Le film, réalisé en 1982 par un Alan J. Pakula alors au faîte de sa gloire après les succès critiques et commerciaux de Klute, À cause d’un assassinat et Les Hommes du Président, est visuellement un peu daté, avec son flou quasi hamiltonien et une reconstitution des camps d’Auschwitz qui frôle l’indécence fort heureusement, le réalisateur a le bon goût de traiter le sujet de la Shoah en hors-champ. Pour autant, s’il surprend encore aujourd’hui, c’est par la multitude de sujets qu’il aborde, la plupart n’ayant que finalement très peu de liens avec le secret qui hante son personnage principal. Car Le Choix de Sophie, mélo définitif s’il en est, c’est avant tout l’histoire d’un amour passionnel et donc tragique, d’une amitié indéfectible entre trois personnes que tout oppose et, en première ligne, le portrait de trois solitudes que la vie réunit brièvement, avant que la mort ne reprenne ses droits. Le jeune Stingo (Peter MacNicol) se rêve écrivain et quitte son Sud natal pour rejoindre New York et peut-être y trouver l’inspiration et la gloire. Nous sommes juste après la Seconde Guerre mondiale, l’optimisme est triomphant et les vaches maigres se compensent par une foi inaltérable en l’avenir. Stingo se trouve une chambre dans une maison de Brooklyn et y fait la connaissance d’un couple au tempérament orageux, Sophie (Meryl Streep) et Nathan (Kevin Kline). Elle est belle et diaphane, Polonaise à l’accent irrésistible et à la douceur fondante. Il est entier et truculent, tour à tour colérique et hystérique, généreux et gouailleur, violent et tendre. Elle est chrétienne, il est juif. Elle a connu les camps, y a perdu son père et son mari. Il est américain et n’a qu’une obsession, que les nazis soient traduits en justice. Ces trois-là deviennent amis, mais le caractère imprévisible et de plus en plus incontrôlable de Nathan pousse Sophie et Stingo à se rapprocher, jusqu’à ce que la jeune femme révèle les secrets les plus sombres et inavouables de son passé.
La réalisation maintient une belle sobriété dans ses deux premiers tiers, un peu moins dans la dernière malgré une belle retenue dans «la» fameuse scène. Pakula, plus habitué aux films à thèses, a su conserver une raideur qui sied bien aux envolées lyriques de son scénario, inspiré du roman de William Styron. Si on se passionne peu pour les gesticulations de Nathan/Kline et la candeur un peu niaise de Stingo/MacNicol que l’on retrouvera quelques années plus tard, et beaucoup plus drôle, en avocat farfelu dans la série Ally McBeal on n’a d’yeux que pour la toute jeune Meryl Streep, vue jusqu’alors en second rôle dans deux beaux films Manhattan et Voyage au bout de l’enfer, et en premier dans deux autres, plus oubliables Kramer contre Kramer et La Maîtresse du lieutenant français. Si l’on a aujourd’hui quelque peu tendance à s’agacer de son statut d’actrice intouchable aux cent douze accents, force est de reconnaître qu’elle incarna alors Sophie bien au-delà des seuls effets de comédienne bien rodée…La prononciation impeccable est là, mais elle ne saurait réduire l’interprétation sidérante de l’actrice, dont le jeu instinctif, complètement habité et riche d’une infinité de nuances était alors totalement inédit pour le cinéma hollywoodien de l’époque. Elle bouleverse réellement, et c’est peu dire que son premier Oscar de la Meilleure Actrice ne fut pas usurpé. Le film, souvent, n’est pas à sa hauteur. Le mélodrame amoureux à la Jules et Jim fait place, dans le dernier tiers du film, à une reconstitution en dents de scie du drame vécu par Sophie à Auschwitz, et Pakula frôle à plusieurs reprises la catastrophe. Le scénario à tiroirs use et abuse un peu trop des effets dramatiques qu’un sujet comme la Shoah ne peut souffrir et les vingt dernières minutes semblent interminables. Mais la fin, tragique et réellement émouvante, vient rappeler que Le Choix de Sophie ne se résume pas à l’horreur vécue par la jeune femme à Auschwitz…Toute la vie de ce beau personnage a priori très passif fut donc d’expier ce choix impossible en le remplaçant par un autre, définitif, ultime. Difficile, il faut bien l’avouer, de retenir ses larmes.
Pakula préférait Liv Ulmann pour ajouter une touche de gravité bergmanienne. Finalement, après une campagne insistante…Elle se jeta aux pieds du réalisateur, littéralement. Meryl Streep fut engagée par le cinéaste, à contrecœur mais celle-ci prit des leçons d’allemand et de polonais, grossit de plusieurs kilos, pour les reperdre lors des scènes de camp de concentration, se rasa la tête pour les scènes à Auschwitz, filmées en Yougoslavie après que la Pologne a interdit à l’équipe du film de tourner sur les lieux originels et, absolument dévorée par le rôle, confia…Le plus dur a été la fin du tournage. J’aurais pu rester dans la peau du personnage éternellement…Elle obtint un Oscar pour sa performance. À sa sortie, le film provoqua une gêne palpable, non seulement la mise en scène de l’Holocauste est dure à supporter car comment filmer la barbarie la plus absolue ? Quel spectateur a envie de partager le dilemme de Sophie ? Quant à l’interprétation de Meryl Streep, si admirée à l’époque, n’est-elle pas un poil chargée ? À vous de juger.
Est reconnue comme l’une des plus grandes actrices d’Hollywood. Elle fait partie de ces comédiennes qui ont la capacité de s’effacer derrière leur personnage et fut maintes fois louée pour l’extrême justesse de son jeu, la richesse de son registre et la densité émotionnelle de ses compositions. Pour incarner Sophie, Meryl Streep, âgée d’une trentaine d’années à l’époque, a tenu à ce que son interprétation soit la plus réaliste possible…Elle apprends l’allemand et le polonais afin de pouvoir s’exprimer avec l’accent d’une réfugiée polonaise. Le tournage de la dernière scène du film celle de son fameux choix fut particulièrement éprouvant pour l’actrice, qui n’a voulu réaliser qu’une seule prise. En tant que mère, elle la trouvait trop douloureuse et épuisante sur le plan émotionnel. Quelques années plus tard, la séquence fut rediffusée sur le plateau d’Oprah Winfrey en présence de l’actrice. Celle-ci eut des difficultés à cacher son malaise, confiant qu’elle ne l’avait en réalité jamais vue à l’écran. Cela n’empêcha pas Meryl Streep d’être récompensée d’un Oscar de la meilleure actrice, son deuxième après Kramer contre Kramer. Le film fut également nommé pour l’Oscar du meilleur scénario, des meilleurs costumes, de la meilleure photographie et de la meilleure bande originale.
TROIS FILMS A RETENIR
Actrice et chanteuse américaine, née le 22 juin 1949 à Summit (New Jersey)
Considérée par beaucoup comme une « actrice modèle ». Elle fait partie des meilleures actrices de sa génération pour sa capacité à s’effacer derrière ses personnages, l’extrême justesse de son jeu, la richesse de son registre et la densité émotionnelle de ses compositions. Elle a été à ce titre maintes fois reconnue par ses pairs. Elle est l’une des comédiennes les plus récompensées du cinéma anglophone, comptabilisant 3 Oscars dont 2 pour le titre de « Meilleure actrice », de 9 Golden Globes, 2 BAFTA et plus d’une vingtaine de nominations pour différentes récompenses américaines et internationales. Elle est l’interprète la plus nommée de l’histoire des Oscars, hommes et femmes confondus, avec 21 sélections dont 17 pour le titre de « Meilleure actrice ». Il en est de même pour les Golden Globes où elle cumule 30 nominations. Depuis les années 2000, elle est considérée comme la « reine des comédies musicales », titre que lui a par ailleurs attribué le magazine Los Angeles Times. En effet, cette dernière a joué dans un peu plus de 8 longs-métrages musicaux. Parmi eux on peut citer ses deux collaborations marquantes avec Rob Marshall, dont le film Into the Woods // Promenons-nous dans les bois, qui lui vaudra une nomination à l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle, en 2014. Ou encore ses performances dans le film Mamma Mia ! Au cinéma, à la télévision et au théâtre, elle a interprété de nombreux rôles marquants, notamment dans Kramer contre Kramer en 1979, où elle est l’ex-épouse de Dustin Hoffman, prestation pour laquelle elle obtient son premier Oscar, celui de la meilleure actrice de second rôle en 1980. Elle joue ensuite le double rôle d’une femme amoureuse dans La Maîtresse du lieutenant français (1981) où elle donne la réplique à Jeremy Irons, une femme instable, meurtrie, et brisée par l’expérience des camps de la mort durant la Seconde Guerre mondiale dans Le Choix de Sophie prestation qui lui vaut l’Oscar de la meilleure actrice en 1983, ou encore l’écrivaine danoise Karen Blixen dans Out of Africa (1985) aux côtés de Robert Redford. Ses autres films mémorables incluent Le Mystère Silkwood (1983), dans lequel elle apparaît sous les traits d’une employée d’usine de traitement nucléaire enquêtant sur les agissements de sa direction. Pour son rôle de mère accusée d’infanticide dans Un cri dans la nuit, elle est primée à Cannes en 1989. Elle incarne également une femme au foyer désemparée par la passion qu’elle porte à un photographe solitaire dans Sur la route de Madison (1995) de et avec Clint Eastwood, ainsi qu’une éditrice lesbienne s’interrogeant sur le bonheur dans The Hours (2002) aux côtés de Nicole Kidman et Julianne Moore. Elle s’est essayée à la comédie avec Le diable s’habille en Prada. En 2012, elle gagne un troisième Oscar, son second dans la catégorie Meilleure actrice, pour son interprétation de Margaret Thatcher dans La Dame de fer.