’anthologie horrifique American Horror Story, ainsi que pour son rôle dans la première saison de Feud et plus récemment The Politician.
Je n’ai jamais cru à la psychanalyse ou à la thérapie ou quoi que ce soit de ce genre. Je n’ai jamais fait ça. Bien que mon côté obscur soit en sommeil en ce moment, il continue de jouer un grand rôle dans ma capacité à être créatif. C’est le puits dans lequel je peux puiser, où toute l’angoisse, la rage et la tristesse sont stockées.
Entre 1976 et 1982, Jessica a une relation avec le danseur de ballet Russe Mikhaïl Barychnikov, avec qui elle a son premier enfant. 1982, elle entame une relation avec le dramaturge Sam Shepard. Ils ont deux enfants et vécu ensemble en Virginie, au Nouveau-Mexique, dans le Minnesota et à New York, avant de se séparer en 2009.
Ses 15 premières années sont les plus belles et les plus marquantes.
L’Homme d’un seul film Frances
Au service du scénario, un récit qui agrège avec une même solidité des motifs narratifs et esthétiques empruntés à une histoire longue du cinéma hollywoodien.Réalisateur australien de série télé comme…Chapeau melon et Bottes de cuir, Twin Peaks entre autres. Graeme Clifford est connu comme le monteur de Ne vous retournez pas (1973) et de L’Homme qui venait d’ailleurs (1976) de Nicolas Roeg ainsi que de The Rocky Horror Picture Show (1975) de Jim Sharman. Il fait ses premières armes filmiques comme assistant de Robert Altman pour That Cold Day in the Park (1969) et John McCabe (1971).
Acteur, Scénariste, Réalisateur, Dramaturge, Producteur, Musicien, Ecrivain né le 5 novembre 1943 à Fort Sheridan (Illinois) et mort le 27 juillet 2017 à Midway (Kentucky) dont la carrière a couvert plus d’un demi-siècle. Auteur de 44 pièces connues pour leurs éléments sombres, poétiques et souvent surréalistes et pour leurs personnages déracinés vivant à la périphérie de la société américaine. Auteur de plusieurs essais, mémoires, romans et recueils de nouvelles, le nombre de récompenses et nominations reçues par Shepard au cours de son existence approche la cinquantaine, dont le prestigieux Prix Pulitzer de l’œuvre théâtrale en 1979 pour sa pièce L’Enfant enfoui et, en 2009, le PEN/Laura Pels International Foundation for Theater Award décerné par le PEN Club international pour son apport considérable au théâtre américain. Acteur, présent dans plus de 80 films.
Pour nous les cinéphiles, il est et restera l’aviateur américain Chuck Yeager
en 1983 dans…L’Étoffe des héros.