La guitare dans la peau

Contrairement à certains chanteurs qui ne sont « que » des interprètes, aussi talentueux soient-ils, Prince était un guitariste de grand talent. S’il n’a jamais acquis le statut honorifique de guitar hero, c’est sans doute parce que l’artiste se démultipliait tant qu’il était difficile de le classer dans une seule case. Chanteur, danseur, musicien, auteur, compositeur, réalisateur…Le Kid de Minneapolis était un touche-à-tout insatiable. Néanmoins, ses performances à la guitare restent gravées dans les mémoires de tous les amoureux de cet instrument. Sa performance sur « Purple Rain », Le grand tube planétaire de sa carrière, tiré du biopic qu’il a lui-même réalisé, en est une parfaite illustration. S’inspirant de légendes telles que Jimi Hendrix ou Carlos Santana, Prince a su se forger une identité propre au fil des ans, et insuffler à sa musique un style unique, bien qu’il n’ait jamais hésité à voyager à travers différents styles, du rock au blues en passant par la soul, le funk et le hard-funk.

 

 

 

 

Prince Rogers Nelson est né le 7 juin 1958 à Minneapolis aux États-Unis. Son père possède des origines italiennes, sa mère est une métisse afro-américaine. Le chanteur doit son prénom au nom d’un trio de jazz le Prince Rogers Trio, dont son paternel est membre. La star n’est pas un enfant de la balle pour autant. Son père est plâtrier et sa mère travailleuse sociale. Pourtant, le petit Prince a déjà le funk dans le sang. À 7 ans, il a une oreille musicale bien affinée, écoute tous les styles de musique à la radio. John L. Nelson déclarera en 1991 avoir ainsi appelé Prince, car il voulait que celui-ci fasse la carrière dans la musique qu’il n’avait pas pu avoir.

 

Si Prince était un virtuose de la guitare, c’est par le piano qu’il a débuté. Il faut dire que son père, au-delà de sa profession de plâtrier, était pianiste dans un petit groupe, le Prince Rogers Trio, formation qui lui a valu son prénom original. Très tôt, le petit Prince se passionne pour la musique, et il ne tarde pas à vouloir utiliser d’autres instruments. Son génie se révèle alors rapidement, et il devient ce qu’on appelle communément un multi-instrumentiste. Et comme il n’est pas homme à faire les choses à moitié, celui qui deviendra le Kid de Minneapolis se démultiplie comme personne. Son premier album intitulé « For You » sort en 1978, et il résume à lui seul la propension de Prince à intervenir à tous les niveaux de la production. Sur cet album, qui ne sera pas un grand succès commercial, l’artiste joue de pas moins de 27 instruments différents ! Il faut dire qu’à part les instruments à vent rien ne lui résiste.

 

Comme de nombreux génies, Prince avait du mal à se satisfaire de la production des autres. Exigeant envers lui-même, il l’était plus encore avec les danseurs et musiciens qui pouvaient l’accompagner dans ses tournées. Aussi, son talent de multi-instrumentiste lui a souvent permis de travailler en solo à l’élaboration de ses chansons. Sur les pochettes de ses albums, il est d’ailleurs fréquent de voir la mention « produit, composé, arrangé et interprété par Prince » accolée à ses créations. Propriétaire de ses propres studios, Paisley Park, dans l’État du Minnesota, le Kid de Minneapolis pouvait ainsi s’enfermer avec la seule compagnie d’un ingénieur du son, pour enregistrer ses chansons jusqu’à aboutir au résultat souhaité. Et bien souvent, le résultat était d’un niveau d’excellence rare, comme la réédition de certains albums le démontre encore aujourd’hui.

 

Prince restera, avec Michael Jackson, comme l’un des plus grands performers de tous les temps. Immense guitariste, danseur hors pair, pianiste virtuose, le Kid de Minneapolis proposait des prestations hallucinantes. Souvent dans des lieux inattendus comme ses deux dates au Grand Palais le 11 octobre 2009. L’interprète de Kiss était également imprévisible. Il avait pris l’habitude d’annoncer ses tournées au dernier moment et de donner des spectacles surprises, hors de tout cadre promotionnel. Le 22 juillet 2010, Prince avait ainsi donné un concert au New Morning à Paris, de 2h30 à 6 heures du matin ! Un show mythique.

 

 

 

 

Guitariste de légende, Icône, Artiste inclassable, Prince est mort ce jeudi 21 avril à l’âge de 57 ans Celui que l’on surnommait le Kid de Minneapolis a marqué de son empreinte l’histoire de la musique avec des tubes imparables comme Purple Rain, Cream, Girls & Boys, Kiss, qui ont fait danser la planète entière, mêlant riffs de guitare et rythmes funk. Musicien surdoué, multi-instrumentiste, avant-gardiste, la star au look androgyne mesurait moins de 1m60 mais était un géant. Une star hors normes, à l’ego également surdimensionné. Longtemps comparé et opposé à Michael Jackson, Prince a écrit une carrière atypique, fascinante et unique.

 

 

Adolescent, il passe déjà son temps dans les studios d’enregistrement, en particulier le Moon Sound de Minneapolis. Il joue de tous les instruments, c’est un groupe à lui tout seul. Chris Moon, le propriétaire du Moon Sound lui présente Owen Husney, son premier agent artistique. C’est ce dernier qui élabore une stratégie osée pour lancer sa carrière…Il le rajeunit de deux ans et le présente comme le nouveau Stevie Wonder, son idole. Incroyable mais vrai : ils arrivent à convaincre une grande maison de disques, Warner Bros, et signent un contrat pour trois albums et une avance de 180.000 dollars. Mieux, les deux hommes arrivent à imposer leurs conditions : Prince sera son propre producteur, auteur, compositeur et interprète. Il n’a que 18 ans.

 

 

 

 

FUNK SEX…Après deux albums, Prince publie en 1980 Dirty Mind « Esprit mal tourné » et fait sensation avec des titres entre pop, funk et new wave où la star parle de sexe de manière assez crue…Les titres Head, Sister, évoque sa passion pour la « fellation adultérine ». L’époque est à la liberté sexuelle, celle des soirées folles et des excès, mais ses titres ne passent pas inaperçus, émoustillent, choquent aussi. D’autant que le chanteur cultive une ambiguïté, brouille les pistes en apparaissant sur la pochette de son disque avec ses dessous féminins. Dirty Mind restera 31 semaines dans le classement des meilleures ventes aux États-Unis. Prince a trouvé son style, s’est construit un personnage de guitariste serial lover.

 

 

 

 

PURPLE RAIN…Alors qu’il commence à enchaîner ses premiers tubes dans les années 80, Controversy, Little Red Corvette, l’artiste a un projet fou qui trahit son ambition sans limites avec un film sur sa propre histoire et dont il serait le héros, Purple Rain. Warner Bros rejette le projet froidement. Le long-métrage verra pourtant le jour en 1984. Le film, tout comme l’album qui l’accompagne et que le chanteur a composé, remportent un énorme succès aux États-Unis, en particulier la chanson titre du film qui sera récompensée d’un Oscar. Purple Rain sortira en France six mois plus tard, dans l’indifférence quasi générale. Mais, le film est une pierre angulaire dans l’œuvre de Prince. Purple Rain devient au fil des années un long-métrage culte et un tube éternel, le morceau le plus célèbre de sa carrière.

 

 

 

 

 

 

 

1989…Prince rencontre un autre géant avec le justicier de Gotham City ! Le musicien signe la bande originale du film Batman réalisé Tim Burton avec Michael Keaton dans le costume de l’Homme-chauve souris et Jack Nicholson en Joker. L’artiste produit neuf titres, tous utilisés sous leur forme originale ou réarrangée. Le disque se classe en tête au Billboard 200. En Europe, la musique de Batman arrive en premier position dans plusieurs pays, dont la France. Prince apparaît dans le clip du single Batdance. En deux mois et demi d’exploitation, le film Batman rapporte plus de 71 millions de dollars et propulse Prince au rang de superstar.

 

 

 

 

 

 

LOVE SYMBOLE…Prince a eu de multiples identités musicales tout au long de sa carrière. L’artiste a exploré tous les styles musicaux ou presque : pop, funk, RnB, rock, soul, jazz. Le musicien changera également de nom en pleine gloire. En 1993, le guitariste, en conflit avec sa maison de disques Warner Bros, abandonne son nom de scène au profit de l’imprononçable pictogramme « Love Symbol ». Prince sortira plusieurs albums sous cette nouvelle identité musicale, des disques complexes et anti-commerciaux comme The Gold Experience. Le chanteur quitte les charts mondiaux. S’il reste une star mondiale, dont chaque apparition est un événement, Prince mènera à partir de ce moment-là une carrière atypique, loin des circuits traditionnels.

 

 

 

 

Électron libre, Prince a eu une seule obsession durant sa carrière, celle de conserver une liberté artistique totale. Dès 1986, le chanteur a fait bâtir, à Chanhassen, au Sud-Ouest de Minneapolis, un temple dédié à sa musique…Paisley Park, un immense complexe réunissant plusieurs studios, des ateliers pour réaliser ses extravagants costumes, des salles de danse, de répétition. Le palais du Prince a accueilli au toutes ses folies, des fêtes impromptues et des concerts devenus légendaires. Prince a été un des tous premiers artistes de renom à se lancer sur Internet. 1997…Le chanteur sort ainsi un triple album intitulé Crystal Ball directement sur le Web. 3 ans plus tard, l’artiste crée un site où les fans peuvent acheter des centaines de chansons inédites…NPGOnlineLtd.com. Mais l’histoire ne durera pas. 2007…Prince distribue gratuitement son album Planet Earth. Remonté contre le streaming, Prince poursuivra également en justice YouTube, eBay et The Pirate Bay, avant de s’attaquer à ses propres fans diffusant ses morceaux sur les sites de partage vidéos. Ce qui explique pourquoi on ne trouve pas ses clips sur internet. Le Kid de Minneapolis aura passé sa vie à surprendre. Il disparaît sans prévenir, laissant des millions de fans orphelins, les yeux embués de larmes violettes.