Mal d’argent

Issu de la grande bourgeoisie flamande, Joachim Lafosse poursuit des études de réalisation de 1997 à 2001 à l’Institut des arts de diffusion. Son film de fin d’études Tribu remporte plusieurs prix dont celui du meilleur court métrage au Festival du film francophone de Namur en 2001. En 2005, il participe à l’Atelier du Festival de Cannes, avec son projet Révolte Intime.

 

Ça rend heureux, récompensé du Grand Prix au Festival Premiers Plans d’Angers 2007, est un long métrage qui raconte l’histoire de Fabrizio, un cinéaste au chômage qui décide de faire un nouveau film en dépit de ses maigres moyens financier et une vie privée difficile. Ce film est en partie inspiré de l’expérience du réalisateur. En France, le film est sorti en salles quelques mois après son second long-métrage, Nue Propriété (sélectionné en compétition à la Mostra de Venise 2006) avec Isabelle Huppert, Jérémie et Yannick Renier.

 

Son cinéma s’intéresse à « la sphère privée et ses limites ». La traduction de ses titres de films en anglais souligne cet aspect…Folie privée (2004), Nue propriété (2006) et Élève libre (2008) sont respectivement traduits par Private Madness, Private Property et Private Lessons. Il déclare en 2010…À moi, on me donne une caméra et je filme exactement ce qu’on ne montre pas…les moments où l’on se dispute, où il y a des bagarres, des tensions. C’est ma passion. Le cinéma m’a sauvé la vie. C’est ma respiration. J’aime ça. Je suis en lutte contre le cynisme ambiant. Si on parle de la vie, c’est pour la changer, Si le cinéma ne peut évidemment pas changer le monde à lui tout seul, il peut le faire évoluer, l’humaniser. Il s’agit, encore et toujours, de prendre ce risque-là.

 

 

 

 

La facture du désamour  Par Jacques Mandelbaum

ou la désintégration d’un couple, quasiment en huis clos.

 

Redoutable cinéaste que Joachim Lafosse, qui a choisi comme terrain d’élection la perversion, en tant qu’elle gouvernerait les rapports humains et, parmi eux, les plus nobles, bien entendu : l’amour, l’amitié, le don. Nue propriété (2006) faisait de deux frères les bourreaux d’une mère divorcée et consentante. Elève libre (2008) stigmatisait la transformation des idéaux de libération sexuelle hérités de 1968 en un pur moyen d’asservissement. A perdre la raison (2012) racontait un couple manipulé par un pervers paternaliste, avec infanticide à la clé. Les Chevaliers blancs (2015) décrivait les humanitaires occidentaux en Afrique comme d’insouciants prédateurs. Souvent inspiré de faits divers, rompu à l’art de déceler et de mettre en valeur le trait qui corrompt, doué d’une indéniable subtilité, voilà un cinéma intelligemment désagréable, diabolique en son espèce, qui, fort de sa justesse d’observation, semble incessamment interpeller le spectateur en lui demandant de le détromper, s’il peut. Et bien sûr qu’on pourrait, si les règles du jeu et les joueurs n’étaient évidemment déterminés par le cinéaste. A cette école de la lucidité sarcastique et du désenchantement amer, sur un thème pourtant mille fois rebattu, Joachim Lafosse parvient encore à nous désespérer avec L’Economie d’un couple, peinture triviale et en huis clos d’une inexorable séparation entre un homme et une femme, parents de deux fillettes.

 

Tout le film, tourné en intérieur et en plans-séquences, se déroule dans une maison, qui joue de fait un rôle central dans la déliaison que le spectateur est invité à constater. Marie (Bérénice Bejo), dont la famille a de l’argent, la tient de ses parents et l’entretient avec son salaire. Boris, d’origine plus modeste et sans emploi, y a toutefois apporté les embellissements et les travaux nécessaires lors de leur installation. Aujourd’hui que le désamour les monte l’un contre l’autre, ils ne parviennent pas à se mettre d’accord sur la part de la maison qui leur revient à chacun. Boris, sans le sou, ne peut de toute façon se reloger. Alors ils y restent, s’y accrochent, y manœuvrent et s’y déchirent devant les deux fillettes, qui sont les fruits de leur amour. Elle voudrait tout contrôler des modalités de la séparation. Il laisse dire, n’en fait qu’à sa tête, espère peut-être renverser la vapeur. La chronique de la désintégration conjugale qu’en tire le film met un point d’honneur à ne jamais dévier de cette lutte, âpre, sordide, où chacun défend à sa façon son honneur et sa raison. Les scènes se succèdent, que tout membre d’une cellule familiale en voie de dissolution se jurerait d’avoir vues ou vécues, à la virgule et au geste près. L’humiliation devant les amis qui ont choisi leur camp, les mots qui salissent, le désir farouche de ne pas céder, la lumière d’une possible réconciliation, la tristesse infinie d’entraîner les enfants dans le désastre.

 

Cette justesse, qui sent le vécu, a ceci de particulier qu’elle semble pourtant procéder d’une observation clinique. Aucune beauté, aucune grandeur, aucune folie particulière n’émane d’elle, telles qu’Ingmar Bergman, Philippe Garrel ou Maurice Pialat, grands cinéastes du désamour et de la rupture, parvinrent à en dispenser. Et si l’on sent bien que Joachim Lafosse focalise son propos sur la question de l’argent pour en faire le symptôme d’une cause moins aisément assignable, on ne peut s’empêcher de regretter que cette cause ne puisse autrement s’approcher que sous la forme d’un règlement comptable.

 

 

 

 

Méthode de travail de JOACHM LAFOSSE…

NOTRE ÉPOQUE FACILE RENCONTRER TRES DIFFICILE A TROUVER POUR LONGTEMPS

 

 

Amener de la complexité mais vers le plus grand nombre.

 

On ne fait pas un film avec des idées mais avec des personnages.

 

Le cinéma sait bien raconter l’intimité.

 

Travailler très en amont sur le scénario, faire le choix d’une caméra spéciale pour tourner sur un plateau exigu. Dans un premier temps ne s’occuper que des parents pour se faire oublier et faire que les deux enfants se sentent libre. Demander à CEDRIC KAHN et BERENICE BEJO de voir le film…QUI A PEUR DE VIRGINIA WOOLF de MIKE NICHOLS 1967 avec R.BURTON – E.TAYLOR qui symbolise parfaitement le couple dans sa passion et le déchirement. S’impliquer avant et pendant le tournage dans la maison reproduite en studio avec des plans séquences pour fluidifier le rythme et libérer les acteurs