Un vent de folie souffle sur le cinéma français le 20 mars 1974, lorsque sort Les Valseuses. Le réalisateur Bertrand Blier jette alors un pavé dans la mare du conformisme et de la rigidité morale ambiante. Deux mois plus tard, Valéry Giscard D’Estaing est élu Président de la République Française. Bertrand Blier adapte son propre roman éponyme publié l’année précédente. Pour beaucoup, Les Valseuses est son premier film tant celui-ci a marqué les esprits, alors qu’il s’agit de son quatrième long-métrage.



Les Valseuses mis en scène pour le cinéma va en fait connaître deux états de grâce, dus à deux critères fondamentaux qu’il faut connaître pour en comprendre l’immense influence et succès. Le café théâtre dans lequel de jeunes talents comiques évoluent est le premier facteur. Sur les planches que brûlent Patrick Dewaere et Gérard Depardieu dès 1971, les spectacles sont rôdés. C’est en allant les chercher que Bertrand Blier a un premier coup de génie. Dans un second temps, une fois le casting autour de Miou-Miou, Brigitte Fossey et Jeanne Moreau finalisé, les choses s’emballent très vite. Il ne manque en fait qu’une seule chose à ce tableau artistique idyllique, la présence de Gainsbourg à la musique qui fera défaut. Lorsque au printemps, Le film débarque sur grand écran, c’est une véritable bouffée d’air frais qui entraîne tout sur son passage. Alertée, la presse, très critique à l’époque, n’y va pas de main morte en qualifiant le film de « honteux », « immoral », « scandaleux », ou encore « ‘profondément choquant ». Ce que Blier, sans le cacher, visait délibérément. La polémique est née, le film est interdit aux moins de 18 ans. En faisant des voyous de son histoire ses héros, le cinéaste sait pertinemment qu’il bouscule les idées et les conventions. Il confronte deux mondes qui n’ont rien ou presque en commun…Celui des gens de condition moyenne et de condition plus aisée, à celui des petits délinquants, des marginaux, des petites frappes à la limite du pathétique, dont le seul but est la recherche de la liberté et du plaisir immédiats, irréfléchis. L’insolence des dialogues, la crudité extrême de certaines situations, l’anticonformisme revendiqué des deux personnages principaux font tout le sel d’une comédie qui à la base est un pur vaudeville. Cela ne ment pas, et le film est gratifié d’un véritable triomphe populaire.
Dans la bouche d’autres acteurs, le phrasé et le verbe si particuliers de Blier pourraient sonner faux. Mais dans celles de Dewaere et Depardieu, ils trouvent une poésie et une justesse éblouissantes à l’image de leurs prestations. Pierrot et Jean-Claude tels deux clowns modernes se lient d’une amitié indéfectible, et très souvent, derrière la grossièreté de la farce, surgît une vraie tendresse. Les Valseuses marche à la provocation, c’est sa dynamique. Un ton gouailleur, une alchimie de mots qui claquent et résonnent comme une partition musicale. C’est le duo Dewaere/Depardieu qui apporte cela, et la présence de Miou-Miou rajoute cette part d’innocence et de naïveté inhérente à tous les contes. Quand le film ne parle pas crûment et sans détour de sexe et de frigidité, il évoque l’amitié, la solitude et l’ennui que tous les personnages tentent de fuir. Cette France provinciale piquée à vif qui enferme et étouffe, qui juge aussi, les deux héros veulent s’en détacher, dans une continuelle fuite en avant. Le film est construit là-dessus tout du long et sera ensuite une thématique récurrente du cinéma de Bertrand Blier avec celles de la passion amoureuse et du triangle relationnel. Il commence avec ce travelling arrière montrant une femme poursuivie dans les rues par les deux iconoclastes tout de suite relayé par un travelling avant et ainsi de suite. Son film fonctionne comme un road-movie avec des personnages constamment sur la route, des lieux différents entre les scènes, des gens qui se croisent, la voiture omniprésente, etc…Blier colle à ses héros, les montre sous presque tous les angles, dans leur beauté sauvage, comme leur laideur. Il insiste sur les détails, sur les quiproquos, sur les malentendus et les coups de gueule. Son cinéma vit. Il n’effleure pas, il accroche, il ne soupire pas, il s‘emballe.
La cadence est impressionnante, et les saynètes se suivent sans jamais se ressembler, en une succession ininterrompue de péripéties. On compte sur les doigts des deux mains les scènes anthologiques…L’allaitement de Pierrot par Brigitte Fossey en femme de militaire retrouvant son mari après une permission, coincée dans ce wagon avec les deux zigotos…Une scène à la limite du voyeurisme mais qui s’en détache par son lyrisme et son empathie. Celle du triolisme au lit, avec la brochette Miou-Miou / Depardieu / Dewaere et ses répliques mordantes, et hilarantes, autour de la frigidité. Des dialogues balancés comme des gifles et d’une misogynie éhontée. Des pépites, du caviar pour des acteurs complices, marchant main dans la main, concernés et qui livrent pour leur premier grand rôle des prestations saisissantes de naturel. Il faut voir les regards de Depardieu à Dewaere, leurs sourires non feints, que l’on couperaient au montage de nos jours s’ils n’étaient aussi spontanés, au détour d’une phrase sérieuse, cette symbiose de deux géants qui s’abandonnent au gré de la magie d’une rencontre cinématographique unique. Pouvant tout jouer, Depardieu se régale. Dewaere, un peu plus en retrait est extraordinaire. Les seconds rôles ne manquent pas non plus de talent. Jeanne Moreau, en veuve quinquagénaire est sublime de pudeur et d’affect intériorisé. Isabelle Huppert, en nymphette de seize ans est ici troublante en jeune fille ivre de désir et prouve déjà qu’il faudra dorénavant compter sur elle. Ce sont elles aussi qui donnent de la vie et de la chair à cette fable sur l’impuissance, sur la passion amoureuse et les différences d’âge. C’est ainsi très beau de voir trois générations de comédiens réunies dans un seul film…Huppert débutante / Miou-Miou, Depardieu, Dewaere futurs lumières éclatantes du cinéma français et on peut aussi rajouter les figurations de Thierry Lhermitte et Gérard Jugnot, et Jeanne Moreau à la classe étincelante, déjà un peu plus âgée, et permettant au spectateur d’aborder avec elle un virage moins fougueux, plus retenu pour en venir aux choses essentielles. Il y a des choses magnifiques comme ce dialogue sur la terrasse d’un café…On est pas bien là hein ? P‘tain merde, tu vois quand on nous fait pas chier, on s‘contente de joies simples ou cette jetée de Miou-Miou à l’eau après son premier orgasme Ca y’est, ça y’est, j’l’ai pris mon pied !
Le film n’a donc rien perdu de sa superbe et de son audace, qui choquèrent en leur temps, et continue de distiller une verve intacte aujourd’hui. Trente ans après, Les Valseuses est un incontournable de la comédie française. Il montre à quel point Bertrand Blier dont l’humour peut plaire ou pas, est un cinéaste de la modernité, de l’observation des comportements, et un dialoguiste hors pair, génial. Mais c’est à Jean-Claude que revient le dernier mot…
On est pas bien là ? Paisibles, à la fraîche, décontractés du gland, et on bandera quand on aura envie de bander…



UN AVIS PLUS CRITIQUE SUR LES VALSEUSES… par JM Aubert
Deuxième film de fiction de Bertrand Blier, après Si j’étais un espion (1967), Les valseuses est une adaptation du roman éponyme sorti en 1972 et écrit par Bertrand Blier. Il fit clairement scandale de part notamment certes la multiplication des scènes de sexe, et pas qu’hétérosexuelles, mais au-delà, il vient surtout mettre la France face à un miroir grossissant, parle de libération de mœurs, et illustre un véritable affrontement idéologique du pays. Blier en rajoute et provoque à fond. L’accueil par la critique sera assez glacial le qualifiant globalement de nauséabond, mais si certains plus rares, percevaient déjà l’avant-gardisme, et les talents fou émergeant d’un cinéaste et de ses acteurs et se réjouissaient de « ces Pieds Nickelés salaces, qui nous mettent l’allégresse au cœur ». Le public ne s’y trompe pas. C’est un énorme succès avec 5.7 Millions d’entrées. Quoi que l’on puisse en penser, c’est clairement un film patrimoine du cinéma Français. C’est une vision, une révolution. Première seconde du film, deux gamins…Depardieu le roi poussé par Dewaere le bouffon dans un caddie…Ça ne pouvait pas être le contraire…Pour un jeu d’enfants anodin. Sauf que ces deux sales gosses là sont incontrôlables, pourchassés par les braves gens. Deux zonards, deux voyous, deux obsédés, deux malades d’amour, deux carencés traumatiques. Depardieu en blouson noir, c’est comme une seconde peau…Dewaere en suiviste, déjà un brin christique. Dans la voiture volée …On n’est pas bien là ? Hein ? Tu les sens les coussins d’huile ? Sous ton cul. De la vulgarité ordinaire ? Non, de la poésie cinématographique. Miou-Miou entre comme un ange…Ça tombe bien, elle va faire face à dieu et au diable…Un ange en manteau de vison rose…Délicieuse Barbe à papa, Poésie des mots et de l’image.
Extraordinaire moment où tenus en joue par le propriétaire de la voiture qu’à un moment, ils ont « empruntée » »les deux loubards font l’objet de la curiosité de tout le voisinage, au balcon, qui se régale, se délecte, et sans euphémisme collabore, la vindicte à la bouche mais bien planqués dans les immeubles, le sourire baveux au lèvres. Réponse d’anthologie de Depardieu à cette formidable allégorie des lâchetés hexagonales, qui font partie de l’histoire de France absente des manuels …Pas d’erreur possible, on est bien en France. Au-delà de la provocation autant savoureuse qu’ultime de Blier, tout le film est un peu là. Ces deux France qui se font face. Blier nous met pour le moment dans le camp officiel des méchants, le meilleur. Une balle perdue près des valseuses pour Dewaere, Dieu n’a pas de sexe, c’est pas grave…Dewaere se fait opérer les jambes écartées dans un étrier, avec les chaussettes trouées, misère testiculaire et pédieuse. Toujours chassés, en ville par les flingues, à la campagne par les fourches. Ces deux là n’ont leur place nulle part. Ils font n’importe quoi, et nous on se marre. C’est bête mais c’est beau. On est dans le train, mais là on se marre plus du tout. La sublime Brigitte Fossey passe par là…Mère nourricière, symbole absolu de pureté, elle est ici et maintenant la mère de tous les hommes. Elle donne le sein à son bébé, personne dans le wagon. Depardieu veut la payer…Moi ce que j’aimerai bien, c’est qu’tu donnes la tétée à mon pote, c’est un grand amateur de lait et en plus, il est né de mère inconnue, j’suis sur que ça lui ferait plaisir. La tétée, l’agression, ces mecs là n’ont rien réglé, ma mère m’a abandonné, alors je viole toutes les mères. On explique, mais jamais on excuse. La carence, le trauma, la violence.




Une scène qui pue le viol, le chantage, la domination masculine abominable. Les deux voyous ne sont plus sympas du tout, ce sont des agresseurs, des salauds, des mâles, c’est le mal. Ils ne violeront pas, mais c’est pareil C’est malsain, abominable, presque insoutenable. Il y a bascule, on sort du manichéisme, ça serait trop simple de s’ériger du coté des voyous, sous prétexte que les braves gens ne le sont pas vraiment. Blier nous fait voyager sur le terrain vague de la complexité. Ils retrouvent Miou-Miou, consentante, demandeuse, le trio amoureux érotique s’installe. Face à la frigidité de la belle, Depardieu interroge…J’te fais pas mal ? Non, j’te demande ça car d’habitude, y’en a qui suffoquent. Excuse-nous Marie Ange, on est pas très fleurs bleus, tu prends jamais ton pied ? La scène du train a quand même tout changé…Pour assouvir leur folie sexuelle, ils font la sortie de la prison. Jeanne Moreau, en sort tout juste. Pas d’argent, pas de vêtements, pas d’adresse où aller. Depardieu brandit ses billets, son flingue, son sexe, c’est un gosse. Le problème c’est que le pognon l’arme et le phallus sont des vrais, ceux d’un adulte. Cette fois ci, Jeanne Moreau, ils vont la traiter comme une reine, des fringues et un grand restaurant de bord de mer pour le premier jour de liberté depuis 10 ans. Solidarité de taulards. Moreau est bouleversante dans son envie de vivre à nouveau, mais pas longtemps. Sa présence aura d’ailleurs rassuré les producteurs, qui avaient sans doute de quoi être inquiets par nombre d’autres choses !



Quelques péripéties plus tard, entre sexe, vols, déniaisement orgasmique de Miou-Miou, le duo maléfique réussira plus ou moins à se calmer. On croisera l’air de rien dans des rôles de drôles de figurants les copains Jugnot et Lhermitte, tout jeunots, et ça c’est quand même rigolo. Et puis il y a Isabelle Huppert, dans le rôle de…Jacqueline, jeunette en t-shirt Mickey mais avec la voix qu’on lui connaît…Mais on s’en fouuuuu de ta DS ingénieur de mon cul. dit-elle à son père. et a sa demande, ils l’embarquent. On part toujours avec Isabelle Huppert de toute façon. Corps d’ado, voix d’adulte, lunaire, Huppert….Evidemment, dans cette ode libertaire, ça baisera à nouveau, cette fois ci au moins, tout le monde est d’accord. La mise en scène avec ces petites musiques jazzy toute doucerettes de Stéphane Grappelli viennent tout en contraste de la violence notamment morale qui se joue en quasi permanence à l’écran. Les différents plans permettent notamment à Depardieu et Dewaere de sublimer leur art, et c’est un régal. Le trio continue…Et maintenant où on va ? demande Dewaere. Réponse culte de la bête Depardiesque du cinéma Français …On n’est pas bien ? paisibles, à la fraîche, décontractés du gland, et on bandera quand on aura envie de bander. Tout est dit. Fermer le ban, c’est le cas de le dire. Blier voulait des acteurs quasi inconnus pour son trio, et ce fut le cas à l’époque de Depardieu, Dewaere et Miou-Miou, qui vont accéder tous trois à la notoriété que l’on sait maintenant par ce film patrimoine. Depardieu fait plus que du Depardieu ici…Il est sans doute comme sublimé par la présence de son acolyte. La complémentarité sera totale. Ici, Gérard ne joue pas vraiment. Il est ce voyou bestial mais cérébral, cette brute insupportable mais au verbe parfois délicat. Il aura insisté énormément auprès de Blier pour en être. Bien lui en a pris, tant ce rôle sera déterminant pour la suite. Sa performance hors norme dans Les Valseuses sera à la hauteur du scandale provoqué par la sortie du film.
Miou-Miou est incroyable entre les deux, au propre comme au figuré. Le caractère ingénu de sa recherche de plaisir, l’affection amoureuse qu’elle porte aux deux affreux, sa candeur émotionnelle qui vient comme en réponse à la brutalité des deux autres…Elle irradie, et elle aussi, par ce film, va s’ouvrir au monde. Et puis, il y a Dewaere….Le Laurel du Hardy…qui lui aussi donc va se révéler à la terre entière. La beauté christique certes, mais bien au-delà, la finesse du trait, la flamboyance du jeu, teintée pourtant d’une sensibilité que l’on devine déjà à vif. Il aura été en balance avec Coluche pour le rôle, mais les essais avec Depardieu et Miou-Miou ont fait la différence. Blier disait de lui …Il ressemblait à Marcello Mastroianni, mon idole. Il me touchait beaucoup, Patrick. Il avait du malheur en lui. Le bordel sur le plateau était total. Un tournage prolongé de deux semaines, Entre Depardieu, aussi fou à l’écran qu’en dehors, qui avec Dewaere étaient capable de n’importe quoi. Sans compter l’histoire passionnelle entre lui et Miou-Miou…Les portes claquaient, tout le monde gueulait et riait fort. C’est une époque, le cinéma en parle tellement bien, et ce film-là mieux encore.






SOUVENIRS D’UN TOURNAGE D’UNE AUTRE EPOQUE…
Un joyeux bordel… Voilà comment on pourrait résumer le tournage, ce road movie qui embarque Depardieu, Dewaere et Miou-Miou dans la France pompidolienne, sur fond de violence et de transgressions sexuelles. Le film est tiré d’un livre sulfureux écrit par Bertrand Blier, qui intéresse assez vite des producteurs. Mais qui pour le casting ? Blier passe en revue les jeunes acteurs de l’époque. Coluche fait des essais peu concluants, Miou-Miou s’impose rapidement, Patrick Dewaere est sélectionné, mais on le juge pas assez frêle, il promet donc de jouer en retrait. Quant à Depardieu, 24 ans à l’époque, il fait le forcing et vient tous les jours frapper au bureau de Bertrand Blier, à chaque fois dans une tenue différente pour montrer ses talents. Le réalisateur cède, contre l’avis des producteurs qui jugent que ce grand malabar a « un trop grand nez » pour plaire aux femmes. La fine équipe débute le tournage pendant l’été 1973. Et c’est là que les ennuis commencent…Depardieu et Dewaere vont partir en vrille très rapidement, prenant leur rôle de voyous très à cœur, même quand les caméras sont coupées…Le soir, ils piquent la DS 21 du tournage pour faire la tournée des bars du coin et reviennent très barbouillés le lendemain….Qu’est-ce qu’on a pu faire chier Bertrand sur ce coup. On ne dormait pas, on débarquait au petit matin sur le plateau avec des têtes de noceurs, de débauchés. C’était de la grande voyoucratie, un mélange d’inconscience et d’insouciance. Entre les deux hommes s’installent à la fois une complicité et une rivalité sournoise car tous deux jouent gros, les scènes érotiques ajoutent une certaine tension. La testostérone de Depardieu s’invite au milieu du couple Miou-Miou et Dewaere, ce dernier voit parfois rouge. Un soir, il va jusqu’à défoncer la porte de la chambre de Gérard, le visage blafard, pensant qu’il couche avec sa compagne… Ils attiraient la bagarre comme des fous, ça n’arrêtait pas. On s’aimait très fort tous les trois. On était comme une portée de chiots.
Sur le plateau, l’heure est aux quatre cents coups et aux blagues potaches. Dans une scène, Depardieu et Dewaere se retrouvent dans une 2 CV, ils attendent le signal de Blier, qui leur lance « partez ». Et les voilà lancés, mais ils ne s’arrêtent pas et reviennent une heure plus tard après une virée en campagne…Une autre fois, Blier cache l’équipe de tournage dans un champ de blé et demande au trio de faire du stop, suggérant à Miou-Miou de remonter sa jupe. Et voilà soudain un routier qui s’arrête..Les acteurs montent à l’intérieur du camion et prennent la poudre d’escampette, laissant Blier interloqué dans son champ de blé…Les trois se comportaient comme de véritables loubards, provocants, bagarreurs, indisciplinés, j‘avais beaucoup de peine à imposer mon autorité. Ça tournait parfois au cauchemar. L’ambiance est souvent électrique, les garçons ont du mal à retenir leur texte, improvisent des situations, rajoutent des phrases, les coups de gueule sont fréquents…L’équipe du tournage, plus âgée, s’agace parfois du comportement de ces têtes à claques. Blier, lui, préfère rester « planqué à l’écart », pour rester concentré…Sinon, je n’aurais pas pu faire le film…Après coup, Dewaere est revenu sur cette ambiance très tendue…Quand on s’engueulait avec Blier, Gérard et moi, on ne lâchait pas le morceau ! Il y avait parfois une tension terrible…Bertrand a failli quitter le tournage trois ou quatre fois ! Je l’ai vu faire sa valise…L’arrivée de Jeanne Moreau fait soudain baisser la pression…La star a accepté d’incarner une femme sortie de prison qui couche avec les deux voyous, avant de se donner la mort…Et les deux garçons filent droit, impressionnés de donner la réplique à une telle pointure…Quand elle est arrivée sur le tournage, l’équipe s’est fait une coupe de cheveux, s’est habillée correctement, Il y a eu un plan de travail et Blier m’a dit “Nous allons enfin avoir une véritable actrice…”L’ennui gagnait même l’équipe quand, le soir venu, Jeanne Moreau et Bertrand Blier se retrouvaient autour d’un Scrabble…confiait Miou-Miou.
Le film s’achève avec deux semaines de retard, les producteurs craignent le pire, le comité de censure l’interdit aux moins de 18 ans, la critique est virulente. Autant de scandales qui attirent l’attention et poussent les spectateurs dans les salles…Les Valseuses prend la tête du box-office et cumulera au final plus de 5,7 millions d’entrées. Jamais plus Blier n’atteindra un tel score.
Bertrand BLIER / FILMOGRAPHIE…18 FILMS / 50 ANS

















