Didier Daurat, né le 2 janvier 1891 à Montreuil-sous-Bois Seine-Saint-Denis et mort le 2 décembre 1969 à 78 ans à Toulouse, est un pionnier de l’aviation française, figure marquante de la grande aventure de l’Aéropostale, il inaugurera notamment pour le compte de la Société des lignes aériennes Latécoère la ligne postale régulière Toulouse Rabat, le 1er septembre 1919. Il avait vingt cinq ans lors de son arrivée chez Latécoère et déjà quelques jolis faits d’armes à son actif. Ancien élève de l’École d’horlogerie de Paris et de l’École supérieure des travaux publics, mobilisé en 1914 il est intégré à l’arrière, à Gray, puis, à sa demande au 163e régiment d’infanterie, il s’était, en premier lieu, embourbé près de deux ans dans les tranchées; blessé par un obus, évacué sur Vichy, soigné tant bien que mal, le fantassin demanda à regagner le front et à rejoindre ce que l’on n’osait pas encore appeler l’armée de l’air.
1916/Didier Daurat ignore tout des avions, ne sait pas piloter, mais espère apprendre au plus vite. Le 16 décembre, après quelques trop brèves leçons, il obtient son brevet de pilote puis est envoyé à Châteauroux pour parfaire ses connaissances. En l’espace de quelques semaines seulement, le convalescent tout juste débarrassé de ses pansements se familiarise avec les Caudron G.3 et G.4, effectue un premier looping et rejoint la fameuse escadrille C-227, où sert déjà Beppo de Massimi. Les deux compagnons effectuent de nombreuses opérations d’observation et de reconnaissance. Ils sont montrés en exemple. Hasard des affectations et des emplois du temps, c’est avec un autre partenaire, choisi au débotté, sans que son association avec Massimi ait été le moins du monde remise en question, que Daurat frôle la mort le 30 mai 1917. Assailli par cinq Fokker, il évite par miracle une attaque en règle, et ramène à sa base un avion criblé de balles et un équipier agonisant. Quelques jours plus tard, il se distingue une nouvelle fois en découvrant la fameuse Grosse Bertha, canon à très longue portée qui menaçait Paris au grand dam de l’état-major français.
Promu lieutenant puis commandant, décoré de la croix de guerre et de la Légion d’honneur, encore blessé en vol, à nouveau remis sur pied, puis versé dans l’escadrille de chasse Spad-87, Daurat ne pouvait pas ne pas croiser le chemin de son ami italien au lendemain de l’armistice. Le 15 juillet 1919, il obtient un congé de deux ans et rejoint les Lignes Aériennes Latécoère à Toulouse. L’ouverture de la Ligne en direction de l’Afrique est fixée au 1er septembre 1919. Didier Daurat et Jean Dombray, chacun aux commandes d’un Breguet 14, sont chargés dans un premier temps de rallier Alicante, bientôt rejoints par Pierre Beauté avec les sacs de courrier. Le 2 au matin, Daurat s’envole le premier en direction des côtes marocaines. À 17 heures, il atterrit à Rabat et livre aux autorités locales les premières missives officielles du service postal franco-marocain. Massimi lui commande de devenir le chef de l’aéroplace de Malaga et l’invite à y organiser un relais vraiment efficace, doté d’un véritable atelier de réparation et de pièces de rechange en nombre suffisant.
Dès le mois d’octobre 1920, Pierre-Georges Latécoère, sur les conseils empressés de Massimi, choisit comme chef d’exploitation Didier Daurat. A peine confirmé dans ses fonctions, il colmate les brèches et insuffle une énergie nouvelle, ce fameux « esprit » de la Ligne qui assurera la pérennité de l’entreprise. Daurat jouit d’un évident, charisme, mais son ascendant ne se limite pas à ce seul avantage. L’homme sait se faire respecter et donner des ordres. Sans que ni Latécoère ni Massimi ne le poussent vraiment sur ce terrain, Daurat met au point un règlement extrêmement précis et rigoureux. Un mémorandum où il est question en priorité de ponctualité et d’ordre, mais aussi de primes à la rentabilité et de récompenses en cas de « non casse ». Dès lors va commencer la légende de l’homme à la volonté de fer qui fera de Didier Daurat un chef admiré par beaucoup, craint par tous, haï par certains. Il n’hésite pas à renvoyer ceux qui montrent un seul signe de faiblesse, contestent ses méthodes ou n’adhèrent pas à « l’esprit du courrier ». Beaucoup de pilotes commencent leur carrière par « le royal cambouis », c’est-à-dire en restant au sol pour effectuer la maintenance des avions. Selon Daurat, cela forme le caractère et obligera les pilotes à respecter la mécanique qu’ils connaissent. De fait, cette aptitude des pilotes à démonter et réparer un moteur se révèlera vitale par la suite dans le Sahara comme dans les Andes. Il sait par ailleurs remarquer les talents. C’est lui qui décidera, en 1927, d’envoyer Antoine de Saint-Exupéry, dont il a remarqué la très vive intelligence et le don pour les relations humaines, comme chef d’aéroplace sur la côte saharienne, à Cap Juby, où il saura parler et négocier avec les Maures.
Quand, en 1925, Jean Mermoz se présente et fait une éblouissante démonstration de pilotage à Toulouse, Daurat lui dit...Je n’ai pas besoin d’artistes de cirque mais de conducteurs d’autobus. On vous dressera ! Mais convaincu par son adresse de pilote, il l’engage…D’abord pour nettoyer les moteurs, et lui fera toute confiance lorsque ce dernier lui conseillera, plus tard, d’embaucher Henri Guillaumet, en 1926. Ces méthodes font leurs preuves car les lignes Latécoère puis l’Aéropostale atteindront une ponctualité et un taux de fiabilité inédits pour l’époque d’abord pour la ligne Toulouse – Saint-Louis-du-Sénégal, puis pour la ligne Toulouse – Santiago du Chili avec la traversée de l’Atlantique Sud et des Andes.
AEROPOSTALE…Les pilotes héros qui ont connecté le monde par avion sont tous liés à l’héritage extraordinaire d’une compagnie aérienne qui a cessé d’exister il y a 90 ans cette année.
Malgré une existence courte, de 1918 à 1931, la « Compagnie générale aéropostale », appelée simplement Aéropostale, a laissé une empreinte indélébile, tant dans le monde de l’aviation civile que dans l’imaginaire public. Dès la fin de la Première Guerre mondiale, le pionnier français de l’aviation Pierre-Georges Latécoère a réalisé sa vision d’établir une liaison aérienne régulière transportant le courrier entre l’Europe et l’Amérique latine. La société connue sous le nom d’Aéropostale a été fondée à la fin de 1918 sous le nom officiel de « Société des lignes Latécoère ». Au cours de la prochaine décennie, cette entreprise contribuera non seulement grandement à la consolidation de l’aviation en tant que service essentiel dans différentes parties du monde, mais elle deviendra également synonyme d’aventure et de courage. L’histoire d’Aerópostale est peut-être la dernière grande épopée de l’ère de l’exploration. Le long voyage de l’Aéropostale a commencé à Toulouse, dans le sud de la France. De là, il a traversé les Pyrénées jusqu’à Barcelone, a suivi la côte méditerranéenne de l’Espagne jusqu’à Alicante, puis vers l’Afrique du Nord, qui à l’époque était sous domination espagnole et française. La ligne se poursuit vers le sud le long de la côte atlantique du Maroc, avec plusieurs points de cheminement en cours de route: Casablanca, Agadir, Cap Juby / Tarfaya et les villes actuelles de Dakhla, Nouadhibou et Saint-Louis, jusqu’à atteindre son terminus africain à Dakar, au Sénégal. Compte tenu des limites des avions à l’époque, le courrier était ensuite chargé à bord des navires traversant l’Atlantique Sud au point le plus étroit, entre l’Afrique de l’Ouest et le nord-est du Brésil. De là, la branche latino-américaine de l’Aéropostale a pris le relais. Ses avions transportaient le courrier à Buenos Aires et au-delà. La capitale argentine a servi de plaque tournante à partir de laquelle plusieurs routes régionales ont émergé, transportant le courrier aérien à travers les Andes à Santiago du Chili, au nord du Paraguay et au sud de la Patagonie.
Outre les dangers du vol dans les années 1920, qui était un travail plutôt dangereux et inconfortable, les pilotes de l’Aéropostale devaient traverser de vastes régions dans des conditions climatiques extrêmes et sans aucune infrastructure de soutien. Mais cela peut aussi avoir fait partie du charme.L’Aéropostale a réussi à attirer certains des aviateurs les plus intrépides de l’époque, des pilotes comme Jean Mermoz et Antoine de Saint-Exupéry, de “Le petit Prince’la célébrité. Ce n’étaient pas seulement des aventuriers audacieux, mais aussi des écrivains de mots talentueux. Et la façon dont leurs longs et périlleux voyages ont été immortalisés dans une série de livres primés et de films ultérieurs aurait contribué massivement à l’aura légendaire de l’Aéropostale. Le Vol de Nuit de Saint-Exupéry, par exemple, a été un succès instantané lors de sa sortie en 1931 et l’histoire a été adaptée pour le film par John Ford dans son film de 1932. Poste aérienne. Il raconte les exploits de l’auteur sur la course chilienne de l’Aéropostale. Les sommets des Andes de 20 000 pieds représentaient un formidable obstacle pour l’avion fragile de l’époque. Dans l’un des passages du livre, Saint-Exupéry raconte l’histoire de son proche compagnon Aéropostale Henri Guillaumet, qui, après avoir écrasé son avion sur un glacier andin, a passé plusieurs jours dans un trek épique à travers la neige et la glace. Il a réussi à atteindre une colonie argentine isolée alors qu’il était sur le point de succomber au froid et à la fatigue.
Ce genre d’épopée sera suivi de Terre des Hommes (traduit en anglais par “Wind, sand and stars”), sur l’expérience de Saint-Exupéry de voler dans le désert du Sahara. Les pilotes devaient se fier à la navigation primitive et il y avait souvent le risque de manquer de carburant ou de rencontrer des difficultés techniques. Les pilotes effectuant des atterrissages d’urgence dans le désert risquaient d’être capturés par des tribus nomades locales qui tentaient alors de les racheter. Ce livre comprend également l’expérience de mort imminente de Saint-Exupéry, déjà dans sa période post-Aéropostale, après un atterrissage brutal dans le désert égyptien. Saint-Exupéry et son copilote ont enduré un voyage éprouvant dans le désert où ils étaient sur le point de mourir de soif avant d’être secourus par une tribu bédouine.
Cet esprit pionnier n’était pas réservé aux pilotes. L’histoire de Raymond Galtié en est un bon exemple. Né en 1901 dans le sud de la France, il rejoint le bras sous-marin de la marine française à l’adolescence. Après avoir servi pendant les années de la Première Guerre mondiale, Galtié quitte la marine en 1922 pour rejoindre l’Aéropostale, où il travaille comme mécanicien. «Les mécaniciens de l’époque volaient souvent avec des pilotes célèbres, comme Mermoz ou Saint-Exupéry. Ils ont développé des amitiés étroites parce qu’ils ont passé de nombreuses heures ensemble dans ces petits avions fragiles», explique Sònia Galtié, petite-fille de Raymond Galtié, récemment arrivée par un trésor de vieilles photos de famille. Cela l’a amenée à approfondir ses recherches sur la vie de son grand-père et de l’Aéropostale. Elle est tombée sur plusieurs sites Web et forums qui célèbrent la mémoire de la compagnie aérienne et cette communauté soudée de personnes vouées à l’avancement de l’aviation. Les fiançailles de Raymond Galtié avec l’Aéropostale ont eu une fin heureuse. Il a parcouru le monde, travaillant dans divers avant-postes de sociétés en Amérique latine et en Europe, puis s’est lancé dans une carrière fructueuse chez Air France.
Bien qu’il soit resté inextricablement lié à l’industrie aéronautique tout au long de sa vie et a continué à construire l’une des plus grandes entreprises aérospatiales de France, le Groupe Latécoère, qui existe encore aujourd’hui, Pierre-Georges Latécoère a vendu en 1927 l’activité de poste aérienne à Marcel Bouilloux-Lafont, un financier et homme politique français qui lui a donné un nouveau nom : “Compagnie Générale Aéropostale”. En 1930, l’Aéropostale était devenue une opération logistique massive, transportant 32 millions de lettres par an sur 17 000 kilomètres de routes aériennes et maritimes (l’Aéropostale exploitait également une flotte de huit navires) sur trois continents. La même année, Jean Mermoz, l’un des pilotes légendaires de la compagnie, aurait franchi la brèche atlantique à la barre d’un hydravion Latécoère 28 chargé de 122 kilos de courrier. Il a fallu 19 heures et 35 minutes à Mermoz pour voler entre le Sénégal et le Brésil. Bien que les traversées océaniques régulières continuent à être effectuées par bateau, Mermoz a montré qu’il était possible pour une lettre de la France d’atteindre Santiago du Chili en seulement quatre jours. La crise financière de 1929 a eu un impact sévère sur la stabilité et l’instabilité politique au Brésil et en Argentine a ajouté aux malheurs. En 1931, le gouvernement français a rejeté la demande d’aide financière et peu de temps après, l’Aéropostale a été liquidée. Ses activités sont absorbées par le groupe de sociétés qui deviendra plus tard Air France.
Pris l’autoritarisme et la rigueur, les pilotes de la Ligne n’ont guère le loisir de s’égarer. Leur destin est balisé et leurs éventuels écarts de conduite n’ont pratiquement aucune chance de s’épanouir. Sous son masque de cire et ses moustaches de sapeur, derrière son front large et ses yeux inquisiteurs, Daurat cache des manières de cabot, il dissimule aussi une énergie rare, inépuisable et toujours en éveil. On le dit farouche, ce qu’il est sûrement, mais également toujours prêt à montrer l’exemple, inflexible et inébranlable. Joseph Kessel, qui avait, lui aussi, goûté aux rigueurs de l’escadron et participé aux premières envolées aéronautiques, ne fut pas le dernier à reconnaître les mérites tant de l’homme que de sa méthode...Laissez-les les pilotes à leur nature et il n’en sortira rien de bon. Donnez-leur un but collectif, placez ce but, par l’exigence même que vous montrerez, à une hauteur presque inaccessible, bloquez tous les efforts dans une concurrence, une émulation sans fin, et vous ferez de la molle pâte humaine une substance de qualité. Il renvoie sans hésitation et sur l’heure tous ceux dont la foi faiblit. Tous les jours, le courrier part de Montaudran à l’heure, quel que soit le temps et arrive à Casablanca dans les temps prévus quels que soient les obstacles. Bientôt, cette régularité, inconnue sur les autres lignes aériennes en exploitation en ces années 1920-1925, fait la renommée de la Ligne Toulouse Maroc qui deviendra légende avec Casablanca Dakar et atteindra les sommets avec les prouesses extraordinaires de Mermoz et de ses compagnons dans tous les ciels de l’Amérique du Sud. La simple équité commande de reconnaître que Didier Daurat a transformé en éblouissante victoire une entreprise aérienne, jugée folle par tout ce que l’aviation française pouvait compter d’experts qualifiés.
Quand l’Aéropostale est intégrée à Air France, en 1933, Daurat, qui n’a pas que des amis, est remercié. En 1935, il fonde la compagnie Air Bleu, qui transporte du courrier dans toute la France, de jour comme de nuit. Là aussi les résultats sont remarquables mais l’entreprise est militarisée à la déclaration de guerre en 1939. Pendant la guerre, avec le souci de maintenir un service aérien postal, il œuvre au sein du Service Civil de Liaisons Aériennes Métropolitaines, qui fonctionnera en zone libre jusqu’en novembre 1942, date de l’invasion de cette zone par les Allemands. À la Libération, il relance la Postale de nuit puis devient chef du centre d’exploitation d’Air France à Orly jusqu’à sa retraite en 1953.
Cependant, la marque Aéropostale a été conservée par Air France, qui l’a utilisée pour certaines de ses activités postales et fret, exploitées conjointement avec la Poste française (La Poste), jusqu’en 2000. La Poste a ensuite pris la pleine propriété de l’entreprise, rebaptisée Europa Airpost, avant de la revendre, cette fois à une société irlandaise appelée ASL Aviation Group, qui opère jusqu’à présent des vols passagers et fret sous la marque ASL Airlines. Le réseau argentin de la société, connu sous le nom d’Aeroposta Argentina, a continué à fonctionner même après la disparition de sa société mère européenne, car il fournissait le seul service aérien civil régulier du pays. Il sera finalement nationalisé et fusionné avec d’autres compagnies aériennes pour former Aerolineas Argentinas en 1946. De plus, peut-être en raison des personnalités éblouissantes des personnes impliquées dans son exploitation et de l’extraordinaire travail littéraire qu’elles ont laissé derrière elles, la popularité d’Aéropostale a repoussé les limites du monde de l’aviation pour inspirer une chaîne de magasins de mode américaine qui n’a aucun rapport avec l’original. Aéropostale, cependant. Pourtant, rien ne vaut la vraie chose. A l’occasion du 90e anniversaire de sa mort, les fans de l’Aéropostale ont l’occasion de rappeler les exploits de Mermoz, Guillaumet et Saint-Exupéry en participant à la Raid Latécoère-Aéropostale, un rallye aérien longue distance qui, depuis 2008, retrace régulièrement les anciennes routes de l’Aéropostale en Afrique et en Amérique latine.
Didier Daurat est « l’âme » de l’Aéropostale. La fiabilité des pilotes est telle, l’acheminement du courrier un tel sacerdoce, et par tous les temps, que sur 7 200 vols de nuit, seulement un a été détourné à cause d’intempéries. Il meurt à Toulouse en 1969. Privilège exceptionnel Didier Daurat est enterré, à sa demande, sur l’aérodrome de Toulouse-Montaudran, ancienne base de l’Aéropostale. En raison de la construction d’une ZAC sur l’aérodrome fermé fin 2003, la tombe est détruite en février 2007 et son corps déplacé dans le caveau familial au cimetière Saint-Pierre de Marseille – Carré 19 Ouest – no 17-.